SECTION VII
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ENOÏCHION
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ENOCH
L'histoire de l'évolution du Mythe Satanique ne serait pas complète si nous omettions de noter le mystérieux et Cosmopolite Enoch, diversement dénommé Enos, Hanoch, et enfin, par les Grecs, Enoïchion. C'est de son livre que furent tirées, par les premiers auteurs chrétiens, les premières notions concernant les Anges Déchus.
On déclare le Livre, d'Enoch apocryphe, mais qu'est-ce qu'un apocryphe ? L'étymologie même de ce mot indique que c'est simplement un livre secret, c'est-à-dire un livre appartenant au catalogue des librairies des temples, placées sous la garde des Hiérophantes et des Prêtres Initiés et nullement destiné aux profanes. Apocryphon vient du verbe crypto (κρύπτω) cacher". Durant des siècles, l'Enoïchion, le Livre du Voyant, était conservé dans la "cité des lettres" et des ouvrages secrets – l'antique Kirjath-Sepher, plus tard le Débir 208.
208 Voyez Josué, XV, 15.
209 Sourât XIX.
Certains auteurs que ce sujet intéressait – surtout des Maçons – ont cherché à identifier Enoch avec Thoth de Memphis, avec l'Hermès Grec et même avec le Mercure Latin. En tant qu'individus, tous ceux-ci sont distincts les uns des autres ; au point de vue professionnel – si l'on peut se servir de cette expression, dont le sens est aujourd'hui si limité – tous appartiennent à la même catégorie d'auteurs sacrés, d'Initiateurs et de Conservateurs de l'Antique Sagesse Occulte. Ceux auxquels on donne, [IV 104] dans le Coran 209, le nom générique d'Edris, ou de "savants", les Initiés, portaient en Egypte le nom de Thoth, l'inventeur des Arts, des Sciences de l'écriture ou des lettres, de la Musique et de l'Astronomie. Chez les Juifs, Edris devint "Enoch" qui, d'après Bar Hébraeus, "fut le premier inventeur de l'écriture", des livres, des Arts et des Sciences, le premier qui coordonna en un système les mouvements des planètes 210. En Grèce, il était appelé Orphée et changeait ainsi de nom dans chaque nation. Comme le nombre sept se rattachait à chacun de ces Initiateurs 211 primitifs, de même que 365, le nombre de jours de l'année astronomique, il identifiait la mission, le caractère et la fonction sacrée de tous ces hommes, mais certainement pas leurs personnalités. Enoch est le septième Patriarche ; Orphée est le possesseur du Phorminx, la lyre aux sept cordes, qui n'est autre que le septuple mystère de l'Initiation. Thoth, portant sur sa tête le Disque Solaire (les 365 degrés) et saute au dehors à chaque quatrième année (ou saut) pour un jour. Enfin, Toth-Lunus est le Dieu septénaire des sept jours de la semaine. Au point de vue Esotérique et Spirituel, Enoïchion veut dire "le Voyant de l'Œil Ouvert".
Le récit fait par Josèphe, au sujet d'Enoch et d'après lequel il aurait caché ses précieux Rouleaux ou Livres sous les piliers de Mercure ou Seth, est le même que celui qui est fait au sujet d'Hermès, le "Père de la Sagesse" qui cacha ses Livres de Sagesse sous un pilier, puis, ayant découvert, les deux piliers de pierre, trouva la Science écrite dessus. Pourtant Josèphe, malgré ses efforts constants pour assurer à Israël une glorification imméritée et bien qu'il attribue à cette Science (de Sagesse) à l'Enoch Juif – écrit de l'histoire. Il représente ces piliers comme existant encore à son époque 212. Il nous dit qu'ils furent édifiés par Seth et il se peut qu'ils l'aient été, seulement ce ne fut ni par le Patriarche de ce nom, le fils d'Adam selon la fable, ni par le Dieu Egyptien de la Sagesse – Teth, Set, Thoth, Tat, Sat (le Satan postérieur), ou Hermès, qui ne font qu'un à eux tous mais par les "Fils du Dieu Serpent", ou, "Fils du Dragon", noms sous lesquels étaient connus les Hiérophantes de l'Egypte et de Babylone, avant le Déluge, comme le furent leurs ancêtres, les Atlantéens. [IV 105]
210 Voyez le Royal Masonic Cyclopœdia de Mackenzie, sub voce "Enoch".
211 Khanoch, ou Hanoch, ou ésotériquement, Enoch, veut dire "Initiateur" et "Instructeur" de même qu'Enos, le "Fils de l'Homme". (Voyez la Genèse, IV, 26.)
212 De Mirville, Pneumatologie, III, 70.
Aussi ce que nous dit Josèphe, en laissant de côté l'emploi que l'on en a fait, doit être allégoriquement vrai. D'après sa version, les deux fameux piliers étaient entièrement recouverts d'hiéroglyphes qui, après leur découverte, furent copiés et reproduits dans les coins les plus secrets des Temples inférieurs de l'Egypte et devinrent ainsi la source de la Sagesse et de son savoir exceptionnel. Ces deux "piliers" sont toutefois les prototypes des deux "tables de pierre" taillées par Moïse sur l'ordre du "Seigneur". Aussi, lorsqu'il dit que tous les grands Adeptes et Mystiques de l'Antiquité – tels qu'Orphée, Hésiode, Pythagore et Platon – tirèrent les éléments de leur Théologie de ces hiéroglyphes, il a raison, dans un certain sens et tort dans un autre. La Doctrine Secrète nous enseigne que les Arts, les Sciences, la Théologie et, tout spécialement, la Philosophie de toutes les nations qui précédèrent le dernier Déluge universellement connu, mais non pas universel, avaient été transmis idéographiquement et tirés des traditions orales primitives de la Quatrième Race et que c'était là l'héritage transmis à cette dernière par la Troisième Race-Mère, avant la chute allégorique. Il s'ensuit que les piliers Egyptiens, les tablettes et même la "pierre blanche de porphyre oriental" de la légende maçonnique – qu'Enoch, dans la crainte que les réels et précieux secrets ne fussent perdus, cacha, avant le Déluge, dans les entrailles de la Terre – n'étaient que les copies, plus ou moins symboliques et allégoriques, des Traditions primitives. Le Livre d'Enoch est une de ces copies, et, en outre, un précis Chaldéen, aujourd'hui très incomplet. Comme nous l'avons déjà dit, Enoïchion veut dire, en grec, l' "Œil interne" ou le Voyant ; en Hébreu, avec l'aide des points Massorétiques, il veut dire "Initiateur" et "Instructeur" (רונה). Enoch est un titre générique, et de plus, sa légende est celle de plusieurs autres prophètes, Juifs et Païens, avec quelques changements de détails, mais le fond est le même. Elie est aussi transporté "vivant" dans le Ciel et l'astrologue de la Cour d'Isdubar, le Chaldéen Héa- bani, est aussi enlevé jusqu'au Ciel par le Dieu Héa, qui était son patron, comme Jéhovah était celui d'Elie, dont le nom veut dire en hébreu "Dieu- Jah", Jéhovah (םילא) 213, de même que celui d'Elihu, qui a le même sens. Ce genre de mort facile, ou euthanasia, a une signification Esotérique. Il symbolise la "mort" de tout Adepte qui a atteint la puissance et le degré, ainsi que la purification, qui lui permettent de "mourir" dans le corps physique et de continuer à vivre d'une vie consciente dans son [IV 106] corps astral. Les variations sur ce thème sont innombrables, mais le sens occulte est toujours le même. La phrase de Paul 214, "qu'il ne verrait pas la mort" (ut non videret mortem), renferme donc un sens Esotérique, mais rien de surnaturel. Les interprétations tronquées de quelques allusions bibliques, d'après lesquelles Enoch, "dont les années égaleront celles du monde" (de l'année solaire de 365 jours), partagera avec le Christ et le Prophète Elie les honneurs de la béatitude du dernier Avent et de la destruction de l'Antéchrist 215 – signifie, ésotériquement, que quelques-uns des Grands adeptes reviendront durant la Septième Race, lorsque toutes les Erreurs seront dissipées et que l'avènement de la Vérité sera proclamé par ces Shishta, les saints "Fils de la Lumière".
L'Eglise Latine ne se montre pas toujours logique, ni prudente. Elle déclare que le Livre d'Enoch est apocryphe et va jusqu'à prétendre, par l'organe du Cardinal Cajetan et d'autres Lumières de l'Eglise, qu'il faut écarter du Canon le Livre même de Jude, qui, en sa qualité d'apôtre inspiré, cite et, par conséquent, sanctifie le Livre d'Enoch, que l'on tient pour une œuvre apocryphe. Heureusement, quelques dogmatiques s'aperçurent à temps du danger. S'ils avaient accepté la proposition de Cajetan, ils eussent été forcés d'écarter en même temps le Quatrième Evangile, attendu que saint Jean emprunte littéralement à Enoch et met une phrase entière de lui dans la bouche de Jésus 216 !
Ludolph, le "père de la littérature Ethiopienne", chargé d'étudier les divers manuscrits Enochiens offerts par le voyageur Pereisc à la Bibliothèque Mazarine, déclara "qu'aucun Livre d'Enoch ne pouvait exister chez les Abyssiniens !" Comme tout le monde le sait, des recherches et des découvertes ultérieures ont mis à néant cette assertion par trop dogmatique. Bruce et Ruppel découvrirent le Livre d'Enoch en Abyssinie et, mieux encore, l'apportèrent quelques années après en Europe, où il fut traduit par l'Evêque Laurence. Mais Bruce le méprisa et tourna en dérision son contenu, comme le firent tous les autres savants. Il déclara que c'était un ouvrage Gnostique, traitant de l'Epoque des Géants qui dévoraient les hommes – et ressemblant à l'Apocalypse. Des géants ! Encore un conte de fées !
215 De Mirville, ibid., p. 71.
216 Comparez avec l'incident des "Voleurs et des Larons". (sec. IV).
217 De Mirville, ibid., p. 73.
Telle ne fut cependant pas l'opinion de tous les critiques de [IV 107] valeur. Le Docteur Hanneberg classe le Livre dEnoch 217 ainsi que le troisième livre des Macchabées 218 – en tête de la liste des ouvrages dont l'autorité se rapproche le plus de celle des ouvrages canoniques.
En vérité, "le ou les docteurs sont en désaccord !…"
Comme toujours, néanmoins, ils ont tous raison et ils ont tous tort. Considérer Enoch comme un personnage biblique, comme une personne vivante équivaudrait à considérer Adam comme le premier homme. Enoch était un nom générique donné à des vingtaines d'individus, à toutes les époques et dans toutes les races et nations. On peut en arriver facilement à cette conclusion en se basant sur le fait que les anciens Talmudistes et les professeurs de Midrashim ne sont généralement pas d'accord dans leurs opinions au sujet de Hanokh, le fils de Yered. Les uns disent qu'Enoch était un grand Saint, ami de Dieu et "transporté vivant dans le Ciel", c'est- à-dire un être ayant atteint Moukti ou le Nirvâna, sur la Terre, comme Bouddha l'atteignit et comme d'autres l'atteignent encore ; les autres soutiennent que c'était un sorcier, un magicien pervers. Ceci prouve simplement que le nom "Enoch", ou son équivalent, était, même à l'époque des derniers Talmudistes, un terme qui signifiait "Voyant", "Adepte de la Sagesse Secrète", etc., sans aucune indication du caractère de celui qui portait ce titre. Josèphe, parlant d'Elie et d'Enoch 219, fait remarquer que :
On lit dans les ouvrages sacrés qu'ils (Elie et Enoch) disparurent, mais sans que personne sût qu'ils fussent morts.
Ceci veut simplement dire qu'ils étaient morts dans leurs personnalités, comme les Yogis meurent jusqu'à présent aux Indes, ou même comme meurent certains moines chrétiens – pour le monde. Ils disparaissent aux yeux des hommes et meurent – sur le plan terrestre – même en ce qui les concerne. C'est apparemment une façon de parler, mais elle est littéralement vraie.
218 Ibid., p. 76.
219 Antiquités. IX, 2.
220 Chap. VIII.
"Hanoch transmit à Noé la science des calculs (astronomiques) et de la computation des saisons", dit le Midrash Pirkah 220 ; R. Eléazar, rapporte à Enoch ce que d'autres rapportent à Hermès Trismégiste, car les deux sont identiques dans leur sens Esotérique. Dans ce cas "Hanokh" et sa "Sagesse", [IV 108] appartiennent au cycle de la Quatrième Race Atlantéenne 221 et Noé à celui de la Cinquième 222. Tous deux représentent alors les Races-Mères, la Race actuelle et celle qui l'a précédée. Dans un autre sens, Enoch disparut, "il marcha avec Dieu et il ne fut plus, parce que Dieu le prit" ; allégorie se rapportant à la disparition, parmi les hommes, du Savoir Sacré et Secret ; parce que "Dieu" (ou Java-Aleim – les Grands Hiérophantes, les Chefs des Collèges de Prêtres Initiés) 223 le prit ; en d'autres termes, les Enochs ou les Enoïchions, les Voyants avec leur Savoir et leur Sagesse, devinrent strictement confinés dans les Sacrés Collèges des Prophètes pour les Juifs et dans les Temples, pour les Gentils.
Interprété à l'aide de la simple clef symbolique, Enoch est le type de la double nature de l'homme – spirituel et physique. Il occupe par suite le centre de la Croix Astronomique, comme la donne Eliphas Lévi en la tirant d'un ouvrage occulte ; croix qui est une Etoile à Six pointes, l' "Adonaï". Dans l'angle supérieur du Triangle supérieur, se trouve l'Aigle ; dans l'angle inférieur de gauche se trouve le Lion ; dans le Droit, le Taureau ; tandis qu'entre le Taureau et le Lion, au-dessus d'eux et au-dessous de l'Aigle, se trouve la face d'Enoch ou de l'Homme 224. Or, les figures du Triangle supérieur représentent les Quatre Races, en omettant la Première, les Châyâs ou ombres et le "Fils de l'Homme", Enos ou Enoch, est au centre, où il se tient entre la Quatrième et la Cinquième Race, car il représente la Sagesse Secrète des deux. Ce sont les quatre Animaux d'Ezéchiel et de la Révélation. Ce double Triangle en face duquel se trouve, dans Isis Dévoilée, l'Ardhanâri Hindou, est de beaucoup le meilleur. Dans le dernier, en effet, ne sont symbolisées que les trois Races historiques (pour nous) ; la Troisième, la Race Androgyne, par Ardha- nâri ; la Quatrième, symbolisée par le Lion robuste et puissant et la Cinquième, la Race Aryenne, par ce qui est jusqu'à présent son symbole le plus sacré, le Taureau (et la Vache).
221 Le Zohar dit : "Hanoch avait un livre qui ne faisait qu'un avec le Livre de la Génération d'Adam ; ceci est le Mystère "de la Sagesse".
222 Noé est l'héritier de la Sagesse d'Enoch ; en d'autres termes la Cinquième Race est l'héritière de la Quatrième.
223 Voyez Isis Dévoilée, II, 398 et seqq.
224 Voyez la gravure dans Isis Dévoilée, IV, 141.
Un homme d'une grande érudition, un savant Français, M. de Sacy, relève, dans le Livre dEnoch 225, plusieurs déclarations [IV 109] très singulières, "dignes de l'examen le plus sérieux", dit-il. Par exemple :
L'auteur (Enoch) fait constater l'année solaire en 364 jours et paraît avoir connaissance de périodes de trois, cinq et de huit ans, suivies par quatre jours supplémentaires, qui, dans son système, semblent être ceux des équinoxes et des solstices.
Il ajoute à cela un peu plus loin :
Je ne vois qu'un moyen de les pallier (ces "absurdités") ; c'est de supposer que l'auteur expose un système, fantaisiste qui peut avoir existé avant que l'ordre de la Nature n'eût été altéré à l'époque du Déluge Universel 226.
Précisément, et la Doctrine Secrète enseigne que cet "ordre de la nature" a été altéré de cette façon, ainsi que la série des humanités de la Terre. En effet, comme l'ange Uriel le dit à Enoch Vois, je t'ai montré toutes choses, ô Enoch, et je t'ai révélé toutes choses. Tu vois le soleil, la lune et ceux qui conduisent les étoiles du ciel, qui provoquent toutes leurs opérations, leurs saisons et leurs départs pour revenir ensuite. Aux époques des pécheurs les années seront raccourcies... la lune changera ses lois... 227.
225 voyez la critique de Sacy par Daniélo, dans les Annales Philosophiques, p. 393, deuxième article.
226 De Mirville, ibid., pp. 77, 78.
227 Ch. LXXIX. Trad, de Laurence.
A ces époques aussi, bien des années avant le Grand Déluge qui emporta les Atlantéens et changea la face de toute la Terre (parce que "la Terre(ou son axe) s'inclina"), la Nature, aux points de vue géologique, astronomique et cosmique en général, n'aurait pas pu être la même, précisément parce que la Terre s'était inclinée. Citons Enoch :
Et Noé s'écria d'une voix amère. Ecoute-moi ; écoute- moi ; écoute-moi ; trois fois. Et il dit... La Terre travaille et elle est violemment secouée. Sûrement, je périrai avec elle 228.
Ceci, soit dit en passant, ressemble à une des nombreuses "contradictions" que l'on rencontre dans la Biblesi elle est prise littéralement. En effet, c'est, tout au moins, une crainte très étrange de la part d'un être qui avait "trouvé grâce aux yeux du Seigneur" et auquel il avait été prescrit de construire une Arche ! Ici, au contraire, nous voyons le vénérable [IV 110] Patriarche manifester autant de terreur que s'il avait été un des Géants condamnés par la Divinité irritée, au lieu d'être un "ami" de Dieu. La Terre s'était déjà inclinée et le déluge des eaux n'était plus qu'une question de temps et pourtant Noé ne semblait rien savoir de son salut projeté.
Un décret avait été promulgué en vérité ; le décret de la Nature et de la Loi d'Evolution, ordonnant que la Terre changerait sa Race et que la Quatrième Race serait détruite pour faire place à une race meilleure. Le Manvantara avait atteint son point tournant de trois Rondes et demie et la gigantesque Humanité physique avait atteint le plus haut, degré de matérialité grossière. De là le verset apocalyptique qui fait mention d'un commandement ordonnant sa destruction, ordonnant "que sa fin soit accomplie" – la fin de la Race.
Car ils connaissaient (vraiment) tous les secrets des anges, tous les pouvoirs oppresseurs et secrets des Satans et tous les pouvoirs de ceux qui se rendent coupables de sorcellerie, ainsi que de ceux qui fabriquent des images fondues sur toute la Terre 229.
228 Ibid. – chap. IV-IX.
229 Ibid., toc. cit., V, 6.
Et maintenant une question naturelle se pose. Qui avait pu renseigner l'auteur apocryphe de cette puissante vision – peu importe l'époque qu'on lui assigne avant celle de Galilée – indiquant que l'axe de la Terre pouvait occasionnellement s'incliner ? D'où aurait-il tiré de pareilles connaissances astronomiques et géologiques, si la Sagesse Secrète, à la source de laquelle avaient bu les anciens Richis et Pythagore, n'était qu'une, fantaisie, une invention des époques postérieures ? Enoch aurait-il, par hasard, lu prophétiquement les lignes suivantes dans l'ouvrage de Frédéric Klée sur le Déluge :
La position du globe terrestre, par rapport au soleil, a évidemment été, dans les temps primitifs, différente de ce qu'elle est maintenant et cette différence doit avoir eu pour cause un déplacement de l'axe de rotation de la Terre.
Ceci rappelle la déclaration anti-scientifique faite par les prêtres égyptiens à Hérodote ; à savoir que le Soleil ne s'était pas toujours levé là où il se lève maintenant et que dans les temps jadis, l'écliptique avait coupé l'équateur à angles droits 230. [IV 111]
Il y a un grand nombre de ces "dires obscurs" éparpillés dans les Pourânas, la Bibleet autres Mythologies et, pour les Occultistes, ils divulguent deux faits : a) que les Anciens connaissaient l'Astronomie, la Géodésie et la Cosmographie aussi bien et peut-être mieux que les modernes et (b) que la manière d'être du Globe s'est modifiée plus d'une fois depuis l'état primitif des choses. Ainsi Xénophane sur la foi aveugle de son "ignorante" religion, qui enseignait que Phaéton, dans son désir d'apprendre la vérité cachée, avait fait dévier le Soleil de sa route habituelle – déclare quelque part que "le Soleil se tourna vers une autre contrée", ce qui est un pendant – légèrement plus scientifique, toutefois, sinon aussi audacieux – au récit de Josué arrêtant tout à fait la marche du Soleil. Cette déclaration peut cependant expliquer l'enseignement de la Mythologie Septentrionale, suivant lequel, avant l'ordre actuel des choses, le Soleil se levait au Sud et la Zone Glaciale (Jéruskoven) se trouvait à l'Est, tandis que maintenant, elle se trouve au Nord 231.
230 Bailly. Astronomie ancienne, Liv. VI. § 11. p. 166 et, "Eclaircissements", § 14, p. 405 ; de Mirville, ibid., p. 79.
231 De Mirville, ibid., p. 80.
Bref, le Livre d'Enoch est un résumé, un composé des traits principaux de l'histoire des Troisième, Quatrième et Cinquième Races ; renfermant très peu de prophéties se rapportant à l'époque actuelle du monde ; un long sommaire prophétique, rétrospectif et introspectif, d'événements universels et tout à fait historiques – géologiques, ethnologiques, astronomiques et psychiques – avec une couche de Théogonie tirée des archives antédiluviennes. Le Livre de ce mystérieux personnage est abondamment cité dans Pistis Sophia, ainsi que dans le Zohar et dans ses plus antiques Midrashim. Origène et Clément d'Alexandrie le tenaient en haute estime. Prétendre que c'est une œuvre fabriquée durant l'époque Post-Chrétienne, est donc une véritable absurdité ; c'est se rendre coupable d'un anachronisme, car Origène, entre autres, qui vivait au deuxième siècle de l'ère chrétienne, en parle comme d'un ouvrage antique et vénérable. Le secret du Nom sacré et sa puissance sont bien et clairement décrits quoique d'une façon allégorique, dans l'antique volume. Du dix-huitième au cinquantième chapitre, les Visions d'Enoch sont toutes des descriptions des Mystères de l'Initiation, dont l'un est la Vallée Ardente des "Anges Déchus".
Saint Augustin avait peut-être tout à fait raison de dire que l'Eglise repoussait le Livre d'Enoch de son canon, en raison de sa trop grande antiquité (ob nimiam antiquitatem) 232. Les [IV 112] événements qui étaient racontés ne trouvaient pas place dans les limites des 4.004 ans avant Jésus- Christ assignés au monde depuis sa "création" !
232 Cité de Dieu, XV, XXIII.