MAITRE M

Les Enseignements du Maitre MORYA

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LA DOCTRINE SECRETE VOL 4

SECTION II - LES ANCETRES QUE LA SCIENCE OFFRE A L'HOMME

SECTION II

LES ANCETRES QUE LA SCIENCE OFFRE A L'HOMME

 

La question des questions pour l'humanité – le problème qui sert de base à tous les autres et qui est plus profondément intéressant que tous les autres – c'est la détermination de la place que l'homme occupe dans la nature et de ses rapports avec l'univers des choses 549.

Le monde est divisé aujourd'hui et hésite entre les Ancêtres Divins – que ce soient Adam et Eve ou les Pitris Lunaires – et le Bathybius Haeckelii, l'ermite gélatineux des abîmes amers. Ayant expliqué la théorie Occulte, nous pouvons la comparer maintenant à celle du Matérialisme Moderne. Le lecteur est prié de choisir entre les deux après les avoir jugées d'après leurs mérites respectifs.

Nous pouvons nous consoler un peu du rejet de nos Ancêtres Divins, en constatant que les spéculations de Haeckel ne sont pas mieux accueillies que les nôtres par la Science strictement exacte. La Phyllogenèse de Haeckel n'est pas moins tournée en dérision par les ennemis de sa fantastique évolution et, par d'autres Savants plus grands, que ne le seront nos Races primordiales. Nous pouvons aisément croire du Bois-Reymond, lorsqu'il dit que :

Les arbres ancestraux de notre race, décrits dans le Schöpfungsgeschichte ont à peu près la même valeur que les généalogies des héros d'Homère, aux yeux de l'historien critique.

Ceci posé, tout le monde constatera qu'une hypothèse vaut l'autre. Et comme nous voyons Haeckel confesser lui-même que ni la Géologie, dans son histoire du passé, ni l'histoire ancestrale des organismes, "ne s'élèveront jamais au rang de sciences exactes" 550, cela laisse une grande marge à la Science Occulte pour faire ses annotations et loger ses protestations.  Il  reste  au  monde  à  choisir  entre  les  enseignements de Paracelse, le "père de la chimie moderne" et ceux de Haeckel, le "père du mythique Sozura". Nous ne demandons pas davantage. [IV 266]

Sans avoir la prétention de prendre part à la querelle qui divise d'aussi savants naturalistes que du Bois-Reymond et Haeckel, à propos de nos rapports consanguins avec Les ancêtres (les nôtres) qui se sont élevés des classes unicellulaires, Vers, Acraniens, Poissons, Amphibies, Reptiles, jusqu'aux oiseaux, nous pouvons poser une ou deux brèves questions, pour l'édification de nos lecteurs. Profitant de l'occasion et nous souvenant des théories de Darwin sur la Sélection Naturelle, etc., nous demanderons à la Science – au sujet de l'origine des espèces humaines et animales – quelle est celle des deux théories de l'évolution décrites ci-dessous, qui est la plus scientifique, ou la moins anti-scientifique, si l'on préfère.

Est-ce celle d'une Evolution qui commence, dès le début, avec la propagation sexuelle ?

Ou est-ce l'enseignement qui expose le développement graduel des organes ; leur solidification et la procréation de chaque espèce, d'abord par une simple et facile séparation en deux, ou même en plusieurs individus ; ensuite un nouveau développement – premier pas vers une espèce comprenant des sexes distincts et séparés – l'état hermaphrodite ; puis encore une sorte de parthénogenèse, de "reproduction vierge" lorsque les cellules des œufs sont formées dans le corps, en sortent sous forme d'émanations atomiques et atteignent leur maturité au  dehors ; puis enfin, après une complète séparation des sexes, les êtres humains commencent à procréer à l'aide de rapports sexuels ?

De ces deux, la première "théorie" – ou plutôt "révélation" – est énoncée dans toutes les Bibles exotériques, sauf les Pouranas, et particulièrement dans la Cosmogonie Juive. La seconde est celle qui est enseignée par la Philosophie Occulte, ainsi que nous l'avons expliqué.

 On trouve une réponse à notre question dans un volume qui vient d'être publié par M. Samuel Laing – le laïque qui expose le mieux la Science Moderne551. Dans le chapitre VIII du plus récent de ses ouvrages, A Modern Zoroastrian, l'auteur commence par reprocher "à toutes les anciennes religions et philosophies d'attribuer à leurs dieux un principe mâle et un principe femelle". Tout d'abord il dit :

La distinction entre les sexes semble aussi fondamentale qu'entre la plante et l'animal... L'Esprit de Dieu s'étendant au-dessus du Chaos [IV 267] et produisant le  monde n'est qu'une édition postérieure, revue d'après les idées monothéistes, de la légende bien plus ancienne des Chaldéens, qui décrit la Création du Cosmos au sein du Chaos, grâce à la coopération de puissants Dieux, mâles et femelles... Ainsi, dans la religion  chrétienne orthodoxe, on nous apprend à répéter "engendré, non pas fait", phrase complètement absurde, véritable non-sens – c'est un exemple de l'emploi de mots semblables à des fausses notes, qui ne répondent à aucune idée solide. En effet, a "engendré" est un terme très précis, qui implique la conjonction de deux sexes opposés en vue de produire un nouvel individu 552.

549 T. Huxley, Man's Place in Nature, p. 57.

550 Op. cit., "The Proofs of Evolution, p. 273.

 551 Auteur de Modern Science and Modern Thought.

552 Op. cit., pp. 102, 103.

 

Bien que nous soyons d'accord avec le savant auteur au sujet de l'inopportunité de l'emploi de mots erronés et du terrible élément anthropomorphique et phallique des antiques Ecritures – surtout dans la Bible Chrétienne orthodoxe – le cas peut comporter deux circonstances atténuantes. D'abord, toutes ces "antiques philosophies", et "religions modernes" sont – comme nous l'avons suffisamment démontré dans ces volumes – un voile exotérique jeté sur la face de la Vérité Esotérique et – résultat direct de ceci – elles sont allégoriques, c'est-à-dire mythologiques dans la forme, mais elles sont néanmoins immensément plus philosophiques dans leur essence que toutes les nouvelles théories soi- disant scientifiques. Ensuite, depuis la Théogonie Orphique jusqu'à la dernière révision du Pentateuque par Ezra, toutes les antiques Ecritures, ayant  à  l'origine  tiré  leurs  faits  de  l'Orient,  ont  subi  de constantes altérations par le fait des amis et des ennemis, au point qu'il ne reste de la version originale que le nom, qu'une coque vide d'où l'esprit a été graduellement éliminé.

Ceci seul devrait suffire à prouver qu'aucun ouvrage religieux existant aujourd'hui ne peut être compris sans l'aide de la Sagesse Antique, fondation primitive sur laquelle ils reposent tous.

Mais revenons à la réponse directe à notre question directe, que nous attendons de la Science. Elle est donnée par le même auteur, lorsque poursuivant le cours de Ses pensées au sujet de l'evhémérisation anti- scientifique des pouvoirs de la Nature dans les anciennes religions, il lance contre elles un verdict de condamnation dans les termes suivants :

La Science commet toutefois une grossière erreur en ayant l'impression que la génération sexuelle est le mode original et le seul mode de reproduction, car le microscope et le scalpel du matérialiste nous dévoilent des Mondes de vie nouveaux et absolument imprévus (?). [IV 268]

Si "imprévus" vraiment, que les "modes de reproduction", originaux sans sexes, doivent avoir été connus des anciens Hindous, au moins – en dépit de l'assertion contraire de M. Laing. En présence de l'exposé de la Vishnou Pourâna, que nous avons cité ailleurs et d'après lequel Daksha "n'établit les rapports sexuels comme moyens de multiplication" qu'après une série d'autres "modes" qui sont tous énumérés, il devient difficile de nier ce fait. De plus, notez bien que cette assertion se rencontre dans un ouvrage exotérique. M. Laing poursuit ensuite en nous disant que :

Une très grande proportion des formes vivantes, au point de vue du nombre au moins, si ce n'est au point de vue de la taille, ont débuté dans l'existence sans l'aide de la propagation sexuelle.

Il cite alors la Monère de Haeckel "se multipliant par auto-division". L'auteur nous montre la phase suivante dans la cellule nucléée, "qui fait exactement la même chose". La phase suivante est celle :

Dans laquelle l'organisme ne se divise pas en  deux parties égales, mais une faible portion de cet organisme s'enfle... puis finit par se détacher et par inaugurer une existence séparée, au cours de laquelle il atteint la taille. de l'organisme d'où il sort, en vertu de la faculté qui lui est inhérente de fabriquer du protoplasme nouveau qu'il tire des matériaux inorganiques ambiants 553.

Vient ensuite un organisme à cellules multiples qui est formé par :

Des Germes-bourgeons réduits à l'état de spores, ou de cellules simples, qui sont émises par l'ascendant... Nous touchons maintenant à ce système de propagation sexuelle qui est devenu (aujourd'hui) la règle dans toutes les familles d'animaux supérieurs. Cet organisme, possédant des avantages dans la lutte pour la vie, s'établit d'une façon permanente... et des organes spéciaux se développèrent pour répondre à la modification des conditions. A la longue, il s'établit ainsi une distinction complète entre l'organe femelle, ou ovaire, renfermant l'œuf ou la cellule primitive du sein de laquelle le nouvel être devait se développer et l'organe mâle fournissant la spore ou cellule qui fertilise... Ceci est confirmé par l'étude de l'embryologie, qui démontre que chez les humains et les animaux supérieurs la distinction du sexe n'est développée qu'après que la croissance de [IV 269] l'embryon a fait de considérables progrès... Chez la grande majorité des plantes et chez quelques-unes des familles d'animaux inférieurs... les organes mâle et femelle sont développés chez le même être et c'est ce que l'on appelle les hermaphrodites. Une autre forme transitoire est constituée par la Parthénogenèse, ou reproduction vierge, dans laquelle des cellules-germes, apparemment semblables à tous égards aux cellules des œufs, se développent dans de nouveaux individus, sans le concours d'aucun élément fructifiant 554.

 553 Op. cit., p. 204. En ceci, comme nous l'avons démontré dans la Première partie, la Science Moderne a été devancée par la Science Archaïque et bien au-delà de ses propres spéculations.

554 Ibid., pp. 104-105.

 

Tout ceci nous est parfaitement connu et nous savons aussi que ce qui précède ne fut jamais appliqué au genus homo, par le très savant vulgarisateur anglais des théories de Huxley et de Haeckel. Il limite ceci aux fragments de protoplasme, aux plantes, aux abeilles, aux escargots, et ainsi de suite. Mais s'il voulait se montrer fidèle à la théorie de la descente, il lui faudrait se montrer aussi fidèle à la genèse des êtres, chez lesquels, nous dit-on, la loi bio-génétique fondamentale est la suivante :

Le développement de l'embryon (ontogenèse) est une répétition condensée et abrégée de l'évolution de la race (phyllogenèse). Cette répétition est d'autant plus complète, que le véritable ordre originel de l'évolution (palingenèse) a été conservé par une hérédité continue.

D'autre part, cette répétition est d'autant moins complète, que le faux développement postérieur (cænogenèse) a été obtenu au moyen d'adaptations variées 555.

555 Anthrop., 3ème édition, p.11.

 

Ceci nous prouve que toutes les créatures vivantes et toutes les choses qui sont sur la Terre, y compris l'homme, ont évolué du sein d'une forme primordiale commune. L'homme physique doit avoir passé, en ce qui concerne les divers modes de procréation, par les mêmes phases du processus évolutionnaire que les autres animaux ; il doit s'être divisé ; puis l'hermaphrodite doit avoir donné naissance d'une façon parthénogénique (d'après le principe immaculé) à ses petits ; la phase suivante a dû être celle des ovipares – d'abord "sans aucun élément fertilisant", puis "avec l'aide du spore fertilisant", et ce n'est qu'après l'évolution finale  et définitive des deux sexes, qu'il a dû devenir "un mâle et une femelle" distincts, lorsque la reproduction par l'union sexuelle fut devenue la loi universelle. Jusqu'à ce point, tout est scientifiquement prouvé. Il ne reste plus qu'une chose à déterminer : à savoir, le processus simple, et décrit d'une façon compréhensible, de cette  reproduction  anti-sexuelle.  Ceci [IV 270] est fait dans les livres Occultes, dont l'auteur a tenté de donner une légère esquisse dans le tome III de cet ouvrage.

Il doit en être ainsi, ou bien – l'homme est un être distinct. La Philosophie Occulte peut le qualifier ainsi, à cause de sa nature clairement double. La Science ne saurait faire de même, puisqu'elle repousse toute intervention, sauf celle des lois mécaniques, et n'admet aucun principe en dehors de la Matière. La première – la Science Archaïque – admet que la charpente humaine physique a passé par toutes les formes, de la plus basse à la plus haute, sa forme actuelle, ou du simple au complexe – pour employer les termes consacrés. Mais elle prétend que dans ce cycle, le quatrième, la charpente avant déjà existé parmi les types et les modèles de la Nature des Rondes précédentes – elle était toute prête pour l'homme dès le début de cette Ronde 556. Il suffisait à la Monade de s'introduire dans le Corps Astral des Progéniteurs, pour que l'œuvre de consolidation physique commençât autour du vague prototype 557.

Que répondra à cela la Science ? Elle répondrait, bien entendu, que l'homme ayant fait son apparition sur la Terre comme le dernier des mammifères, il n'avait nullement besoin, pas plus que ces mammifères, de passer par toutes les phases primitives de procréation, décrites ci-dessus. Son mode de reproduction [IV 271] était déjà établi sur la Terre lorsqu'il y fit son apparition. Dans ce cas, nous pourrions répondre : Puisque jusqu'à présent on n'a pas encore découvert la moindre trace d'un chaînon reliant l'homme et l'animal, il en résulte (si l'on doit repousser la Doctrine Occulte) qu'il doit avoir apparu miraculeusement dans la Nature, comme Minerve armée de pied en cap jaillit du cerveau de Jupiter et, dans ce cas, la Biblea raison, en même temps que d'autres "révélations" nationales. Il en résulte que le dédain scientifique, dont l'auteur de A Modern Zoroastrian fait preuve envers les philosophies et les  croyances exotériques de l'antiquité, est prématuré et injustifié et la découverte d'un fossile ressemblant à un "chaînon manquant" n'arrangerait nullement les choses, car ni un pareil spécimen isolé, ni les déductions scientifiques que l'on en tirerait, ne pourraient nous rendre sûrs que ce serait la relique si longtemps cherchée, c'est-à-dire celle d'un homme non développé, mais pourtant jadis doué de la parole. Il faudrait quelque chose de plus pour constituer une preuve définitive. En outre, la Genèseelle-même ne prend l'homme, son Adam de poussière, qu'au point où la Doctrine Secrète laisse ses "Fils de Dieu et de la Sagesse" et choisit l'homme physique de la Troisième Race. Eve n'est pas "enfantée", mais extraite du corps d'Adam à la façon de "l'Amœbe A" qui se contracte en son milieu et se sépare en Amœbe B par division 558.

556 Les Théosophes n'oublieront pas que, d'après l'enseignement Occulte, ce que l'on appelle les Pralayas cycliques ne sont que des "obscurations", des périodes durant lesquelles la Nature, c'est-à- dire toutes les choses visibles et invisibles qui se trouvent sur une Planète en repos – restent dans le statu quo. La Nature se repose et sommeille, aucun travail de destruction ne s'opère sur le Globe, même si aucun travail actif ne s'opère. Toutes les formes, de même que leurs types astraux, restent dans l'état où elles se trouvaient au dernier moment de son activité. La "Nuit" d'une Planète n'est guère précédée d'un crépuscule. Celle-ci est saisie, comme le serait un colossal mammouth par une avalanche, et demeure somnolente et gelée jusqu'à l'aurore de son nouveau Jour – jour bien court en vérité, si on le compare au Jour de Brahma.

557 Ceci sera tourné en dérision parce que nos Savants modernes ne le comprendront pas, mais tous les Occultistes et Théosophes se rendront facilement compte du processus. Aucune forme objective ne peut exister sur la Terre, ni même dans l'Univers, sans que son prototype astral n'ait d'abord été formé dans l'Espace. Depuis Phidias jusqu'au plus humble ouvrier dans l'art de la céramique, tout sculpteur a dû commencer par créer un modèle dans son mental, puis par l'esquisser suivant des dimensions déterminées. Et ce n'est qu'ensuite qu'il pouvait se reproduire suivant un personnage objectif à trois dimensions. Et si le mental humain fournit une démonstration vivante de ces phases successives du processus de l'Evolution, comment pourrait-il en être autrement lorsqu'il s'agit du Mental de la Nature et de ses pouvoirs créateurs ?

 558 Voyez A Modern Zoroastrian, p. 103.

559 "Darwinian Theory" dans Pedigree of Man, p. 22. V. L'Origine de l'Homme.

 

Le langage humain ne s'est pas non plus développé avec, pour point de départ, les divers sons animaux. La théorie de Haeckel, d'après laquelle "le langage eut pour point de départ un certain nombre de sons animaux simples et grossiers", attendu que "ce genre de langage subsiste encore parmi quelques races du niveau le plus bas" 559, est absolument erronée, ainsi que le déclare, entre autres, le professeur Max Müller. Il soutient qu'aucune explication plausible n'a encore été fournie au sujet de la façon suivant laquelle les "racines" du langage prirent naissance. Un cerveau humain est nécessaire au langage humain et les chiffres qui représentent les dimensions respectives du cerveau de l'homme et de celui du singe, prouvent combien est profond le gouffre, qui sépare les deux. Vogt dit que le cerveau du plus grand singe, du gorille, ne cube pas plus de 30 pouces 51 centièmes, tandis que le cerveau moyen des aborigènes australiens à têtes plates – la plus inférieure des races [IV 272] humaines actuelles – atteint 99 pouces cubes et 35 centièmes ! Les chiffres sont des témoins embarrassants et ne peuvent mentir. Aussi, comme le fait observer avec raison le docteur F. Pfaff, dont les prémisses sont aussi justes et correctes que ses conclusions bibliques sont sottes :

 Le cerveau des singes qui ressemblent le plus à l'homme n'atteint pas même le tiers du cerveau de la plus inférieure des races humaines ; il n'atteint pas la moitié du volume du cerveau d'un enfant nouveau-né 560.

Il est facile de constater par ce qui précède qu'afin d'établir le bien- fondé des théories de Huxley et de Haeckel au sujet de la souche d'où descend l'homme, ce n'est pas un, mais plusieurs "chaînons manquants" – une véritable échelle de phases évolutives progressives – qu'il faudrait que la Science découvrît et présentât à l'humanité qui pense et qui raisonne, avant que celle-ci n'en vînt à abandonner sa croyance à l'existence des Dieux et de l'Ame immortelle, pour adopter le culte d'ancêtres quadrumanes. De simples mythes sont accueillis maintenant comme des "vérités démontrées". Alfred Russel Wallace, lui-même, soutient avec Haeckel que l'homme primitif fut une créature simienne privée du don de la parole. Le professeur Joly répond à cela :

L'homme, à mon avis, ne fut jamais le Pithecanthropus alalus dont Haeckel a tracé le portrait, comme s'il l'avait vu et connu ; dont il a même donné la singulière et absolument hypothétique généalogie, en partant de la simple masse de protoplasme vivant, pour arriver à l'homme jouissant de la parole et d'une civilisation analogue à celle des Australiens et des Papous 561.

Haeckel, entre autres choses, se trouve souvent en conflit direct avec la "science des langues". Au cours  de  son  attaque  contre l'Evolutionnisme 562, le professeur Max Müller stigmatise la doctrine de Darwin en déclarant qu'elle est "vulnérable d'un bout à l'autre". Le fait est que, seule, la vérité partielle d'un grand nombre de "lois" secondaires de Darwin, est hors de doute – car M. de Quatrefages accepte évidemment la sélection naturelle, la lutte pour l'existence  et  la  transformation parmi [IV 273] les espèces comme prouvées, non pas définitivement et une fois pour  toutes,  mais  simplement  pro  tempore.  Il  ne  serait  peut-être pas mauvais de condenser la théorie du langage contre la théorie de "l'ancêtre simiesque" :

Les langues ont leurs phases de croissance, etc., comme toute chose dans la Nature. Il est presque certain que les grandes familles des langues passent par trois phases :

  1. Tous les mots sont des racines et sont simplement juxtaposés (Langues radicales).
  2. Une racine détermine l'autre et devient un simple élément déterminant (Langues agglutinantes).
  3. L'élément déterminant (dont la signification déterminante s'est effacée depuis longtemps) s'unit avec l'élément constituant pour former un tout (Langues flexionnelles).

560 The Age and Origin of Man.

561  Man before Metals, p. 320. "International Scientific Series". V. L'Homme avant les métaux.

(Bibliothèque scientifique internationale, Paris, F. Alcan.)

562 Mr. Darwin's Philosophy of Language, 1873.

 

Le problème qui se pose est donc celui-ci : D'où viennent ces racines ? Le professeur Max Müller prétend que l'existence de ces matériaux tout faits du langage est une preuve que l'homme ne peut être le couronnement d'une longue série organique. Cette potentialité de former des racines  est la grande difficulté que les Matérialistes évitent presque invariablement.

Von Hartmann explique cela par une manifestation de l' "Inconscient" et en admet la puissance contre l'Athéisme mécanique. Hartmann est un bel échantillon du Métaphysicien et de l'Idéaliste de l'époque actuelle.

Les Evolutionnistes non-panthéistes n'ont jamais affronté cet argument. Le fait de dire, avec Schmidt : "En vérité, il faut nous arrêter avant l'origine du langage !" est un aveu de dogmatisme et de prompte défaite 563.

Nous éprouvons du respect pour les Savants, sages de leur époque, qui disent : Comme le passé préhistorique est absolument hors de portée de nos facultés d'observation directe, nous sommes trop honnêtes, trop fidèles à la vérité – ou à ce que nous considérons comme la vérité – pour spéculer sur l'inconnu et pour offrir nos théories sans preuves en même temps que les faits qui sont absolument établis par la Science Moderne.

 563 Cf. sa Descendance et Darwinisme.

 

Il est préférable d'abandonner la frontière des connaissances (métaphysiques) au temps, qui est la meilleure épreuve de la vérité 564.

Voilà une phrase sage et honnête dans la bouche d'un Matérialiste ; [IV 274] mais, lorsqu'un Haeckel, aussitôt après avoir dit que "les événements historiques du passé" s'étant "produits il y a bien des millions d'années 565… sont à jamais à l'abri de l'observation directe" et que ni la Géologie, ni la Phylogénie 566 ne pourront ou ne voudront "s'élever au rang de réelles sciences exactes", insiste sur le développement de tous les organismes – "depuis les vertébrés les plus inférieurs jusqu'aux  plus élevés, depuis l'amphioxus jusqu'à, l'homme" – nous réclamons une preuve ayant plus de poids que celle qu'il peut fournir. De simples "sources empiriques de savoir", si exaltées par l'auteur de l'Anthropogénie  – lorsqu'il lui faut se contenter de cette qualification pour ses propres opinions – ne suffisent pas pour résoudre des problèmes dépassant les limites de leur domaine et il n'appartient pas à la Science exacte d'avoir la moindre confiance en elles 567. Si elles sont "empiriques" – et Haeckel le déclare lui-même maintes fois – elles ne sont ni meilleures, ni plus dignes de foi, au point de vue des recherches exactes, lorsqu'on les fait remonter jusqu'au lointain passé, que ne le sont nos enseignements Occultes de l'Orient, car les deux doivent être placés sur le même niveau. Ses spéculations phylogénétiques et palingénétiques ne sont pas mieux traitées [IV 275] par les vrais Savants que ne le sont nos répétitions cycliques de l'évolution des grandes races dans les petites et l'ordre originel de l'Evolution. En effet, le devoir de la Science exacte, réelle, si matérialiste qu'elle soit, consiste à éviter soigneusement tout ce qui ressemble à une conjecture, à une spéculation qui ne peut pas être vérifiée ; bref, toute suppressio veri et toute suggestio falsi. Le travail des hommes adonnés aux sciences exactes est d'observer, chacun dans la branche qu'il a choisie, les phénomènes de la Nature ; de noter, de cataloguer, de comparer et de classer les faits, jusqu'aux plus petits détails qui se présentent à l'observation des sens, avec le secours de tout le mécanisme parfait que fournit l'invention moderne et non à l'aide d'envolées métaphysiques de leurs imaginations. Tout ce qu'ils ont légitimement le droit de faire, c'est de corriger à l'aide d'instruments physiques les défauts ou les illusions de leur propre vue grossière, de leurs facultés auditives et de leurs autres gens. Ils n'ont pas le droit de franchir les limites du domaine de la Métaphysique et de la Psychologie. Leur devoir est de vérifier et de rectifier tous les faits qui se présentent à leur observation directe ; de profiter des expériences et des erreurs du Passé en cherchant à retracer l'action d'un enchaînement de causes et d'effets, qui – mais seulement en raison de sa répétition constante et invariable – peut être qualifié de Loi. Voici ce que l'on attend des Savants qui voudraient devenir les instructeurs des hommes, tout en demeurant fidèles à leur programme originel de Sciences naturelles ou physiques. En dehors de cette route royale, tout chemin latéral aboutit à la spéculation.

564 A modern Zoroastrian, p. 136.

565 On constate ainsi que dans son anxiété de prouver notre noble descendance du "babouin" catarhinien, l'école de Haeckel a reculé de millions d'années l'époque de l'homme préhistorique. (Voyez Pedigree of, Man, p. 273.) Occultistes, remerciez la Science de corroborer ainsi nos affirmations !

566 C'est un piètre compliment à faire à la Géologie, qui n'est pas une science spéculative, mais une science aussi exacte que l'Astronomie – à part, peut-être, ses spéculations chronologiques trop risquées. C'est principalement une Science "descriptive", par opposition à une Science "abstraite".

567 Les mots nouveaux, comme "périgenèse des plastides", "âmes plastidules" ! et autres moins beaux inventés par Haeckel, peuvent être très savants et très corrects en tant qu'ils expriment d'une façon très claire les idées auxquelles sa propre imagination donne naissance, mais en tant que faits, ils restent, pour ses collègues à l'imagination moins vive, purement cænogénétiques –  pour employer sa propre terminologie. C'est-à-dire que pour la vraie Science ce ne sont que des spéculations fausses, tant qu'on les puise à des "sources empiriques". Aussi, lorsqu'il cherche à prouver que "l'origine de l'homme du sein d'autres mammifères, et surtout des singes catarhiniens, est une loi déductive qui découle nécessairement de la loi inductive de la théorie de la descendance" (Anthropogeny, p. 392, cité dans Pedigree of Man, p. 295) – ses non moins savants adversaires (du Bois-Reymond – entre autres) ont le droit de considérer cette phrase comme un simple jeu de mots, un "testimonium Paupértatis de la Science Naturelle" – comme il s'en plaint lui-même, lorsqu'il parle à son tour de la "stupéfiante ignorance" de du Bois-Reymond (Voyez Pedigree of Man, notes des pp. 295, 296).

 

Au lieu de s'en tenir à cela, que font tant de soi-disant Savants de nos jours ? Ils font irruption dans le domaine de la Métaphysique pure, tout en s'en moquant. Ils affectionnent les conclusions hardies et les appellent "une loi déductive tirée d'une loi inductive" d'une théorie basée sur sa propre conscience, des profondeurs de laquelle elle est tirée – conscience qui est pervertie et saturée par un matérialisme exclusif. Ils cherchent à  expliquer l' "origine" des choses qui ne sont encore renfermées que dans leurs propres conceptions. Ils attaquent des croyances spirituelles et des traditions religieuses vieilles de milliers d'années et condamnent tout, sauf leurs propres marottes, comme étant de la superstition. Ils suggèrent des théories   de   l'Univers,   une   cosmogonie développée par les forces mécaniques aveugles de la Nature seule, qui est bien plus miraculeuse et impossible même qu'une cosmogonie basée sur la supposition du fiat lux ex nihilo – et ils cherchent à étonner le monde par leurs étranges théories ; [IV 276] et comme l'on sait que cette théorie émane d'un cerveau scientifique, on l'accepte avec une foi aveugle, comme très scientifique, comme un produit de la Science.

Sont-ce là les adversaires que l'Occultisme devrait redouter ? Certainement non. En effet, ces théories ne sont pas mieux traitées par la vraie Science que ne le sont les nôtres par la science empirique. Haeckel, blessé dans sa vanité par du Bois-Reymond, n'est jamais las de se plaindre publiquement de l'attaque à laquelle s'est livré ce dernier contre sa fantastique théorie de descendance. Chantant les louanges "de la si riche collection de preuves empiriques", il traite d'ignorants les "Physiologistes reconnus" qui combattent chacune des spéculations qu'il tire de cette "collection" et déclare que :

Si beaucoup d'hommes – et même quelques Savants renommés – prétendent que toute la phylogénie n'est qu'un château dans les airs et l'arbre généalogique (en partant des singes ?) une fantaisie creuse, ils ne font, en parlant de la sorte, que démontrer leur ignorance au sujet du trésor de sources empiriques de savoir auquel il a déjà été fait allusion 568.

Ouvrons le dictionnaire de Webster et lisons la définition qu'il donne du mot "empirique" :

Dépendant seulement de l'expérience ou de l'observation, sans égards pour la science et pour les théories modernes.

Ceci s'applique aux Occultistes, Spirites, Mystiques, etc. Ensuite :

Empirique : celui qui se borne à appliquer les résultats de ses propres observations (ce qui est le cas d'Haeckel) ; quelqu'un manquant de science... un ignorant, un homme qui pratique : sans diplôme ; un marchand d'orviétan ; un charlatan.

Aucun Occultiste ou "Magicien" n'a jamais été gratifié de pires épithètes. Pourtant l'Occultiste garde ses propres positions métaphysiques et ne cherche pas à classer son savoir. Le fruit de ses observations et de son expérience personnelle, au nombre des Sciences exactes modernes. Il demeure dans sa sphère légitime, où il est le maître. Mais que penser d'un Matérialiste grossier, [IV 277] auquel son devoir est, clairement tracé et qui s'exprime en ces termes :

L'origine de l'homme depuis d'autres mammifères et particulièrement les singes catarhiniens, est une loi déductive, qui découle nécessairement de la loi d'induction de la Théorie de la Descendance 569.

568  Pedigree of Man, (p. 273. (Voir trad. franç. Anthropogénie ou Histoire de l'Evolution humaine. Paris, Reinwald,)

 569 Anthropogeny, p. 392, cité dans Pedigree of Man, p. 295.

 

Une "théorie" n'est qu'une simple hypothèse, une spéculation et non pas une loi. Dire le contraire, est une des nombreuses libertés que la Science prend de nos jours. On énonce une absurdité, puis on l'abrite sous le bouclier de la Science. Une déduction tirée d'une spéculation théorique n'est autre qu'une spéculation sur une spéculation. Sir William Hamilton a déjà démontré que le mot théorie est maintenant employé

Dans un sens très vague et mal à propos... que l'on peut le transformer en hypothèse et que le mot hypothèse est communément employé comme une autre forme de conjecture, tandis que les mots "théorie" et "théorique" seraient employés à propos comme opposés aux mots usage et pratique.

Mais la Science Moderne jette un voile sur cette dernière affirmation et se moque de l'idée. Les Philosophes Matérialistes et les Idéalistes de l'Europe et de l'Amérique peuvent être d'accord avec les Evolutionnistes au sujet de l'origine physique de l'homme, mais celle-ci ne deviendra jamais une vérité générale aux yeux du véritable Métaphysicien qui défie les Matérialistes de prouver leurs affirmations arbitraires. Il est très facile de démontrer que le thème de la théorie-simiesque 570 de Vogt et de [IV 278] Darwin, sur lequel les partisans de Huxley et de Haeckel ont récemment composé de si extraordinaires variations, est infiniment moins scientifique que l'on ne saurait représenter le nôtre – parce qu'il est en opposition avec les lois fondamentales de ce thème lui-même. Le lecteur n'a qu'à se reporter à l'excellent ouvrage l'Espèce Humaine (Paris, Germer-Baillière, 1879) du grand naturaliste français de Quatrefages et il vérifiera de suite ce que nous disons.

De plus, aucun homme, à moins d'être un grossier Matérialiste, n'hésitera entre l'enseignement Esotérique qui traite de  l'origine de l'homme et les spéculations de Darwin. Voici la description que donne M. Darwin des "premiers progéniteurs de l'homme" :

"Ils ont dû être, jadis, couverts de poils et les deux sexes devaient avoir de la barbe ; leurs oreilles étaient probablement pointues et susceptibles de se mouvoir et leurs corps étaient probablement pourvus d'une queue possédant les muscles appropriés. Leurs membres  et leurs corps étaient soumis à l'action de nombreux muscles, qui ne reparaissent aujourd'hui qu'occasionnellement, mais qui sont normalement présents chez les Quadrumanes... Le pied était alors préhensible, à en juger par l'état du gros orteil chez le fœtus et sans doute nos progéniteurs avaient l'habitude de vivre au milieu des arbres et fréquentaient une contrée chaude couverte de forêts. Les mâles avaient de grandes dents canines dont ils se servaient comme d'armes formidables." 571

570 La barrière mentale qui sépare l'homme du singe et que Huxley appelait "une énorme lacune, une distance pratiquement incommensurable" ! est vraiment concluante à elle seule. Elle constitue certainement une énigme Permanente pour le Matérialiste qui s'appuie sur le frêle roseau de la "sélection naturelle". Les différences physiologiques entre l'homme et le singe sont réellement frappantes aussi – en dépit de la curieuse similitude de certains traits. Le docteur Schweinfurth, un des plus prudents et des plus expérimentés parmis les Naturalistes, s'exprime ainsi :

"En ces temps modernes, aucun des animaux de la création n'a plus attiré l'attention des savants qui étudient la nature, que ne l'ont fait ces grands quadrumanes (les anthropoïdes) qui se rapprochent si singulièrement de la forme humaine, qu'ils ont mérité l'épithète d'anthropomorphes... Mais, jusqu'à présent, toutes les investigations n'ont abouti qu'à faire confesser à l'intelligence humaine son insuffisance et nulle part la prudence ne saurait être plus recommandée, nulle part un jugement prématuré ne saurait être plus blâmé, que lorsqu'il s'agit de jeter un pont sur l'abîme qui sépare l'homme de la bête." (Heart of Africa, I, 250, éd. de 1873.)

571 The Descent of Man, p. 160, éd. (de 1888. [Voir trad. franç. La Descendance de l'homme, Paris, Reinwald.] Un ridicule exemple de contradictions évolutionnistes est fourni par Schmidt (Descendance et Darwinisme, trad. franç., p. 260). Il dit : "La parenté simiesque de l'homme n'est donc nullement mise en question par la forme bestiale de la mâchoire de l'Orang ou du Gorille adulte..." M. Darwin, au contraire, dote son être fabuleux de dents dont il se sert comme d'armés.

 

Darwin rattache l'homme au type des catarhiniens pourvus de queues, Et, par suite, le fait reculer d'un degré sur l'échelle de l'évolution. Le naturaliste anglais ne se contente pas de prendre pied sur le terrain de ses propres doctrines et, comme Haeckel, se place ici en contradiction directe avec une des lois fondamentales qui constituent le charme principal du darwinisme. [Quatrefages, L'Espèce Humaine. p. 78.]

Le savant naturaliste français entreprend ensuite de démontrer comment cette loi fondamentale est violée. Il dit :

En fait, dans la théorie de Darwin, les transmutations n'ont lieu, [IV 279] ni au hasard, ni dans toutes les directions. Elles sont gouvernées par certaines lois qu'entraîne l'organisation elle-même. Une fois l'organisme modifié dans un sens donné, il peut subir des transformations, secondaires ou tertiaires, mais n'en conserve pas moins à jamais l'empreinte du type originel. C'est la loi de caractérisation permanente qui, seule, permet à Darwin d'expliquer la filiation des groupes, leurs caractéristiques et leurs rapports multiples. C'est en vertu de cette loi que tous les descendants du premier mollusque ont été des mollusques ; que tous, les descendants du premier vertébré ont été des vertébrés. On voit qu'elle constitue un des fondements de leur doctrine. Il s'ensuit que deux êtres appartenant à deux types distincts peuvent avoir un ancêtre commun, mais qu'ils ne peuvent descendre l'un de l'autre.

Or, il existe un contraste très accusé entre l'homme et les singez au point de vue du type. Leurs organes... correspondent presque exactement les uns aux autres, mais ces organes sont disposés d'après un plan très différent. Chez l'homme ils sont coordonnés de façon à en faire nécessairement un marcheur, tandis que chez le singe, ils exigent que celui-ci soit un grimpeur... Il y a là une distinction anatomique et mécanique... Un simple coup d'œil sur la page où Huxley a représenté, côte à côte, un squelette humain et les squelettes des singes les plus élevés, fournit une preuve suffisante  et convaincante.

La conséquence de ces faits, au point de vue de l'application logique de la loi de caractérisation permanente, c'est que l'homme ne peut descendre d'un ancêtre qui est déjà caractérisé comme un singe, pas plus d'un singe catarhinien, sans queue, que d'un catarhinien pourvu d'une queue. Un animal marcheur ne peut descendre d'un grimpeur. Ceci fut  clairement compris par Vogt.

En classant l'homme parmi les primates, il n'hésite pas à déclarer que les singes les plus inférieurs ont dépassé la ligne de démarcation (l'ancêtre commun), d'où les différents types de cette famille tirent leur origine et à partir de laquelle ils ont divergé [Cet ancêtre des singes, la Science Occulte le voit dans le groupe humain le plus inférieur de la période atlantéenne, comme nous l'avons dit plus haut]. Il nous faut donc faire remonter l'origine de l'homme au-delà du dernier singe (ce qui corrobore notre doctrine), si nous voulons conserver une des lois les plus impérieusement nécessaire à la doctrine darwiniste. Nous arrivons alors aux prosimiens de Haeckel, le loris, l'indris, etc., mais ces animaux sont aussi des grimpeurs et nous devons par suite aller plus loin, à la recherche de notre premier ancêtre direct.  Mais la généalogie de Haeckel nous amène de ces derniers aux marsupiaux. De l'homme au kangourou, la distance est assurément grande. Or, rien dans la faune vivante ou passée ne laisse voir les types intermédiaires qui, devraient servir de points de repère. Cette difficulté embarrasse Darwin fort peu 572. Nous savons qu'il considère l'absence de renseignements, [IV 280] sur les questions de ce genre comme une preuve en sa faveur. Haeckel est à coup sûr aussi peu embarrassé. Il admet l'existence d'un homme pithécoïde absolument théorique...

Ainsi, puisqu'il a été prouvé, d'après le Darwinisme même, que l'on doit faire remonter l'origine de l'homme au delà du dix-huitième degré et puisqu'il devient, par suite, nécessaire de combler la lacune entre les marsupiaux et l'homme, Haeckel consentira-t-il à admettre l'existence de quatre groupes intermédiaires inconnus, au lieu d'un ?

Consentira-t-il à compléter ainsi la généalogie ? Il ne m'appartient pas de répondre à cette question 573.

Consultez cependant dans The Pedigree of Man la fameuse généalogie de Haeckel, qu'il appelle la "Série Ancestrale de l'Homme". Dans la "Seconde Division" (dix-huitième degré), il décrit :

Les Prosimiens, alliés aux Loris (Sténops) et aux Makis (Lémur), sans os marsupiaux et sans cloaque, avec placenta 574.

572 Suivant, même, un co-penseur, le professeur Schmidt, Darwin, a imaginé un portrait certainement peu flatteur, et peut-être incorrect en bien des points, de nos ancêtres présumés, au moment de l'aurore de l'humanité" (Descendance et Darwinisme, p. 253).

573 L'Espèce Humaine,) P. 80.

574 Op. cit., p. 17.

575 P. 80.

 

Reportez-vous maintenant à l'Espèce Humaine 575 de Quatrefages et étudiez les preuves, basées sur les plus récentes découvertes, qu'il donne pour établir que les Prosimiens d'Haeckel sont dépourvus de membrane caduque et ont un placenta diffus. Ils ne peuvent être les ancêtres des singes et encore moins de l'homme, suivant une loi fondamentale établie par Darwin lui-même, comme le démontre le grand naturaliste français. Mais cela n'effraie pas le moins du monde les partisans de la "théorie animale", car les contradictions et les paradoxes constituent l'âme même du darwinisme moderne. Exemple : M. Huxley ayant prouvé lui-même, à l'époque de l'homme fossile et du "chaînon manquant", que : Ni à l'époque Quaternaire, ni à l'époque actuelle, aucun intermédiaire ne comble la lacune qui sépare l'homme du Troglodyte ; et que le fait "de nier l'existence de cette lacune serait aussi répréhensible qu'absurde", ce grand Savant dément ses propres paroles in actu en soutenant avec tout le poids de son autorité scientifique, cette théorie "absurde" entre toute la descendance de l'homme d'un singe ! [IV 281]

De Quatrefages dit : Cette généalogie est erronée d'un bout à l'autre et elle est basée sur une erreur matérielle.

En effet, Haeckel base sa descendance de l'homme sur le dix-septième et le dix-huitième degré, les Marsupiaux et les Prosimiens – (genus Haeckelii ?). Il applique ce dernier terme aux Lémuridés – dont il fait ainsi des animaux à placenta – et commet par suite une erreur zoologique. En effet, après avoir divisé lui-même les mammifères en deux groupes, suivant leurs différences anatomiques – les indéciduates, dépourvus de membrane caduque (ou membrane spéciale qui unit les placentas) et les déciduales qui possèdent cette membrane – il comprend les Prosimiens dans ce dernier groupe. Or, nous avons dit ailleurs ce que d'autres Savants en pensaient. Comme le dit de Quatrefages :

Les recherches anatomiques de Milne Edwards et de Grandidier au sujet des animaux... ne permet pas de mettre en doute que les Prosimiens de Haeckel soient dépourvus de membranes caduques et possèdent un placenta diffus. Ce sont des indéciduates.  Loin de pouvoir les considérer être les ancêtres des  singes, d'après les principes établis par Haeckel lui-même, ils ne peuvent même pas être considérés comme les ancêtres des mammifères zono-placentaires... et devraient être rattachés aux Ongulés, aux Edentés et aux Cétacés 576.

576 Op. cit., p. 80.

 

Et il y a pourtant des gens qui prennent les inventions de Haeckel pour de la Science exacte !

L'erreur ci-dessus, si toutefois cela en est une, n'est même pas mentionnée dans le Pedigree of Man de Haeckel, traduit par Ave-Jing. Si l'on peut avancer pour excuse qu'à l'époque où les fameuses "généalogies" furent établies, "l'embryogenèse des Prosimiens n'était pas connue", elle est maintenant familière. Nous verrons si cette importante erreur sera rectifiée dans la prochaine édition de la traduction d'Aveling, ou bien si les dix-septième et dix-huitième degrés resteront tels qu'ils sont pour aveugler le profane, comme constituant un des véritables chaînons intermédiaires. Mais, comme le fait observer le naturaliste français :

Leur procédé (celui de Darwin et de Haeckel)  est toujours le même et consiste à considérer l'inconnu comme une preuve en faveur de leur théorie. [IV 282]

Cela aboutit à ceci. Accordez à l'homme un Esprit et une Ame immortels ; dotez la création tout entière, animée et inanimée, du principe monadique qui évolue graduellement de la polarité latente et passive, à la polarité active et positive – Haeckel ne saura plus sur qui s'appuyer quoi qu'en puissent dire ses admirateurs.

Il y a cependant d'importantes divergences, même entre Darwin et Haeckel. Alors que le premier nous fait descendre des  catarhiniens pourvus de queues, Haeckel va chercher notre hypothétique ancêtre parmi les singes sans queues, bien qu'il le place, en même temps, dans une "phase" hypothétique précédant immédiatement celle-ci – les Ménocerques pourvus de queues (dix-neuvième degré).

Néanmoins, nous possédons une idée en commun avec l'école de Darwin : c'est la loi d'évolution graduelle et extrêmement lente, qui embrasse nombre de millions d'années. Le principal point de discordance semble résider dans la nature de l' "ancêtre" primitif. On nous dira que le Dhyan Chohan, ou "progéniteur" de Manou, est un être hypothétique inconnu sur le plan physique. Nous répondrons que toute l'Antiquité y croyait et que les neuf dixièmes de l'humanité actuelle y croient encore, tandis que l'homme pithécoïde, ou homme singe, est non seulement une créature purement hypothétique créée par Haeckel, inconnue et introuvable sur cette terre, mais encore sa généalogie – telle qu'il l'a inventée – est en opposition avec les faits scientifiques et avec toutes les découvertes modernes de la Zoologie. C'est tout simplement absurde, même à titre de fiction. Ainsi que de Quatrefages le démontre en quelques mots, Haeckel "admet l'existence d'un homme pithécoïde absolument théorique" – cent fois plus difficile à accepter qu'un ancêtre Déva quelconque. Et ce n'est pas seulement dans ce cas qu'il procède ainsi, afin de compléter sa table généalogique. De fait, c'est lui-même qui admet très naïvement ses propres inventions. N'avoue-t-il pas la non-existence de son Sozura (quatorzième degré) – une créature absolument inconnue de la Science – en confessant, sous sa propre signature, que : La preuve de son existence découle de la nécessité d'un type intermédiaire entre le treizième degré et le quatorzième !

S'il en est ainsi, nous pouvons soutenir avec autant de raison, au point de vue scientifique, que la preuve de l'existence de nos trois Races éthérées et de nos hommes à trois yeux des Troisième et Quatrième Races-Mères, "découle aussi de la nécessité [IV 283] d'un type intermédiaire" entre les animaux et les Dieux. Quelle raison les partisans de Haeckel auraient-ils de protester dans ce cas spécial ?

Il y a, bien entendu, une réponse toute prête : Parce que nous n'admettons pas la présence de l'Essence Monadique. La manifestation du Logos, sous forme de conscience individuelle, dans la création animale et humaine, n'est pas acceptée par la Science exacte et ne répond pas non plus à toutes les objections, mais les échecs de la Science et ses affirmations arbitraires sont, en somme, bien plus graves que n'importe quelle "extravagante" doctrine Esotérique ne saurait l'être 577. Certains penseurs de l'école de von Hartmann ont même été atteints par l'épidémie générale. Ils acceptent (plus ou moins) l'Anthropologie de Darwin, bien qu'ils représentent l'Ego individuel comme une manifestation de l'Inconscient (la forme Occidentale du Logos, ou Pensée Divine Primordiale). Ils disent que l'évolution de l'homme physique a pour point de départ, l'animal, mais que le mental, dans ses phases multiples, est une chose complètement indépendante des faits matériels, bien que l'organisme, comme Oupadhi, soit nécessaire à sa manifestation.

577 Le système Esotérique de l'Evolution de la Quatrième Ronde est naturellement bien plus complexe que ne l'affirment catégoriquement le paragraphe et les citations, auxquels il est fait allusion. C'est pratiquement l'inverse – tant au point de vue des déductions embryologiques, qu'au point de vue de la succession des espèces dans le temps – de la conception Occidentale courante.

 Ames plastidulaires et cellules nerveuses conscientes On ne voit jamais la fin de ces merveilles avec Haeckel et son école, que les Occultistes et Les Théosophes ont le droit de considérer comme des vagabonds matérialistes, franchissant les limites d'un territoire métaphysique privé. Non contents de la paternité de Bathybius (Haeckelii), ils inventent maintenant les "âmes plastidulaires" et les "âmes-atomes" 578, sur la base [IV 284] de forces purement aveugles et mécaniques de la matière. On nous annonce que :

L'étude de l'évolution de l'âme-vie prouve qu'elle s'est frayé une route ascendante en partant des phases les plus inférieures de la simple âme-cellule et en passant par une étonnante série de phases graduelles d'évolution, pour atteindre l'âme de l'homme 579.

 578 Suivant Haeckel, il existe aussi des "âmes-cellules" et des "atomes-cellules". ; une "âme moléculaire inorganique" dépourvue de mémoire et une "âme plastidulaire" pourvue de mémoire. Que sont nos enseignements Esotériques auprès de cela ? L'âme divine et humaine des sept principes de l'homme doit, bien entendu, pâlir et s'effacer en présence d'une aussi stupéfiante révélation

579 The Pedigree of Man, p. 296.

 

"Etonnante", en vérité – cette spéculation fantasque, basée comme elle l'est sur la conscience des "cellules nerveuses". En effet, comme il nous le dit :

 Si peu que nous soyons, à l'époque actuelle, en état d'expliquer complètement la nature de la conscience 580, son observation comparative et génétique établit clairement que ce n'est qu'une fonction supérieure et plus complexe des cellules nerveuses 581.

Le rêve de M. Herbert Spencer sur la conscience – est terminé, semble-t-il, et peut désormais être emmagasiné sans danger dans le dortoir des spéculations tombées en désuétude. Où Haeckel aboutit-il, cependant, avec les "fonctions complexes" de ses "cellules nerveuses" scientifiques ? Une fois de plus, il aboutit droit aux enseignements Occultes et mystiques de la Cabaleau sujet de la descente des Ames, sous forme d'Atomes conscients et inconscients ; au milieu de la Monade Pythagoricienne, des Monades de Leibnitz et "des Dieux, des Monades et des Atomes" de notre enseignement Esotérique 582, au sens [IV 285] littéral, des enseignements Occultes, laissé aux Cabalistes amateurs et aux professeurs de Magie cérémonielle. Voici, en effet, comment il explique la terminologie qu'il a forgée :

 Ames-Plastidulaires. Les plastides ou molécules protoplasmiques, les plus petites parties homogènes du protoplasme, doivent, d'après notre théorie des  plastides, être considérées comme les facteurs actifs de toutes les fonctions vitales. L'âme plastidulaire diffère de l'âme moléculaire inorganique en ce qu'elle est pourvue de mémoire 583.

580 Voici un important aveu. Mais Il ne fait que rendre encore plus comique et empirique, dans le sens de la seconde définition de Webster, la tentative de retracer l'origine de la conscience dans l'homme et celle de son corps physique à partir du Bathybius Hæckelii.

581 Ibid.

582 Ceux qui professent l'opinion opposée et considèrent l'existence de l'Ame humaine, "comme un phénomène surnaturel, spirituel, provoqué par des forces tout à fait différentes des forces physiques ordinaires", se moquent, d'après Qui, "de toute explication simplement scientifique". Il semble qu'ils n'aient aucun droit d'affirmer que "la psychologie soit, en partie ou dans son entier une science spirituelle et non pas une science physique. La nouvelle découverte faite par Haeckel – et qui, soit dit en passant, est enseignée depuis des milliers d'années dans toutes les religions orientales – que les animaux ont des âmes, de la volonté et des sensations et, par suite, des fonctions de l'âme, l'amène à faire de la Psychologie la science des Zoologistes. L'enseignement archaïque – suivant lequel "l'âme" (les âmes animales et humaines, ou Kâma et Manas) "possède l'histoire de son développement" – est réclamé par Haeckel comme étant sa propre découverte et son innovation d'un sentier "vierge" (?) ! Lui, Haeckel, décrira l'évolution comparative de l'âme dans l'homme et dans les autres animaux. La morphologie comparative des organes de l'âme et la physiologie comparative des fonctions de l'âme, fondées toutes deux sur l'évolution, deviennent ainsi le problème psychologique (vraiment matérialiste) du savant. ("Cell-souls and Soul-cells, pp. 135, 136, 137, Pedigree of Man).

583 The Pedigree of Man, note 20, p. 296.

584 P. 119.

585 Voyez "Transmigration of Life Atoms" dans Five Years of Theosophy, pp. 533-589. L'agrégat collectif de ces atomes forme ainsi l'Anima Mundi de notre Système Solaire, l'Ame de notre petit Univers, dont chaque atome est, bien entendu, une âme, une Monade, un petit univers doué de conscience et, par suite, de mémoire (Vol. II, 3ème partie, "Dieux, Monades et Atomes").

 

Il développe cette idée dans sa mirifique conférence sur  "La Périgenèse des Plastides, ou les Mouvements Ondulatoires des Particules Vivantes". C'est un perfectionnement de la théorie de Darwin sur la "Pangenèse", et un nouveau pas, une prudente avance, vers la "Magie". Cette théorie, dit l'auteur de A Modern Zoroastrian 584, suppose que :

Quelques-uns des atomes mêmes qui formaient  une partie des corps de nos ancêtres sont ainsi transmis par leurs descendants, de génération en génération, de sorte que nous sommes littéralement "la chair de la chair" de la créature primordiale qui s'est développée en un homme.

De son côté l'Occultisme enseigne : a) Que les atomes vitaux de notre Principe-Vital (Prâna) ne sont jamais entièrement perdus lorsqu'un homme meurt. Que les atomes les mieux imprégnés du Principe-Vital, acteur conscient, indépendant et éternel, sont en partie transmis de père en fils par hérédité, et sont en partie réunis, une fois de plus, pour devenir le principe animant du nouveau corps durant chaque nouvelle incarnation des Monades. Parce que : b) de même que l'Ame Individuelle est toujours la même, il en est ainsi des atomes des principes inférieurs (le corps, son double astral ou vital, etc.) que l'affinité et la loi Karmique attirent toujours vers la même individualité, dans une série de corps différents 585. [IV 286]

Pour être justes et, tout au moins, logiques, nos modernes disciples de Haeckel devraient décider que désormais "La Périgenèse des Plastides" et autres conférences similaires seraient reliées avec celles qui traitent du "Bouddhisme Esotérique" et des "Sept Principes de l'Homme". De cette façon,  le  public  aurait  au  moins  l'occasion  de  comparer  les  deux enseignements et de décider lequel des deux est plus ou moins absurde, même au point de vue de la Science matérielle et exacte.

Or, les Occultistes, qui font remonter chaque atome de l'Univers, qu'il soit simple ou constitue un agrégat, à une Unique Unité, la Vie Universelle ; qui n'admettent pas qu'il y ait quoi que ce soit d'inorganique dans la Nature ; qui ignorent ce que l'on appelle Matière inerte – les Occultistes sont conséquents avec la doctrine de l'Esprit et de l'Ame, lorsqu'ils parlent de la mémoire qui existe dans chaque atome de volonté et de sensation. Mais que peut vouloir dire un Matérialiste en employant ce qualificatif ? La loi de Biogenèse, au sens que lui donnent les disciples de Haeckel, est le résultat de l'ignorance du Savant en ce qui concerne la Physique Occulte. Nous connaissons les "atomes-vitaux" et les "atomes- dormants" et nous en parlons, parce que nous considérons ces deux formes d'énergie – la forme cinétique et la forme potentielle – comme produites par une seule et même force, c'est-à-dire la Vie Unique, et que nous considérons cette dernière comme la source qui fait tout mouvoir : mais qu'est-ce qui fournit l'énergie et particulièrement la mémoire, aux "âmes- plastidulaires" de Haeckel ? Le "mouvement ondulatoire des particules vivantes" devient compréhensible en se basant sur la théorie d'une Vie Unique Spirituelle, d'un Principe Vital universel, indépendant de notre Matière et ne se manifestant que sous forme d'énergie atomique sur notre plan de conscience. C'est ceci qui, individualisé dans le cycle humain, est transmis de père en fils.

Or, Haeckel, modifiant la théorie de Darwin, suggère "d'une façon plus plausible", d'après l'auteur de A Modern Zoroastrian :

Que ce ne sont pas les atomes eux-mêmes, mais leurs mouvements particuliers et leur mode  d'agrégation qui ont été ainsi transmis (par hérédité) 586.

586 Op. cit., p. 119.

 

Si Haeckel, ou tout autre Savant, connaissait mieux la nature de l'atome, ce n'est pas de cette façon qu'il aurait cherché le progrès. Il se borne, en effet, à répéter la même chose, dans [IV 287] un langage plus métaphysique que celui de Darwin. Le Principe Vital ou Energie Vitale, qui est omniprésent, éternel et indestructible, est une force et un principe, en tant que noumène, tandis qu'il est représenté par les Atomes, en tant que phénomène. C'est une seule et même chose et il n'y a que le Matérialisme qui puisse la considérer comme séparée 587.

Plus loin, Haeckel énonce au sujet des Ames-Atomes des choses qui, à première vue, paraissent aussi occultes que la Monade de Leibnitz :

Les contestations récentes au sujet de la nature des atomes, que nous devons considérer, sous une forme ou sous une autre, comme les facteurs ultimes de tout processus physique et chimique, semblent pouvoir être réglées très aisément par la conception que ces masses infiniment petites possèdent, comme centres de forces, une âme persistante, que chaque atome possède la sensation et la faculté de se mouvoir 588.

587 Dans "The Transmigration of Life Atoms" (Five Years of Theosophy, p. 535), nous disons au sujet de Jiva, ou Principe Vital, pour mieux expliquer une question qui n'est que trop souvent mal interprétée : Il est omniprésent... bien que (souvent, sur notre plan de manifestation), dans un état léthargique (comme dans la pierre)... La définition d'après laquelle cette force indestructible, "lorsqu'elle est détachée d'un groupe d'atomes (il aurait fallu dire molécules), se trouve immédiatement attirée par d'autres", n'implique pas qu'elle abandonne entièrement les premiers (car les atomes eux-mêmes disparaîtraient dans ce cas), mais seulement qu'elle transfère sa vis viva, ou pouvoir vivant – énergie du mouvement – à un autre groupe. Mais, parce qu'elle se manifeste dans le groupe suivant sous la forme appelée énergie cinétique, il ne s'ensuit pas que le premier groupe en soit absolument dépourvu, car elle est toujours en Lui sous forme d'énergie potentielle ou de vie latente." Or, que peut vouloir dire Haeckel par "non pas les atomes eux-mêmes, mais leurs mouvements particuliers et leur mode d'agrégation", s'il ne s'agit pas de la même énergie cinétique que nous venons de décrire ? Avant d'inventer de pareilles théories, il doit avoir lu Paracelse et avoir étudié Five Years of Theosophy sans en avoir bien assimilé les enseignements.

588 Op. cit., note 21, p. 296.

589 Ibid., note 19.

 

Il ne dit pas un mot faisant ressortir que c'est là la théorie de Leibnitz et une théorie éminemment occulte. Il ne donne pas non plus au mot "âme" le même sens que nous ; en effet, pour Haeckel, elle n'est, ainsi que la conscience, que le produit de la matière grise du cerveau, et une chose qui, de même que l'âme-cellule, est aussi insolublement liée au corps protoplasmique, que l'âme humaine l'est au cerveau et à l'épine dorsale 589. [IV 288]

 Il repousse les conclusions de Kant, d'Herber Spencer, de du Bois- Reymond et de Tyndall. Ce dernier exprime l'opinion de tous les grands savants et de tous les plus grands penseurs, présents et passés, lorsqu'il dit que :

 Le passage de la physique du cerveau aux faits de conscience correspondants n'est pas admissible. Si notre mental et nos sens étaient assez... illuminés, pour nous permettre de voir et de sentir les molécules mêmes du cerveau ; si nous étions capables de suivre tous leurs mouvements, tous leurs groupements... leurs décharges électriques... nous serions aussi loin que jamais de la solution du problème... L'âme qui sépare les deux classes de phénomènes resterait encore infranchissable 590.

590 Ibid., note 23.

 

Mais la fonction complexe des cellules nerveuses du grand empirique allemand, ou, en d'autres termes, sa conscience, ne lui permet pas de s'associer aux conclusions des plus grands penseurs de notre globe. Il est plus grand qu'eux. Il affirme cela et proteste contre tous :

Personne n'a le droit de soutenir que dans l'avenir nous ne serons pas capables de franchir la limite de nos connaissances actuelles, qui nous paraissent aujourd'hui infranchissables

Et il tire de l'introduction de Darwin à The Descent of Man, la citation suivante, qu'il applique modestement à ses adversaires scientifiques et à lui-même :

Ce sont toujours ceux qui possèdent peu de savoir et non pas ceux qui en possèdent beaucoup, qui affirment d'une manière positive que tel ou tel problème ne sera jamais résolu par la Science.

Le monde peut se déclarer satisfait. Le jour n'est pas, loin où Haeckel "le trois fois grand" aura démontré, à son entière satisfaction, que la conscience de Sir Isaac Newton n'était, au point de vue physiologique, que l'action réflexe (ou "moindre conscience") causée par la périgenèse des plastides, de notre ancêtre commun et vieil ami, la Monera Hæckelii. Bien que le dit Bathybius ait été accusé et convaincu de n'être qu'un imposteur simulant la substance organique qu'il n'est pas et bien que, parmi les enfants des hommes, la femme de Loth seule – et seulement après sa désagréable métamorphose – puisse revendiquer comme ancêtre la pincée de sel qu'il est, tout cela ne le trouble pas le moins du monde. Il continuera à affirmer, aussi froidement que jamais, que ce ne sont que les [IV 289] modes particuliers et les mouvements des revenants des atomes depuis longtemps disparus de notre père le Bathybius, qui – transmis au cours d'æons de siècles dans le tissu cellulaire de la matière grise du cerveau de tous les grands hommes – qui firent écrire, à Sophocle, Eschyle et Shakespeare leurs tragédies, à Newton ses Principia, à Humboldt son Cosmos, etc. Ils poussèrent aussi Haeckel à inventer des noms gréco-latins, longs de plusieurs centimètres, qui prétendent avoir beaucoup de sens et n'en ont aucun.

Bien entendu, nous savons parfaitement que tout véritable et honnête Evolutionniste est d'accord avec nous et qu'il est le premier à déclarer, non seulement que les connaissances géologiques sont imparfaites, mais qu'il existe, dans la série des fossiles découverts jusqu'à présent, d'énormes lacunes qui ne pourront jamais être comblées. Il nous dira, en outre, "qu'aucun Evolutionniste ne prétend que l'homme descend d'une race existante de singes, pas plus que d'une race éteinte de singes", mais bien que l'homme et le singe ont probablement tiré leur origine, il y a des æons de siècles, d'une source commune quelconque. Cependant, comme le fait remarquer de Quatrefages, il n'en citera pas moins comme preuve à l'appui de ses dires, ce trésor d'absence de preuves, en disant que :

Toutes les formes vivantes n'ont pas été conservées dans les séries fossiles, car les chances de conservation sont rares et espacées entre... (même pour l'homme primitif) l'habitude d'enterrer ou celle de brûler ses morts.

C'est précisément ce que nous disons nous-mêmes. Il est tout aussi possible que l'avenir nous réserve la découverte du squelette géant d'un Atlantéen, haut de trente pieds, ou celle du fossile d'un "chaînon manquant" pithécoïde ;  seulement  le  premier  cas  est  plus  probable. [IV 290]

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