NOS DIVINS INSTRUCTEURS
L'Atlantide et l'île Phlégyenne ne sont pas les seuls souvenirs qui restent du Déluge. La Chine possède aussi sa tradition et l'histoire d'une île ou d'un continent qu'elle appelle Ma-li-ga-si-ma et que Kæmpfer et Faber écrivent "Maurigasima", à cause de mystérieuses raisons phonétiques qui leur sont propres. Kæmpfer nous donne la tradition dans son livre intitulé Japan 862 : En raison de l'iniquité de ses géants, l'île s'affaisse jusqu'au fond de l'Océan et le Roi Peiruun, le Noé Chinois, échappe seul avec sa famille, grâce à un avertissement que lui donnent les Dieux, par l'entremise de deux idoles. C'est par ce prince pieux et par ses descendants que la Chine fut peuplée. Les traditions chinoises mentionnent les Dynasties Royales Divines aussi souvent que le font les traditions des autres nations.
862 Appendice, p. 13 ; cité par Faber, dans Cabiri, II, pp. 289-291.
On peut constater aussi qu'il n'existe pas un autre fragment ancien qui n'établisse la croyance à une évolution multiforme et même multi- générique, d'êtres humains – évolution spirituelle, psychique, intellectuelle et physique – exactement comme elle est décrite dans cet ouvrage. Nous allons maintenant étudier quelques-unes de ces prétentions.
Nos races – d'après toutes ces données – sont issues du sein de Races Divines, quel que soit le nom que l'on donne à ces dernières, qu'il s'agisse des Richis ou Pitris des Indiens ; [III 458] des Chim-nang et des Tchan-gy des Chinois – leur "Homme Divin" et leurs Demi-dieux ; des Dingir et des Mul-lil des Akkadiens – le Dieu Créateur et les "Dieux du monde des Fantômes" ; de l'Isis-Osiris et du Thot des Egyptiens ; des Elohim des Hébreux, ou encore des Manco-Capac et de sa progéniture péruvienne – le récit ne varie nulle part. Chaque nation a, soit les sept et les dix Richi- Manous et Prajâpatis ; les sept et dix Ki-y ; ou dix et sept Amshaspands 863 (exotériquement six) ; dix et sept Annedoti chaldéens ; dix et sept Séphiroths, etc. Tous dérivent des Dhyân Chohans primitifs de la Doctrine Esotérique, ou des "Constructeurs" des STANCES du volume I. Depuis Manou, Thot-Hermès, Oannès-Dagon, et Edris-Enoch, jusqu'à Platon Panodore, tous nous parlent de sept Dynasties Divines, de sept divisions Lémuriennes et de sept divisions Atlantéennes de la Terre ; de sept Dieux primitifs et doubles qui descendirent de leur Demeure Céleste 864 et règnent sur la Terre, enseignant à l'humanité l'Astronomie, l'Architecture et toutes les autres sciences qui sont parvenues jusqu'à nous. Ces Etres apparaissent d'abord comme Dieux et Créateurs, puis ils se fondent dans l'homme naissant et finissent par émerger en qualité de "Rois et Souverains Divins". Mais ce fait est tombé peu à peu dans l'oubli. Comme le montre Basnage, les Egyptiens eux-mêmes avouent que la Science n'a brillé dans leur pays que depuis l'époque d'Isis-Osiris, qu'ils continuaient à adorer comme Dieux, "bien qu'ils fussent devenus des princes à forme humaine". Et il ajoute, en parlant du Divin Androgyne :
On dit que ce prince [Isis-Osiris] édifia des villes en Egypte, arrêta les inondations du Nil et qu'il inventa l'agriculture, l'usage du vin, ainsi que la musique, l'astronomie et la géométrie.
863 Les Amshaspands sont au nombre de six, si l'on écarte Ormazd, leur chef et leur Logos. Mais dans la DOCTRINE SECRÈTE, il est le septième et le plus haut, tout comme Phath est le septième Cabire des Cabires.
864 Dans les Pourânas, elle est identifiée avec le Shveta-dvipa de Vishnou ou le Brahmâ du Mont Mérou.
Lorsqu'Aboul Féda dit, dans son Historia Anteislamitica 865, que la "Langue Sabéenne" fut établie par Seth et Edris (Enoch) – il veut parler de l'Astronomie. Dans le Melelwa Vahil 866, Hermès est appelé le disciple d'Agathodæmon et dans un autre ouvrage 867, on parle d'Agathodæmon comme d'un "Roi d'Egypte". Le Celepas Geraldinus nous donne quelques [III 459] traditions curieuses au sujet d'Hénoch, qui est appelé le "Divin Géant". Dans son Livre des divers Noms du Nil, l'historien Ahmed Ben Yousouf Eltiphas, nous parle de la croyance répandue parmi les Arabes Sémitiques, que Seth, qui devint plus tard le Typhon Egyptien, Set, avait été l'un des sept Anges ou Patriarches, de la Bible: il devint ensuite un mortel, un fils d'Adam, après quoi il communiqua le don de prophétie et la science astronomique à Jared, qui les transmit à son fils Hénoch. Mais Hénoch (Idris), "l'auteur des trente livres", était "d'origine sabéenne" – c'est-à-dire appartenait à Saba, "une Légion" :
Ayant établi les rites et les cérémonies au culte primitif, il se rendit en Orient, où il construisit cent quarante villes, dont la moins importante fut Edessa, puis il retourna en Egypte dont il devint le Roi. 868
Il est ainsi identifié avec Hermès, mais il y a eu cinq Hermès – ou plutôt un seul qui apparaissait, comme certains Manous et Richis, sous l'aspect de plusieurs personnages différents. Dans le Burham i Kati, il est mentionné sous le nom de Hormig, un nom de la Planète Mercure ou Boudha et le Mercredi était consacré à la fois à Hermès et à Thot 869. L'Hermès de la tradition orientale était l'objet d'un culte de la part des Phineates et l'on disait qu'après la mort d'Argus il s'était enfui en Egypte et avait civilisé ce pays sous le nom de Thoth 870.
865 Ed. Fleisher, p. 16.
866 MS., 47 dans le Nic. Cat.
867 MS., 785, Cat. d'Uri ; cité par le col. Vyse, Operations at the Pyramids of Gizeh, II, 361 : voyez Staniland Wake, The Great Pyramid, pp. 94-95.
868 De Mirville, Pneumatologie, III 29.
869 Staniland Wake, Ibid., p. 96.
870 Ibid., p. 97.
Sous l'un quelconque de ces aspects, on lui attribue toujours le fait d'avoir fait passer toutes les sciences de l'état latent à l'activité, c'est-à-dire d'avoir été le premier à enseigner la Magie en Egypte et en Grèce, avant l'époque de la Magna Graecia et lorsque les Grecs n'étaient même pas des Hellènes.
Non seulement Hérodote, le "père de l'histoire", nous parle des merveilleuses Dynasties de Dieux qui précédèrent le règne des mortels, puis furent suivies des Dynasties de Demi-dieux, de Héros et enfin d'hommes, mais encore ses dires sont confirmés par toute la série des auteurs classiques. Diodore, Eratosthène, Platon, Manéthon, etc., reproduisent le même récit et ne varient jamais dans l'ordre successif qui est donné.
Ainsi que le montre Creuzer :
C'est vraiment des sphères des étoiles, où demeurent les dieux de lumière, que la sagesse descendit jusqu'aux sphères inférieures... Dans le système des anciens prêtres [Hiérophantes et Adeptes], [III 460] toutes choses sans exception, les Dieux, les Génies, les Ames [Mânes], le monde entier, se développent conjointement dans l'espace et le temps. La pyramide peut être considérée comme le symbole de cette magnifique hiérarchie d'esprits. 871
871 Egypte, IV, 441 ; de Mirville, op. cit., III. 41.
Ce sont les historiens modernes – des Académiciens Français, comme Renan surtout – qui ont fait, dans le but de supprimer la vérité en affectant d'ignorer les antiques annales qui parlent des Rois divins, des efforts plus considérables que ne le comporte la stricte honnêteté. M. Renan ne pouvait jamais être moins disposé qu'Eratosthène (260 avant J.-C.) à accepter ce fait qu'il ne trouvait pas de son goût ; et pourtant ce dernier se vit dans l'obligation d'en reconnaître la vérité. C'est pour cela que le grand astronome se trouve en butte au mépris de ses collègues, 2.000 ans plus tard, Manéthon devient à leurs yeux "un prêtre superstitieux né et élevé dans l'atmosphère d'autres prêtres menteurs d'Héliopolis". Comme le fait remarquer avec raison le démonologiste de Mirville :
Tous ces historiens et prêtres, si véridiques lorsqu'ils répètent des histoires de rois humains et d'hommes, deviennent soudain extrêmement suspects dès qu'ils reviennent à leurs dieux.
Mais nous avons la table synchronique d'Abydos qui, grâce au génie de Champollion, a rendu maintenant justice à la bonne foi des prêtres de l'Egypte (et surtout à celle de Manéthon) et de Ptolémée, dans le papyrus de Turin, le plus remarquable de tous. Suivant l'expression de l'égyptologue de Rougé :
Champollion, stupéfait, constata qu'il avait sous les yeux ce qui restait d'une liste de Dynasties embrassant les époques mythiques les plus reculées, c'est-à-dire le Règne des Dieux et des Héros... Dès les premiers mots de ce curieux papyrus, nous sommes obligés d'en arriver à la conviction qu'en remontant même jusqu'à l'époque de Ramsès, ces traditions mythiques et héroïques sont exactement telles que Manéthon nous les a transmises ; nous y voyons figurer, comme Rois d'Egypte, les Dieux Seb, Osiris, Set, Horus, Thoth, Hermès et la Déesse Ma et une longue succession de siècles est assignée, comme durée, au règne de chacun d'eux. 872
872 Annales de Philosophie Chrétienne, XXXII, 4142 ; voyez de Mirville, Pneumatologie, III, 18.
Ces tables synchroniques, outre le fait qu'elles avaient été altérées par Eusèbe dans un but malhonnête, ne remontaient jamais au-delà de Manéthon. La chronologie des Dynasties et des Rois Divins, comme celle de l'âge de l'humanité, avaient [III 461] toujours été entre les mains des prêtres et maintenues secrètes pour la multitude profane.
Bien que l'Afrique, en tant que continent, ait apparu, dit-on, avant l'Europe, elle n'en apparut pas moins après la Lémurie et même après l'Atlantide primitive. Toute la région où "se trouvent maintenant l'Egypte et les déserts, fut jadis recouverte par la mer. Ce fait a été signalé, d'abord par Hérodote, Strabon, Pline et d'autres et ensuite par la Géologie. L'Abyssinie fut, à une certaine époque, une île, et le Delta fut la première contrée occupée par les émigrants qui arrivèrent du nord-est avec leurs Dieux.
Quand cela se passa-t-il ? L'histoire garde le silence sur ce point. Heureusement, nous avons le Zodiaque de Dendera, le planisphère qui décore le plafond de l'un des plus anciens temples égyptiens, qui enregistre le fait. Ce Zodiaque, avec ses trois mystérieuses Vierges entre le Lion et la Balance, a trouvé son Œdipe pour déchiffrer l'énigme de ses signes et rendre justice à la véracité des prêtres qui ont dit à Hérodote que leurs Initiés enseignaient : (a) que les pôles de la Terre et de l'Ecliptique avaient jadis coïncidé et (b) que, même depuis l'époque où commencèrent leurs premiers enregistrements zodiacaux, les pôles s'étaient trouvés trois fois dans le plan de l'Ecliptique.
Bailly ne trouvait pas de mots pour exprimer la surprise que lui causait la similitude de toutes ces traditions concernant les Races Divines et s'écriait :
Que sont donc enfin tous ces règnes des Dévas Indiens et des Péris [Perses] ; ou les règnes des légendes chinoises ; ces Tien-hoang ou Rois du Ciel, tout à fait distincts des Ti-hoang ou Rois de la Terre et des Gin-hoang ou hommes Rois, distinctions qui concordent parfaitement avec celles qu'établissent les Grecs et les Egyptiens, en énumérant leurs Dynasties de Dieux, de demi-dieux et de mortels. 873
Comme le dit Panodore :
Ce fut durant ces mille ans [avant le Déluge] qu'eut lieu le Règne des Sept Dieux qui gouvernèrent le monde. Ce fut durant cette période que ces bienfaiteurs de l'humanité descendirent sur la Terre et enseignèrent aux hommes à calculer le cours du Soleil et de la Lune au moyen des douze signes de l'Ecliptique. 874
873 Histoire de l'Astronomie ancienne : voyez de Mirville, op. cit., ibid., p. 15.
874 De Mirville, ibid., p. 41.
Cinq cents ans environ, avant l'ère actuelle, les prêtres [III 462] de l'Egypte montrèrent à Hérodote les statues de leurs Rois humains et de leurs Pontifes-Piromis – les Archi-prophètes ou Mahâ Chohans des temples, issus l'un de l'autre, sans l'intervention de la femme – qui avaient régné avant Ménès, leur premier Roi humain. Ces statues, dit Hérodote, étaient d'énormes colosses de bois, au nombre de trois cent quarante-cinq et dont chacun avait son nom, son histoire et ses annales. Ils affirmèrent aussi à Hérodote – à moins que l'historien si véridique, que le "père de l'histoire" ne soit maintenant accusé d'avoir inventé un conte, précisément dans ce cas là – qu'aucun historien ne pourrait jamais comprendre ou écrire l'histoire de ces Rois super-humains, à moins d'avoir étudié et appris l'histoire des trois Dynasties qui précédèrent les dynasties humaines – c'est-à-dire des DYNASTIES DE DIEUX, de Demi-dieux et de Héros ou Géants 875. Ces "trois" Dynasties ne sont autres que les trois Races.
En traduisant dans le langage qu'emploie la Doctrine Esotérique, ces trois Dynasties seraient aussi celles des Dévas, des Kimpouroushas et des Dâavnas et Daityas – autrement dit des Dieux, des Esprits Célestes et des Géants ou Titans. "Heureux ceux qui naissent comme hommes dans Bhârata-varsha, même en quittant la condition de Dieux !" – s'écrient les Dieux incarnés eux-mêmes, durant la troisième Race-Racine. Bhârata, c'est généralement l'Inde, mais, dans ce cas, ce nom symbolise la "Contrée Elue" de cette époque, qui était considérée comme la meilleure des divisions de Jambou-dvîpa, car c'était la terre par excellence des œuvres actives (spirituelles) ; la terre de l'Initiation et du Savoir Divin 876.
875 De Mirville, ibid., pp. 16, 17.
876 Dans la Vishnou Pourâna, on peut, en lisant attentivement, découvrir maintes corroborations de ceci (Livre II, chap. III, IV seqq.). Les règnes des Dieux, des Dieux inférieurs et des Hommes, sont tous énumérés dans les descriptions des sept îles, des sept mers, des sept montagnes, etc., gouvernées par des Rois. Chaque Roi est invariablement réputé avoir sept fils, ce qui est une allusion aux sept sous-races. Un exemple suffira. Le Roi de Kousha Dvîpa eut sept fils... "d'après lesquels furent appelées les sept portions ou Varshas de l'île... Là habite l'humanité, côte à côte avec les Daityas et Dânavas, ainsi qu'avec les esprits du ciel [Gandharvas, Yakshas, Kimpouroushas, etc.], et avec les Dieux". (Trad. de Wilson, II, 195.) Il n'y a qu'une exception dans le cas du Roi Priyavrata, fils du premier Manou, Svâyambhouva, qui eut dix fils. Mais parmi ceux-ci, trois, Medha, Agnibâhou et Poutra (ibid., II, 101), devinrent des ascètes et refusèrent leurs parts. Ainsi Priyavrata partagea encore la Terre en sept continents.
Qui hésiterait à reconnaître à Creuzer de puissantes facultés d'intuition, en constatant que, bien qu'il ignorât presque entièrement les philosophies Aryennes Hindoues, fort peu connues à son époque, il écrivait : [III 463]
Nous, Européens modernes, nous éprouvons de la surprise en entendant parler des Esprits du Soleil, de la Lune, etc., mais, nous le répétons encore, le bon sens naturel et le jugement droit des anciens peuples, absolument étrangers à nos idées entièrement matérielles au sujet de la mécanique et des sciences physiques... ne pouvait se borner à ne voir dans les étoiles et les planètes que de simples masses de lumière, ou de simples corps opaques, se mouvant circulairement dans l'espace sidéral, en vertu des seules lois de l'attraction et de la répulsion ; ils voyaient en elles des corps vivants, animés par des esprits, comme ils le constataient dans tous les règnes de la nature... Cette doctrine des Esprits, si conforme à la nature, d'où elle dérivait, formait une conception grandiose et unique, où l'aspect physique, l'aspect moral et l'aspect politique étaient mêlés. 877
Ce n'est qu'une conception de ce genre qui peut amener l'homme à se faire une idée correcte de son origine et de la genèse de toutes choses dans l'Univers – du Ciel et de la Terre entre lesquels il est un chaînon vivant. Sans un tel chaînon psychologique et le sentiment de sa présence, aucune Science ne pourrait jamais progresser et le royaume du savoir resterait limité à l'analyse de la matière physique seule.
Les Occultistes croient aux "esprits", parce qu'ils se sentent – et que quelques-uns se voient – entourés par eux de tous côtés 878. Les Matérialistes n'y croient pas. Ils vivent sur cette Terre, comme vivent certaines créatures, du monde des insectes et même des poissons, qui sont entourés de myriades d'êtres du même genre qu'eux, sans les voir et sans même s'en douter 879. [III 464]
877 Egypte, pp. 450-455 ; de Mirville, ibid., pp. 41-42.
878 En général, maintenant que la nature même de l'homme interne est devenue aussi aveugle que sa nature physique, l'homme vit sur ce Globe comme l'Amphioxus dans l'océan. Vu par des millions d'autres poissons et d'autres créatures qui l'entourent, l'Amphioxus – ne possédant ni cerveau, ni aucun des sens que possèdent les autres classes – ne les voit pas. Qui sait si, d'après la théorie de Darwin, ces Branchiostomes ne sont pas les ancêtres directs de nos Matérialistes ?
879 On a accusé les occultistes de vouer un culte à des Dieux et à des Démons ! Nous le nions. Parmi les innombrables légions d'Esprits – entités qui furent ou qui seront des hommes – il y en a qui sont incommensurablement supérieurs à la race humaine, plus sublimes et plus saints que le plus sublime des saints de la terre et plus sages que tous les mortels sans exception. D'autres, par contre, ne valent pas mieux que nous et d'autres encore sont bien plus mauvais que le dernier des sauvages et lui sont bien inférieurs. Ce sont ces derniers qui communiquent le plus facilement avec notre terre, qui nous voient et nous sentent, de même que les clairvoyants les voient et les sentent. L'étroite proximité de nos demeures respectives et de nos plans de perception, facilite malheureusement ces communications, car ils sont toujours prêts à intervenir dans nos affaires, en bien ou en mal. Si l'on nous demande comment il se fait que les natures hystériques et sensitives seules, que seules les personnes névropathiques et psychopatiques, voient les "esprits" – et parfois leur parlent – nous répondrons à cette question en en posant plusieurs autres. Nous demanderons : Connaissez-vous la nature de l'hallucination et pouvez-vous en définir le processus psychique ? Comment pouvez-vous affirmer que toutes ces visions ne sont dues qu'à des hallucinations physiques ? Comment pouvez- vous être sûrs que les maladies mentales et nerveuses, tout en jetant un voile sur ce que l'on appelle nos sens normaux, ne découvrent pas en même temps des horizons nouveaux, inconnus pour l'homme bien portant, en ouvrant des portes ordinairement closes pour vos perceptions scientifiques (?) ; ou qu'une faculté psycho-spirituelle ne remplace pas, dès lors, la perte ou l'atrophie momentanée d'un sens purement physique ? C'est la maladie, ou l'exubérance du fluide nerveux, qui produit l'état de médium et les visions – ce que vous appelez les hallucinations – mais que sait la Science, même sur la médiumnité ? En vérité, si les modernes Charcots étudiaient attentivement le délire de leurs malades en partant d'un point de vue plus psychique, la Science – surtout la Physiologie – y gagnerait plus qu'elle ne le fait et la vérité aurait connaissance d'une plus grande quantité de faits.
880 I, 70 ; De Mirville, ibid., p. 26.
881 C'étaient les premiers Aryens et la masse de la quatrième Race-Racine – les premiers pieux et méditatifs (adonnés au yoga-contemplatif), les autres formant une race belliqueuse de sorciers qui dégénéraient rapidement, en raison de leurs passions sans contrôle.
Platon est le premier sage, parmi les auteurs classiques, qui ait longuement parlé des Dynasties Divines. Il les localise dans un vaste continent qu'il appelle l'Atlantide et Bailly ne fut pas le premier ni le dernier à y croire. Il fut précédé dans cette théorie par le Père Kircher, le savant Jésuite, qui écrit dans son Œdipus Egyptiacus :
Je confesse que j'ai longtemps considéré tout cela [les Dynasties et l'Atlantide] comme de pures fables (meras nugas), jusqu'au jour où, mieux familiarisé avec les langues Orientales, je compris qu'en définitive toutes ces légendes ne devaient être que le développement d'une grande vérité. 880
Comme le montre de Rougemont, Théopompe, dans sa Meropis, fait tenir aux prêtres de la Phrygie et de l'Asie Mineure le même langage qu'aux prêtres de Saïs, lorsqu'ils révélèrent à Solon l'histoire et la destinée de l'Atlantide. D'après Théopompe, c'était un continent unique, d'une dimension indéfinie, qui comprenait deux contrées habitées par deux races – une race guerrière et batailleuse et une race pieuse et méditative 881 – que Théopompe symbolise par deux villes 882. La "cité" pieuse était continuellement visitée par les Dieux ; la [III 465] "cité" belliqueuse était habitée par divers êtres, invulnérables par le fer et qui ne pouvaient être mortellement blessés que par la pierre et le bois 883. De Rougemont considère cela comme une pure fiction créée par Théopompe et même traite de supercherie l'assertion des prêtres de Saïs. Ceci fut dénoncé comme illogique par les Démonologistes. Suivant les paroles ironiques de de Mirville :
Une supercherie basée sur une croyance qui était un article de foi pour toute l'antiquité ; une supposition qui a pourtant donné son nom à toute une chaîne de montagnes (l'Atlas) : qui indiquait avec la plus grande précision une région topographique (en plaçant cette terre à une courte distance de Cadix et du détroit de Calpe), qui, 2.000 ans avant Christophe Colomb, annonçait prophétiquement l'existence d'une grande terre trans-océanique, située au- delà de cette Atlantide et qui "était atteinte", disait-elle, "par les îles, non pas des Esprits Bénis, mais des Bons Esprits", εύδαιµονια (nos Iles Fortunées) une telle supposition ne saurait vraiment être qu'une chimère universelle ! 884
Ce qui est certain, c'est que, "chimère" ou réalité, les prêtres du monde entier l'avaient puisée à la même source – la tradition universelle au sujet du troisième grand Continent, qui périt il y a quelque 850.000 ans 885, Continent habité par deux races distinctes, physiquement et surtout moralement, toutes deux versées dans la sagesse primordiale et les secrets de la nature et mutuellement antagonistes dans leur lutte, durant le cours et les progrès de leur double évolution. En effet, d'où viendraient même les enseignements des Chinois sur ce sujet, si ce n'était qu'une "fiction" ?
882 Les divisions Nord et Sud de la Lémuro-Atlantide. Les terres Hyperboréennes et Equatoriales des deux Continents.
883 De Rougemont, Peuple primitif, III, 157 ; de Mirville, ibid., p. 29. Ceci est Occulte et se rapporte à la propriété qu'a le fer d'être attiré par certains éléments magnétiques et repoussé par d'autres. Ces éléments peuvent, par des moyens Occultes, être rendus aussi impénétrables au fer que l'eau l'est aux coups.
884 Ibid., loc. cit.
885 Le premier Continent, ou Ile, si l'on préfère, "la calotte" du Pôle Nord, n'a jamais péri et ne périra pas jusqu'à la fin des sept races.
886 Voyez de Rougemont, ibid.
N'ont-ils pas noté qu'il existait à une certaine époque une île Sainte au-delà du Soleil, Tchéou, au-delà de laquelle étaient situées les terres des Hommes immortels 886 ? Ne croient-ils pas encore que les derniers de ces Hommes immortels – qui survécurent lorsque l"île Sainte devint noire de péchés et périt – ont trouvé un refuge dans le grand Désert de Gobi, où ils habitent encore, invisibles pour tous et défendus contre toute approche par des légions d'Esprits ?
Comme l'écrit le très incrédule Boulanger : [III 466]
Si l'on prêtait l'oreille aux traditions, celles-ci placent avant le règne des Rois, celui des Héros et des Demi- dieux et, plus avant encore, le merveilleux règne des Dieux de toutes les fables de l'Age d'Or... On est surpris que des annales aussi intéressantes aient été rejetées par presque tous les historiens. Et pourtant les idées présentées par ces annales furent jadis universellement admises et vénérées par toutes les nations ; nombreuses sont celles qui les vénèrent encore et en font la base de leur vie journalière. De telles considérations semblent imposer un jugement moins hâtif... Les anciens, de qui nous tenons ces traditions, que nous n'acceptons plus parce que nous ne les comprenons plus, ont dû avoir, pour y croire, des raisons fournies par leur plus proche voisinage des premières époques et qui nous sont refusées à cause de la distance qui nous en sépare... Platon, dans le quatrième livre de ses Lois, dit que, longtemps avant la construction des premières villes, Saturne avait établi sur la Terre une certaine forme de gouvernement, sous laquelle l'homme était très heureux. Or, comme c'est à l'Age d'Or qu'il fait allusion, ou à ce règne des Dieux si célébré dans les anciennes fables... étudions les idées qu'il se faisait de cette heureuse époque. Suivant Platon, pour se faire une idée claire et précise de la royauté, de son origine et de son pouvoir, il faut se reporter aux premiers principes de l'histoire et de la tradition. De grands changements, dit-il, se sont produits jadis dans le Ciel et sur la Terre et l'état actuel des choses en est un des résultats [Karma]. Nos traditions nous parlent de nombreuses merveilles, de changements qui se sont produits dans le cours du Soleil, du règne de Saturne et de mille autres choses qui demeurent éparpillées dans la mémoire humaine, mais on n'entend jamais rien dire, ni du mal qui a produit ces révolutions, ni du mal qui en a été la conséquence directe. Pourtant... ce Mal est le principe dont on doit parler pour être à même de traiter la question de la royauté et de l'origine du pouvoir. 887
Ce Mal, Platon semble le découvrir dans la similitude ou la consubstantialité des natures de celui qui gouverne et de celui qui est gouverné, car il dit, que longtemps avant que l'homme bâtît des villes, durant l'âge d'or, il n'y avait que bonheur sur la Terre, car il n'y avait pas de besoins. Pourquoi ? Parce que Saturne, sachant que l'homme ne pouvait gouverner l'homme, sans que l'injustice ne finît par inonder l'univers par suite de ses caprices et de sa vanité, ne voulut permettre à aucun mortel d'acquérir un pouvoir sur ses semblables. Pour atteindre ce but, le dieu employa le moyen que [III 467] nous mettons en usage pour la garde de nos troupeaux. Nous ne plaçons pas un bœuf ou un bélier à la tête de nos bœufs et de nos béliers, mais nous leur donnons un conducteur, un berger, c'est-à-dire un être d'une espèce tout à fait différente de la leur et d'une nature supérieure. Ce fut précisément ce que fit Saturne. Il aimait l'humanité et mit à sa tête, non pas un roi ou un prince mortel, mais "des Esprits et des Génies (δαὶµονες) d'une nature plus divine, plus parfaite que celle de l'homme".
Ce fut Dieu (le Logos, la Synthèse de la Légion) qui, présidant ainsi les Génies, devint le premier Berger, le premier Guide des hommes 888. Lorsque le monde cessa d'être ainsi gouverné et que les Dieux se retirèrent, des bêtes féroces dévorèrent une partie de l'humanité. Livrés à leurs propres ressources et à leur propre industrie, des Inventeurs apparurent alors successivement parmi eux et découvrirent le feu, le froment, le vin et la reconnaissance publique les déifia 889.
887 Boulanger, Règne des Dieux, introd. ; voyez de Mirville, op. cit., ibid., pp. 32, 33.
888 La Doctrine Secrèteexplique et développe ce que dit Platon, car elle explique que ces "inventeurs" furent des Dieux et des Demi-Dieux (des Dévas et des Richis) qui – les uns délibérément, les autres contraints par Karma – s'étaient incarnés dans l'homme.
Et l'humanité avait raison, car la production du feu par le frottement constituait le premier mystère de la nature, la première et la principale propriété de la matière qui fut révélée à l'homme.
Comme le disent les Commentaires :
Des fruits et des graines, inconnus sur la Terre jusqu'alors, furent apportés d'autres Lokas [Sphères] par les "Seigneurs de Sagesse", dans l'intérêt de ceux qu'ils gouvernaient.
Or :
Les premières inventions [?] de l'humanité sont les plus merveilleuses que la race ait jamais faites... Le premier usage du feu et la découverte des méthodes qui permettent de l'allumer ; la domestication des animaux et, surtout, les processus au moyen desquels les diverses céréales furent développées pour la première fois d'herbes sauvages [?] sont toutes des découvertes dont l'ingéniosité et l'importance ne sauraient être comparées à celles d'aucune découverte ultérieure. Elles sont toutes inconnues de l'histoire, elles se perdent toutes dans l'éblouissement d'une éclatante aurore. 890
889 Les paragraphes qui précèdent sont un résumé tiré de Platon, Leg., I, IV, id., in Crit. et in Polit. ; de Mirville, ibid., pp. 33, 34.
890 Argyle, Unity of Nature.
Notre orgueilleuse génération le niera, mais si l'on affirme qu'il n'existe ni graines, ni fruits inconnus sur la Terre, nous [III 468] rappellerons alors au lecteur que le froment n'a jamais été découvert à l'état sauvage ; ce n'est pas un produit de la terre. On a pu retrouver les formes primordiales de toutes les autres céréales dans différentes espèces d'herbes sauvages, mais le froment a jusqu'ici défié les efforts des botanistes qui ont tenté de découvrir son origine. N'oublions pas, à ce propos, combien cette céréale était sacrée aux yeux des prêtres égyptiens : du froment était même placé auprès de leurs momies et on l'a découvert des milliers d'années plus tard dans leurs cercueils. Rappelez-vous les serviteurs d'Horus glanant le froment dans le champ d'Aanroo, du froment haut de sept coudées 891.
L'Isis égyptienne dit :
Je suis la Reine de ces régions ; je fus la première à révéler aux mortels les mystères du froment et des céréales... Je suis celle qui se lève dans la constellation du Chien... Réjouis-toi, ô Egypte ! toi qui fus ma nourrice. 892
Sirius était appelé l'Etoile du Chien. C'était l'Etoile de Mercure ou Boudha, appelé le grand Instructeur de l'Humanité.
Le Y-King chinois attribue la découverte de l'agriculture "aux instructions données aux hommes par les génies célestes".
Malheur ! Malheur aux hommes qui ne savent rien, n'observent rien et ne veulent pas voir. Ils sont tous aveugles 893, puisqu'ils [III 469] continuent à ignorer à quel point le monde est rempli de diverses créatures invisibles, qui se trouvent en foule, même dans les lieux les plus sacrés. 894
891 Livredes Morts, XCIX, 33 et CLVI, 4. Le lecteur est prié de se reporter à la STANCE VII, Shloka I (vol. I, p. 210), où ce verset est expliqué sous un autre de ses sens et aussi au Livre des Morts, CIX, 4 et 5. C'est une allusion directe à la division Esotérique des "principes" de l'homme, symbolisés par le froment divin. La légende qui figure au troisième registre du papyrus (Livre des Morts, CX), indique que : "Ceci est la région des Mânes [hommes désincarnés] hautes de sept coudées – [savoir : celles qui viennent d'être transférées et sont supposées être encore septuples, avec tous leurs principes, le corps lui-même étant représenté astralement dans le Kama-Loka ou Hadès, avant leur séparation] et il y a du froment haut de trois coudées pour les momies en état de perfection [c'est-à-dire, celles déjà séparées, dont les trois principes supérieurs sont en Dévachan], qui sont autorisées à le glaner". Cette région (le Dévachan) est appelée "la terre de la Renaissance des Dieux" et nous est montrée habitée par Shou, Tefnout et Seb. La "région pour les Mânes hautes de sept coudées" – pour les momies encore imparfaites – et la région pour celles "en état de perfection" qui "glanent du froment haut de trois coudées", sont aussi claires que possible. Les Egyptiens avaient la même Philosophie Esotérique que celle qui est enseignée aujourd'hui par les adeptes Cis-himalayens, et lorsque ces derniers sont ensevelis, des céréales et du froment sont placés sur eux.
892 I, XIV. Il y a des Egyptologues qui ont essayé, tout à fait à tort, d'identifier Osiris à Ménès. Bunsen assigne à Ménès une antiquité de 5.867 ans avant J.-C., et il est blâmé pour cela par les chrétiens, mais "Isis Osiris" régna en Egypte avant que le Zodiaque ne fût peint sur le plafond du temple de Dendera et il y a de cela plus de 75.000 ans.
893 Dans le texte, "bouchés" ou "vissés".
894 Zohar, lère part., col. 177 ; de Mirville, Ibid., p. 88.
895 Genèse, VI, 4.
Les "Fils de Dieu" ont existé et existent. Depuis les Brahmapoutras et les Mânasapoutras, les Fils de Brahmâ et les Fils Nés-du-Mental, des Hindous, jusqu'aux B'ne Aleim de la Biblejuive, la croyance des siècles et la tradition universelle obligent la raison à se rendre à l'évidence. Quelle valeur peut avoir ce que l'on appelle "la critique indépendante" ou "l'évidence intime" – qui ont généralement pour base les marottes respectives des critiques – en présence des témoignages universels qui n'ont jamais varié durant le cours des cycles historiques ? Par exemple, lisez ésotériquement le sixième chapitre de la Genèse, qui reproduit les affirmations de la DOCTRINE SECRETE, tout en changeant légèrement la forme et en tirant une conclusion qui est en désaccord même avec le Zohar.
Il y avait des géants sur la Terre cette époque et aussi plus tard lorsque les fils de Dieu [B'ne Aleim] s'approchèrent des filles des hommes et qu'elles leur donnèrent des enfants : ceux-ci devinrent des hommes puissants qui furent jadis des hommes renommés [ou des géants]. 895
Que signifie la phrase "et aussi plus tard" si ce n'est : il y eut des Géants sur la Terreauparavant, c'est-à-dire avant les Fils Sans-péchés de la Troisième Race et aussi plus tard, lorsque d'autres Fils de Dieu, d'une nature inférieure, inaugurèrent les rapports sexuels sur la Terre, comme le fit Daksha, lorsqu'il vit que ses Mânasapoutras ne voulaient pas peupler la Terre ? Il y a ensuite une longue lacune dans le chapitre, entre les versets 4 et 5, car ce ne fut certainement pas à cause de la méchanceté des "hommes puissants... hommes renommés", au nombre desquels figure Nemrod, le "puissant chasseur devant l'Eternel", que "Dieu constata que la méchanceté des hommes était grande", ni à cause des constructeurs de la tour de Babel, car cela se passa après le Déluge, mais dans les descendants des Géants qui produisirent monstra quædam de genere giganteo, [certains monstres de la race des Géants] des monstres qui donnèrent naissance aux races inférieures d'hommes, représentées aujourd'hui sur la Terre par quelques misérables tribus sur le point de disparaître et par les énormes singes anthropoïdes. [III 470]
Si nous sommes pris à partie par les Théologiens, Protestants ou Catholiques Romains, nous n'avons qu'à les inviter à se reporter à leurs propres textes littéraux. Le verset que nous avons cité plus haut a toujours constitué un dilemme, non seulement pour les Savants et pour ceux qui étudient la Bible, mais aussi pour les prêtres. En effet, comme le dit le Rév. Père Péronne :
Ils (les B'ne Aleim) étaient, soit de bons Anges, et dans ce cas comment auraient-ils pu tomber, soit de mauvais (Anges), et dans ce cas on ne pouvait les appeler des B'ne Aleim ou des fils de Dieu. 896
Cette énigme biblique – "dont aucun auteur n'a jamais compris le sens réel", ainsi que Fourmont l'avoue avec candeur 897 – ne peut être expliquée que par la doctrine Occulte à l'aide du Zohar pour les Occidentaux et à l'aide du LIVRE DE DZYAN pour les Orientaux. Nous avons vu ce que dit ce dernier livre ; quant au Zohar il nous dit que B'ne Aleim était le nom commun donné aux Malachim, les bons Messagers, et aux Ischins, les Anges inférieurs 898.
Nous pouvons ajouter, dans l'intérêt des Démonologistes, que leur Satan, "l'Adversaire", est compris, dans Job, parmi les "fils" de Dieu ou B'ne Aleim qui rendent visite à leur père 899. Mais nous parlerons de cela plus tard.
Or, le Zohar dit que les Ischins, les superbes B'ne Aleim, ne furent pas coupables mais se mêlèrent avec des hommes mortels parce qu'ils avaient été envoyés sur la Terre pour cela 900. Ailleurs, le même volume nous montre ces B'ne Aleim comme appartenant à la dixième subdivision des "Trônes" 901. Il explique aussi que les Ischins – "Esprits-Hommes", viri spirituales 902 – maintenant que les hommes ne peuvent plus les voir, aident, par leur science, les Magiciens à produire des Homunculi, qui ne sont pas des "petits hommes", mais "des hommes plus petits (dans le sens d'infériorité) que les hommes". Les uns et les autres se montrent sous la forme gazeuse et éthérée. Leur chef est Azazel.
896 Prælectiones Theol., ch. II ; de Mirville, ibid., p. 84. 897 Réflexions critiques sur l'origine des Anciens Peuples. 898 Rabbi Parcha.
899 I, 6.
900 Livre de Ruth et Schadash, fol. 63, col. 3 ; édition d'Amsterdam.
901 Zohar, 2ème partie, col. 73 ; de Mirville, ibid., p. 86.
902 Ibid., p. 87.
903 More Nevochim, XXVI, 8.
904 Sagra Scrittura.
905 II, pp. 14, 29.
Mais Azazel, que le dogme de l'Eglise persiste à associer à Satan, n'est pas du tout cela. Azazel est un mystère, ainsi qu'il est expliqué ailleurs, et Maimonides l'exprime ainsi : [III 471]
Il y a un impénétrable mystère dans le récit qui se rapporte à Azazel. 903
C'est exact et, comme le dit Lanci, bibliothécaire du Vatican que nous avons déjà cité et qui devait savoir :
Ce vénérable nom divin (nome divino e venerabile) est devenu, sous la plume des érudits de la bible, un diable, un désert, une montagne et un bouc. 904
Aussi paraît-il déraisonnable de faire dériver ce nom, comme le fait Spencer, d'Azal (séparé) et de El (Dieu), c'est-à-dire "le séparé de Dieu" – le DIABLE. Dans le Zohar, Azazel est la "victime sacrificielle" plutôt que "l'adversaire véritable de Jéhovah", comme le voudrait Spencer 905.
La quantité de fantaisies malveillantes et de fictions entassées sur cette "Légion" par divers auteurs fanatiques est tout à fait extraordinaire. Azazel et sa "Légion" sont simplement le "Prométhée" hébreux et devraient être étudiés en se plaçant au même point de vue. Le Zohar montre les Ischins enchaînés à la montagne, dans le désert. C'est une allégorie, qui fait simplement allusion à ces "Esprits", comme étant enchaînés à la Terre durant le Cycle d'incarnation. Azazel ou Azazyel, est, dans le Livre d'Enoch, l'un des chefs des Anges "coupables", qui descendant sur Ardis, le sommet du mont Armon, se lièrent par un serment de loyauté vis-à-vis les uns des autres. On dit qu'Azazyel enseigna aux hommes à fabriquer des glaives, des couteaux, des boucliers, des miroirs (?), pour permettre à quelqu'un de voir ce qui se trouve derrière lui, c'est-à-dire des "miroirs magiques". Amazarak fut l'instructeur de tous les sorciers et de toutes les classifications de racines ; Amers enseigna l'explication de la Magie ; Barkayal, l'Astrologie ; Akibeel, la signification des présages et des signes ; Tamiel, l'Astronomie et Asaradel enseigne le mouvement de la Lune 906. "Ces sept furent les premiers instructeurs du quatrième homme" (c'est-à-dire de la Quatrième Race). Pourquoi donnerait-on toujours aux allégories le sens exact qu'implique leur lettre morte ?
906 Chap. VIII ; traduction de Laurence, pp. 7 et 8.
C'est la représentation symbolique de la grande lutte entre la Sagesse Divine, Νους (Nous), et son reflet terrestre, ψυχή (Psyche), ou bien entre l'Esprit et l'Ame, dans le Ciel et sur [III 472] la Terre. Dans le Ciel, parce que la Monade Divine s'en est volontairement exilée pour descendre, dans le dessein de s'incarner, sur un plan inférieur et pour transformer ainsi l'animal d'argile en un Dieu immortel. En effet, comme nous le dit Eliphas Lévi :
Les Anges aspirent à devenir des Hommes ; car l'Homme parfait, l'Homme-Dieu, est au-dessus des Anges eux- mêmes.
Sur la Terre, parce que l'Esprit ne fut pas plutôt descendu, qu'il se trouva enveloppé dans les plis de la Matière.
Chose étrange, l'Enseignement Occulte renverse les rôles ; c'est l'Archange anthropomorphe pour les Chrétiens, et le Dieu semblable à l'homme pour les Hindous, qui représente dans ce cas la Matière et c'est le Dragon ou Serpent qui représente l'Esprit. Le symbolisme Occulte nous donne la clef du mystère ; le symbolisme théologique le rend plus impénétrable encore. En effet, le premier explique plusieurs des passages de la Bibleet même du Nouveau Testament qui étaient restés jusqu'alors incompréhensibles, tandis que le second, en raison de son dogme de Satan et de sa rébellion, a rapetissé le rôle et la nature de son Dieu prétendu infini et absolument parfait, et a donné naissance au plus grand des maux qui affligent la Terre – la croyance à un Diable personnel. Ce mystère est maintenant en partie révélé. La clef de son interprétation métaphysique vient d'être reconstituée, tandis que la clef de son interprétation théologique représente Dieu et les Archanges comme les symboles des religions dogmatiques, basées sur la lettre morte, se dressant contre les pures vérités de l'Esprit, dénudées et privées des ornements de la fantaisie.
Nombreuses sont les allusions à ce sujet qui se trouvent dans Isis Dévoilée et plus nombreuses encore celles qui se rapportent au mystère et que l'on trouve un peu partout dans cet ouvrage. Eclaircissons une fois pour toutes la question ; ce que le clergé dans toutes les religions dogmatiques et surtout dans la religion Chrétienne, désigne sous le nom de Satan, l'ennemi de Dieu, est en réalité l'Esprit divin le plus haut – la Sagesse Occulte sur la Terre – qui est naturellement en antagonisme avec toutes les illusions passagères de ce monde, y compris les religions dogmatiques ou ecclésiastiques. Ainsi l'Eglise Latine, intolérante, bigote et cruelle pour tous ceux qui ne consentent pas à être ses esclaves, cette Eglise qui se décerne le titre "d'épouse" du Christ et de dépositaire des pouvoirs de Pierre, auquel la réprimande du Maître : "Va t'en derrière moi, Satan", fut si justement adressée ; de même que l'Eglise Protestante qui, tout en se qualifiant de Chrétienne, est assez [III 473] paradoxale pour remplacer la Nouvelle Dispensation par l'antique Loi de Moïse que le Christ a ouvertement répudiée, ces deux Eglises, dis-je, luttent contre la Vérité divine, lorsqu'elles répudient et calomnient le Dragon de la Sagesse Esotérique Divine. Lorsqu'elles lancent l'anathème contre le Chnouphis Solaire Gnostique, l'Agathodæmon Christos, le Serpent Théosophique de l'Eternité, ou même le Serpent de la Genèse, elles sont poussées par ce même esprit de sombre fanatisme qui animait les Pharisiens que Jésus a maudits en ces termes :
"Ne disons-nous pas que vous êtes possédés du démon ?"
Lisez ce qui est dit d'Indra (Vâyou) dans le Rig Véda, le volume Occulte par excellence de l'Aryanisme, et comparez ensuite avec ce qui est dit de lui dans les Pourânas, la version exotérique et volontairement tronquée de la vraie Religion Sagesse. Dans le Rig Véda, Indra est le plus haut et le plus grand des Dieux et le fait qu'il boit le Soma indique allégoriquement cette haute nature spirituelle. Dans les Pourânas, Indra devient un débauché et un véritable ivrogne qui se grise de jus de Soma, à la façon terrestre ordinaire. Il est le vainqueur de tous les "ennemis des Dieux" : les Daityas, les Nâgas (Serpents), les Asouras, tous les Dieux- Serpents et de Vritra le Serpent Cosmique. Indra est le saint Michel du Panthéon hindou, le chef de la Légion militante. Reportons-nous à la Bible : nous y trouvons Satan, l'un des "Fils de Dieu" 907, qui devient, dans l'interprétation exotérique, le Diable et le Dragon, dans son sens infernal et mauvais. Mais dans la Cabale908 Samaël, qui est Satan, est représenté comme identique à saint Michel, le meurtrier du Dragon. Comment se fait- il que l'on dise que Tselem (l'Image) reflète le même Michel et Samaël qui ne font qu'un ? Tous deux, nous enseigne-t-on, procèdent de Ruach (l'Esprit), de Neshamah (l'Ame) et de Nephesh (la Vie). Dans le Livre des Nombres Chaldéen, Samaël est la Sagesse cachée (Occulte) et Michel la Sagesse supérieure terrestre, émanant tous deux de la même source mais divergeant après leur émersion de l'Ame du Monde, qui, sur la Terre, est Mahat, la compréhension intellectuelle, ou Manas, le siège de l'intellect. Ils divergent, parce que l'un (Michel) est influencé par Neshamah, tandis que l'autre (Samaël) n'est pas influencé. Cette croyance fut déformée par l'esprit dogmatique de l'Eglise qui, abhorrant l'Esprit indépendant non influencé par la forme extérieure et, par suite, par les dogmes, finit par faire de Samaël-Satan – le plus sage et le plus spirituel de tous les esprits – l'Adversaire de son Dieu anthropomorphe et de l'homme physique sensuel : le Diable ! [III 474]