CHAPITRE IX
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LES VEDAS ET LA BIBLE
"Tontes choses sont régies an sein de cette triade."
Lydus : De Mensibus 20. "Que le ciel tourne trois fois sur son axe perpétuel."
Ovide. Fait. IV.
"Balaam dit à Balak : Bâtis-moi ici sept autels et prépare- moi ici sept taureaux et sept béliers."
Nombre XXIII, 1-2.
"Toutes les créatures qui m'ont offensé seront détruites dans sept jours mais toi tu seras sauvé dans un vaisseau miraculeusement construit ; prends par conséquent... avec sept saints hommes, vos femmes respectives, et des couples de toutes espèces d'animaux, et entres sans crainte dans l'arche ; tu connaîtras alors Dieu face à face, et tu auras réponse à tontes tes questions."
Bhagavata Purana.
"Et le Seigneur dit : J'exterminerai de la face de la terre l'homme que j'ai créé... Mais j'établirai mon alliance avec toi... tu entreras dans l'arche toi et les tiens... car encore sept jours et je ferai pleuvoir sur la terre."
Genèse IV-VII.
"La Tetraktys n'était pas seulement honorée parce qu'on y trouve toutes les symphonies, mais aussi parce qu'elle contient la nature de toutes choses."
Théos de Smyrne. Mathem, p. 147.
Nous aurions accompli notre tâche bien imparfaitement, si nous n'avions pas démontré dans les chapitres précédents que le Judaïsme, le Gnosticisme primitif et tardif, le Christianisme et même la Maçonnerie chrétienne, ont tous été édifiés sur les mêmes mythes, symboles et allégories cosmiques dont la compréhension n'est possible que pour ceux qui en ont hérité la clé de leurs inventeurs.
Dans les pages qui suivront, nous essaierons de faire voir combien ils ont été faussement interprétés par les systèmes ci-dessus énumérés, si différents et cependant si intimement liés, afin de les faire cadrer avec leurs besoins individuels. De cette manière, non seulement les étudiants en tireront utilité, mais nous ferons un [70] acte de justice nécessaire quoique longtemps différé, envers les générations primitives, au génie desquelles l'humanité entière est redevable. Commençons par comparer encore une fois les mythes bibliques avec ceux des livres sacrés d'autres nations, afin d'établir quels sont les originaux et quelles sont les copies.
Deux méthodes seulement, correctement interprétées, nous permettront d'arriver à ce résultat. Ce sont les Védas, la littérature brahmanique et la Cabale juive.
Les premiers ont conçu ces mystères grandioses dans un esprit hautement philosophique ; la Cabale juive, en les empruntant aux Chaldéens et aux Perses, les a façonnés en une histoire du peuple juif, dans laquelle l'esprit philosophique a été enfoui, sous des formes bien plus absurdes que celles que leur donnèrent les Aryens, jusqu'à être absolument méconnaissables pour tous autres que les élus. La Bible de l'Eglise Chrétienne est le dernier échafaudage de cette nature, d'allégories défigurées, dont on a construit un édifice de superstition tel qu'il n'avait jamais germé dans le cerveau de ceux dont l'Eglise avait reçu ses connaissances. Les fables abstraites de l'antiquité, qui depuis des siècles ont fait miroiter à l'imagination populaire leurs ombres fugitives et leurs images incertaines, ont pris dans le Christianisme des formes de personnages réels et se sont transformées en faits accomplis. Les allégories s'y métamorphosent en histoire sacrée, et les mythes païens sont enseignés au peuple comme le récit révélé des rapports de Dieu, avec Son peuple élu.
"Les mythes", dit Horace dans son Ars Poetica, "ont été inventés par les sages pour fortifier les lois et enseigner les vérités morales." Tandis qu'Horace s'efforce d'éclaircir l'esprit même et l'essence des anciens mythes, Evémére prétend, au contraire, que les "mythes étaient l'histoire légendaire des rois et des héros, transformés en dieux par l'admiration populaire". C'est cette méthode qu'ont adoptée les Chrétiens par voie de déduction lorsqu'ils convinrent d'accepter les patriarches évémérisés en les prenant pour des hommes qui auraient réellement vécu.
Mais contre cette théorie néfaste, qui a porté de si mauvais fruits, nous avons toute la série des plus grands philosophes que le monde a produits : Platon, Epicharme, Socrate, Empédocle, Plotin et Porphyre, Proclus, Damascène, Origène et même Aristote. Ce dernier donne clairement à entendre cette vérité, en disant qu'une tradition de la plus haute antiquité, transmise à la postérité sous forme de mythes divers, nous enseigne que les premiers principes de la nature doivent être considérés comme des "dieux", car le divin imprègne la nature tout entière. Tout le reste, les détails et les personnages sont des ajoutures postérieures pour une meilleure compréhension par les masses, et souvent aussi dans le but de soutenir les lois inventées dans un intérêt commun. [71]
Les contes de fées ne sont pas seulement du domaine des nourrices ; l'humanité tout entière – sauf les rares individus qui de tous temps ont compris leur signification cachée, et ont essayé de désiller les yeux de la superstition – a prêté l'oreille à ces histoires sous une forme ou sous une autre et après les avoir transformées en symboles sacrés, a baptisé le résultat du nom de RELIGION !
Nous chercherons à systématiser notre sujet autant que le permettra la nécessité de tirer les parallèles entre les opinions contradictoires, basées sur les mêmes mythes. Commençons donc par le livre de la Genèse, et cherchons sa signification secrète dans les traditions brahmaniques et la Cabale chaldéo-judaïque.
La première leçon biblique qu'on nous a enseignée dans notre enfance était que Dieu créa le monde en six jours et se reposa le septième ; de là une solennité toute spéciale rattachée à ce septième jour, et les Chrétiens, ayant adopté les observances rigides du sabbat juif, nous l'ont imposé en y substituant le premier jour de la semaine, au lieu du septième.
Tous les systèmes de mysticisme religieux sont basés sur les nombres. Chez Pythagore, la monade ou l'unité, émanant la duade, et formant, ainsi, la trinité, et le quaternaire ou Arba-il (le quatre mystique) forment le nombre sept. Le caractère sacré des nombres commence avec le grand Premier – l'UN, et ne se termine qu'avec le zéro – symbole du cercle infini et sans bornes qui représente l'univers. Tous les chiffres intermédiaires, dans quelque combinaison ou multiplication que ce soit, représentent des notions philosophiques, depuis de vagues ébauches jusqu'à l'axiome scientifique définitivement établi, se rapportant à un fait moral ou physique de la nature. Ce sont les clés des anciennes notions de la cosmogonie, prise dans son ensemble, embrassant les hommes, les êtres et l'évolution de la race humaine, spirituellement aussi bien que physiquement.
Le nombre sept est le plus sacré de tous, et il est, sans aucun doute, d'origine hindoue. Les philosophes Aryens, adaptaient et calculaient au moyen de ce nombre, tout ce qui avait une importance quelconque – les idées aussi bien que les localités. C'est ainsi qu'ils avaient les Sapta-Rishi, ou sept sages, types des sept races primitives diluviennes, (ou post- diluviennes selon d'aucuns) les Sapta-Loka, les sept mondes inférieurs et supérieurs, d'où tous ces Rishis procédaient et où ils retournaient dans la gloire, avant d'atteindre la béatitude parfaite de Moksha 87. [72]
Les Sapta-Kula, ou les sept castes – les Brahmanes prétendant représenter les descendants directs de la plus élevée de celles-ci 88.
87 Les Rishis sont identiques à Manou. Les dix Prajâpati, fils de Viradj, nommés Maritchi, Atri, Angira, Pôlastya, Poulaha, Kratu, Pracheta, Vasishta, Brighu et Narada sont des Pouvoirs évémérisés, les Sephiroth hindous. Ceux-ci émanent les sept Rishis ou Manous dont le principal sortit de "l'incréé". C'est l'Adam de terre, et il représente l'homme. Ses "fils", les six Manous suivants, représentent chacun une nouvelle race d'hommes, et dans l'ensemble ils constituent l'humanité, passant graduellement à travers les sept stages primitifs de l'évolution.
88 Anciennement lorsque les Brahmanes étudiaient plus qu'ils ne le font aujourd'hui le sens caché de leur philosophie, ils expliquaient que chacune de ces six races distinctes qui précédèrent la nôtre avaient disparu. Mais, aujourd'hui, ils prétendent qu'un spécimen fut préservé et ne fut pas anéanti avec le reste, mais qu'il atteint le septième degré actuel. Par conséquent, eux, les Brahmanes, sont les spécimens du Manou céleste, et furent émis de la bouche de Brahma ; tandis que les Sudras furent créés de son pied.
Puis il y a encore les Sapta-Pura (les sept villes saintes) ; les Sapta- Dvipa (les sept îles saintes) ; les Sapta-Samudra (les sept lacs sacrés) ; les Sapta-Parvata (les sept montagnes saintes) ; les Sapta-Ariana (les sept déserts) ; les Sapta-Vruksha (les sept arbres sacrés), et ainsi de suite.
Dans l'incantation Chaldéo-Babylonienne, ce nombre réapparaît d'une manière aussi prononcée que chez les Hindous. Les attributs de ce nombre sont doubles, c'est-à-dire que s'il est sacré dans un de ses aspects, il devient néfaste dans d'autres conditions. Nous voyons ainsi l'incantation suivante tracée sur des tablettes assyriennes, interprétées aujourd'hui avec tant d'exactitude.
"Le soir du mauvais présage, la région du firmament, qui produit le malheur...
"Le Message de la peste.
"Les déprécateurs de Nin-Ki-Gal. "Les sept dieux du vaste firmament. "Les sept dieux de la vaste terre. "Les sept dieux des sphères ardentes. "Les sept dieux de la légion céleste. "Les sept dieux malfaisants.
"Les sept mauvais fantômes.
"Les sept fantômes des flammes malfaisantes...
"Le mauvais démon, mauvais alal, mauvais gigim, mauvais télal... le méchant dieu, le méchant maskim.
"Rappelle-toi, esprit des sept cieux... Rappelle-toi, esprit des sept terres..., etc."
Ce nombre réapparaît également presque à chaque page de la Genèse, et dans tous les livres mosaïques, et nous le retrouvons bien en vue (voyez le chapitre suivant) dans le Livre de Job et la Cabale orientale. Si les sémites hébreux l'adoptèrent si aisément, il faut croire que ce ne fut pas à l'aveuglette, mais bien en connaissance de sa signification cachée ; ils ont dû, par conséquent, adopter aussi les doctrines de leurs voisins "païens". Quoi de plus naturel, alors, que nous cherchions dans la philosophie païenne, [73] l'interprétation de ce nombre, qui réapparaît dans le christianisme dans les sept sacrements, les sept églises de l'Asie Mineure, les sept péchés capitaux, les sept vertus (quatre cardinales et trois théologales), etc.
Les sept couleurs du prisme de l'arc-en-ciel vu par Noé, n'ont-elles pas d'autre signification que celle d'une alliance entre Dieu et l'homme, pour rafraîchir la mémoire de celui-là ? Du moins, pour le cabaliste, elles ont une signification inséparable des sept travaux de la magie, des sept sphères supérieures, des sept notes de la gamme musicale, des sept nombres de Pythagore, des sept merveilles du monde, des sept âges, et même des sept pas des Franc-Maçons qui conduisent au Saint des Saints après avoir passé par les degrés de trois et de cinq.
Quelle est alors l'identité de ces nombres énigmatiques, qui reviennent constamment et que nous trouvons à chaque page des Ecritures Juives, de même que dans chaque verset des livres bouddhiques ou brahmaniques ? D'où viennent ces nombres qui sont l'âme de la pensée pythagoricienne et platonicienne et qu'aucun orientaliste ou étudiant biblique non-illuminé n'est capable de sonder ? Et cependant ils ont la clé entre les mains, si seulement ils savaient s'en servir. La valeur mystique du langage humain et ses effets sur l'action humaine ne sont nulle part si parfaitement compris que dans l'Inde, ni mieux expliqués que par les auteurs des plus anciennes Brahmanas. Si ancienne que paraisse aujourd'hui cette époque lointaine, ils ne font qu'essayer d'exprimer, d'une manière plus concrète, les spéculations abstraites, métaphysiques de leurs propres ancêtres.
Tel est le respect que professent les Brahmanes pour les mystères du sacrifice, qu'ils soutiennent que la création du monde lui-même, est une conséquence du "mot sacrificiel" prononcé par la Cause Première. Ce mot est le "Nom Ineffable" des cabalistes, que nous avons traité au long dans le chapitre précédent.
Tout en étant la "Connaissance Sacrée", le secret des Védas est impénétrable sans le secours des Brahmanas. A vrai dire, les Védas (qui sont écrits en vers et comprennent quatre livres) constituent la partie nommée les Mantras, ou prière magique, et les Brahmanas (écrits en prose) en sont la clé. Tandis que seule la partie des Mantras est considérée comme sainte, les Brahmanas contiennent toute l'exégèse théologique, les spéculations et les explications du clergé. Nos orientalistes, nous le répétons, ne feront aucun progrès important vers la compréhension de la littérature védique, s'ils n'apprennent à apprécier à leur juste valeur les ouvrages qu'ils méprisent aujourd'hui ; comme par exemple, le Aitareya et les Kausihlaki Brâhmanas, qui font partie du Rig-Véda. [74]
On appelait Zoroastre un Manthran, ou réciteur de Mantras, et, suivant Haug, un des premiers noms donnés aux Ecritures Sacrées des Parsis, était Mânthra-spenta. Le pouvoir et la signification du Brahmane qui fait office de prêtre Hotri, dans le Sacrifice du Soma, réside dans sa possession et sa pleine connaissance des usages de la parole ou mot sacré – Vâch. Celui-ci est personnifié dans Sara-isvati, l'épouse de Brahma, qui est la déesse de la "Connaissance Secrète" ou sacrée. On la représente généralement montée sur un paon, faisant la roue. Les yeux sur les plumes de l'oiseau sont le symbole des yeux toujours ouverts qui voient tout. Ils rappellent à celui qui ambitionne de devenir un adepte de la "Doctrine Secrète", qu'il faut qu'il ait les cent yeux d'Argus pour tout voir et tout saisir.
Voilà pourquoi nous disons qu'il est impossible de résoudre entièrement les profonds problèmes cachés dans les livres sacrés brahmaniques et bouddhiques, sans la parfaite compréhension de la signification ésotérique des nombres de Pythagore. Le plus grand pouvoir de ce Vâch ou Parole Sacrée, se développe suivant la forme donnée au Mantra par le Hotri officiant, et cette forme réside tout entière dans les nombres et les syllabes de la mesure sacrée.
Si on le prononce lentement et suivant un certain rythme, il se produira un effet ; si on le prononce rapidement et sur un autre rythme le résultat est différent. "Chaque mètre dit Haug, est le maître invisible de quelque chose visible dans ce monde ; il est, pour ainsi dire, son représentant et son idéal. Cette puissante signification de la parole métrique provient du nombre des syllabes qui la composent, car chaque chose a, (comme dans le système pythagoricien) une certaine proportion numérique. Toutes ces choses, les mètres (chchandas), les stomas et les prishthas, sont censés être aussi éternelles et aussi divines que les mots eux-mêmes qu'ils renferment. Les premiers prêtres hindous, non seulement croyaient à une révélation primitive des mots constituant les textes sacrés, mais même à celle des diverses formes. Ces formes, de même que leur contenu, les paroles vériques éternelles, sont des symboles de choses du monde invisible, comparables à bien des égards, aux idées Platoniciennes".
Cette attestation d'un témoin récalcitrant vient encore démontrer l'identité qui existe entre les anciennes religions quant à leurs doctrines secrètes. Le mètre (pied) du Gâyatri, par exemple, comprend trois fois huit syllabes, et on le considère comme le plus sacré de tous les mètres. C'est le mètre d'Agni, le dieu du feu, et il devient parfois, l'emblème de Brahma lui-même, le principal créateur, et "celui qui façonne l'homme" à son image. Or, Pythagore dit que : "Le nombre huit, ou l'Octade, est le premier cube, c'est-à-dire carré dans tous les sens, comme un dé, procédant de sa [75] base deux, ou nombre pair ; c'est ainsi que l'homme est le carré de quatre, ou parfait." Naturellement, à l'exception des Pythagoriciens et des cabalistes, rares sont ceux qui peuvent complètement saisir cette idée ; mais cet exemple suffit pour indiquer la parenté étroite qui existe entre les nombres et les Mantras védiques. Le problème essentiel de chaque théologie se cache sous cette image de feu et du rythme varié des flammes. Le Buisson Ardent de la Bible, les feux sacrés des Zoroastriens et d'autres, l'âme universelle de Platon, et les doctrines des Rose-Croix, tant au sujet de l'âme que du corps humais évoluant du feu, l'élément raisonnant et immortel qui pénètre toutes choses, et qui est Dieu suivant Héraclite, Hippocrate, et Parménide, ont tous la même signification.
Chaque mètre dans les Brahmanas correspond à un nombre et, comme le montre Haug, de quelque forme visible, et ses effets sont bons ou mauvais. La "parole sacrée" peut sauver, mais elle peut aussi tuer ; ses nombreuses interprétations et ses pouvoirs ne sont bien connus que des Dikshitas (les adeptes), qui ont été initiés à de nombreux mystères, et dont la "naissance spirituelle" est accomplie ; la Vâch du Mantra, est un pouvoir parlé, qui éveille un pouvoir correspondant plus occulte ; chacun de ces pouvoirs est personnifié allégoriquement par un dieu dans le monde des esprits et, suivant la manière dont il est utilisé, on obtient une réponse des dieux ou des Rakshasas (mauvais esprits). Suivant les notions brahmaniques et bouddhiques, une malédiction, une bénédiction, un vœu, un désir, une pensée oiseuse, prennent tous une forme visible et se manifestent objectivement à la vue de leurs auteurs, ou de celui qui en est l'objet. Chaque péché s'incarne, pour ainsi dire, et comme un démon vengeur persécute son auteur.
Il y a des mots qui ont un pouvoir destructeur dans les syllabes mêmes qui le constituent, comme si c'étaient des choses objectives ; car, chaque son éveille un son correspondant dans le monde invisible de l'esprit, et sa répercussion produit soit un bon, soit un mauvais effet. Un rythme harmonieux, une mélodie vibrant doucement dans l'atmosphère, créent à la ronde une douce et bienfaisante influence, et agissent puissamment sur les natures psychologique aussi bien que physique de tout être vivant sur la terre ; ils réagissent même sur les objets inanimés, car la matière est encore de l'esprit par son essence, tout invisible que cela puisse paraître à nos sens plus grossiers.
Il en est de même des nombres. Où que ce soit vers quoi nous nous tournons, des Prophètes à l'Apocalypse, nous voyons que les auteurs bibliques se servent constamment des nombres, trois, quatre, sept et douze. [76]
Néanmoins nous avons connu des partisans de la Bible qui soutiennent que les Védas ont été copiés des livres mosaïques 89 ! Les Védas, écrits en sanscrit, langage dont les règles grammaticales et les formes (ainsi que l'avouent Max Müller et d'autres savants) étaient établies longtemps avant que la grande vague d'émigration l'ait porté de l'Asie sur tout l'Occident sont là pour proclamer leur parenté avec chaque philosophie, et chaque institution religieuse qui se développa par la suite, parmi les peuples sémites. Et quels sont les nombres qui reviennent le plus souvent dans les chants sanscrits, ces hymnes sublimes à la création, à l'unité de Dieu, et aux innombrables manifestations de Sa puissance ? UN, TROIS et SEPT. Ecoutez l'hymne de Dirghatamas :
"A CELUI QUI REPRESENTE TOUS LES DIEUX."
"Le Dieu ici présent, notre bienheureux patron, notre sacrificateur, a un frère qui se répand dans l'air moyen. Il existe un troisième Frère, que nous aspergeons avec nos libations... C'est lui que j'ai reconnu comme le maître des hommes, armé des sept rayons 90."
89 Afin d'éviter une discussion, nous adoptons les conclusions paléographiques de Martin Haug et d'autres savants prudents. Personnellement nous acceptons les affirmations brahmaniques et celles de Halhed, traducteur des "Shastras".
90 Le dieu Heptaktis.
Et encore :
"Sept reines concourent à conduire un char qui n'a qu'UNE seule roue, et qui est tiré par un seul cheval qui luit de sept rayons. La roue a trois membres, roue immortelle, inlassable, à laquelle sont suspendus tous les mondes."
"Parfois sept chevaux entraînent un chariot avec sept roues, et sept personnages y prennent place, accompagnés de sept fécondes nymphes des eaux."
Et puis encore le suivant à l'honneur du dieu du feu, Agni, qu'on reconnaît clairement comme un esprit subordonné au Dieu UN.
"Toujours UN, bien qu'ayant trois formes d'une double nature (androgyne) – il s'élève ! et les prêtres offrent à Dieu, dans l'acte du sacrifice, leurs prières qui atteignent le ciel, emportées là-haut par Agni."
Sommes-nous ici en présence d'une coïncidence, ou, plutôt, ainsi que la raison nous le dit, n'est-ce que le résultat de la dérivation de beaucoup de cultes nationaux, d'une religion primitive universelle ? Un mystère pour les non initiés ; mais pour l'initié [77] c'est la levée du voile des problèmes psychologiques et physiologiques les plus sublimes (en raison de leur exactitude et de leur vérité). Ce sont des révélations de l'esprit personnel de l'homme, qui est divin parce que cet esprit n'est pas seulement l'émanation du Dieu UNIQUE suprême, mais c'est le seul Dieu que l'homme dans sa débilité et son impuissance soit capable de comprendre – de sentir au-dedans de lui. C'est cette vérité que reconnaît pleinement le poète védique lorsqu'il dit :
"Le Seigneur, le Maître de l'univers, plein de sagesse, est entré chez moi (en moi) – faible et ignorant – et il m'a formé de lui-même, à cet endroit 91 où les esprits acquièrent, à l'aide de la Science, la paisible jouissance du fruit, doua comme l'ambroisie."
91 Le sanctuaire de l'initiation.
92 Comparative Mythology.
93 Bien que nous n'ayons pas l'intention d'entamer ici une discussion à propos des races nomades de la "période rhématique", nous nous réservons le droit de douter qu'il convienne de donner le nom d'Aryens, à cette partie du peuple primitif, aux traditions duquel nous devons les Védas. Quelques savants prétendent que l'existence des Aryens n'est, non seulement, pas prouvée par la science, mais les traditions de l'Hindoustan protestent contre une pareille affirmation.
94 Sans les explications ésotériques, l'Ancien Testament est un mélange confus de récits sans aucune signification – pire que cela, il doit être classé parmi les livres immoraux. Il est étonnant qu'un érudit aussi profond dans la Mythologie Comparée, que l'est le Professeur Max Müller, dise des prajâpatis et des dieux hindous que ce sont des masques sans acteurs ; et d'Abraham et d'autres patriarches mythiques, que c'étaient des hommes bien vivants ; surtout en parlant d'Abraham, dont il dit (voyez Semitic Monotheism) qu'il "se dresse devant nous comme un personnage qui n'est qu'au second rang dans toute l'histoire du monde".
Que ce fruit soit "une pomme" de l'Arbre de la Connaissance ou le pippala du poète hindou, cela n'a pas d'importance. C'est le fruit de la sagesse ésotérique. Notre but est de montrer l'existence d'un système religieux en Inde, des milliers d'années avant que les fables exotériques du Jardin d'Eden, et du Déluge eussent été inventées. De là l'identité des doctrines. Instruits dans cette doctrine, les initiés d'autres pays devinrent à leur tour, les fondateurs de quelque grande école philosophique de l'Occident.
Lequel de nos savants sanscritistes a jamais pris de l'intérêt à découvrir la véritable signification de l'hymne suivant, si évidente qu'elle paraisse : "Pippala, le doux fruit de cet arbre sur lequel viennent les esprits qui aiment la science (?) et où les dieux produisent toutes les merveilles. C'est un mystère pour celui qui ne connaît point le Père du monde."
Ou cet autre :
"Ces stances portent comme entête un titre qui annonce qu'elles sont consacrées aux Viswadévas (c'est-à-dire, à tous les dieux). Celui qui ne connaît pas l'Etre que je chante dans toutes ses manifestations, ne comprendra rien à mes vers ; ceux qui LE connaissent, ne sont pas étrangers à cette réunion."
Cela a trait à la réunion et à la séparation des parties mortelles et immortelles de l'homme. "L'Etre immortel", dit la stance précédente, "est dans le berceau de l'Etre mortel. Les deux esprits éternels vont et viennent partout ; seulement quelques hommes connaissent l'un sans connaître l'autre" (Dirghatamas).
Qui donnera une idée correcte de Celui dont parle le Rig-Véda : "Ce qui est Un, les sages l'appellent de diverses manières." Cet UN est chanté par les poètes védiques dans toutes ses manifestations de la nature ; et les livres qu'on traite "d'enfantins et sots", [78] enseignent comment on peut, à volonté, appeler à notre aide, les êtres de sagesse pour nous instruire. Ils enseignent, comme le dit Porphyre : "la libération de tous les intérêts terrestres... le vol de l'unique vers L'UNIQUE".
Le Professeur Max Müller, dont chaque parole est acceptée par ses partisans comme un évangile philologique, a parfaitement raison dans un sens, lorsqu'il détermine la nature des dieux hindous, en disant que ce sont des "masques sans acteurs... des noms sans êtres, non des êtres sans noms 92". Il n'établit par cela que le monothéisme de l'ancienne religion védique. Mais il nous semble plus que douteux que lui ou n'importe quel autre savant de son école, puisse entretenir l'espoir d'approfondir la vieille pensée aryenne 93, sans une étude sérieuse de ces "masques" eux-mêmes. Pour le matérialiste, de même que pour le savant, qui, pour diverses raisons cherche à élucider le difficile problème de faire cadrer les faits avec leurs propres dadas ou ceux de la Bible, ils peuvent ne paraître que les fantômes vides de sens. Cependant les autorités de cette nature ne seront, comme elles l'ont toujours été, que les guides les moins autorisés, sauf en ce qui concerne les choses de la science exacte. Les patriarches de la Bible sont aussi bien des "masques sans acteurs" que les prajâpatis, et cependant, si le personnage bien vivant derrière ces masques n'est qu'une ombre abstraite, il s'incorpore dans chacun d'eux une idée, qui appartient aux théories philosophiques et scientifiques de la sagesse antique 94. Et qui rendra de plus grands services dans ce travail, sinon les Brahmanes indigènes eux-mêmes, et les cabalistes ?
Le fait de nier d'emblée qu'il y ait une saine philosophie dans les doctrines Brahmaniques au sujet du Rig-Véda, équivaut à refuser de comprendre correctement la religion mère elle-même, qui leur donna naissance et qui est l'expression de la pensée intime des ancêtres directs des auteurs postérieurs des Brahmanas. Si les savants européens savent si bien démontrer que tous les dieux [79] védiques ne sont que des masques vides, il faut aussi qu'ils soient préparés à démontrer que les auteurs brahmaniques étaient aussi incapables qu'eux-mêmes, pour découvrir ces "acteurs" ailleurs. Dans ce cas, non seulement les trois autres livres sacrés qui, suivant Max Müller, "ne méritent pas le nom de Védas", mais le Rig-véda, lui-même, devient un amas confus de paroles inintelligibles ; car ce que l'intelligence subtile et renommée des anciens sages hindous a été incapable de comprendre, aucun savant moderne, tout érudit qu'il soit, ne peut espérer le sonder. Le pauvre Thomas Taylor avait raison de dire que "la philologie n'est pas de la philosophie".
Il est, pour le moins, illogique d'admettre qu'il y a une pensée cachée dans l'œuvre littéraire d'une race, peut-être ethnologiquement différente de la nôtre ; puis de nier qu'elle ait un sens quelconque parce qu'elle est totalement inintelligible pour nous, dont le développement spirituel a pris une direction opposée pendant les quelques milliers d'années intermédiaires. Mais c'est précisément ce que font du moins à cet égard le Professeur Max Müller et son école, soit dit avec tout le respect pour son érudition.
On nous dit, en premier lieu, que nous pouvons encore marcher sur les traces des auteurs des Védas, mais en ayant soin de le faire avec effort et prudence. "Nous nous verrons remis face à face avec des hommes intelligibles pour nous, après nous être libérés de nos prétentions modernes. Nous n'y réussirons pas toujours ; des mots, des versets, que dis-je, des hymnes entiers du Rig-Véda demeureront à jamais pour nous lettre morte... Car, à peu d'exceptions près... le monde entier des notions védiques est tellement au-delà de notre horizon intellectuel, qu'au lieu de traduire nous ne pouvons guère que deviner et que supposer 95".
Et néanmoins, afin de ne pas laisser la possibilité d'un doute au sujet de la véritable valeur de ses mots, .le savant professeur exprime, dans un autre passage, son opinion au sujet de ces mêmes Védas (à une exception près) comme suit : "Le seul important, le seul Véda, c'est le Rig-Véda, les autres soi-disant Védas ne méritent pas plus le nom de Véda, que le Talmud ne mérite celui de Bible". Le Professeur Müller les rejette comme indignes de l'attention de qui que ce soit et, si nous comprenons bien sa pensée, parce qu'ils contiennent tout particulièrement "des formules sacrificielles, des charmes et des incantations 96".
95 Les italiques sont de nous. "The Védas", conférence de Max Müller, p. 75.
96 Chips. Vol. I, p. 8.
97 Nous croyons avoir émis autre part, au sujet de l'Atharva-Véda, l'opinion contraire du professeur Whitney, de Yale College.
98 Voyez L'Egypte du Baron. Bunsen. Vol. V.
Qu'il nous soit permis maintenant de poser une question quelqu'un de nos savants est-il préparé à démontrer que, jusqu'à [80] présent, ils sont intimement au courant du sens caché de ces absurdités "les formules sacrificielles, les charmes et les incantations" et tous les fatras magiques de l'Atharva Véda ? Il nous est permis d'en douter, et nos doutes sont fondés sur la confession du Professeur Müller lui-même, que nous venons de citer. Si "le monde entier des notions védiques" [le Rig-Véda n'est pas seul mis en cause dans ce monde croyons-nous], est tellement au delà de notre horizon intellectuel [celui des savants], qu'au lieu de traduire nous ne pouvons encore que deviner et que supposer" ; et que le Yagur-Véda, le Sama-Véda, et l'Atharva-Véda sont "enfantins et sots 97" ; et que les Brahmanas, les Sutras-Yaska et le Sayana, "bien que contemporains des hymnes du Rig-Véda se complaisent dans les interprétations les plus frivoles et les plus déplacées", comment peut-il, lui-même, ou d'autres savants, se former une opinion adéquate de n'importe laquelle de celles- ci ? Si, de plus, les auteurs des Brahmanas, contemporains des hymnes védiques étaient déjà incapables d'offrir autre chose que des "interprétations déplacées", à quelle période de l'histoire, où et par qui, ces merveilleux poèmes dont le sens mystique s'est éteint avec leur génération, ont-ils été écrits ? Avons-nous, alors, si tort d'affirmer que si les textes sacrés trouvés en Egypte sont devenus – même pour les scribes sacerdotaux d'il y a 4.000 ans – parfaitement inintelligibles 98, et si les Brahmanas ne donnent que les interprétations "enfantines et sottes" du Rig-Véda, au moins aussi loin en arrière que cela, alors : 1° les philosophies religieuses égyptiennes et hindoues sont d'une antiquité incalculable, bien antérieures aux siècles que leur ont assignés nos étudiants de mythologie comparée ; et 2° les prétentions des anciens prêtres de l'Egypte et celles des Brahmanes modernes, au sujet de leur antiquité, sont, après tout, parfaitement correctes.
Nous n'admettrons jamais que les trois autres Védas méritent moins leur nom que les Rig-hymnes, ou que le Talmud et la Cabale soient inférieurs à la Bible. Le seul nom des Védas (dont la signification littérale est connaissance ou sagesse) prouve qu'ils appartiennent à la littérature de ces hommes qui, dans chaque pays, dans chaque langue, et à toute époque, ont été mentionnés comme "ceux qui savaient". En sanscrit, la troisième personne du singulier est vêda (il sait), et le pluriel est vida (ils savent). Ce mot est synonyme du grec θεοσέβεια, dont se sert Platon en parlant des sages – les magiciens ; et de l'hébreu Hakharnim, חכמים (hommes sages). Rejetez le Talmud et son antique [81] prédécesseur la Cabale, et il sera impossible de jamais rendre correctement un seul mot de cette Bible, si vantée à leur détriment. Mais c'est probablement ce à quoi travaillent ses partisans. Ecarter les Brahmanas, c'est rejeter la clé qui ouvre la porte du Rig-Véda. L'interprétation littérale de la Bible a déjà porté ses fruits ; il en sera de même des Védas et des livres sacrés sanscrits en général, avec cette seule différence, que l'absurde interprétation de la Bible a obtenu depuis longtemps droit de cité dans le domaine du ridicule, et trouve ses partisans, en dépit de la lumière et des preuves. Pour ce qui concerne la littérature "païenne", après encore quelques années d'essais infructueux pour l'interpréter, sa signification religieuse sera reléguée aux limbes des superstitions condamnées, et on n'en parlera plus.
Nous désirons être clairement compris avant qu'on ne nous blâme et qu'on ne nous critique au sujet des remarques antérieures. L'énorme somme de connaissances du célèbre professeur d'Oxford ne peut être mise en doute même par ses ennemis, et néanmoins nous avons le droit de regretter sa précipitation pour condamner ce qu'il admet lui-même, comme étant "entièrement au delà de notre horizon intellectuel". Car même dans ce qu'il considère comme une erreur ridicule de la part des auteurs des Brahmanas, d'autres personnes plus spirituellement disposées, peuvent y voir tout le contraire. "Lequel est le plus grand des dieux ? Lequel sera le premier à recevoir la louange de nos chants ?" s'écrie un ancien Rishi du Rig-Véda prenant (ainsi que le suppose le professeur MJ le pronom interrogatif "Lequel" pour un nom divin quelconque, le professeur dit : "Une place est allouée dans les invocations sacrificielles à un dieu "Lequel", et on lui adresse des hymnes qu'on nomme "hymnes whoish" (Intraduisible ; note du Trad.) 99. Est-il moins naturel de dire le dieu "Lequel" que le dieu "Je suis" ? ou les hymnes "whoish" sont-ils moins révérencieux que les psaumes "Je suis" ? Et qui est-ce qui prouve qu'il s'agit ici d'une erreur et que ce ne soit pas au contraire une expression voulue ? Est-il aussi impossible de croire que l'étrange expression est le résultat de la crainte révérencieuse, qui fit hésiter le poète avant de donner un nom en guise de forme à ce qui est, à juste titre, considéré comme la plus haute abstraction des idées métaphysiques – Dieu ? Ou que le même sentiment obligea le commentateur qui vint après lui, à s'arrêter et à abandonner l'œuvre d'anthropomorphiser "l'Inconnu", le "Lequel" aux conceptions futures de l'humanité ? "Ces anciens poètes", remarque Max Müller, "pensaient plus pour eux-mêmes, que pour les autres". "Ils cherchaient [82] plutôt, par leur langage, à être conséquents avec leur propre pensée qu'à être agréables à l'imagination de leurs auditeurs 100." Malheureusement, c'est cette pensée, elle-même, qui n'éveille en réponse aucun écho dans l'esprit de nos philologues.
99 Approximativement : hymnes interrogatifs (N. du Trad.).
Nous lisons, plus loin, le judicieux conseil donné aux étudiants des hymnes du Rig-Véda, de réunir, de collationner, de passer au crible et de rejeter. "Qu'il étudie les commentaires, les Sûtras, les Brahmanas, et même les ouvrages plus récents, afin d'épuiser toutes les sources d'où il pourrait tirer ses informations. Il [l'étudiant] ne doit pas mépriser les traditions des Brahmanes, même là où leurs fausses conceptions... sont palpables... Il ne doit laisser inexploré aucun recoin des Brahmanas, des Sûtras du Yaska et du Sâyana, avant d'imposer sa propre interprétation... Après que le savant aura complété son oeuvre, c'est au poète et au philosophe de la reprendre et de la terminer 101".
Quelle chance aurait un "philosophe", s'il voulait chausser les bottes d'un philologue et se permettre de corriger ses erreurs ? Comment le public lettré d'Europe et d'Amérique accueillerait-il le plus savant des érudits hindous, s'il se permettait de relever l'erreur d'un savant qui aurait passé au crible, accepté, rejeté, expliqué et déclaré ce qu'il y avait de bon, ou ce qui était "enfantin et sot" dans les écritures sacrées de leurs ancêtres ? Ce qui aurait été déclaré "une fausse interprétation brahmanique" par le conclave des savants européens et tout particulièrement des allemands, aurait aussi peu de chances d'être reconsidéré à la demande des pandits les plus érudits de Bénarès ou de Ceylan, que l'interprétation des Ecritures juives de Maimonide et Philon le Juif, par les Chrétiens, après que les Conciles de l'Eglise eurent accepté les fausses traductions et les explications d'Irénée et d'Eusèbe. Quel est le pandit hindou, ou le philosophe indigène qui soit aussi bien au courant du langage, de la religion ou de la philosophie de ses ancêtres qu'un Anglais ou un Allemand ? Ou pourquoi permettrait-on plutôt à un hindou d'exposer la doctrine des brahmanes, qu'à un savant rabbin d'interpréter la religion judaïque ou les prophéties d'Isaïe ? Sans doute avons-nous chez nous des traducteurs bien plus capables et bien plus dignes de foi ! Espérons, néanmoins, qu'on rencontrera enfin, si même ce ne doit avoir lieu que dans un avenir très lointain, un philosophe européen, capable de passer au crible les Ecritures sacrées de la religion-science, sans être contredit par tous les autres de son rang. [83]
100 Chips, vol. 1 ; The Vedas.
101 Max Müller, conférence sur "Les Védas".
Entre temps, essayons nous-mêmes de passer au crible quelques-uns de ces mythes de jadis sans nous inquiéter de l'opinion des prétendues autorités en la matière. Nous en chercherons l'explication dans l'interprétation populaire, et nous éclairerons le terrain à l'aide du flambeau magique du Trismégiste – le mystérieux nombre sept. Il doit y avoir une raison pour que ce chiffre ait été universellement accepté comme calcul mystique. Chez tous les peuples de l'antiquité, le Créateur, ou le Démiurge a été placé au-dessus du septième ciel. "Et si j'avais à aborder l'initiation à nos Mystères sacrés", dit l'Empereur Julien le Cabaliste, "que les Chaldéens instituèrent à l'instar de ceux de Bacchus par rapport au Dieu des sept rayons, élevant les âmes par Lui, je dévoilerais des choses ignorées, et inconnues de la populace, mais bien connues des bienheureux Théurgistes 102." Dans Lydus il est dit que "les Chaldéens nomment le Dieu IAO, et il est souvent appelé SABAOTH, comme Celui qui est au-dessus des sept orbites (cieux ou sphères), c'est-à-dire le Démiurge 103.
C'est des pythagoriciens et des cabalistes qu'il faut apprendre à connaître la puissance de ce nombre. Exotériquement, les sept rayons du spectre solaire sont représentés d'une manière concrète dans le dieu Heptakis aux sept rayons. Ces sept rayons, résumés en TROIS rayons primitifs, c'est-à-dire, rouge, bleu et jaune, composent la trinité solaire, et représentent respectivement la matière esprit, et l'essence-esprit. La science aussi a dernièrement réduit les sept rayons à trois primordiaux, corroborant ainsi la conception scientifique des anciens, au moins d'une des manifestations visibles de la divinité invisible, le sept se divisant en quaternaire et trinité.
102 Julien : In matrem, 173 ; Julien : Oratio, V, 177.
103 Lyd : De Mensibus, IV, 38-74 ; Movers, p. 550 ; Dunlap : Saba, p. 3.
Les pythagoriciens nommaient le nombre sept le véhicule de la vie, parce qu'il contient le corps et l'âme. Ils l'expliquaient en disant que le corps humain est composé de quatre éléments principaux, et que l'âme est triple, car elle comprend raison, passion et désir. La PAROLE ineffable était considérée la Septième, la plus élevée de toutes, car il y a six substituts mineurs, appartenant, chacun, à un degré de l'initiation. Les Juifs empruntèrent leur Sabbat aux anciens, qui l'appelaient le jour de Saturne et lui attribuaient une influence fâcheuse ; et non ceux-là aux Israélites après leur conversion au christianisme. Les nations de l'Inde, de l'Arabie, de la Syrie et de l'Egypte avaient des semaines de sept jours ; et les Romains apprirent le système hebdomadaire de ces pays étrangers lorsque ceux-ci furent assujettis par l'Empire. Ce ne fut, néanmoins, qu'au IVème siècle qu'on abandonna les calendes, [84] les nones et les ides de Rome pour y substituer la computation par semaines ; et les noms astronomiques des jours : dies Solis (jour du Soleil), dies Lunx (jour de la Lune), dies Martis (jour de Mars), dies Mercurii (jour de Mercure), dies Jovis (jour de Jupiter), dies Veneris (jour de Vénus), et dies Saturni (jour de Saturne), prouvent que ce ne fut pas d'après les Juifs que l'on adopta la semaine de sept jours. Mais avant d'examiner ce nombre au point de vue de la cabale, analysons-le au point de vue du Sabbat judéo-chrétien.
Lorsque Moïse institua le yom shaba ou Shebang (le Shabbath) l'allégorie du Seigneur Dieu se reposant le septième jour de son œuvre de création, n'était qu'un masque, ou, ainsi que s'exprime le Sohar, un écran pour cacher son sens véritable.
Les Juifs calculaient alors, comme ils le font encore aujourd'hui, leurs jours par des nombres : premier jour ; second jour et ainsi de suite ; yom ahad ; yom sheni ; yom shelisho ; yom rebis ; yom shamishi ; yom shishehi ; yom SHABA.
"Le sept שבע hébraïque, composé des trois lettres S.B.O. "plus d'une signification. En premier lieu il signifie l'âge ou le cycle, Shab-ang ; le Sabbath שבת peut aussi bien se traduire par vieillesse (âge ancien) que par repos, et dans l'ancien Copte Sabe veut dire sagesse, connaissance. Les archéologues modernes ont trouvé que comme en hébreu Sab שב veut également dire tête blanche, par conséquent le jour de Saba était le jour où les "hommes à tête blanche", ou les "pères âgés" d'une tribu, avaient coutume de se rassembler pour le conseil ou le sacrifice 104.
104 Westminster Review. Institutions septenaires ; Stone him to Death.
"Ainsi la semaine de six jours et le septième, le jour de Saba, ou Sapta, appartiennent à la plus haute antiquité. L'observance des fêtes lunaires en Inde, montre que cette nation avait également ses réunions hebdomadaires. A chaque nouveau quartier la lune apporte des changements dans l'atmosphère, par conséquent certains changements ont lieu dans tout notre univers, dont les plus insignifiants sont les changements météorologiques. C'est en ce septième jour, le plus puissant des jours prismatiques, que se réunissent les adeptes de la "Science Secrète", ainsi qu'ils le faisaient il y a des milliers d'années, afin de devenir les agents des pouvoirs occultes de la nature (émanations du Dieu en action), et de communier avec les mondes invisibles. C'est cette observance du septième jour par les anciens sages – non pas comme jour de repos de la Divinité, mais parce qu'ils avaient pénétré dans son pouvoir occulte – que réside la vénération profonde de tous les philosophes païens pour le nombre sept, qu'ils appellent le nombre "vénérable" ou sacré. La Tetraktis de Pythagore, vénérée par les [85] Platoniciens, était le carré placé au-dessous du triangle ; celui-ci, ou la Trinité incorporant la Monade invisible – l'Unité, était considéré trop sacré pour être prononcé en dehors des murs d'un Sanctuaire.
L'observance ascétique du Sabbat chrétien par les Protestants est une pure tyrannie religieuse, et fait, croyons-nous, plus de mal que de bien. Elle ne date que de l'ordonnance de Charles II en 1678, qui interdit à tout "commerçant, ouvrier, travailleur ou autre personne" de "faire ou d'exécuter un travail profane quelconque, etc., etc. le jour du Seigneur". Les Puritains le portèrent à l'extrême, sans doute pour prouver leur haine du catholicisme, tant Romain qu'Episcopal. Il ressort non seulement des paroles, mais des actes de Jésus, qu'il n'a jamais eu l'intention de mettre ce jour à part. Les chrétiens primitifs ne l'observaient pas.
Lorsque Trypho, le Juif, reprocha aux chrétiens de ne pas avoir de Sabbat, quelle fut la réponse du martyr ? "La nouvelle loi veut que vous observiez un sabbat perpétuel. Vous croyez que vous êtes religieux après avoir passé un jour dans l'oisiveté. Le Seigneur ne se comptait point en choses de cette nature. Que celui qui est coupable de parjure ou de fraude se réforme ; s'il est adultère, qu'il se repente ; il aura alors observé l'espèce de Sabbat qui est vraiment agréable à Dieu... Les éléments ne sont jamais oisifs et ils n'observent pas de Sabbat. Il n'y avait pas davantage lieu de le faire après Jésus-Christ."
Le Heplaktis n'est pas la Cause Suprême, mais simplement une émanation d'Elle – la première manifestation visible du Pouvoir Non Révélé : "Son Souffle Divin, s'échappant avec force, se condensa en brillant avec éclat jusqu'à se transformer en Lumière, devenant de cette manière perceptible aux sens extérieurs", dit John Reuchlin 105. C'est l'émanation du Suprême, du Démiurge, la multiplicité dans l'unité, les Elohim, que nous voyons créant notre monde ou plutôt le façonnant en six jours, et se reposant le septième. Et qui sont ces Elohim sinon les pouvoirs évémérisés de la nature, les fidèles serviteurs manifestés, les lois de Celui qui est Lui-même, la loi et l'harmonie immuables.
105 Di Perbo Mirifico.
Ils résident au-dessus du septième ciel (ou du monde spirituel) car ce sont eux qui, suivant les cabalistes, façonnèrent successivement les six mondes matériels, ou plutôt les essais des mondes qui précédèrent le nôtre, lequel, disent-ils, est le septième. Si, laissant de côté la conception métaphysico-spirituelle, nous portons notre attention uniquement sur le problème religio-scientifique de la création en "six jours", sur laquelle nos meilleurs savants bibliques ont médité depuis si longtemps en vain, nous serions, peut-être, [86] sur la voie de la véritable idée sur laquelle l'allégorie est fondée. Les anciens étaient des philosophes conséquents en toutes choses. Ils enseignaient que chacun de ces mondes disparus ayant achevé son évolution physique, et atteint – par la naissance, la croissance, la maturité, la vieillesse et la mort – la fin de son cycle, était retourné à la forme primitive, subjective, d'un monde spirituel. A la suite de cela, ce monde devait servir de demeure, pour l'éternité, à ceux qui y vécurent comme hommes, et même comme animaux et qui sont à l'heure qu'il est des esprits. Cette notion, toute incapable qu'elle soit d'être aussi exactement démontrée que celle de nos théologiens concernant le Paradis, est, tout au moins, un tant soit peu plus philosophique.
De même que l'homme, et tout autre être qui l'habite, notre planète a son évolution spirituelle et physique. Né d'une pensée idéale impalpable, dans la Volonté créatrice de Celui dont nous ne savons rien, et que nous ne faisons que faiblement concevoir dans notre imagination, ce globe devint fluide et semi spirituel, puis se condensant de plus en plus jusqu'à ce que son développement physique – la matière, démon tentateur – l'ait obligé à essayer ses propres facultés créatrices. La Matière lança un défi à l'ESPRIT, et la terre eut, aussi, sa "chute". La malédiction allégorique dont elle souffre n'est due qu'à ce qu'elle procrée au lieu de créer. Notre planète physique n'est qu'une servante ou plutôt, une bonne à tout faire, de l'esprit son maître. "Maudit soit le sol... il portera des épines et des chardons", fait- on dire aux Elohim. "Tu enfanteras dans la douleur." Les Elohim le disent aussi bien au sol qu'à la femme. Et cette malédiction durera jusqu'à ce que la plus petite particule sur la terre ait vécu sa vie, jusqu'à ce que chaque grain de poussière soit devenu, par transformation graduelle en évoluant, la partie constituante d'une "âme vivante", et jusqu'à ce que celle-ci remonte le long de l'arc cyclique, pour se dresser finalement – son propre Métatron ou Esprit Rédempteur – au pied de l'échelon supérieur des mondes spirituels, comme il l'était à la première heure de son émanation. Au-delà, c'est le grand "Abîme" – le MYSTERE !
Rappelons-nous que toute cosmogonie a une trinité d'artisans qui y travaillent – Le Père, esprit ; la Mère, nature ou la matière ; et l'univers manifesté, Fils, ou résultat des deux. L'univers, de même que chaque planète qui le compose, passe par quatre âges, comme l'homme lui-même. Tous ont leur enfance, leur jeunesse, leur maturité et leur vieillesse, et ces quatre, ajoutés aux trois autres, composent encore une fois le sept sacré.
Les chapitres d'introduction de la Genèse n'ont jamais voulu présenter même une lointaine allégorie de la création de notre terre. Ils embrassent (Chapitre Ier) l'idée métaphysique d'une période [87] indéfinie de l'éternité, dans laquelle des efforts successifs furent faits par la loi de l'évolution, pour former des univers. Cette notion est clairement présentée dans le Sohar : "Il existait d'anciens mondes qui périrent aussitôt venus à l'existence ; ils n'avaient pas de forme et on les appelait des étincelles. De même le forgeron, en battant le fer, fait voler les étincelles dans tous les sens Les étincelles sont les mondes primordiaux qui ne purent continuer leur existence parce que l'Ancien vénérable (Séphira) n'avait pas encore revêtu sa forme (de sexes opposés ou androgyne) du roi et de la reine (Séphira et Kadmon) et que le Maître ne s'était pas encore mis à l'œuvre 106."
106 Idra Suta : Sohar, livre III, p. 292, b. Le Suprême consultant l'Architecte du monde – son Logos – au sujet de la création.
Les six périodes ou "jours" de la Genèse ont rapport à la même croyance métaphysique. Cinq essais infructueux furent faits par les Elohim, mais le résultat du sixième fut des mondes comme le nôtre, (c'est- à-dire que toutes les planètes et la plupart des étoiles sont des mondes habités, quoiqu'ils ne le soient pas de la même manière que notre terre). Ayant façonné enfin ce monde dans la sixième période, l'Elohim se reposa dans la septième. C'est ainsi que le "Très Saint" lorsqu'il créa le monde actuel dit : "Celui-ci me satisfait ; les autres antérieurs ne me satisfaisaient point 107."Et Elohim "vit tout ce qu'il avait fait ; et voici que c'était très bon. Ainsi il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le sixième jour" (Genèse I. 31).
Le lecteur se souviendra qu'au chapitre IV nous avons donné une explication du "jour" et de la "nuit" de Brahma. Le premier représente une certaine période de l'activité cosmique, et le second une autre période de repos cosmique. Dans l'un, les mondes sont évolués et passent par leurs quatre phases d'existence ; dans le dernier "l'inspir" de Brahma renverse la tendance des forces naturelles ; toute chose visible se disperse graduellement ; puis survient le chaos ; et une longue nuit de repos donne une nouvelle vigueur au cosmos, pour la prochaine période d'évolution. Au matin d'un de ces "jours", les processus en formation atteignent graduellement le point le plus élevé de leur activité ; le soir celle-ci diminue imperceptiblement jusqu'à ce que vienne le pralaya, et avec lui la "nuit". Un de ces matins et un de ces soirs constituent, en fait, un jour cosmique ; et c'est un "jour de Brahma" que [88] l'auteur cabalistique de la Genèse a en vue, toutes les fois qu'il dit : "Et il y eut un soir, et il y eut un matin ; ce fut le premier (le cinquième ou le sixième) ou n'importe quel jour." Six jours d'évolution graduelle, un jour de repos, puis – le soir ! Depuis l'apparition de l'homme sur notre terre, il y a un sabbat éternel ou repos, pour le Démiurge.
107 Idra Suta : Sohar, III, 135 b. Si les chapitres de la Genèse et les autres livres mosaïques, de même que les sujets qu'ils traitent sont un peu embrouillés, la faute en est au compilateur et non pas à la tradition orale. Hi1kiah et Josiah furent obligés de se concerter avec Huldah la prophétesse, et par conséquent avoir recours à la magie pour comprendre la parole du "Seigneur Dieu d'Israël" retrouvée si à propos par Hilkiah (2 Rois XXII) ; et il n'est que trop bien prouvé, par les fréquentes incongruités, les répétitions et les contradictions, qu'ils passèrent plus tard par plus d'une révision et plus d'un remodelage.
108 Cette assimilation du déluge à un tremblement de terre, dans les tablettes assyriennes, tendrait à prouver que les nations antédiluviennes étaient au courant d'autres cataclysmes géologiques antérieurs au déluge que la bible présente comme la première calamité qui frappe l'humanité, et comme un châtiment.
Les théories cosmogoniques des six premiers chapitres de la Genèse apparaissent dans les races des "fils de Dieu", des "géants", etc, du chapitre VI. A proprement parler, le récit de la formation de notre terre, ou "création", comme on l'a appelée bien à tort, commence avec le sauvetage de Noé du déluge. Les tablettes Chaldéo-babyloniennes récemment traduites par George Smith ne laissent aucun doute à ce sujet dans l'esprit de ceux qui savent lire ésotériquement les inscriptions. Ishtar, la grande déesse, parle dans la colonne III de la destruction du sixième monde et de l'apparition du septième, en ces termes :
"SIX jours et six nuits, le vent, le déluge et la tempête firent rage.
"Le septième jour, se calma le cours de la tempête et le déluge,
"qui avait détruit comme un tremblement de terre 108
"se calma. Il fit sécher la mer, et le vent et le déluge prirent fin...
"J'aperçus le rivage sur la limite de la mer...
"le navire (l'argha, ou la lune) alla au pays du Nizir, "la montagne de Nizir arrêta le navire...
"le premier jour, et le second jour, la montagne de Nizir fit de même,
"le cinquième et le sixième la montagne de Nizir fit de même,
"le septième jour, et pendant sa durée.
"J'envoyai une colombe et elle partit. La colombe s'en alla et revint et... le corbeau s'envola... mais ne revint point.
"J'élevai un autel sur le sommet de la montagne,
"par sept herbes que je coupai, et au-dessous d'elles je plaçai des joncs, des pins et du timgar...
"les dieux se réunirent comme des mouches, autour du sacrifice.
"Du temps jadis aussi, le grand Dieu dans sa course "avait créé la grande splendeur (le soleil) d'Anu 109. [89]
"Quand je ne quitterais pas la gloire de ces dieux sur le charme autour de mon cou... etc."
109 George Smith note dans les tablettes, en premier lieu la création de la lune, ensuite celle du soleil : "Sa beauté et sa perfection sont vantées ainsi que la régularité de son orbite qui fit qu'on la considéra comme le type d'un luge et du régulateur du monde." Si ce récit du déluge se rapporte simplement à un cataclysme cosmogonique – même s'il avait été universel – pourquoi la déesse Ishtar ou Astoreth (la lune) parlerait-elle de la création du soleil après le déluge ? Les eaux auraient pu atteindre la hauteur de la montagne de Nizir (version chaldéenne), ou de Jebel-pjudi (les montagnes du déluge des légendes arabes) ou même du mont Ararat (du récit biblique) et même de l'Himalaya de la tradition hindoue, sans cependant atteindre le soleil – car même la Bible n'est pas allée jusqu'à un miracle de cette nature. 11 est évident que le déluge de la nation, qui la première en garda le souvenir, avait une autre signification, moins problématique et plus philosophique que celle d'un déluge universel, dont il ne reste aucune trace géologique.
Tout cela a un rapport purement astronomique, magique et ésotérique. En lisant ces tablettes, on reconnaît le récit biblique, au premier coup d'œil, et l'on voit, en même temps, jusqu'à quel point le grand poème babylonien a été défiguré par des personnages évémériques – tombés de la position élevée de dieux qu'ils occupaient, au rang de simples patriarches. La place nous manque pour étudier tout au long cette parodie biblique des allégories chaldéennes. Nous nous bornerons donc à rappeler au lecteur que d'après l'aveu des témoignages les plus récalcitrants – comme celui de Lenormant, le premier inventeur puis champion des Akkadiens – la trinité chaldéo- babylonienne placée au-dessous d'Ilon, la divinité non révélée, se compose de Anu, Nuah et Bel. Anu est le chaos primordial, le dieu temps et monde en même temps, χρόνος et κόσνος, la matière, non-créée issue du seul principe fondamental de toutes choses. Quant à Nuah, il est, selon le même orientaliste :
"... l'intelligence, nous dirions volontiers le verbum, qui anime et féconde la matière, qui pénètre l'univers, qui le dirige et le fait vivre ; Nuah est, en même temps, le roi du principe humide ; l'Esprit qui se meut à la surface des eaux."
Est-ce assez clair ? Nuah c'est Noé, flottant sur les eaux dans son arche ; celle-ci étant l'emblème de l'argha, ou de la lune, le principe féminin ; Noé c'est l' "esprit" tombant dans la matière. Nous le voyons, à peine débarqué sur la terre, plantant une vigne, buvant le vin, et s'enivrant ; c'est-à-dire que l'esprit pur est enivré aussitôt qu'il est emprisonné dans la matière. Le septième chapitre de la Genèse n'est qu'une autre version du premier. Ainsi, tandis que dans celui-ci on lit : "les ténèbres étaient à la surface de l'abîme, et l'esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux", au chapitre sept, on lit : "Les eaux grossirent... et l'arche flotta (avec Noé – l'esprit) sur la surface des eaux." De sorte que Noé, s'il est le Nuah chaldéen, est l'esprit qui vivifie la matière, et le chaos est représenté par l'abîme, ou les eaux du déluge. Dans la légende babylonienne, c'est Ishtar (Astoreth, la lune) qui est enfermée dans l'arche, et qui envoie une colombe (emblème de Vénus et de toutes les déesses lunaires) à la recherche de la terre ferme. Et [90] tandis que dans les tablettes sémitiques c'est Xisuthros ou Hasisadra qui est "élevé en compagnie des dieux, pour sa piété", dans la Bible c'est Enoch qui agit selon Dieu et qui ayant été élevé auprès de lui, "ne fut plus".
Tous les anciens peuples croyaient à l'existence successive d'un nombre incalculable de mondes avant l'évolution ultérieure du nôtre et l'enseignaient. Le châtiment des chrétiens pour avoir ravi aux Juifs leurs archives et refusé la clé véritable pour les déchiffrer, commença dès les premiers siècles. Voilà la raison pour laquelle nous voyons les saints Pères de l'église à l'œuvre pour faire concorder une chronologie impossible et les absurdités de l'interprétation littérale, tandis que les doctes rabbins étaient parfaitement au courant de la véritable signification de leurs allégories. De cette manière, non seulement dans le Sohar, mais aussi dans d'autres ouvrages cabalistiques mentionnés par les Talmudistes, tels que le Midrash Berasheth, ou Genèse universelle, laquelle, avec la Merkaba (le chariot d'Ezéchiel) compose la Cabale, on reconnaît la doctrine de toute une série de mondes évoluant du chaos, et qui ont été successivement détruits.
Les doctrines hindoues reconnaissent deux Pralayas ou dissolutions ; un pralaya universel, le Maha-Pralaya, et l'autre partiel, ou Pralaya mineur. Cela n'a aucun rapport avec la dissolution universelle qui a lieu à la fin de chaque "jour de Brahma", mais avec les cataclysmes géologiques à la fin de chaque cycle mineur de notre globe. Ce déluge historique et purement local, de l'Asie centrale, dont la tradition se retrouve dans chaque pays, et qui, suivant Bunsen, eut lieu environ 10.000 ans avant J.-C., n'avait rien à faire avec le Noé ou Nuah mythique. Un cataclysme partiel a lieu dit-on à la fin de chaque "âge" du monde, qui ne détruit pas celui-ci, mais ne fait qu'en changer la disposition générale. De nouvelles races d'hommes et d'animaux, et une nouvelle flore évoluent de la dissolution des précédentes.
Les allégories de la "chute de l'homme" et du "déluge" sont les deux traits caractéristiques les plus importants du Pentateuque. Ce sont, pour ainsi dire, l'Alpha et l'Omega, les échelons le plus haut et le plus bas de l'échelle d'harmonie qui forme la base des majestueux hymnes de la création humaine ; car ils dévoilent à celui qui interroge le zura (la Gémantrie figurative) les processus de l'évolution de l'homme, depuis la plus haute entité spirituelle jusqu'à la plus inférieure physique – l'homme post-diluvien, comme c'est le cas pour les hiéroglyphes égyptiens, (où chaque signe de l'écriture peinte qui ne cadre pas dans une certaine figure géométrique circonscrite, doit être rejeté comme un masque voulu par le hiérogrammate sacré) ; beaucoup de détails de la Bible doivent être traités de la même manière, ne retenant que ce qui correspond aux méthodes numériques enseignées par la Cabale. [91]
Le déluge n'apparaît dans les livres hindous que comme une tradition. Il n'a aucun caractère sacré, et nous ne rencontrons que dans le Mahâbhârata, les Puranas, et plus antérieurement encore dans le Satapatha, un des derniers Brahmanas. Il est plus que probable que Moïse, ou, du moins celui qui écrivit pour lui, se soit servi de ces récits comme base de son allégorie défigurée volontairement, en y ajoutant le récit chaldéen de Bérose. Dans le Mahâbhârata, nous retrouvons Nemrod, sous le nom du Roi Daytha. L'origine de la fable grecque des titans escaladant l'Olympe, et de celle de la construction de la Tour de Babel, afin d'atteindre le ciel, se reconnaît dans l'impie Daytha, qui lance ses imprécations contre le tonnerre céleste, et menace de conquérir le ciel avec ses puissants guerriers, attirant ainsi la colère de Brahma sur l'humanité. "Le Seigneur résolut alors", dit le texte, "de châtier ses créatures par une punition terrible qui devrait servir d'avertissement à leurs successeurs et à leurs descendants."
Vaivasvata (qui dans la Bible devient Noé) sauve un petit poisson, qu'on reconnaît ensuite pour un avatar de Vichnou. Le poisson avertit le saint homme que le globe est sur le point d'être submergé, que tous ses habitants vont périr, et lui ordonne de construire un navire, où lui et sa famille s'embarqueront. Lorsque le navire est prêt, et que Vaivasvata s'y est enfermé avec sa famille, les semences de toutes les plantes et un couple de chaque animal la pluie commença à tomber et un poisson gigantesque, armé d'une corne, se place à la proue de l'arche. Le saint homme, suivant ses ordres attache un câble à cette corne, et le poisson conduit heureusement le navire à travers les éléments déchaînés. Dans la tradition hindoue, le nombre de jours pendant lequel dura le déluge, coïncide exactement avec celui du récit de Moïse. Lorsque les éléments furent apaisés, le poisson échoua l'arche sur le sommet des Himalayas.
Beaucoup de commentateurs orthodoxes prétendent que cette fable a été empruntée aux Ecritures Mosaïques 110. Mais certes, si un pareil cataclysme universel a jamais eu lieu de mémoire d'homme, quelques monuments égyptiens, dont beaucoup ont une antiquité fabuleuse, l'auraient mentionné, de concert avec le récit de la disgrâce de Cham, Chanaan et de Mizraïm, leurs ancêtres [92] présumés. Mais jusqu'à maintenant, on n'a pas retrouvé la moindre allusion à cette calamité, bien que Mizraïm appartienne certainement à la première génération après le déluge, s'il n'était pas lui-même antédiluvien. D'autre part, les Chaldéens ont conservé la tradition, nous le tenons de Bérose lui-même, et les anciens hindous conservent la légende telle que nous la reproduisons ci-dessus. Or, il n'existe qu'une seule explication du fait extraordinaire, que des deux nations civilisées contemporaines comme l'Egypte et la Chaldée, l'une n'en ait gardé aucune tradition, bien qu'elle ait été plus directement intéressée à le faire – si nous en croyons la Bible – et que l'autre l'ait conservée. Le déluge mentionné dans la Bible, dans un des Brahmanas et dans les Fragments de Bérose, se réfère à l'inondation partielle qui, suivant Bunsen, et les calculs brahmaniques du Zodiaque changea, environ 10.000 ans avant J.-C. la face totale de l'Asie Centrale 111. Par conséquent les Babyloniens et les Chaldéens ont pu l'apprendre de leurs hôtes mystérieux, baptisés par quelques assyriologues du nom d'Akkadiens, ou il est encore plus probable qu'ils aient été eux-mêmes, les descendants de ceux qui peuplaient les cités submergées. Les Juifs recueillirent la légende de ces derniers comme ils reçurent d'eux tout le reste ; les Brahmanes ont pu garder la tradition des contrées qu'ils avaient envahies en premier lieu, et qu'ils avaient peut-être déjà habitées avant leur conquête du Pendjab. Mais les Egyptiens originaires du sud de l'Inde avaient moins d'intérêt à se souvenir du cataclysme, puisqu'il ne les avait affectés peut être qu'indirectement, l'inondation ayant été confinée à l'Asie Centrale.
110 La "lettre morte qui tue" est fort bien illustrée dans le cas du Jésuite Carrière mentionné dans la "Bible de l'Inde". La dissertation suivante donne une excellente idée de l'esprit du monde catholique tout entier : "Si bien que la création du monde", dit le fidèle disciple de Loyola, en expliquant la Chronologie de Moïse, "et tout ce qui est rapporté dans la Genèse a pu être connu de Moïse par les récits personnels que lui avaient fait ses parents. Peut-être les souvenirs existaient-ils encore parmi les Israélites, et que d'après ces souvenirs il a pu noter les dates de la naissance et de la mort des patriarches, le nombre de leurs enfants et les noms des différents pays où chacun d'eux s'établit sous la conduite du saint esprit que nous devons toujours considérer comme le principal auteur de tous les livres sacrés !!!"
111 Voyez chapitre XV et dernière partie du second volume.
112 Description, etc... des peuples de l'Inde, par l'Abbé J.-A. Dubois, missionnaire à Mysore. Vol. I, p. 186.
Burnouf remarquant que le récit du déluge ne se trouve que dans un des plus modernes Brahmanas, croit également que les Hindous ont pu l'emprunter aux nations sémitiques. Toutes les traditions et les coutumes des Hindous s'opposent à une pareille supposition. Les Aryens, et surtout les Brahmanes n'ont jamais rien emprunté aux sémites et en cela nous sommes corroborés par un de ces "témoins récalcitrants", comme Higgins appelle les partisans de Jéhovah et de la Bible. "Je n'ai jamais rien vu dans l'histoire des Egyptiens et des Juifs", écrit l'abbé Dubois, qui avait résidé pendant quarante ans aux Indes, "qui laisserait supposer que n'importe laquelle de ces deux nations, ou une autre quelconque sur la surface de la terre, aient été établie antérieurement aux Hindous et tout particulièrement aux Brahmanes ; je ne puis, donc, m'imaginer que ceux-ci aient tiré leurs rites des nations étrangères. Bien au contraire, j'en déduis qu'ils viennent d'une source originelle qui leur est propre. Quiconque connaît tant soi peu la valeur et le caractère des Brahmanes, leur dignité, leur orgueil et leur [93] extrême vanité, l'éloignement et le souverain mépris qu'ils professent pour tout ce qui est étranger, et dont ils ne peuvent pas se vanter d'être les inventeurs, sera d'accord avec moi qu'un pareil peuple ne consentirait jamais à prendre ses coutumes et ses règles de conduite dans celles d'un pays étranger 112."
Cette fable, qui donne le récit du plus ancien avatar – le Matsya – se réfère à un autre yoga que le nôtre, celui de la première apparition de la vie animale ; qui sait peut-être à la période Dévonienne de nos géologues ? Elle correspond certainement mieux à celle-ci qu'à l'an 2348 avant J.-C. A part cela l'absence même de toute allusion au déluge dans les plus anciens livres des Hindous, est un argument des plus puissants, lorsque nous en sommes réduits à des suppositions comme c'est ici le cas. "Les Védas et le Manou", dit Jaccolliot, "ces monuments de l'ancienne pensée asiatique, existaient bien avant la période diluvienne ; ceci est un fait incontestable, qui a toute la valeur d'une vérité historique, car, outre la tradition qui nous montre Vichnou, en personne, sauvant les Védas du déluge – tradition qui, malgré sa forme légendaire, doit certainement reposer sur un fait réel – on a remarqué qu'aucun de ces livres sacrés ne fait mention du cataclysme, tandis que les Pouranas et le Mahâbhârata et quantité d'autres ouvrages plus récents le décrivent dans ses moindres détails, ce, qui est une preuve de la priorité des premiers. Les Védas n'auraient certainement pas manqué de dédier quelques hymnes à la terrible calamité, qui entre toutes les manifestations de la nature, a dû frapper l'imagination de ceux qui en furent les témoins.
"De même le Manou, qui nous fait un récit complet de la création, avec la chronologie depuis l'âge divin et héroïque jusqu'à l'apparition de l'homme sur la terre, aurait eu garde de passer sous silence un fait de cette importance". Le Manou (livre I, sloka 35) donne les noms de dix saints éminents qu'il nomme de pradjapatis (ou plus correctement des Prajâpatis) dans lesquels les théologiens brahmaniques voient les prophètes, les ancêtres de la race humaine, et que les Pandits considèrent comme dix rois puissants qui vécurent dans le Krita-Yug, ou l'âge du bien (l'âge d'or des Grecs).
Le dernier de ces Prajâpatis est Brighou.
En détaillant la succession de ces grands êtres qui, d'après le Manou, ont gouverné le monde, l'ancien législateur brahmanique donne les noms suivants des descendants de Brighou : Swarotchica, Ottami, Tamasa, Raivata, le glorieux Tchakchoucha et [94] le fils de Vivasvat, chacun des six s'étant rendu digne de porter le titre de Manou (divin législateur), titre qui avait également appartenu aux Prajâpatis, et à tous les grands personnages de l'Inde primitive. La généalogie s'arrête à son nom.
Or, d'après les Pouranas et le Mahâbhârata ce fut sous un descendant de ce fils de Vivaswata, nommé Vaivaswata qu'eut lieu le grand cataclysme, dont le souvenir, comme nous le verrons, a passé dans la tradition, et fut colporté par l'émigration dans tous les pays de l'est et de l'ouest colonisés depuis lors par les Hindous.
La généalogie du Manou, s'arrêtant, ainsi que nous venons de le voir, à Vivaswata, il s'ensuit que cet ouvrage (celui du Manou) n'a eu connaissance ni de Vivaswata, ni du Déluge 113."
113 Fétichisme, Polythéisme, Monothéisme, pp. 170, 171.
L'argument est incontestable ; et nous le recommandons aux savants officiels qui, pour plaire au clergé, nient chaque fait qui vient corroborer l'immense antiquité des Védas et du Manou. Il y a longtemps que le colonel Vans Kennedy a déclaré que Babylone avait été, dès l'origine, le siège de la littérature sanscrite et des connaissances des Brahmanes. Alors pourquoi et comment les Brahmanes auraient-ils pénétré jusque-là, sinon à la suite de guerres intestines et d'émigration des Indes ? Le récit le plus complet du déluge, se trouve dans le Mahâbhârata de Vedavyasa, poème en honneur des allégories astrologiques, au sujet des guerres entre les races Solaires et Lunaires. Une de ces versions prétend que Vivaswata devint par sa propre progéniture le père de toutes les nations de la terre, et c'est là la formule adoptée dans la version de Noé ; l'autre veut – comme celle de Deucalion et Pyrrha – qu'il n'eut qu'à jeter des cailloux dans la boue déposée par les eaux de l'inondation, pour produire des hommes à volonté. Ces deux versions – l'une juive et l'autre grecque – ne nous laissent pas le choix. Il faut, ou croire que les Hindous ont emprunté la légende aux Grecs païens, ainsi qu'aux Juifs monothéistes, ou alors – ce qui est bien plus probable – que les versions de ces deux nations sont venues de la littérature védique par l'intermédiaire des Babyloniens.
L'histoire rappelle le flot d'immigration à travers l'Indus, qui, plus tard, se déversa sur l'occident ; elle relate aussi le passage des populations d'origine hindoue de l'Asie Mineure, pour aller coloniser la Grèce. Mais l'histoire ne dit rien au sujet du "peuple élu", ou des colonies grecques qui auraient pénétré dans l'Inde antérieurement au Vème et au IVème siècle avant J.-C., époque à laquelle nous trouvons les premières vagues traditions, d'après lesquelles quelques-unes des problématiques tribus perdues d'Israël, auraient [95] pris, depuis Babylone, la route de l'Inde. Mais même si on devait ajouter foi au récit des dix tribus, et qu'on puisse prouver que ces tribus, elles-mêmes, aient existé dans l'histoire profane comme dans l'histoire sacrée, cela ne résoudrait en aucune façon le problème. Colebrooke, Wilson et d'autres éminents hindouistes prouvent que le Mahâbhârata, sinon le Satapatha-brahmana, qui donne aussi la version du récit, sont de beaucoup antérieurs à l'époque de Cyrus, et par conséquent à l'époque possible de l'apparition en Inde de l'une quelconque des tribus d'Israël 114.
114 Contre cette dernière affirmation, dérivée uniquement des récits de la Bible, nous pouvons opposer tous les fats historiques : 1° Il n'existe aucune preuve que ces douze tribus aient jamais existé ; celle de Lévi était une caste sacerdotale, et toutes les autres sont imaginaires. 2° Hérodote, le plus exact de tous les historiens, qui était en Assyrie lorsque florissait Esra, ne fait aucune mention des Israélites ? Hérodote naquit en l'an 484 avant J.-C.
Les orientalistes attribuent au Mahâbhârata une antiquité de douze à quinze cents ans avant J.-C. ; quant à la version grecque, la preuve n'en est pas plus certaine que pour l'autre, et les efforts des hellénistes dans ce sens, ont eu aussi peu de succès. L'histoire des armées conquérantes d'Alexandre pénétrant dans l'Inde septentrionale soulève aujourd'hui de plus en plus de doute. Il n'existe pas une seule archive nationale hindoue, ni le plus petit souvenir historique, d'un bout du pays à l'autre, qui ait laissé la moindre trace d'une invasion de cette nature.
Si nous sommes obligés d'admettre que de pareils faits historiques n'ont été que des fictions, que devons-nous penser des narrations qui portent en elles-mêmes la marque d'avoir été inventées de toutes pièces ? Nous sympathisons de tout cœur avec le professeur Müller, lorsqu'il dit que "cela paraît être un blasphème de considérer ces fables du monde païen comme des fragments corrompus et faussement interprétés de la Révélation divine, donnée, autrefois, à l'humanité tout entière." Toutefois, ce savant est-il aussi impartial pour les deux partis, s'il ne comprend dans ces fables, celles de la Bible elle-même ? Et le langage de l'Ancien Testament est-il plus pur ou plus moral que celui des livres brahmaniques ? Ou les fables du monde païen sont-elles plus impies et plus ridicules que celle de l'entretien de Jéhovah avec Moïse (Exode, XXXIII, 23) ? Quel est le dieu païen qui prenne un aspect plus diabolique que ce même Jéhovah en plus d'une occasion ? Si les sentiments d'un pieux chrétien se révoltent à l'absurde récit du Père Kronos mangeant ses enfants, et mutilant Uranus ; ou à celui de Jupiter précipitant Vulcain du haut de l'Olympe et lui cassant la jambe ; peut-il, ailleurs en vouloir à un non-chrétien de se faire des gorges chaudes à l'idée de Jacob engageant une partie de boxe avec le Créateur, lequel "voyant qu'il ne pouvait le [96] vaincre" lui démit la hanche ; le patriarche tenant bon contre Dieu et ne Le laissant point aller, malgré Sa prière ?
Pourquoi l'histoire de Deucalion et de Pyrrha, jetant des pierres dans le limon et créant ainsi la race humaine, serait-elle plus ridicule que celle de la femme de Loth, changée en un pilier de sel, ou celle de l'Eternel façonnant des hommes de terre glaise et leur soufflant le souffle de vie dans les narines ? La différence entre ce mode de création et celui du dieu égyptien aux cornes de bélier, formant un homme sur un tour de potier, est à peine perceptible. La légende de Minerve, déesse de la sagesse, venant à l'existence après une période de gestation dans le cerveau de son père est, tout au moins, une allégorie poétique et suggestive. Aucun ancien grec ne fut jamais brûlé pour ne pas l'avoir acceptée au pied de la lettre ; et de toutes manières, les fables "païennes" sont, en général, beaucoup moins absurdes et impies que celles qu'on impose aux chrétiens, depuis que l'Eglise a accepté l'Ancien Testament, et que l'Eglise Catholique Romaine a ouvert son registre de saints thaumaturgiques.
"Beaucoup d'indigènes hindous", continue le professeur Müller, "confessent être outrés des impuretés attribuées à leurs dieux dans ce qu'ils appellent leurs écritures sacrées ; et cependant il ne manque pas d'honnêtes Brahmanes qui soutiennent que ces fables ont une signification plus profonde ; que l'immoralité étant incompatible avec un être divin, on suppose qu'un mystère se cache dans ces fables consacrées par le temps, mystère qu'un esprit investigateur et révérencieux peut espérer sonder".
Voilà précisément ce que prétend le clergé chrétien lorsqu'il cherche à expliquer les indécences et les incongruités de l'Ancien Testament. Mais, au lieu d'en laisser l'interprétation à ceux qui possèdent la clé de ces prétendues incongruités, il s'est arrogé la fonction et le droit, par le pouvoir divin, de les interpréter à sa guise. Il a non seulement fait cela, mais il a, peu à peu, privé le clergé hébreu des moyens d'interpréter ses Ecritures, comme l'avaient fait les ancêtres ; de sorte qu'au siècle actuel, il est fort rare de rencontrer parmi les Rabbins ; un cabaliste profondément versé dans cette science. Les Juifs, eux-mêmes, en ont perdu la clé ! Et pourrait- il en être autrement ? Où sont les manuscrits originels ? Le plus ancien manuscrit hébreu existant est, dit-on, le Bodléian Codex, qui date, tout au plus, de huit ou neuf cents ans 115. La lacune entre Ezra et ce Codex serait donc de quinze siècles. [97]
115 Le Dr Kennicot, lui-même, et Bruns sous sa direction vers 1780 collationna 692 manuscrits de la "Bible" hébraïque. Parmi tous ceux-ci, deux seulement étaient attribués au Xème siècle, et trois à une époque aussi lointaine que le XIème et XIIème siècles. Les autres allaient du XIIIème au XVIème.
Dans son Introduzione alla Sacra Scrittura, pp. 34-47, de Rossi, de Parme, parle de 1418 MSS, collationnés et de 374 éditions. Le plus ancien manuscrit le Codex, affirme-t-il – celui de Vienne – date de l'an 1019 ; puis vient celui de Reuchlin, de Carlsruhe, 1038. "Il n'y a", déclare-t-il, "rien dans les manuscrits de l'Ancien Testament hébreu, qui soit antérieur an XIème siècle après le Christ".
En 1490 l'Inquisition fit brûler toutes les Bibles hébraïques ; Torquemada, à lui seul, détruisit plus de 6.000 volumes à Salamanque. Exception faite de quelques manuscrits des Tora Ketubim et des Nebiim, employés dans les synagogues, nous ne croyons pas qu'il y ait un seul manuscrit ancien qui n'ait pas été ponctué et, par conséquent, mal interprété et déformé par les Masorets. Sans cette invention venue fort à propos de la Masorah, il n'aurait pas été possible de tolérer au siècle actuel un seul exemplaire de l'Ancien Testament. Il est bien connu que les Masorets prirent à tâche d'effacer, sauf dans quelques passages qui ont probablement dû leur échapper, toutes les expressions inconvenantes en les remplaçant par places par des phrases de leur crû, ce qui changeait souvent complètement le sens du verset. "Il est évident", dit Donald. son, "que l'école masorétique, à Tibériade, s'occupa de faire et de défaire le texte hébreu, jusqu'à la publication finale de la Masorah elle-même." Par conséquent, si nous avions seulement les textes originels – si nous nous en rapportons aux exemplaires actuels de la Bible en notre possession – ce serait édifiant de comparer l'Ancien Testament avec les Védas et même avec les livres brahmaniques. Nous croyons certainement qu'aucune foi, pour aveugle qu'elle soit, puisse tenir debout devant une pareille avalanche de fables et de crues impudicités. Si celles-ci ne sont pas seulement acceptées par des millions de personnes civilisées, qui s'imaginent qu'il est honorable et édifiant d'y croire comme étant une révélation divine, mais aussi qu'elles leur ont été imposées, pourquoi nous étonnerions-nous de ce que les Brahmanes croient également que leurs écritures sont une Sruti, c'est-à-dire une révélation ?
De toutes façons, rendons grâces aux Masorets, mais considérons en même temps les deux faces de la médaille.
Les légendes, les mythes, les allégories, les symboles, s'ils appartiennent à la tradition hindoue, chaldéenne, ou égyptienne, sont tous classés sous la même rubrique, de fiction. On ne leur concède même pas une recherche superficielle au sujet de leur relation possible avec l'astronomie ou les emblèmes sexuels. Les mythes – lorsqu'ils sont mutilés, et justement pour cette raison – sont acceptés comme Ecriture Sainte, bien plus, comme la Parole de Dieu ! Est-ce là de l'histoire impartiale ? Est-ce là de la justice pour le passé, le présent ou le futur ? "Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon", disait le Réformateur il y a dix-neuf siècles. "Vous [98] ne pouvez servir la vérité et le parti pris public", serait plus applicable en s'adressant à notre époque actuelle. Et cependant nos autorités prétendent servir celle-là.
Il est rare qu'un mythe dans un système religieux quelconque, n'ait pas une base historique aussi bien que scientifique. Les Mythes, ainsi que le dit fort judicieusement Pococke, "sont reconnus aujourd'hui comme des fables, dans la mesure où nous les comprenons mal ; des vérités dans la mesure où elles étaient autrefois comprises. C'est notre ignorance qui a fait un mythe de l'histoire ; et notre ignorance est un héritage des Hellènes, et la plus grande partie de celle-ci est le résultat de la vanité hellénique 116".
116 India in Greece. Préface, IX.
Bunsen et Champollion ont déjà montré que les livres sacrés des Egyptiens étaient bien plus anciens que les parties les plus anciennes du Livre de la Genèse. Et aujourd'hui, de soigneuses recherches paraissent autoriser le soupçon – qui pour nous est une certitude – que les lois de Moïse sont copiées sur le code du Manou brahmanique. Ainsi, selon toute probabilité, l'Egypte est redevable à l'Inde de sa civilisation, de ses institutions civiles, et de son art. Toute une armée "d'autorités" s'érige contre cette dernière assertion ; mais que nous importe si ces autorités nient aujourd'hui le fait ? Tôt ou tard il faudra qu'elles l'acceptent, qu'elles appartiennent à l'école allemande ou française. Il existe parmi eux, mais non chez ceux qui transigent si aisément entre l'intérêt et la conscience, quelques savants intrépides, qui jetteront la lumière sur certains faits irrécusables. Il y a quelque vingt ans, Max Müller, dans une lettre à l'éditeur du Times de Londres, en avril 1857, soutenait fermement que le Nirvâna voulait dire annihilation, au sens le plus large du mot. (Voyez Chips, etc. Vol. I, p. 287, au sujet de la signification de Nirvâna). Mais en 1869, dans une conférence devant l'assemblée générale de l'Association des Philologues Allemands, à Kiel, il déclara nettement "qu'il croyait que le nihilisme attribué à l'enseignement du Bouddha, ne fait pas partie de sa doctrine, et qu'il est tout à fait erroné de supposer que le Nirvâna signifie annihilation" (American and Oriental Litterary Record, de Trübner, October 16, 1869 ; voyez aussi Ancient Faiths and Modern de Inmann, p. 128). Et cependant si nous ne nous trompons fort, le professeur Müller passait aussi bien pour une autorité en 1857 qu'en 1869.
"Il sera difficile d'établir", dit (maintenant) ce célèbre savant, "si les Védas sont les livres les plus anciens, ou si quelques parties de l'Ancien Testament ne peuvent être attribuées à une date aussi ancienne, sinon antérieure aux plus anciens hymnes [99] des Védas 117." Toutefois sa rétraction au sujet du Nirvâna nous laisse l'espoir qu'il pourra encore changer d'opinion quant à la Genèse, de sorte que le public aura le bénéfice simultané de la vérité et de la sanction d'une des plus hautes autorités de l'Europe.
Nul n'ignore que les orientalistes n'ont jamais pu se mettre d'accord sur l'époque de Zoroastre, et jusqu'à ce que cette question ait été élucidée on fera bien de s'en tenir implicitement, plutôt aux calculs brahmaniques au moyen du zodiaque, qu'à l'opinion des savants. Laissant de côté toute la horde profane des savants méconnus, ceux qui attendent encore leur tour pour devenir les idoles du public comme symboles de la direction scientifique, où trouverons-nous, parmi les autorités reconnues aujourd'hui comme telles, deux hommes qui soient d'accord au sujet de cette époque ? Voici Bunsen qui place Zoroastre à Baktra, et l'émigration des Baktriens vers l'Indus en l'an 3784 avant J.-C. 118 et la naissance de Moïse en 1392 119. Or il est plutôt malaisé de mettre Zoroastre avant les Védas puisque sa doctrine tout entière est celle des Védas primitifs. Certes, il séjourna en Afghanistan pendant une période plus ou moins problématique, avant de traverser le Pendjab ; mais les Védas furent commencés dans ce dernier pays. Ils signalent la marche des Hindous de même que l'Avesta signale celle des Iraniens. Puis il y a Haug qui assigne à l'Aitareya Brahmanam – doctrine brahmanique et commentaire du Rig-Véda, d'une date bien plus récente que le Véda lui-même – une date de 1400 à 1200 avant J.-C., tandis qu'il met les Védas entre 2000 et 2400 ans avant J.-C. Max Müller fait prudemment ressortir certaines difficultés dans ce calcul chronologique, mais, tout de même, il ne le nie pas entièrement 120. Quoi qu'il en soit, et en supposant même que le Pentateuque ait été écrit par Moïe en personne – nonobstant qu'en ce faisant, il ait fait deux fois le récit de sa propre mort – néanmoins, si Moïse est né, ainsi que le dit Bunsen en 1392 avant J.-C. il est impossible que le Pentateuque ait été écrit avant les Védas ; et surtout si Zoroastre est né en 3784 avant J.-C. Si, comme le dit le Dr Haug 121, quelques-uns des hymnes du Rig-Véda furent écrits avant le schisme de Zoroastre, quelque trente-sept siècles avant J.-C. et Max Müller affirme lui-même que les "Zoroastriens et leurs ancêtres partirent de l'Inde pendant la période védique", comment pourrait-on faire remonter quelques parties de l'Ancien Testament à la même date, sinon "à une date antérieure aux plus anciens hymnes du Véda" ? [100]
117 Chips Vol. I.
118 Egypt's place in Universal History. Vol. V. p. 77.
119 Ibidem, p. 78.
120 Chips. Aytereya Brahmanam.
121 Dr. Haug, surintendant des études sanscrites au Collège de Poona, à Bombay.
Les orientalistes en général sont d'accord que les Aryens, 3000 ans avant J.-C., occupaient encore les steppes à l'est de la mer Caspienne, et qu'ils étaient encore unis. Rawlinson suppose qu'ils "vinrent de l'est", de l'Arménie, comme centre commun ; tandis que deux courants congénères s'acheminèrent l'un vers le nord sur le Caucase et l'autre à l'ouest sur l'Asie Mineure et l'Europe. Il retrouve les Aryens, à une période antérieure au XVème siècle avant notre ère, "établis dans le territoire baigné par l'Indus supérieur". De là les Aryens Védiques se transportèrent au Pendjab et les Aryens du Zend à l'occident où ils fondèrent les nations historiques. Mais cela, comme tout le reste, n'est qu'une hypothèse, et n'est donné que comme telle.
Rawlinson encore emboîtant le pas à Max Müller dit que "l'histoire primitive des Aryens demeure pendant plusieurs siècles une lacune absolue". Toutefois beaucoup de Brahmanes instruits nous ont déclaré qu'ils ont trouvé la trace de l'existence des Védas dès l'an 2100 avant J.-C. ; et Sir Williams Jones, se basant sur les données astronomiques, assigne au Yajur-Véda, une date de 1580 avant J.-C. Cela serait encore antérieur à Moïse.
C'est sur la supposition que les Aryens ne quittèrent pas l'Afghanistan pour le Pendjab avant 1500 ans avant J.-C. que Max Müller et les autres savants d'Oxford croient que certaines parties de l'Ancien Testament peuvent être attribuées à la même date, sinon à une date antérieure aux plus anciens hymnes du Véda. Par conséquent, jusqu'à ce que les orientalistes puissent nous dire la date exacte à laquelle Zoroastre était florissant, aucune autorité ne doit être considérée plus compétente pour déterminer l'âge des Védas que les Brahmanes eux-mêmes.
Comme c'est un fait notoire que les Juifs empruntèrent la plupart de leurs lois aux Egyptiens, examinons qui étaient les Egyptiens. A notre avis – qui n'a, naturellement, pas une grande valeur – ils étaient les anciens habitants de l'Inde, et dans notre premier volume nous avons cité des passages de l'historien Collouca-Batta, à l'appui de cette thèse. Voici ce que nous voulons dire par l'Inde antique :
Aucune contrée sur la carte – si ce n'est l'ancienne Scythie – n'est moins bien définie que celle qui porta la dénomination de l'Inde. L'Ethiopie est peut-être la seule de ce genre. C'était le berceau des races Cushites ou Kamitiques, et il était situé à l'Est de Babylone. Ce fut jadis le nom de l'Hindoustan, lorsque les races noires, adorateurs de Bala- Mahadeva et Bhavani-Mahidévi régnaient suprêmes sur ce pays. L'Inde des sages primitifs parait avoir été la région des sources de l'Oxus et du Jaxartes. Appollonius de Tyane traversa le Caucase ou l'Hindou-Koush, où il rencontra un roi qui lui indiqua la demeure des sages – peut-être les [101] descendants de ceux qu'Ammianus appelle les "Brahmanes de l'Inde supérieure", et que visita Hystaspes, père de Darius (ou plus probablement Darius Hystaspes lui-même) ; et lequel, ayant été instruit par eux, infusa leurs rites et leurs idées dans les pratiques des Mages. Ce récit d'Apollonius paraît laisser supposer que le pays qu'il visita était le Cashmire, et que les Nagas – après leur conversion au Bouddhisme – furent ses instructeurs. A ce moment l'Inde Aryenne ne s'étendait pas au- delà du Pendjab.
A notre avis, l'obstacle le plus déconcertant pour tout progrès de l'ethnologie, a toujours été la triple progéniture de Noé. En conciliant les races post-diluviennes avec la descendance généalogique de Sem, Cham et Japhet, les orientalistes chrétiens ont entrepris une tâche impossible à accomplir. L'arche biblique de Noé a été un lit de Procuste auquel tout devait s'adapter. Par conséquent on a détourné l'attention des véritables sources d'information concernant l'origine de l'homme, et on a confondu une allégorie purement locale, avec une archive historique venant, d'une source inspirée. Quelle étrange et malencontreuse idée ! De toutes les écritures sacrées des nations nées de la racine primitive de l'humanité, ne faut-il pas que le Christianisme choisisse comme guide les annales nationales et les écritures d'un peuple qui est peut-être le moins spirituel entre tous ceux de la famille humaine – les Sémites. Une nation qui n'a jamais été capable de développer parmi toutes ses langues, un langage qui permette d'incorporer les notions d'un monde intellectuel et moral ; dont les formes d'expression, et les tendances ne se sont jamais élevées au- dessus d'images purement sensuelles et terre à terre ; dont la littérature n'a jamais laissé quoi que ce soit d'original, rien qui n'ait été emprunté à la pensée aryenne ; et dont la science et la philosophie soient absolument dépourvues des nobles traits qui caractérisent les doctrines éminemment spirituelles et métaphysiques des races Indo-européennes (c'est-à-dire Japhétiques).
Bunsen démontre que le Khamisme (le langage de l'Egypte) est un très ancien reste de l'Asie occidentale, contenant le germe du sémite ; il témoigne, ainsi, "de l'unité de parenté primitive entre les races Sémite et Aryenne." Rappelons-nous à ce sujet, que les peuples du Sud-Ouest et de l'Ouest de l'Asie, y compris les Mèdes, étaient tous des Aryens. Il est encore loin d'être prouvé qui furent les maîtres originels et primitifs de l'Inde. Que cette période soit maintenant hors de la portée de l'histoire documentaire, n'empêche en aucune manière la probabilité de notre théorie que c'était la puissante race de constructeurs, qu'on les appelle Ethiopiens orientaux ou Aryens à peau noire (ce mot signifiant simplement "noble guerrier", un "brave"). Ils régnèrent, à une époque, en souverains maîtres sur l'ancienne Inde tout entière, désignée, plus [102] tard, par le Manou, comme la possession de ceux que nos savants appellent les peuples de langue sanscrite.
On suppose que ces Hindous pénétrèrent dans le pays par le Nord- Ouest ; d'aucuns croient qu'ils apportèrent avec eux la religion brahmanique, et le langage de ces conquérants était probablement le sanscrit. C'est sur ces trois pauvres données que nos philologues ont travaillé depuis que Sir William Jones a appelé l'attention sur l'hindoustan et son immense littérature sanscrite – mais traînant toujours après eux le boulet des trois fils de Noé. C'est de la science exacte, dégagée de tout parti pris religieux ! Certes, l'ethnologie n'aurait rien perdu, si le trio des trois fils de Noé était tombé à l'eau et s'était noyé dans les eaux du déluge, avant que l'arche n'ait touché terre !
On classe, généralement, les Ethiopiens dans le groupe des Sémites ; mais nous allons étudier jusqu'à quel point ils ont droit à cette classification. Nous aurons aussi à considérer jusqu'à quel points ils ont été mêlés à la civilisation égyptienne, laquelle comme le dit certain auteur, paraît avoir joui de la même perfection dès les âges les plus reculés, sans avoir passé par une ascension et un progrès, comme cela a été le cas pour tous les 'autres peuples. Pour des raisons que nous allons exposer, nous sommes prêts à affirmer que l'Egypte doit sa civilisation, son gouvernement et ses arts – et surtout celui de la construction – à l'Inde pré- védique, et que ce fut une colonie d'Aryens à peau foncée, ou ceux qu'Homère et Hérodote appellent les Ethiopiens orientaux, c'est-à-dire les habitants de l'Inde méridionale, qui y apportèrent leur civilisation toute faite, dans les temps anté-chronologiques, ce que Bunsen appelle l'histoire pré-Mérite, mais néanmoins, appartenant à une époque déterminée.
Dans le India in Greece de Pococke, nous lisons le paragraphe suggestif suivant : "Le récit, sans ornement, des guerres entre les chefs solaires, Oosras (Osiris) le prince des Guclas, et "TUPHOU", n'est rien de plus que le fait historique des guerres des Apiens, ou tribus solaires d'Oude et des peuples de "Tu-PHOO" ou Thibet, qui étaient, de fait, la race lunaire, pour la plupart Bouddhistes 122, et combattus par Rama et les "AITHO-PIAS" ou peuple d'Oude, connus ensuite comme les AITHO-IO- PIENS d'Afrique 123." (Voir page 121).
122 Pococke appartient à la classe d'orientalistes qui croient que le Bouddhisme a précédé le Brahmanisme, et était la religion des premiers Védas, Gautama n'ayant été que le restaurateur de cette religion dans sa forme la plus pure, et gui est retombée de nouveau après lui dans le dogmatisme.
123 India in Greece, p. 200.
Nous rappellerons au lecteur, à cet égard, que Ravan, le géant, qui, dans le Ramayana, combattit Rama Chandra, y est présenté [103] comme le Roi de Lanka, qui était l'ancien nom de Ceylan ; et qu'à cette époque, Ceylan faisait peut être partie de la terre ferme de l'Inde méridionale, qui était peuplée par les "Ethiopiens orientaux". Vaincus par Rama, le fils de Dasarata, le Roi Solaire de l'ancienne Oude, une colonie de ceux-ci émigra dans le Nord de l'Afrique. Si, ainsi que beaucoup le soupçonnent, l'Iliade d'Homère, et une grande partie de son récit de la guerre de Troie, est un plagiat du Ramayana, les traditions qui servirent de base pour ce dernier, doivent avoir une antiquité fabuleuse. Il y a donc amplement de la place dans l'histoire pré-chronologique pour y placer une période pendant laquelle les "Ethiopiens orientaux" auraient pu établir l'hypothétique colonie Mizraique, avec son éminente civilisation et ses arts indiens.
La science est encore dans l'ignorance au sujet des inscriptions cunéiformes. Jusqu'à ce qu'elles aient été complètement déchiffrées, et tout spécialement celles gravées dans les rochers, si abondamment trouvées dans les limites de l'ancien Iran, qui sait les secrets qu'elles auront à nous révéler ? Il n'y a pas d'inscription monumentale sanscrite plus ancienne que Chandragupta (315 avant J.-C.) et les inscriptions de Persépolis sont de 220 ans plus anciennes. Il existe aujourd'hui même quelques manuscrits en caractères totalement inconnus des philologues et des paléographes, et un de ceux-ci est, ou était, il n'y a pas longtemps, dans la bibliothèque de Cambridge en Angleterre. Les écrivains linguistiques classent la langue sémite parmi les langages indo-européens, en y comprenant généralement l'éthiopien et l'ancien égyptien. Mais si quelques dialectes de l'Afrique du Nord moderne, et même le Gheez moderne ou éthiopien, sont aujourd'hui dégénérés et corrompus au point de permettre de fausses conclusions au sujet de leur parenté originelle avec les autres langages sémites, nous ne sommes pas si sûrs que ceux-ci aient droit à une pareille classification, sauf en ce qui concerne l'ancienne langue copte et l'ancien Gheez.
Il reste encore à prouver qu'il existe une plus étroite parenté entre les Ethiopiens et les Aryens à peau foncée, et entre ceux-ci et les Egyptiens. On a reconnu il n'y a pas longtemps que les anciens Egyptiens appartenaient au type caucasien de l'humanité, et que la forme de leur crâne est purement asiatique 124. Si leur peau était moins cuivrée que celle des Ethiopiens modernes, les Ethiopiens, eux-mêmes, ont pu avoir un teint plus clair dans les anciens temps. Le fait que, chez les rois éthiopiens, l'ordre de [104] succession donnait la couronne au neveu du roi, au fils de sa sœur, et non à son propre fils, est fort suggestif. C'est une ancienne coutume qui a encore cours dans l'Inde du Sud. Les successeurs du rajah ne sont pas ses propres fils, mais ceux de sa sœur 125.
De toutes les langues et les dialectes prétendus sémitiques, seul l'éthiopien s'écrit de gauche à droite, comme le sanscrit et les langages des nations indo-aryennes 126.
124 L'origine asiatique des premiers habitants de la vallée du Nil est clairement prouvée par des témoignages concurrents et indépendants. Cuvier et Blumenbach affirment que les crânes des momies qu'ils ont eu l'occasion d'examiner présentent le type caucasien. Dernièrement, un physiologiste américain (le Dr Morton), a adopté la même conclusion. (Crania Ægyphaca. Philadelphie, 1844).
125 Feu le Rajah de Travancore eut comme successeur le fils aîné de sa sueur, qui règne aujourd'hui, le Maharajah Rama Vurmah. Les héritiers en première ligne sont les fils de sa sueur décédée Dans le cas où la ligne féminine serait interrompue par sa mort, la famille royale est obligée d'adopter la fille d'un autre Rajah, et si cette Rani n'a pas de descendance féminine, on adopte une autre fille, et ainsi de suite.
126 Quelques orientalistes sont d'opinion que cette coutume ne fut introduite qu'à la suite des premiers colons chrétiens en Ethiopie ; mais, comme sous les Romains la population de ce pays fut presque entièrement changée, l'élément devint tout à fait arabe ; nous pouvons donc, sans mettre l'affirmation en doute, supposer que ce fut l'influence prédominante arabe qui causa le changement dans le mode primitif de l'écriture. Leur mode actuel est encore plus rapproché du Devanàgari et des autres anciens alphabets indiens, qu'on lit de gauche à droite ; et les lettres ne ressemblent nullement aux caractères phéniciens. De plus, toutes les anciennes autorités viennent corroborer ce que nous avançons. Philostrate fait dire au Brahmane Iarchus (V. A. III, 6) que les Ethiopiens étaient originairement une race indienne, qui dut émigrer de sa patrie pour cause de sacrilège et de régicide (Voyez India de Pococke, etc., II, pi 206). On fait dire à un Egyptien qu'il avait entendu dire par son ère que es Indiens étaient les plus sages parmi les hommes, et que les Ethiopiens, colonie des Indiens, conservaient la sagesse et les coutumes de leurs ancêtres, et reconnaissaient leur antique origine. Julius l'Africain (dans Eusebe et Sycellus) affirme la même chose. Et Eusebe écrit que : "Les Ethiopiens qui émigrèrent du fleuve Indus, s'établirent dans les environs de l'Egypte". (Lemp., édition de Barker, "Meroë").
Par conséquent, contre l'attribution de l'origine des Egyptiens à une ancienne colonie indienne, il n'existe pas de plus sérieux obstacle que le fils irrespectueux de Noé – Cham – lui-même un mythe. Mais la forme la plus ancienne du culte égyptien et de son gouvernement, théocratique et sacerdotal, ses habitudes et ses coutumes, tout parle en faveur d'une origine indienne.
Les plus anciennes légendes de l'histoire de l'Inde, parlent de deux dynasties, aujourd'hui perdues dans la nuit des temps ; la première était la dynastie des rois "de la race du soleil", qui régnait à Ayodhia (aujourd'hui Oude) ; la seconde était celle de la "race de la lune", qui régnait à Pruyag (Allahabad). Que celui qui voudrait se documenter sur le culte religieux de ces rois primitifs, lise le Livre des Morts des Egyptiens, qui traite tout en détail, du culte solaire et des dieux solaires. On ne fait jamais mention d'Osiris ou de Horus sans les rattacher au soleil. Ils sont les "Fils du Soleil" ; ils s'intitulent "le Seigneur et l'adorateur du Soleil". "Le Soleil est le créateur du corps, le générateur des dieux qui sont les successeurs du Fils." Pococke dans son très ingénieux ouvrage, parle hautement en faveur de cette idée, et cherche à établir encore mieux l'identité des mythologies égyptienne, [105] grecque et indienne. Il montre que le chef de la race solaire Rajpout – de fait, le célèbre Cuclo-pos (Cyclope ou constructeur) – nommé "Le Grand Soleil", date de la plus ancienne tradition hindoue. Ce prince Gok-la, patriarche des immenses hordes d'Inachiens, dit-il, "ce Grand Soleil fut déifié à sa mort, et suivant la doctrine indienne de la métempsychose, son âme est supposée avoir transmigré dans le taureau "Apis", le Sera-pis grec, et le SOORA-PAS, ou Chef Solaire des Egyptiens... Osiris, proprement dit Oosras, signifie à la fois "un taureau" et un "rayon de lumière". Soora-pas (Sérapis) le Chef solaire, car le Soleil, en sanscrit, est Sûrya. La Manifestation de la Lumière de Champollion rappelle, dans chaque chapitre, les deux Dynasties des Rois du Soleil et de la Lune. Par la suite, ces rois furent tous déifiés et transformés, après leur mort, en divinités solaires et lunaires. Leur culte fut la plus ancienne corruption de la grande religion primitive qui, avec raison, considérait le soleil et ses rayons vivifiants comme le symbole le plus approprié pour nous rappeler la présence universelle, invisible de Celui qui est le maître de la Vie et de la Mort. On en suit la trace maintenant à travers le monde entier. C'était la religion des premiers Brahmanes védiques, qui appellent, dans les plus anciens hymnes du Rig Véda, Sûrya (le soleil) et Agni (le feu) "le maître de l'univers", le "Seigneur des hommes" et le "roi sage". Il constituait le culte des Mages, des Zoroastriens, des Egyptiens et des Grecs, qu'ils l'aient appelé Mithra, Ahura-Mazda, Osiris ou Zeus, honorant comme son plus proche parent Vesta, le pur feu céleste. Cette religion se trouve encore dans le culte du soleil du Pérou ; dans le Sabianisme et l'héliolâtrie des Chaldéens, dans le "buisson ardent" de Moïse, dans l'abaissement de la tête des chefs du peuple devant le Seigneur, le "Soleil", et jusque dans la construction par Abraham des autels de feu, et dans les sacrifices des Juifs monothéistes à Astarté, la Reine du Ciel.
Malgré toutes leurs controverses et leurs recherches, l'histoire et la science demeurent encore dans l'ignorance au sujet de l'origine des Juifs. Ils peuvent être aussi bien les Tchandalas exilés, ou les Parias de l'Inde antique, les "maçons" mentionnés par Vina-Svati, Veda Vyasa et Manou, que les Phéniciens d'Hérodote, ou les Hyk-sus de Josèphe, ou les descendants des bergers pali, ou un mélange de tous ceux-là. La Bible parle des Tyriens comme d'un peuple apparenté, et prétend exercer un droit sur eux 127. [106]
Il y a plus d'un personnage important dans la Bible dont la biographie fournit la preuve qu'il est un héros mythique. Samuel est tout indiqué comme le personnage de la communauté hébraïque. Il est le double du Samson du Livre des Juges, ainsi qu'on s'en rend compte – étant le fils d'Anna et d'EL-KAINA, de même que Samson l'était de Manua ou Manoah. Tous les deux étaient des personnages fictifs, tels qu'ils sont représentés dans le livre révélé ; l'un était Hercule hébreu, et l'autre le Ganesha. Samuel est réputé avoir fondé la république, ainsi que d'avoir renversé le culte cananéen de Baal et d'Astarté, ou d'Adonis et de Vénus, et d'avoir institué celui de Jéhovah. Puis le peuple ayant demandé un roi, il oignit Saül et après lui David de Bethléem.
David est le Roi Arthur israélite. Il accomplit de grandes choses et établit un gouvernement sur toute la Syrie et l'Idumée. Sa domination s'étendit sur l'Arménie et l'Assyrie au nord et au nord-est, le désert Syrien et le Golfe Persique à l'est, l'Arabie au sud, et l'Egypte et le Levant à l'ouest. Seule la Phénicie en fut exclue.
Son amitié avec Hiram laisse croire qu'il fit sa première expédition de ce pays dans la Judée ; et sa longue résidence à Hébron, la cité des Kabires (Arba ou quatre) donnerait également à supposer qu'il établit une nouvelle religion dans le pays.
127 Ils auraient pu être aussi bien, d'après l'avis de Pococke, tout simplement les tribus de "Oxus", nom dérivé des "Ookshas", ce peuple dont richesse était située dans "l'OX", car il prouve que Ookshan n'est qu'une forme imparfaite de Ooksha un bœuf (en sanscrit, ou ox en anglais). Il croit que ce furent eux, "les seigneurs de l'Oxus" qui donnèrent leur nom à la mer qu'entouraient les nombreux pays qu'ils gouvernaient, l'Euxine ou Ookshine. Pali veut dire un berger, et s'than un pays. "Les tribus guerrières de l'Oxus pénétrèrent en Egypte puis s'acheminèrent vers la Palestine (PALISTAN), le pays des Palis ou des bergers et créèrent là des établissements plus permanents." (India in Greece). Cependant, si c'est le cas, cela ne ferait que confirmer notre opinion que les Juifs sont une race hybride, car la Bible nous les fait voir à tout instant se mariant librement, non seulement avec les Cananéens, mais aussi avec toutes les autres nations et races avec lesquelles ils entraient en contact.
Après David vint Salomon, puissant et fastueux, et qui chercha à consolider le royaume conquis par David. David étant un adorateur de Jéhovah, un temple à Jéhovah (Tukt Suleima) fut construit à Jérusalem, tandis qu'on érigeait des autels à Moloch-Hermès, Khemosh et Astarté sur le mont des Oliviers. Ces autels subsistèrent jusqu'à l'époque de Josias.
Des conspirations éclatèrent ; des révoltes eurent lieu en Idumée et à Damas ; et Ahijah le prophète se mit à la tête du mouvement populaire qui eut pour résultat la déposition de la maison de David et l'élection de Jéroboam comme roi. Depuis lors, les prophètes dominèrent en Israël, où le culte du veau prédomina ; les prêtres gouvernèrent la faible dynastie de David et le culte lascif local s'étendit sur le pays tout entier. Après la destruction de la maison d'Ahab, et l'échec de Jéhu et de ses descendants pour unir le pays sous un seul chef, l'essai fut tenté en Judée. Isaïe avait terminé la ligne directe dans la personne d'Achaz (Isaïe VII, 9) et il plaça sur le trône un prince de Bethléem (Michée V. 2. 5). [107] Ce fut Ezéchias. En montant sur le trône, il invita les chefs d'Israël à s'allier à lui contre les Assyriens (2 chroniques XXX, 1, 21 ; XXXI, 1, 5 ; 2 Rois XVIII, 7). Il parait aussi avoir établi un sacré collège (Proverbes XXV. I) et avoir complètement transformé le culte. Il alla même jusqu'à briser le serpent d'airain que Moïse avait fait.
Tout cela transforme en mythe l'histoire de Samuel, de David et de Salomon. La plupart des prophètes, qui étaient lettrés, paraissent avoir commencé à écrire à cette époque.
Le pays fut finalement envahi par les Assyriens qui y trouvèrent le même peuple et les mêmes institutions que chez les Phéniciens et les autres nations.
Ezéchias ne descendait pas d'Achaz, mais il était son fils titulaire. Isaïe, le prophète, appartenait à la famille royale, et Ezéchias passait pour son beau-fils. Achaz refusa de s'allier avec le prophète et son parti en disant : "Je ne tenterai pas (dépendrai pas de) l'Eternel." (Isaïe, VII, 12). Le prophète avait déclaré : "Si vous ne croyez pas, vous ne subsisterez pas", prédisant ainsi la déposition de sa lignée directe. "Vous lassez la patience de mon Dieu", répondit le prophète, qui prédit alors la naissance d'un enfant d'une aima, ou femme du temple, et qu'avant qu'il atteigne la maturité (Hébreux, V, 14 ; Esaïe, VII, 16 ; VIII, 4), le roi d'Assyrie renverserait la Syrie et Israël. C'est cette prophétie qu'Irénée prit tant le soin de rattacher à Marie et à Jésus, en la donnant comme la raison pour laquelle la mère du prophète Nazaréen est représentée faisant partie du temple, et consacrée à Dieu dès son enfance.
Dans le second chant, Isaïe célébrait le nouveau chef assis sur le trône de David (IX, 6, 7 ; XI, I), qui devait rendre leurs foyers aux Juifs que la ligue avait emmenés captifs (Isaïe, VIII 2-12 ; Joël, III, 1-7 ; Abdias, 7, II, 14). Michée, son contemporain, prédit également la même chose (IV, 7- 13 ; V. 1-7). Le Rédempteur devait venir de Bethléem ; en d'autres termes, être de la maison de David ! il devait aussi résister aux Assyriens auxquels Achaz avait juré obéissance, et réformer la religion (2 Rois XVIII, 4, 8). C'est ce que fit Ezéchias. Il était le petit-fils de Zacharie, le voyant, (2 chroniques XXIX, I ; XXVI, 5) le conseiller d'Ozias ; aussitôt monté sur le trône il restaura la religion de David et détruisit les derniers vestiges de celle de Moïse, c'est-à-dire la doctrine ésotérique, en déclarant que "nos pères ont péché" (2 chroniques XXIX 6-9). Puis il cherche à renouer les relations avec la monarchie septentrionale, parce qu'à ce moment il y avait un interrègne en Israël (2 chroniques XXIX, 1, 2, 6 ; XXVI, 1, 6, 7). Il y réussit ; le résultat fut une invasion par le roi d'Assyrie. Mais c'était un nouveau régime ; et tout cela nous fournit la preuve qu'il existait deux [108] courants parallèles dans le culte religieux des Israélites ; l'un appartenant à la religion d'état et adopté pour cadrer avec les exigences politiques ; l'autre, de l'idolâtrie pure, résultant de l'ignorance de la véritable doctrine ésotérique prêchée par Moïse. Pour la première fois depuis Salomon "les hauts lieux furent enlevés".
Ezéchias était le Messie attendu de la religion d'état exotérique. Il était le rejeton de la branche de Jessé, qui devait ramener les Juifs de la lamentable captivité, au sujet de laquelle les historiens hébreux sont si muets, évitant avec soin toute allusion à ce fait particulier, mais que les prophètes irascibles mettent fort imprudemment en lumière. Si Ezéchias écrasa le culte de Baal exotérique, il arracha violemment aussi le peuple d'Israël à la religion de ses ancêtres, et aux rites secrets institués par Moïse.
Darius Hystaspes fut le premier à fonder une colonie persane en Judée, et Zoro-babel en fut probablement le chef. "Le nom de Zoro-babel signifie" la semence, ou fils de Babylone – de même que Zoro-aster אשתר-זרו est la semence, le fils, ou prince d'Ishtar 128." Les nouveaux colons étaient, sans contredit, des Judæi, ce qui est une désignation orientale. Même Siam est appelée Judia, et il y avait un Ayodia en Inde. Les temples de Solom ou la Paix étaient fort nombreux. A travers toute la Perse et l'Afghanistan les noms de Saül et de David sont très répandus. La "Loi" est tour à tour attribuée à Ezéchias, à Ezra, à Simon le Juste, et à la période Asmonéenne. Il n'y a rien de défini ; partout des contradictions. Lorsque débuta la période Asmonéenne les principaux soutiens de la Loi étaient appelés Asédiens ou Kashdim (Chaldéens) et plus tard Pharisiens ou Pharsi (Parsis). Cela indique que les colonies persanes étaient établies en Judée et qu'elles faisaient la loi dans le pays ; tandis que tous les habitants mentionnés dans le livre de la Genèse et de Josué y formaient la masse du peuple (Voyez Esdras IX, 1).
128 Professeur S. Wilder, "Notes".
Il y a pas de véritable histoire dans l'Ancien Testament, et le peu d'informations historiques qu'il contient se trouve dans les révélations indiscrètes des prophètes. Dans son ensemble, ce livre a dû être écrit à différentes époques, ou plutôt inventé pour autoriser par la suite un culte dont l'origine se retrouve aisément, partie dans les Mystères Orphiques et partie dans les anciens rites égyptiens, avec lesquels Moïse était familier dès son enfance.
Depuis le siècle dernier l'Eglise s'est vue obligée de céder des parties du territoire biblique dérobé à ceux auxquels il appartenait de droit. Pouce par pouce ce territoire a été abandonné et un personnage après l'autre a été prouvé n'être que mythique et païen. Mais aujourd'hui, après les récentes découvertes de George Smith, [109] le regretté assyriologue, un des plus fermes soutiens de la Bible, a été renversé. Sargon et ses tablettes ont été reconnus plus anciens que Moïse. De même que le récit de l'Exode, la naissance et l'histoire du législateur paraissent avoir été "empruntées" aux Assyriens, de même que les "ornements d'or et d'argent" l'avaient été aux Egyptiens.
A la page 244 des Assyrian Discoveries, George Smith écrit : "Dans le palais de Sennachérib à Kouyounjik je trouvai un autre fragment de la curieuse histoire de Sargon, dont je publiai la traduction dans les Transactions of the Society of Biblical Archeology, Vol. I, part. I, page 46. Ce texte raconte que Sargon, ancien monarque babylonien, naquit de parents royaux, mais qu'il fut caché par sa mère, qui le posa sur l'Euphrate dans un berceau de joncs enduits de bitume, comme celui dans lequel la mère de Moïse cacha son enfant. (Voir Exode, II). Sargon fut trouvé par un homme nommé Akki, un porteur d'eau, qui l'adopta comme son fils ; il devint ensuite Roi de Babylone. La capitale de Sargon était la grande cité d'Agadi – nommée par les sémites accad – mentionnée dans la Genèse comme la capitale de Nemrod (Genèse, X, 10) où il régna pendant quarante-cinq ans 129. Accad était située prés de la cité de Sippara 130, sur l'Euphrate au nord de Babylone. "La date à laquelle vécut Sargon, qu'on pourrait nommer le Moïse babylonien, était le XVIème siècle et peut-être même antérieure."
129 Moïse régna sur le peuple d'Israël, dans le désert, pendant plus de quarante ans.
130 Le nom de la femme de Moïse était Zipporah (Exode, II).
George Smith ajoute dans son Chaldean Account, que Sergon I était un monarque babylonien qui régna dans la cité d'Accad, environ 1600 ans avant J.-C. La signification du nom de Sargon est le roi véritable ou légitime. Cette étrange histoire a été trouvée sur des fragments de tablettes à Kouyunjik, comme suit :
- Je suis Sargona, le puissant roi d'Akkad.
- Ma mère était une princesse ; je n'ai pas connu mon père ; un frère de mon père gouvernait le pays.
- Dans la cité d'Azupirana qui est située sur les rives de l'Euphrate,
- Ma mère, la princesse, me conçut ; elle me donna le jour avec douleur
- .Elle me plaça dans une arche faite de joncs, elle scella ma sortie avec du bitume
- .Elle me laissa aller à la dérive sur la rivière qui ne me noya point
- .La rivière m'amena à Akki, le porteur d'eau.
- Akki, le porteur d'eau, avec grande tendresse de ses entrailles, me prit, etc., etc.
[110]
Voyons, maintenant, ce que dit l'Exode (II) :
"Ne pouvant plus le cacher, elle (la mère de Moïse) prit une caisse de jonc, qu'elle enduisit de bitume et de poix ; elle y mit l'enfant et le déposa parmi les roseaux, sur le bord du fleuve."
Cette histoire, dit Smith, "est supposée avoir eu lieu environ 1600 ans avant J.-C. un peu avant l'âge qu'on donne à Moïse 131, ainsi que nous le savons, lorsque la renommée de Sargon fut connue en Egypte ; il est donc fort probable que ce récit a eu un rapport avec le fait relaté dans l'Exode II, car toute action une fois exécutée a une tendance à se reproduire".
Les "âges" des Hindous ne différent pas sensiblement de ceux des Grecs, des Romains, et même des Juifs. Nous y faisons entrer délibérément la computation mosaïque afin de faire la preuve de ce que nous avançons. La chronologie qui ne sépare Moïse de la création du monde que de quatre générations, simplement parce que le clergé chrétien a voulu l'imposer littéralement au monde paraît ridicule 132. Les cabalistes savent parfaitement que ces générations représentent des âges mondiaux. Les allégories qui, dans les calculs hindous, embrassent la prodigieuse étendue des quatre axes, sont habilement entassées, grâce à la Masorah, l'infime espace de deux millénaires et demi (2513 ans) !
131 Vers 1040, les docteurs juifs transportèrent leurs collèges de Babylone en Espagne, et les ouvrages des grands Rabbins qui florissaient dans les quatre siècles suivants, ont tous des descriptions différentes et fourmillent d'erreurs dans les manuscrits. La "Masorah" vint encore augmenter les difficultés. Beaucoup de choses qui existaient alors dans les manuscrits ne s'y retrouvent plus, et leurs ouvrages sont pleins d'interpolations et de lacunes. Le plus ancien manuscrit hébreu appartient à cette époque. Voilà la révélation divine à laquelle nous devons croire.
132 Aucune chronologie n'a été acceptée par les Rabbins, comme faisant autorité, jusqu'au XIIème siècle. Le 40 et le 1000 ne sont pas des nombres exacts, mais y ont été comprimés pour répondre au monothéisme et aux exigences d'une religion calculée pour paraître différente de celle des païens (Chron. Orth., p. 238). On ne trouve dans le Pentateuque que des faits ayant eu lieu environ deux ans avant la fable de l'Exode et pendant l'année qui la précède. Tout le reste de la chronologie est non existant et on ne peut le suivre que par les calculs cabalistiques, et encore lorsqu'on en possède la clé.
On a fait cadrer les quatre âges dans le plan exotérique de la Bible. C'est ainsi qu'on y calcule l'Axe d'Or, d'Adam à Abraham ; l'Axe d'Argent d'Abraham à David ! celui du Cuivre de David à la Captivité ; ce qui vient après appartient à celui du fer. Mais la computation secrète est toute différente et ne s'écarte pas des calculs zodiacaux des Brahmanes. Nous sommes aujourd'hui dans [111] l'Axe de Fer, le Kali-Yug, mais il a commencé avec Noé, l'ancêtre mythique de notre race.
Noé, ou Nuah, comme toutes les manifestations évémérisées du Non Révélé – Swayambhuva (ou Swayambhu), était androgyne. C'est ainsi que dans certains cas il fait partie de la triade purement féminine des Chaldéens, connue sous le nom de "Nuah, la Mère universelle". Nous avons fait voir dans un autre chapitre, que chaque trinité mâle avait sa contrepartie féminine, une en trois, comme celle-là. C'était le complément passif du principe actif, sa réflexion. Dans l'Inde, la trimurti mâle se reproduit dans la féminine, la Shakti-Trimurti ; et en Chaldée, Ana, Belita et Davkina correspondaient à Anu, Bel, Nuah. Les premières réunies en une – Bélita, étaient appelées : "Souveraine déesse, dame de l'abîme inférieur, mère des dieux, reine de la terre, reine de la féconditié."
Sous la forme de l'humidité primordiale, d'où tout a procédé, Bélita est Tamti, ou la mer, la mère de la cité d'Erech (la grande nécropole chaldéenne) ; elle est, par conséquent, une déesse infernale. Dans le monde des étoiles et des planètes elle porte le nom d'Istar ou d'Astoreth. Elle est, par conséquent, identique à Vénus et à toutes les autres reines du ciel, auxquelles on offrait en sacrifice des gâteaux et des pains 133, et, comme le savent tous les archéologues, avec Eve, la mère de tous les vivants, et avec Marie.
133 Les Gnostiques, appelés Collyridiens, avaient transféré leur culte d'Astoreth à Marie également Reine du Ciel. Ils furent persécutés et mis à mort par les Chrétiens orthodoxes, sous l'inculpation d'hérésie. Mais si ces Gnostiques avaient fondé son culte en lui offrant des sacrifices de gâteaux de craquelins et d'hosties, c'était parce qu'ils croyaient qu'elle était née d'une vierge immaculée, de même qu'on prétend que le Christ est né de sa mère. Et aujourd'hui, que l'infaillibilité du Pape a été reconnue et acceptée, sa première manifestation pratique a été la restauration de la croyance Collyridienne en un article de foi. (Voyez Apocryphal New Testament ; The Gospel of Mary attributed to Matthew, par Hone).
L'Arche, dans laquelle sont conservés les germes de toutes choses vivantes nécessaires à la repopulation de la terre, représente la survivance de la vie et la suprématie de l'esprit sur la matière, au milieu du conflit des pouvoirs opposés de la nature. Dans la charte astro-théosophique du Rite occidental, l'arche correspond au nombril, et est placée du côté gauche, le côté de la femme (la lune), dont un des symboles est le pilier de gauche du temple de Salomon – BOAZ. Le nombril est relié au réceptacle dans lequel fructifient les germes de la race 134. L'Arche c'est l'Argha sacrée des Hindous, et par conséquent, sa relation avec l'arche de Noé est aisément reconnaissable, quand nous savons que l'Argha était un vaisseau oblong, dont se servaient les prêtres comme de calice sacrificiel dans le culte d'Isis, d'Astarté, de Vénus-Aphrodite, qui, toutes, étaient des déesses du pouvoir générateur de la nature, ou [112] de la matière – et par conséquent, représentées symboliquement par l'arche qui contient les germes de toutes les choses vivantes.
Nous admettons volontiers que les païens avaient, et ont encore – comme en Inde – d'étranges symboles, qui aux yeux des hypocrites et des puritains peuvent paraître scandaleusement immoraux. Mais les anciens Juifs n'avaient-ils pas copié la plupart de ces symboles ? Nous avons décrit ailleurs l'identité du lingham avec le pilier de Jacob, et si la place nous le permettait, nous pourrions citer maints autres exemples dans les rites chrétiens actuels, qui ont la même origine ; il ont, d'ailleurs, tous été mentionnés par Inman et autres. (Voyez Ancient Faiths Embodied in Ancient Names par Inman).
Dans sa description du culte des anciens Egyptiens, Lydia Maria Child dit ce qui suit : "Cette vénération pour ce qui produit la vie, introduisit dans le culte d'Osiris, les emblèmes sexuels si communs dans l'Hindoustan. Une image colossale de ce genre fut donnée à son temple à Alexandrie, par le roi Ptolémée Philadelphe... La vénération pour le mystère de la vie organisée amena la reconnaissance des principes masculin et féminin dans toutes choses, spirituelles aussi bien que matérielles... La description des emblèmes sexuels, partout visibles dans les ornements sculptés de leurs temples, semblerait indécente, mais nul esprit pur et réfléchi ne les considérerait à ce point de vue, en se rendant compte de la candeur évidente et de la solennité avec lesquels le sujet est traité 135."
C'est ainsi que parle cette femme respectable, doublée d'un auteur admirable, et nul homme ou femme purs ne sauraient l'en blâmer. Mais une pareille perversion de la pensée antique sied bien à une époque d'hypocrisie et de pruderie comme la nôtre.
134 Rosicrucians, par Hargrave Jennings.
135 Progress of Religions Ideas.
L'eau du déluge prise dans l'allégorie, comme la "mer" symbolique, Tamti, est le type du chaos en mouvement, ou matière, appelée "le grand dragon". Suivant la doctrine des Gnostiques et des Rose-croix du moyen âge, la création de la femme n'était pas prévue à l'origine. Elle est le rejeton de la propre imagination impure de l'homme et, comme le disent les Hermétistes, "une intrusion". Créée par une pensée impure, elle vint à l'existence à la néfaste "septième heure", lorsque les mondes réels, "surnaturels", avaient disparu et que les mondes "naturels" ou illusoires commencèrent à évoluer sur le "Microcosme descendant", ou pour parler clairement, sur l'arc du grand cycle. En premier lieu "Virgo", la Vierge Céleste du Zodiaque, devint la "Virgo-Scorpio". Mais en évoluant sa seconde compagne, l'homme l'avait douée inconsciemment de sa propre part de Spiritualité ; et le [113] nouvel être que son "imagination" appela à la vie devint son "Sauveur" des embûches de l'Eve-Lélith, la première Eve qui avait, dans sa composition, une plus grande part de matière que l'homme "spirituel" primitif 136.
136 Lilith était la première femme d'Adam, "avant qu'il n'épousât Eve", de laquelle "il n'engendra que des démons" ; c'est une explication nouvelle, sinon pieuse dune allégorie bien philosophique : Anatomy of Melancholy de Burton.
137 C'est pour commémorer l'Arche du Déluge, que les Phéniciens, ces hardis explorateurs de la mer, fixaient sur la roue de leurs navires, l'image de la déesse Astarté, qui est Elissà, la Vénus Erycina de la Sicile, et Didon qui est le féminin de David.
De sorte que la femme apparat dans la cosmogonie, en relation avec la "matière", ou le grand abîme, comme la "Vierge de la Mer" qui écrase le "Dragon" sous son talon. Dans la phraséologie symbolique, ainsi que nous l'avons vu à diverses reprises, les "Eaux" sont souvent dénommées "le Grand Dragon". Car pour celui qui est au courant de ces doctrines, il est plus que suggestif de Bavoir que chez les catholiques la Vierge Marie est non seulement la patronne des marins chrétiens, mais qu'elle est également la "Vierge de la Mer". Didon était aussi la patronne des marins phéniciens 137 ; et avec Vénus et d'autres déesses lunaires – car la lune a une influence prépondérante sur les marées – elle était également la "Vierge de la Mer". Mar, la mer est la racine du nom de Marie. La couleur bleue, qui chez les anciens symbolisait le "Grand Abîme", ou le monde matériel, et par conséquent le mal, était consacrée à "Notre-Dame". C'est aussi la couleur de "Notre-Dame de Paris". Par sa relation avec le serpent symbolique, cette couleur est tenue en grande aversion par les ex-Nazaréens, les disciples de saint Jean-Baptiste, aujourd'hui les Mendéens de Basra.
Parmi les superbes illustrations de Maurice, il y en a une qui représente Christna écrasant la tête du Serpent. Il porte sur la tête la mitre à trois pointes (symbole de la trinité) et le corps et la queue du serpent vaincu, encerclent la figure du dieu hindou. Cette gravure nous révèle d'où procède l'inspiration pour la confection d'une autre histoire d'après une prétendue prophétie. "Je mettrai inimitié entre toi et la femme et entre ta descendance et sa descendance ; elle t'écrasera la tête tu la mordras au talon."
L'Orante égyptien est aussi représenté les bras étendus comme sur un crucifix et écrasant un "Serpent" ; et on voit Horus (le Logos), perçant la tête du dragon, Typhon ou Aphophis. Cela nous fournit la clé de l'allégorie biblique de Caïn et d'Abel. Caïn est réputé être l'ancêtre des Hivites, les Serpents, et les jumeaux d'Adam sont évidemment une copie de la fable d'Osiris et de Typhon. Toutefois, laissant de côté la forme extérieure de l'allégorie, elle incarne [114] la conception philosophique de la lutte éternelle entre le bien et le mal.
Mais quelle étrange élasticité, quelle adaptabilité à tout et pour tout cette philosophie mystique n'a-t-elle pas donné lieu après l'ère chrétienne ! Quand jamais les faits incontestables, irréfragables ont-ils été moins puissants pour le rétablissement de la vérité que dans notre siècle de casuistique et de duplicité chrétiennes ? Si l'on a prouvé que Christna était connu comme le "Bon Berger" des siècles avant l'an un de notre ère, qu'il avait écrasé le Serpent Kalinaga et qu'il a été crucifié – tout cela n'est qu'une représentation prophétique de ce qui devait arriver ! Si l'on démontre que le Thor scandinave qui écrase la tête du serpent avec sa massue cruciforme, et qu'Apollon qui tue Python, présentent les plus grandes ressemblances avec les héros des fables chrétiennes ; ce ne sont que les conceptions originales de la pensée "païenne", "agissant sur les anciennes prophéties patriarcales au sujet du Christ, telles qu'elles étaient contenues dans la Révélation unique et primordiale 138".
138 Monumental Christianity du Dr Lundy.
Le déluge est, par conséquent, "l'Ancien Serpent", sur le grand abîme de la matière, le "dragon de la mer" d'Isaïe (XXVII, 1) sur lequel l'arche passe en sûreté, en route pour la montagne du Salut. Mais, si nous avons eu connaissance de l'arche de Noé et de la Bible elle-même c'est parce que la mythologie des Egyptiens avait été à portée de main de Moïse (si tant est que Moïse ait écrit une partie quelconque de la Bible) et qu'il était au courant de l'histoire d'Horus, debout sur son navire de forme serpentine, et tuant le Serpent avec son javelot ; sans oublier la signification occulte de ces fables et leur réelle origine. Nous le reconnaissons encore dans le Lévitique, et autres parties de ses livres, dont des pages entières de lois sont copiées sur celles de Manou.
Les animaux enfermés dans l'arche sont les passions humaines. Ils représentent certaines épreuves de l'initiation, et les mystères institués chez beaucoup de peuples pour commémorer cette allégorie. L'arche de Noé s'arrêta le dix-septième jour du septième mois. Nous retrouvons ici le nombre sept ; ainsi que dans les "animaux purs" qu'il prit dans l'arche au nombre de sept à la fois. En parlant des mystères de l'eau de Byblos, Lucien dit : "Sur le sommet de l'un des deux piliers élevés par Bacchus, un homme demeure pendant sept jours 139". Il croit que c'est en honneur de Deukalion. Elie, lorsqu'il prie au sommet du Mont Carmel, envoie son serviteur voir s'il n'y a pas de nuage du côté de la mer, et lui répète "retourne sept fois". A la septième fois, [115] il dit : "Voici un petit nuage qui s'élève de la mer et qui est comme la paume de la main d'un homme 140".
139 Lucien IV, 276.
140 1er Livre des Rois XVIII. Tout cela est allégorique, et qui plus est, magique. Car, Elie, à ce moment, est en train d'exécuter une incantation.
"Noé est le revolutio d'Adam, de même que Moïse est le revolutio d'Abel et de Seth", dit la Cabale ; c'est-à-dire, une répétition ou une autre version de la même histoire. La meilleure preuve en est dans la distribution des personnages de la Bible. Par exemple, en commençant par Caïn le premier meurtrier, chaque cinquième personnage dans la lignée de sa descendance est un assassin. Nous avons donc, Enoch, Irod, Mehujael, Mathusalem, et le cinquième est Lamech, le second meurtrier, et c'est le père de Noé. Si fou dessine (étoile à cinq branches de Lucifer (dont la pointe coronale est inclinée vers le bas) et si fou écrit le nom de Caïn au- dessous de cette branche inférieure, et celui de ses descendants successivement en face de chacune des autres branches, on verra que chaque cinquième nom – qui vient s'écrire au-dessous de celui de Caïn – correspond à celui d'un assassin. Le Talmud donne cette généalogie complète, et c'est ainsi que les noms de treize assassins viennent se ranger au-dessous de celui de Caïn. Ce n'est point une coïncidence. Shiva est le Destructeur, mais il est aussi le Régénérateur. Cam est un meurtrier, mais il est aussi fondateur de nations, et inventeur. Cette étoile de Lucifer est la même que celle que voit saint Jean tombant sur la terre, dans son Apocalypse.
On remarque à Thèbes, ou Theba, qui signifie arche – THABA étant synonyme de Kartha ou Tyr, Astu ou Athènes et Urbs ou Rome, signifiant également la cité – les mêmes feuillaisons que celles décrites sur les piliers du temple de Salomon. La feuille d'olive, à deux couleurs, la feuille de figuier à trois lobes, et la feuille de laurier lancéolée, avaient, toutes, chez les anciens, des significations ésotériques aussi bien que populaires ou vulgaires.
Les recherches des égyptologues nous fournissent d'autres corroborations de l'identité des allégories bibliques avec celles des pays des Pharaons et des Chaldéens. La dynastie chronologique des Egyptiens, rapportée par Hérodote, Manetho, Eratosthène. Diodore de Sicile, et acceptée par nos historiens de (antiquité, divise la période de (histoire de l'Egypte en quatre parties : Le gouvernement des dieux, des demi-dieux, des héros et des hommes mortels. En réunissant les demi-dieux et les héros dans une seule classe, Bunsen réduit les périodes à trois ; Les dieux-rois, les demi-dieux ou héros – fils de dieux mais nés de mères mortelles – et les Manès, qui furent les ancêtres des tribus individuelles. Ces subdivisions, ainsi qu'on le constate, correspondent parfaitement aux [116] Elohim bibliques, les fils de Dieu, les géants et les hommes mortels de la race de Noé.
141 Les livres talmudiques disent que Noé, lui-même, fut la colombe (l'esprit), l'identifiant, ainsi, une fois de plus avec le Nuah Chaldéen. Baal est représenté avec les ailes d'une colombe et les Samaritains adoraient l'image d'une colombe sur le Mont Gérézim. Talmud Tract. Chalin, fol. 6, col. 1.
Diodore de Sicile et Bérose donnent les noms des douze grands dieux qui président aux douze mois de l'année et aux douze signes du Zodiaque. Ces noms, qui comprennent celui de Nuah 141, sont trop connus pour que nous les répétions. Le Janus à double face était également à la tête de douze dieux, et dans les représentations qu'on nous en donne, on lui fait tenir les clés du domaine céleste. Comme tous ceux-ci ont servi de modèles pour les patriarches bibliques, ils nous ont rendu de signalés services – tout spécialement Janus – en fournissant le modèle de saint Pierre et de ses douze apôtres ; saint Pierre étant aussi à double face par son reniement, et est aussi représenté tenant en mains les clés du Paradis.
L'affirmation que l'histoire de Noé n'est qu'une autre version, dans sa signification occulte, de celle d'Adam et de ses trois fils, est renforcée à la lecture de chaque page du livre de la Genèse. Adam est le prototype de Noé. La chute d'Adam est provoquée parce qu'il mange le fruit défendu de l'arbre de la connaissance céleste ; celle de Noé est dite parce qu'il goûte au fruit terrestre ; le jus de la vigne représente l'abus de la connaissance chez un esprit mal équilibré. Adam est dépouillé de son enveloppe spirituelle ; Noé de ses vêtements terrestres ; et la nudité des deux leur causa honte. La méchanceté de Caïn se répète dans celle de Cham. Mais les descendants des deux sont les races les plus sages de la terre ; on les appelle à cause de cela les "serpents" et les "fils de serpents", c'est-à-dire des fils de la sagesse et non de Satan, ainsi que certains théologiens ont voulu le faire croire. Il y a inimitié entre le "serpent" et la "femme", seulement dans ce mortel et phénoménal "monde de l'homme" "né de la femme". Avant la chute charnelle, le "serpent" était Ophis, la sagesse divine, qui n'avait pas besoin de matière pour procréer des hommes, l'humanité étant purement spirituelle. Voilà d'où vient la guerre entre le serpent et la femme, ou entre l'esprit et la matière. Si, sous son aspect matériel, "l'ancien serpent" est la matière, représentée par Orphiomorphos, dans sa signification spirituelle il devient l'Ophis-Christos. Dans la magie des anciens Syro-Chaldéens les deux sont réunis dans le signe zodiacal du Virgo-Scorpio androgyne, et peuvent être, si besoin, divisés ou séparés. Ainsi comme l'origine du "bien et du mal", la signification des SS et celle des ZZ ont toujours été interchangeables ; et si, à l'occasion, les [55] SS sur les sceaux et les talismans suggèrent une influence serpentine du mal, et dénotent une intention de magie noire contre autrui, les doubles SS se trouvent sur les calices sacramentels de l'Eglise pour signifier la présence du Saint-Esprit, ou la sagesse pure.
Les Madianites étaient connus comme les sages, ou les fils de serpents, comme aussi les Canaanites et les Chamites ; et telle était la renommée des Madianites, que nous voyons Moïse, le prophète conduit et inspiré par l'Eternel, s'humilier devant Hobab, le fils de Raguel le Madianite, et le supplier de rester avec le peuple d'Israël : "Ne nous quitte pas, je te prie ; puisque tu connais les lieux où nous campons DANS LE DÉSERT, tu nous serviras d'yeux" 142. De plus, lorsque Moïse envoie des espions pour explorer le pays de Canaan, ils rapportent, comme preuve de la sagesse (cabalistiquement parlant) et de la richesse du pays, une branche avec une grappe de raisin qu'ils sont obligés de se mettre à deux pour porter au moyen d'une perche. Et ils ajoutent : "nous y avons vu les géants, enfants d'ANAK, de la race des géants 143 : nous étions à nos yeux et aux leurs comme des sauterelles 144".
Anak est Enoch, le patriarche, qui ne mourut point, et qui fut le premier possesseur du "nom ineffable" suivant la Cabale et le rituel de la Franc-maçonnerie.
Si nous comparons les patriarches bibliques aux descendants de Vaiswasvata, le Noé hindou, et aux anciennes traditions sanscrites au sujet du déluge dans le Mahâbhdrata brahmanique, nous les trouvons calqués sur les patriarches Védiques qui sont les types primitifs, ayant servi de modèle à tous les autres. Mais avant de pouvoir établir une comparaison il est nécessaire de comprendre la véritable signification des mythes hindous. Outre sa signification astronomique, chacun de ces personnages mythiques a une signification spirituelle ou morale, et une autre anthropologique ou physique. Les patriarches ne sont pas seulement des dieux évémérisés – les anté-diluviens correspondant aux douze grands dieux de Bérose, et aux dix Pradjâpatis, et les post-diluviens aux sept dieux de la célèbre tablette dans la bibliothèque de Ninive, mais ils correspondent également aux symboles des lEons grecs, aux Séphiroth cabalistiques et leurs signes du Zodiaque, comme types d'une série de races humaines 145. Nous expliquerons bientôt [118] cette variation de dix à douze, dont nous déduirons la preuve de la Bible elle-même. Seulement ce ne sont pas les premiers dieux, décrits par Cicéron 146, qui appartiennent à une hiérarchie de pouvoirs élevés, les Elohim – mais ils appartiennent plutôt à la seconde classe des "douze dieux", les Dii minores, qui sont la réflexion terrestre des premiers, parmi lesquels Hérodote place Hercule 147. Seul, dans le groupe des douze, Noé, en raison de sa situation au point de transition, appartient à la plus élevée des trinités babyloniennes ; Nouah, l'esprit des eaux. Tous les autres sont identiques aux dieux inférieurs de l'Assyrie et de Babylone, qui représentaient l'ordre inférieur des émanations, introduites autour de Bel, le Demiurge, pour l'aider dans son œuvre, ainsi que les patriarches sont censés assister Jéhovah – le "Seigneur Dieu".
142 Nombres, X, 29-31.
143 La bible se contredit elle-même et contredit là le récit chaldéen, car, au chapitre VII de la Genèse on dit : e que chacun d'eux périt", dans le déluge.
144 Nombres XIII.
145 Nous ne voyons pas pourquoi le clergé – et surtout le clergé catholique – objecterait à notre affirmation que les patriarches sont les signes du Zodiaque, et en même temps les anciens dieux des "païens". Il fut un temps, il n'y a pas plus de deux siècles, où ils émirent les désirs les plus fervents de retourner au culte du soleil et des étoiles. Ce pieux et curieux essai fut dévoilé il y a quelques mois par l'astronome français Camille Flammarion. Il nous dit que deux jésuites d'Augsburg, Schiller et Bayer, avaient à cœur de changer les noms de toutes les armées sabéennes du ciel étoilé et de les adorer, à nouveau, sous des noms chrétiens ! Après avoir lancé l'anathème contre tous les adorateurs idolâtres du soleil pendant plus de quinze siècles, l'Eglise se proposait, fort sérieusement, de continuer l'héliolâtrie – au pied de la lettre, cette fois – car leur idée était de substituer des personnages bibliques véritables (à leur yeux) aux mythes du paganisme. Ainsi, ils auraient appelé le soleil, Christ ; la lune, la Vierge Marie ; Saturne, Adam ; Jupiter, Moïse (!) ; Mars, Josué ; Vénus, Jean-Baptiste ; et Mercure, Elle. Substituts fort appropriés, qui montrent la grande familiarité de l'Eglise Catholique avec l'ancienne connaissance cabaliste et païenne, et peut-être son empressement à confesser, enfin, la source de laquelle elle avait tiré tous ses propres mythes. Car le roi Messie n'est-il pas le soleil, le Démiurge des héliolâtres, sous des appellations diverses ? N'est-il pas l'Osiris des Egyptiens et l'Apollon des grecs ? Et quel nom serait plus approprié que celui de la Vierge Marie, pour la Diane-Astarté païenne, la "Reine du Ciel", contre laquelle Jérémie épuise tout son vocabulaire d'imprécations ? Cette adoption aurait été historiquement et religieusement exacte. On avait préparé deux grandes illustrations, dit Flammarion, dans un des numéros de La Nature, qui représentaient le firmament avec les constellations chrétiennes, à la place des païennes. Les apôtres, les papes, les saints, les martyrs et tous les personnages de l'Ancien et du Nouveau Testament complétaient ce Sabéanisme chrétien. "Les disciples de Loyola firent des pieds et des mains pour faire réussir ce plan". II est curieux de rencontrer en Inde, parmi les Musulmans le nom de Terah, le père d'Abraham, Azar ou Azarh, et Azur, qui veut dire aussi le feu, et qui est, en même temps, le nom du troisième mois solaire hindou (de juin à juillet) pendant lequel le soleil est dans les Gémeaux et la pleine lune voisine du Sagittaire.
146 Cicéron : De Nat. Deo, I, 13.
147 Herodote, II, 145.
Outre ceux-ci, dont beaucoup étaient des divinités locales, protectrices de rivières et de cités, il y avait les quatre classes de génies auxquels Ezéchiel, dans sa vision, fait supporter le trône de Jéhovah. Ce fait, s'il identifie le "Seigneur Dieu" juif, avec une des trinités babyloniennes, apparente, en même temps, le dieu chrétien actuel, avec la même trinité, d'autant plus que ce sont ces quatre chérubins, ne l'oublions pas, qu'Irénée fait chevaucher par Jésus, et qu'on nous donne comme les compagnons des évangélistes. [119]
La source cabalistique hindoue des livres d'Ezéchiel et de l'Apocalypse se retrouve d'autant plus clairement dans cette description des quatre bêtes, qui symbolisent les quatre règnes des éléments – la terre, l'air, le feu et l'eau. Ce sont, nul n'en ignore, les sphinx assyriens, mais on retrouve également ces figures sculptées sur les murs de presque toutes les pagodes hindoues.
L'auteur de l'Apocalypse copie fidèlement dans son texte, (voyez le Chap. IV, verset 17) le pentacle pythagoricien, dont nous donnons ci- dessous une exacte reproduction du dessin admirable de Lévi.
La déesse hindoue Adanari (ou plutôt Adonari, puisque le second a se prononce comme un o) est représentée entourée des mêmes images. Cette représentation s'adapte parfaitement à la "roue d'Adonai", connue sous le nom de "Chérubin de Jeheskiel" et donne à connaître, sans contredit, la source à laquelle le voyant hébreu a puisé ses allégories. Pour faciliter la comparaison nous avons placé l'image dans le pentacle (Voyez page 120).
Au-dessus de ces bêtes étaient les anges ou esprits, divisés en deux groupes : les Igili, ou êtres célestes, et les Amanaki, ou esprits terrestres, les géants, les enfants d'Anak, à propos desquels les espions se plaignirent à Moïse.
La Kabbala Denudata donne aux cabalistes une description très claire, mais très obscure aux profanes, des permutations ou des substitutions de personnages.
[120]
Ainsi, par exemple, on y dit, que "la scintilla (étincelle spirituelle ou âme) d'Abraham fut prise de Michel, le chef des Æons, la plus haute émanation de la Divinité ; si haute, en vérité, qu'aux yeux des Gnostiques, Michel était identique au Christ. Et cependant Michel et Enoch sont une seule et même personne. Tous deux occupent, en tant qu' "hommes" le point d'intersection de la croix du Zodiaque. L'étincelle d'Isaac est celle de Gabriel, le chef des armées angéliques, et l'étincelle de Jacob fut détachée d'Uriel, dénommé "le feu de Dieu", l'esprit à la vision la plus perçante de toute l'armée céleste. Adam n'est pas l'Adam Kadmon, mais bien l'Adam Primus, le Microprosopus.
Celui-ci sous un de ses aspects est Enoch, le patriarche terrestre et le père de Mathusalem. Celui qui "vécut selon Dieu" et "ne mourut point" est l'Enoch spirituel qui symbolise l'humanité, éternelle en esprit et aussi éternelle dans la chair, bien que celle-ci soit mortelle. La mort n'est qu'une nouvelle naissance et l'esprit est immortel ; par conséquent l'humanité ne meurt jamais, car le Destructeur est devenu le Créateur. Enoch est le type de l'homme double, spirituel et terrestre. C'est pour cette raison que sa place est au centre de la croix astronomique. [121]
Mais cette idée tira-t-elle son origine des Hébreux ? Nous ne le croyons pas. Chaque nation qui possédait un système astronomique, et tout spécialement l'Inde, avait une grande vénération pour la croix, car elle était la base géométrique du symbolisme religieux des avatars ; la manifestation de la Divinité, ou du Créateur dans sa créature l'Homme ; de Dieu dans l'humanité et de l'humanité en Dieu, en tant qu'esprits. Les plus anciens monuments de la Chaldée, de la Perse et de l'Inde mettent en lumière la double croix, ou croix à huit pointes. Ce symbole, que l'on retrouve tout naturellement, comme d'ailleurs toutes les formes géométriques, dans la nature, dans les plantes comme dans les flocons de neige, a suggéré au Dr Lundy, dans son mysticisme super-chrétien, de dénommer les fleurs cruciformes qui dessinent une étoile à huit pointes par l'intersection de deux croix "l'Etoile Prophétique de l'Incarnation qui unit
le ciel et la terre, Dieu et l'homme ensemble". Cette expression est parfaite ; seulement, l'ancien axiome cabalistique "en haut comme en bas", l'exprime encore mieux, car il nous révèle le même Dieu pour toute l'humanité et non seulement pour une poignée de chrétiens. C'est la croix Mondiale Céleste qui se reproduit ici-bas dans les plantes et dans l'homme double ; c'est l'homme physique se substituant à l'homme spirituel au point de jonction duquel s'élève le Libra-l'Hermès-Enoch mythique. Le geste d'une main montrant le ciel est contre-balancé par l'autre montrant la terre ; générations innombrables ici-bas, régénérations innombrables là-haut ; le visible, n'étant que la manifestation de l'invisible ; l'homme de poussière abandonné à la poussière, l'homme esprit, renaissant dans l'esprit ; c'est ainsi que l'humanité finie est le Fils du Dieu Infini. Abba-le-Père ; Amonala-Mère ; le Fils, l'Univers. Cette trinité primitive se répète dans toutes les théogonies. Adam, Kadmon, Hermès, Enoch, Orisis, Christna, Ormazd, ou Christos, sont tous un. Ils s'érigent comme les Métatrons entre le corps et l'âme – esprits éternels qui rachètent la chair par la régénération de la chair ici-bas, et l'âme par la régénération là-haut, où l'humanité vit encore une fois selon Dieu.
Nous avons dit, autre part, que le symbole de la croix, ou le Tau égyptien T, était antérieur de bien des siècles à la période assignée à Abraham, ancêtre prétendu des Israélites, car autre ment Moïse n'aurait pas appris à le connaître par les prêtres. Que le Tau ait été tenu sacré par les Juifs de même que par les autres nations "païennes", est certifié par un fait aujourd'hui admis par le clergé chrétien ainsi que par les archéologues infidèles. Dans l'Exode XII, 22, Moïse ordonne au peuple de peindre les deux poteaux et le linteau des portes avec du sang, de peur que "l'Eternel" ne fasse erreur et ne frappe un de ses élus au lieu des [122] Egyptiens condamnés 148. Ce signe peint sur les portes est le Tau ! C'est cette même croix ansée, dont la moitié servait de talisman à Horus pour ressusciter les morts, qu'on voit reproduite sur les ruines sculptées de Philae 149. Le peu de fondement, à la base de cette idée que toutes ces croix et tous ces symboles étaient autant de prophéties inconscientes du Christ, est démontré dans le cas des Juifs, sur l'accusation desquels Jésus fut mis à mort. Le même savant auteur remarque, par exemple, dans Monumental Christianity que "les Juifs eux-mêmes reconnurent ce signe de la rédemption, jusqu'au moment où ils rejetèrent le Christ" ; et dans un autre passage, il affirme que la verge de Moïse, dont il se servit pour exécuter ses miracles devant Pharaon "était sans aucun doute, cette croix ansée ou quelque chose d'analogue, dont se servaient également les prêtres égyptiens 150". La déduction logique, serait alors : 1° que si les Juifs adoraient les mêmes symboles que les païens, ils n'étaient pas meilleurs qu'eux ; 2° si, étant aussi bien au courant du symbolisme caché de la croix, ils ont attendu le Messie pendant des siècles, mais qu'ils rejetèrent aussi bien le Messie chrétien que la Croix chrétienne, il faut croire alors, qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas dans l'un et dans l'autre.
Ceux qui n'admettaient pas que Jésus fût le "Fils de Dieu"n'étaient ni le peuple ignorant des symboles religieux, ni la poignée de Saducéens athées qui le mirent à mort mais ceux-là mêmes qui étaient instruits dans la sagesse secrète, qui connaissaient l'origine aussi bien que la signification du symbole de la croix, et qui rejetèrent l'emblème chrétien et le sauveur qu'on y avait attaché, parce qu'ils ne voulaient pas être les complices d'une pareille supercherie impie envers le pauvre peuple.
On attribue aux patriarches et aux prophètes presque toutes les prophéties au sujet du Christ. Si quelques-uns de ces derniers ont réellement existé, tous les premiers ne sont que des mythes. Nous allons essayer de le prouver par l'interprétation occulte du Zodiaque, et la relation des signes zodiacaux avec les hommes antédiluviens.
Si le lecteur veut bien se rappeler ce que nous disions au chapitre VI, il comprendra mieux la relation qui existe entre les patriarches antédiluviens, et cette énigme des commentateurs – la "Roue d'Ezechiel". Rappelons, donc : 1° que l'univers n'est pas une création spontanée, mais bien l'évolution d'une matière pré-existante ; [123] 2° qu'il n'est qu'un univers dans une série infinie d'autres ; 3° que l'éternité se divise en grands
cycles, dans chacun desquels ont lieu douze transformations de notre monde, à la suite de sa destruction partielle, alternativement par le feu et par l'eau. De sorte que lorsque commence une nouvelle période mineure, la terre est changée, même géologiquement, au point d'être pratiquement un monde nouveau ; 4° qu'à la suite de ces douze transformations, la terre est la plus grossière après chacune des six premières, tout ce qui y vit, y compris l'homme, est plus matériel, qu'après la transformation précédente : tandis qu'après les six autres le contraire a lieu, la terre et l'homme deviennent de plus en plus raffinés et spirituels avec chaque changement terrestre ; 5° que lorsque le sommet du cycle a été atteint, une dissolution graduelle a lieu, et chaque être vivant et chaque forme objective sont détruits. Mais lorsque ce point est atteint l'humanité est devenue propre à vivre la vie subjective aussi bien qu'objective. Et non seulement l'humanité, mais aussi les animaux, les plantes et chaque atome. Après une époque de repos, disent les Bouddhistes, lorsqu'un nouveau monde se reforme de lui-même, les âmes astrales des animaux, et de tous les êtres, sauf ceux qui ont atteint le Nirvâna le plus élevé, reviennent sur la terre pour terminer leurs cycles de transformations et devenir des hommes à leur tour.
148 Qui d'autre que les auteurs du "Pentateuque" aurait inventé un Dieu suprême ou son ange si parfaitement humains, pour qu'il ait été nécessaire de peindre les linteaux des portes avec du sang afin d'empêcher qu'il ne tuât une personne pour une autre ! En fait de grossier matérialisme cela dépasse toute conception théïste dont on aurait pu rêver dans la littérature païenne.
149 Denon : Egypt, II, pl. 40, n° 8, p. 54.
150 Pages 13 et 402.
Pour l'instruction des masses, les anciens synthétisaient cette merveilleuse idée, en une seul conception imagée, le Zodiaque ou ceinture céleste. Au lieu des douze signes employés aujourd'hui, il n'y en avait, à l'origine, que dix connus du public en général ; ce sont : le bélier, le taureau, les gémeaux, le cancer, le lion, la vierge-scorpion, le sagittaire, le capricorne, le verseau et les poissons 151. C'étaient les signes exotériques. Mais on y ajoutait deux signes mystiques, que seuls les initiés comprenaient, à savoir au point médian, à la jonction où aujourd'hui se trouve la Balance et le signe aujourd'hui appelé le Scorpion, qui vient après celui de la Vierge. Lorsqu'on fut obligé de les rendre exotériques, ces deux signes furent ajoutés sous leurs dénominations actuelles, comme un masque pour cacher leurs véritables noms qui donnaient la clé de tout le secret de la création, et divulguaient l'origine du "bien et du mal".
151 Dans le Ruins of Empires de Volney, p. 360, on remarque que le Bélier était dans son quinzième degré 1.447 ans avant J.-C. ; par conséquent le Premier degré de la Balance n'a pas pu coïncider avec l'équinoxe d'été plus tard que 15.194 ans avant J.-C. ; et si on y ajoute les 1.790 ans depuis le Christ, il apparaît que 16.984 ans sont révolus depuis l'origine du Zodiaque.
La véritable doctrine astrologique sabéenne, enseignait secrètement, que l'explication de la transformation graduelle du monde, [124] de son état spirituel et subjectif, en un état sub-lunaire "bisexuél", était renfermée dans ce double signe. Les douze signes étaient, par conséquent, divisés en deux groupes. Les premiers étaient appelés la ligne ascendante, ou ligne du Macrocosme (le grand monde spirituel) ; les six derniers, la ligne descendante, ou le Microcosme (le petit monde secondaire), qui n'est, pour ainsi dire, que la réflexion du premier. Cette division porte le nom de Roue d'Ezéchiel et se complète de la manière suivante : en premier lieu viennent les cinq signes ascendants (évémérisés en patriarches) le Bélier, le Taureau, les Gémeaux, le Cancer, le Lion et le groupe se terminait avec la Vierge-Scorpion. Puis venait le point tournant, la Balance. Après cela, la première moitié du signe de la Vierge-Scorpion se dédoublait et était transféré pour servir de chef au groupe inférieur, ou descendant, du Microcosme qui continuait jusqu'au signe des Poissons, ou Noé (le déluge). Afin de le rendre plus clair, le signe de la Vierge-Scorpion qui était représentée par ♍, devint simplement la Vierge, et la duplication ♏, ou Scorpion, fut intercalée entre la Balance, le septième signe (lequel est Enoch, ou l'ange Metatron, ou le Médiateur entre l'esprit et la matière, ou entre Dieu et l'homme). Il devint alors, le Scorpion (ou Caïn) lequel signe ou patriarche conduisit l'humanité à la perdition, suivant la théologie exotérique ; mais d'après la véritable doctrine de la religion sagesse, il dénote la dégradation de l'univers tout entier au cours de son évolution depuis la condition subjective à la condition objective.
On prétend que le signe, la Balance, est une invention postérieure des Grecs, mais on ne dit pas que ceux parmi eux qui étaient initiés, n'avaient fait qu'un échange de noms, pour exprimer la même idée que le nom secret pour ceux "qui savaient", en laissant les masses dans la même ignorance qu'auparavant. Leur idée toutefois, était fort belle, car cette Balance exprimait tout ce qu'il était possible de faire, sans dévoiler cependant la vérité ultime tout entière. Ils voulaient faire entendre par là que lorsque le cours de l'évolution avait amené les mondes au point le plus bas de la matérialité, où les mondes et leurs produits étaient les plus grossiers et leurs habitants les plus bestiaux, le point tournant était atteint et les forces également équilibrées. Au point le plus bas, l'étincelle divine de l'esprit, encore latente en eux, commençait à donner l'impulsion pour les faire remonter. La Balance est le symbole de l'équilibre éternel, qui est une des nécessités d'un univers harmonieux, de justice parfaite d'équilibre des forces centripète et centrifuge, des ténèbres et de la lumière, de l'esprit et de la matière.
Ces signes additionnels du Zodiaque nous autorisent à affirmer que le livre de la Genèse, tel que nous le voyons aujourd'hui, [125] est d'une date plus récente que celle dei (invention du signe de la Balance, par les Grecs ; car nous constatons que les chapitres de généalogies y sont remodelés pour cadrer avec le nouveau Zodiaque, au lieu de faire correspondre celui-ci avec la liste des patriarches. Et c'est cette addition, et la nécessité de cacher la véritable clé, qui ont amené les compilateurs rabbiniques à répéter deux fois les noms d'Enoch et de Lamech, comme nous le voyons maintenant dans le tableau Kénite. De tous les livres de la Bible, seule la Genèse appartient à une antiquité très éloignée. Tous les autres sont des ajoutures plus ou moins récentes, dont les plus anciens apparurent avec Hilkliah, qui, évidemment, les confectionna avec l'aide de la prophétesse Huldah.
Comme plus d'une signification se rattache à l'histoire du déluge et de la création, nous maintenons, donc, que le récit biblique ne peut être séparé de la version babylonienne de la même histoire ; et que ni l'une ni l'autre ne seront parfaitement claires sans l'interprétation ésotérique des Brahmanes, au sujet du déluge, telle qu'on la trouve dans le Mahâbhârata et la Sathapatha Brahmana. Ce sont les Babyloniens, auxquels les "mystères", le langage sacerdotal et leur religion, furent enseignés par les problématiques Akkadiens – lesquels suivant Rawlinson vinrent d'Arménie – et non ceux-là qui émigrèrent en Inde. Voilà oh la preuve devient évidente. Movers nous fait voir le Xisuthros babylonien représentant le "soleil" dans le Zodiaque, dans le signe du Verseau, et Oannés, l'homme- poisson, le demi-démon, c'est Vichnou dans son premier avatar ; nous avons, ainsi, la clé de la double source de la révélation biblique.
Oannès est le symbole de la sagesse ésotérique sacerdotale ; il sort de la mer, parce que le "grand abîme", l'eau, symbolise, nous l'avons déjà dit, la doctrine secrète. Pour cette même raison, les Egyptiens déifiaient le Nil, outre qu'en vertu de son inondation périodique, il était considéré comme le "Sauveur" du pays. Ils allaient jusqu'à tenir les crocodiles pour sacrés, parce qu'ils avaient leur demeure dans la "profondeur". Les prétendus "Chamites" ont toujours préféré s'établir dans le voisinage des rivières et des océans. D'après certaines anciennes cosmogonies, l'eau fut le premier élément créé. Ce nom d'Oannès est tenu en grande vénération, dans les annales chaldéennes. Les prêtres chaldéens portaient une coiffure en forme de tête de poisson et un vêtement couvert d'écailles imitant le corps d'un poisson 152.
"Thalès, dit Cicéron, affirme que l'eau est le principe de toutes choses ; et que Dieu est ce Mental qui façonna et créa toutes choses de l'eau 153." [126]
"Au commencement l'ESPRIT intérieur donne force au Ciel, à la Terre, à la mer, au globe brillant de la Lune puis aux astres, Titan et le mental répandu dans les membres anime toute la masse et se mêle à la GRANDE MATIERE" 154.
L'eau représente la dualité tant du Macrocosme que du Microcosme, uni à l'Esprit vivifiant, et l'évolution du petit monde venant du cosmos universel. A ce point de vue, le déluge appelle l'attention sur la lutte finale entre les éléments opposés, qui termina le premier grand cycle de notre planète. Ces périodes graduellement s'interpénétrèrent, l'ordre naissant du chaos, ou du désordre, et les types successifs d'organismes n'étant évolués qu'à mesure que les conditions physiques de la nature étaient prêtes pour leur apparition ; car la race actuelle n'aurait pas pu respirer sur notre globe pendant cette période intermédiaire, puisqu'elle n'avait pas encore le vêtement de peau allégorique 155.
152 Voyez les gravures de Ancient Faiths de Inman.
153 Cicéron : Ire Nat. Deorum, I, 10.
154 Virgile : Enéide VI.
155 Le terme "vêtement de peau" devient plus suggestif lorsque nous saurons que le mot hébreu "peau" dans le texte origine, veut dire la peau humaine. Le texte dit : Et Java Aleim confectionna pour Adam et sa femme תנתכ רוע CHITONUT OUR. Le premier mot hébreu est le même que le mot grec χιτονυ – Chiton – vêtement. Pankhurst le définit comme la peau d'hommes ou d'animaux רע רוע et ערה, OUR, OR, ou ORA. Nous retrouvons le même mot dans l'Exode, XXXIV, 30-35, lorsque la peau du visage de Moïse "rayonnait" (A. Wilder).
Dans les quatrième et cinquième chapitres de la Genèse, nous voyons les prétendues générations de Caïn et de Seth. Considérons-les dans l'ordre dans lequel elles sont présentées :
LIGNES DE GENERATIONS
1. Adam |
1. Adam |
2. Seth |
2. Caïn |
3. Enos |
3. Enoch |
4. Caïnan |
4. Irad |
5. Mahalaleel |
5. Mehujael |
6. Jared |
6. Ma thusael |
7. Enoch |
7. Lamech |
8. Mathusalem |
8. Jubal |
9. Lamech |
9. Jabal |
10. Noé |
10. Tubal Caïn |
Ce sont les dix patriarches qui sont identiques aux Pragâpatis (Prapjapatis) hindous, et aux Séphiroth de la cabale. Nous disons bien dix patriarches et non vingt, car la ligne kénite ne fut inventée que pour : 1° développer la notion du dualisme, sur laquelle est fondée la philosophie de toutes les religions ; car ces deux tables généalogiques représentent tout simplement les pouvoirs opposés des principes du bien et du mal ; et 2° comme un masque pour les masses non-initiées. Admettons que nous leur rendions leur forme primitive en effaçant ces masques prémédités ; ils sont si [127] transparents qu'ils n'exigent pas une perspicacité bien grande pour faire le choix, même si l'on ne fait usage que de son propre jugement, sans les mettre à l'épreuve, comme c'est notre cas, au moyen de la doctrine secrète.
En nous débarrassant, donc, des noms kénites qui ne sont que les répétitions des séthites, ou l'un de l'autre, nous éliminons Adam ; Enoch – lequel, dans une des généalogies est le père d'Irad, et dans l'autre le fils de Jared ; Lamech, fils de Mathusael, tandis que lui, Lamech, est le fils de Mathusalem dans la ligne séthite ; Irad (Jared) 156, Jubal et Jabal, lequel, avec TubalCaïn forment une trinité dans une ligne, et celle-là le double de Caïn ; Mehujael (qui n'est que Mahalaleel écrit différemment), et Mathusael (Mathusalem). Il ne nous reste dans la généalogie kénite du chapitre IV qu'un seul Caïn, qui – comme premier meurtrier et fratricide – est placé dans sa ligne comme le père d'Enoch, le plus vertueux parmi les hommes, qui ne meurt pas, mais est enlevé au ciel en pleine vie. Si nous nous tournons maintenant vers la table séthite nous trouvons que Enos, ou Enoch vient en seconde ligne après Adam, et qu'il est le père de Caïn (an). Ceci n'est pas un accident. Il y a ici une raison évidente pour cette inversion de paternité ; il y a un plan arrêté – qui est celui de créer une confusion et d'égarer les recherches.
156 Ici encore, lac Masorah a en changeant un nom en un autre, a aidé à fausser le peu qui restait d'original dans les Ecritures primitives.
Nous disons donc, que les patriarches ne sont autres que les signes du zodiaque ; ce sont des emblèmes, dans leurs divers aspects, de l'évolution spirituelle et physique des races humaines, des âges ou des divisions du temps. Dans l'astrologie, les premières quatre "maisons" dans les diagrammes des "douze maisons du ciel" à savoir : la première, la dixième, la septième et la quatrième, ou le second carré intérieur situé avec ses angles en haut et en bas, sont appelés des angles, ayant la plus grande force et puissance. Ils répondent à Adam, Noé, Caïn-an, et Enoch, Alpha, Oméga, le bien et le mal dirigeant le tout. En outre, lorsqu'ils sont divisés (y compris les deux noms secrets) en quatre trigones ou triades, à savoir les triades du feu, de l'air, de la terre et de l'eau, nous constatons que la dernière de ces triades correspond à Noé.
Enoch et Lamech furent doublés dans la table de Caïn, afin de compléter le nombre dix dans les deux "générations" de la [128] Bible, au lieu de faire usage du r Nom secret" ; et, afin que les patriarches pussent correspondre aux dix Séphiroth cabalistiques, et accommoder en même temps les dix, et par la suite douze signes du Zodiaque d'une façon compréhensible seulement pour les cabalistes.
De Rossi de Parme, dit des Massoretes, dans son Compendis, vol. IV, p. 7 "On sait avec quel soin Esdras, le meilleur critique qu'ils aient eu, réforma [le texte], le corrigea, et lui rendit sa première splendeur. De toutes les nombreuses révisions entreprises après lui, aucune n'est plus célèbre que celle des Massoretes, qui vinrent après le VIème siècle... et tous les plus zélés adorateurs et défenseurs de la "Masorah" qu'ils soient Chrétiens ou Juifs... s'accordent ingénument pour reconnaître que telle qu'elle existe elle est défectueuse, imparfaite, interpolée, remplie d'erreurs, et un guide des moins sûrs." La lettre carrée ne fut inventée qu après le IIIème siècle.
Maintenant qu'Abel eut disparu de cette lignée de descendance, il est remplacé par Seth, qui est évidemment une réflexion tardive suggérée par la nécessité de faire que la race humaine ne descende pas exclusivement d'un meurtrier. Ce dilemme n'ayant sauté aux yeux que lorsque la ligne Kénite eût été terminée, on s'arrangea pour qu'Adam (après l'apparition de toutes les générations) engendrât son fils Seth. Le fait est suggestif que tandis que l'Adam à double sexe du Chapitre V est fait à la ressemblance de l'Elohim (Voyez Genèse Chap. I, 27 et Chap. V, 1) (Seth (V. 3) est engendré à "la ressemblance" d'Adam, donnant ainsi à comprendre que c'étaient des hommes d'une race différente. De plus, il est digne d'attention que, ni l'âge, ni aucune autre particularité des patriarches ne sont donnés dans la table Kénite, alors que c'est le contraire pour ceux de la ligne Séthite.
Assurément, nul ne pourrait s'attendre à trouver dans un ouvrage public, les mystères extrêmes qui depuis les âges les plus reculés ont été tenus cachés dans le plus profond secret des sanctuaires. Mais, sans en divulguer la clé aux profanes, ou sans qu'on puisse nous accuser d'indiscrétion, nous pouvons soulever un coin du voile, qui cache les majestueuses doctrines de l'antiquité. Ecrivons, donc, les noms des patriarches tels qu'ils devraient figurer dans leurs rapports avec le Zodiaque, et voyons comment ils correspondent aux signes. Le diagramme suivant représente la Roue d'Ezéchiel telle que la donnent de nombreux ouvrages, entre autre les Rosicrucians, de Hargrave Jennings
Ces signes sont les suivants (suivez les nombres).
1. Le Bélier ; 2. le Taureau ; 3. les M Gémeaux ; 4. le Cancer ; 5. le Lion ; 6. la Vierge, ou la ligne ascendante du grand cycle de la création. Puis vient 7, la Balance – "l'homme", lequel, bien que noua le trouvions placé exactement au milieu, c'est-à-dire au point d'intersection, ramène les nombres vers le bas : 8. le Scorpion ; 9. le Sagittaire ; 10. le Capricorne ; 11. le Verseau ; et 12, les Poissons.
En discutant le double signe de Vierge-Scorpion et de la Balance, [129] Hargrave Jennings fait la remarque suivante (p. 65) : "Tout ceci est incompréhensible, sauf pour l'étrange mysticisme des Gnostiques et des Cabalistes ; et toute la théorie aurait besoin d'une clé pour la rendre intelligible ; ces hommes extraordinaires parlent vaguement de la possibilité d'une telle clé, mais ils se refusent absolument à la communiquer, sa divulgation étant de tous points interdite.
Il faut donner sept tours à cette clé avant de pouvoir divulguer le système tout entier. Nous allons lui en donner un, et permettre ainsi aux profanes de jeter un regard sur le mystère. Bien heureux celui qui le comprendra dans son ensemble !
ROUE D'EZÉCHIEL (ésotérique)
Il suffit, pour expliquer la présence de Jodheva (ou de Yodheva), ou ce qu'on nomme généralement le tétragramme יהוה, et celle d'Adam et d'Eve, de rappeler au lecteur les versets suivants de la Genèse, avec leur signification exacte entre parenthèses : [130]
- "Dieu [Elohim] créa l'homme à son [leur] image... il les [le] créa mâle et femelle" (ch. I, 27).
- "Il les [le] créa mâle et femelle... il les [l'] appela du nom d'ADAM" (ch. V, 2).
Lorsque le ternaire est pris au commencement du tétragramme, il est l'expression de la création divine, au sens spirituel, c'est-à-dire sans péché charnel ; de l'autre côté du tétragramme il est pris dans ce dernier sens ; il est alors féminin. Le nom d'Eve se compose de trois lettres ; celui de l'Adam primitif, ou céleste, s'écrit avec une seule lettre, Jod ou Yodh ; il ne doit, par conséquent, pas se prononcer Jehovah, sinon Yeva, ou Eve. L'Adam du premier chapitre est l'Adam spirituel, et partant, pur androgyne, c'est l'Adam-Kadmon. Lorsque la femme est tirée de la côte gauche du second Adam (de poussière) la Vierge pure se sépare et, par sa chute "dans la génération", ou sur le cycle descendant, elle devient le Scorpion 157, l'emblème du péché et de la matière. Tandis que le cycle ascendant a trait aux races purement spirituelles, les dix patriarches anté- diluviens (les Pradjâpatis et les Séphiroth) 158 sont conduits par la Divinité créatrice elle-même, qui est Adam-Kadmon ou Yodheva ; le cycle inférieur est celui des races terrestres, conduites par Enoch ou la Balance, le septième, qui parce qu'il est moitié divin, moitié terrestre, fut enlevé, dit- on, au ciel, en pleine vie. Enoch, ou Hermès, ou la Balance ne font qu'un. Tous trois représentent la balance de l'harmonie universelle ; la justice et l'équilibre sont placés au point central du Zodiaque. Le grand cercle céleste, si bien décrit par Platon dans son Timée, est le symbole de l'inconnu en tant qu'unité ; et les cercles plus petits qui constituent la croix, par leur division sur le plan de l'anneau zodiacal, sont le symbole de la vie, à leur point d'intersection. Les forces centripètes et centrifuges, comme symboles du Bien et du Mal, de l'Esprit et de la Matière, de la Vie et de la Mort, sont aussi ceux du Créateur ou du Destructeur – Adam et Eve, ou Dieu et le Diable, comme on dit en langage vulgaire. Dans les modes subjectifs, aussi bien que dans les mondes objectifs, ce sont les deux pouvoirs qui, par leur opposition éternelle entretiennent l'harmonie dans l'univers de l'esprit et de la matière. Ils obligent les planètes à poursuivre leur course et les maintiennent dans leurs orbites elliptiques, traçant ainsi la croix astronomique dans leur révolution à travers le Zodiaque. Si, dans la lutte, la force centripète [131] venait à avoir le dessus, elle pousserait les planètes et les âmes vivantes dans le soleil, le type du Soleil spirituel invisible, le Paramatna ou la grande Ame universelle son progéniteur ; tandis que la force centrifuge chasserait les planètes et les âmes dans l'espace solitaire, loin du luminaire de l'univers objectif, loin du royaume spirituel du salut et de la vie éternelle, et dans le chaos de la destruction cosmique finale et de l'annihilation individuelle. Mais la balance est là, toujours sensible au point d'intersection. Elle règle l'action des deux combattants, et l'effort combiné des deux fait que les planètes et les "âmes vivantes m poursuivent une double ligne diagonale dans leur révolution à travers le Zodiaque et la Vie ; c'est ainsi qu'elle entretient une stricte harmonie dans le ciel et la terre, visibles et invisibles, l'unité forcée des deux réconciliant l'esprit avec la matière, et Enoch apparaît comme le "Métatron" devant Dieu. En comptant en descendant depuis lui jusqu'à Noé et ses trois fils, chacun d'eux représente un nouveau "monde", c'est-à- dire que notre globe, qui est le septième 159, après chaque période de transformation géologique, donne naissance à une nouvelle race distincte d'hommes et d'êtres.
157 Le Scorpion est le signe astrologique des organes de la reproduction.
158 Les patriarches sont tous convertibles en leurs nombres, de même qu'ils sont interchangeables. Suivant ce qu'ils représentent ils deviennent le dix, le cinq, le sept, le douze et même le quatorze. Tout le système est si compliqué qu'il est absolument impossible, dans un ouvrage comme celui-ci, de faire plus que de donner quelques indications à soja sujet.
159 Voyez le premier volume de cet ouvrage (p. 89). Le calcul hindou, au moyen du Zodiaque peut, seul, fournir la clé des chronologies hébraïques et des âges des patriarches. Si nous tenons compte que souvent les anciens calculs astronomiques et chronologiques, sur les quatorze manvantaras (ou périodes divines) dont chacun se compose de douze mille ans des dévas, multipliées par soixante et onze, constituant une période de la création, il n'y en a pas encore tout à fait sept de révolus, les calculs hébreux deviendront plus intelligibles. Afin de faciliter, dans la mesure du possible, ceux qui sans doute, seraient fort embarrassés par ces calculs, nous rappelons au lecteur que le Zodiaque est divisé en 360 degrés, et chaque signe en 30 degrés ; que dans la Bible samaritaine l'âge d'Enoch est fixé à 360 ans ; que dans le "Manou" les divisions du temps sont données comme suit : "Le jour et la nuit se composent de trente Mouhourta. Un mouhourta contient trente Kâlas. Un mois des mortels est de trente jours, ce qui ne fait qu'un jour des pitris... Une année des mortels est un jour des Dévas."
Caïn est la tête de la ligne ascendante, ou Macrocosme, car il est le fils du "Seigneur", et non d'Adam (Genèse, IV, 1). Le "Seigneur" c'est l'Adam- Kadmon, Caïn est le fils de la pensée coupable, et non la progéniture de la chair et du sang ; Seth d'autre part, est le chef des races terrestres, car il est le fils d'Adam, engendré "à sa ressemblance selon son image (Genèse, V, 3)" Caïn, c'est Kenu, l'Assyrien, qui veut dire l'aîné, tandis que le mot hébreu קין veut dire un forgeron, un artisan.
Notre science établit la preuve que notre globe a passé par cinq phases géologiques distinctes, caractérisées chacune par une couche différente, lesquelles, par ordre inverse, en commençant par la dernière sont : 1° la période Quaternaire, dans laquelle l'apparition de l'homme constitue une certitude ; 2° la période Tertiaire, dans laquelle la présence de l'homme est possible ; 3° la période Secondaire, celle des sauriens gigantesques, les mégalosaures, [132] les ichtyosaures, et les plésiosaures – sans aucun vestige de l'homme ; 4° la période Paléozoïque, celle des crustacés gigantesques ; 5° (ou la première) la période Azoïque, pendant laquelle la science affirme que la vie organique n'avait pas encore fait son apparition sur la terre.
Et n'y a-t-il aucune possibilité qu'il y ait eu une période, voire même plusieurs périodes, dans lesquelles l'homme aurait existé, sans être cependant un être organique, et n'aurait pu, par conséquent, laisser un vestige quelconque pour la science exacte. L'Esprit ne laisse derrière lui ni squelettes ni fossiles, et, néanmoins, rares sont ceux, qui doutent, ici-bas, que l'homme puisse vivre à la fois objectivement et subjectivement. De toutes manières, la théologie des Brahmanes, d'une antiquité incalculable, qui divise les périodes de formation de la terre en quatre figes, et qui place entre chacun de ceux-ci un intervalle de 1.728.000 années, s'accorde bien mieux avec la science officielle et les découvertes modernes, que les absurdes notions chronologiques promulguées par le concile de Nicée et de Trente.
Les noms des patriarches ne sont pas des noms hébreux, bien qu'ils aient été hébraïsés, par la suite ; ils ont, sans contredit, une origine assyrienne ou aryenne.
Ainsi Adam, dans la Cabale commentée, nous apparaît comme un nom convertible, qui peut s'appliquer à presque tous les autres patriarches, de même que chaque Sephiroth s'applique à chaque Sephira, et vice versa, Adam, Caïn et Abel constituent la première triade parmi les douze. Ils correspondent à la Couronne, la Sagesse et l'Intelligence, dans l'arbre séphirothique ; et, en astrologie aux trois trigones de feu, de terre et d'air ; si nous pouvions consacrer plus de place à l'élucidation de ce fait, nous verrions peut-être que l'astrologie mérite le nom d'une science, aussi bien que n'importe quelle autre. L'Adam (Kadmon) ou Ariès, (le bélier), est identique au dieu égyptien à la tête de bélier Amun, qui façonne l'homme sur un tour de potier. Par conséquent, son double, l'Adam de poussière, est également Ariès, Amon, lorsqu'à la tête de ses générations, il façonne également les mortels "à sa ressemblance". En astrologie la planète Jupiter correspond à la "première maison" (le Bélier). La couleur de Jupiter ainsi qu'on le voit dans les "étages de sept sphères" sur la tour de Borsippa, ou de Birs-Nimrod, est le rouge 160 ; et, en hébreu, Adam, אדם veut dire "rouge" en même temps qu' "homme". Le dieu hindou Agni, qui préside au signe des Poissons, voisin de celui du Bélier dans [133] leur relation avec les douze mois (Février et Mars) 161, est teinté de rouge foncé, avec deux figures (mâle et femelle), trois jambes et sept bras ; le tout composant le nombre de douze. De même, aussi, Noé (les Poissons), qui apparaît dans les générations comme le douzième patriarche, en comptant Caïn et Abel, est, de nouveau, Adam sous un autre nom, car il est l'ancêtre d'une nouvelle race d'humanité ; et, avec ses "trois fils", un méchant, l'autre bon, et un participant des deux qualités, est la réflexion terrestre de l'Adam super-terrestre et de ses trois fils. On représente Agni monté sur un bélier, coiffé d'une tiare surmontée d'une croix 162.
160 Voyez les Diagrams de Rawlinson.
161 Tous les signes du Zodiaque brahmanique sont -résidés par, et dédiés à un des douze grands dieux. Ainsi : 1° Mecha (le Bélier) est dédié * Varnna ; 2° Vricha (le Taureau), à Yama ; 3° Mithuna (les émeana) à Pavana ; 4° Karcâtaca (le Cancer) à Sûrya ; 5° Sinha (1er Lion) à Soma ; 6° Kanya (la Vierge) à Kartikeia ; 7° Toulba (la Balance) à Kouvera ; 8° Vristchica (le Scorpion) à Kama ; 9° Dhanous (le Sagittaire) à Ganesa ; 10° Makara (le Capricorne) à Poulhar ; 11° Kumbha (le Verseau) à Indra ; et 12° Minas (les Poissons) à Agni.
162 Hindu Pantheon, de Moor, pp. 295-302.
163 Apollon était également Abelius ou Bel.
Gain, présidant au signe du Taureau, du Zodiaque, est également fort suggestif. Le Taureau appartient au trigone de terre et à ce sujet il n'est pas superflu de rappeler au lecteur une allégorie de l'Avesta persane. Suivant la légende, Ormazd produisit un être – source et type de tous les êtres universels – appelé La VIE, ou le Taureau dans le Zend. Ahriman (Caïn) tue cet être (Abel) de la semence (Bette) duquel naissent de nouveaux êtres. Abel, en langue assyrienne, veut dire fils, mais en hébreu חבל, il signifie quelque chose d'éphémère, ce qui n'a pas une longue vie, ce qui est sans haleur, et aussi une "idole païenne 163", car Caïn est une statue hermaïque (une colonne, le symbole de la génération). Dans cet ordre d'idées, Abel est la contre-partie féminine de Caïn (le mâle) car ce sont des jumeaux, et probablement androgynes ; celui-ci correspond à la Sagesse, et celui-là à l'Intelligence.
Il en est de même de tous les autres patriarches. Enos, שונא, est encore Homo, l'homme ou le même Adam, et Enoch par-dessus le marché ; et ןניק, Kaïn-an, est l'égal de Caïn. Seth תש, est Tette, ou Thoth, ou Hermès ; et voilà, sans doute, la raison pourquoi Josèphe, dans son premier livre (chap.III) fait voir Sets si bien versé en astrologie, en géométrie et dans toutes les autres sciences occultes. Prévoyant le déluge, il dit qu'il grava les principes fondamentaux de son art sur deux piliers de briques et de pierres ; Josèphe affirme "avoir vu ces piliers en Syrie de son temps". C'est pour cette raison que Seth est encore identifié avec Enoch, auxquels les cabalistes et les franc-maçons attribuent le même trait ; et, en même temps avec Herniés ou Kadmus, car Enoch est identique à celui-là ; ןונח, HE-NOCH veut dire un [134] instructeur, un initiateur ou un initié ; dans la mythologie grecque c'est Inachus. Nous venons de voir le rôle qu'on lui fait jouer dans le Zodiaque.
Mahalaleel, si nous partageons le nom en הלחמ, ma-ha-la, veut dire doux, miséricordieux ; on le fait correspondre avec la quatrième Sephira, l'Amour ou la Pitié, émanée de la première triade 164 Irad, דרי, ou Iared, est (moins les voyelles) justement le même. S'il dérive du verbe ri, il signifie descendance ; si c'est de דרי, arad, il veut dire progéniture ; il correspond donc parfaitement, aux émanations cabalistiques.
Lamech, ךמל, n'est pas hébreu, mais grec. Lamach signifie Lam – le père, et Ou-Lom-Ach est le père de l'âge ; ou le père de celui (Noé) qui inaugure une nouvelle ère ou période de création après le pralaya du déluge ; Noé étant le symbole d'un nouveau monde, le Royaume (Malchuth) des Séphiroth, par conséquent son père, qui répond à la neuvième Séphiroth, est la Fondation 165. De plus, aussi bien le père que le fils correspondent dans le Zodiaque au Verseau et aux Poissons ; c'est ainsi que le premier appartenant au trigone de l'air, et le second à celui de l'eau, ils viennent clore la liste des mythes bibliques.
Mais si, ainsi que nous le constatons, chaque patriarche représente, à un point de vue, ainsi que le font tous les Pradjâpatis, une nouvelle race d'êtres humains antédiluviens ; et si, ainsi qu'il est aisé de le prouver, ce ne sont que des copies des Saros ou âges babyloniens, et que ceux-ci sont des copies des dix dynasties hindoues des "Seigneurs des êtres" 166 néanmoins, de quelque façon que nous les envisagions, elles sont parmi les allégories les plus profondes jamais conçues par un esprit philosophique.
164 Halal est le nom d'Apollon. Le nom de Mahalal-Eliel serait donc le soleil d'automne, celui de juillet, et ce patriarche préside précisément au signe zodiacal du Lion (juillet).
165 Voyez la description des Séphiroth au chapitre V.
166 Nous constatons combien servile était cette copie chaldéenne en comparant la chronologie hindoue avec celle des Babyloniens. Suivant Manou, les dynasties antédiluviennes des pradjâpatis régnèrent pendant 4.320.000 années humaines, en d'autres termes un âge divin tout enter des dévas, ou le laps de temps qui s'écoule invariablement entre la vie sur le globe et la dissolution de cette même vie, ou pralaya. De leur côté, les Chaldéens donnent exactement les mêmes chiffres, avec un zéro en moins, à savoir : ils calculent que leurs 120 saros donnent un total de 432.000 années.
167 Eliphas Lévi donne la version grecque aussi bien que l'hébraïque mais arbitraire et condensée au point d'être absolument inintelligible pour quiconque n'est pas aussi savant que lui.
Dans le Nuctemeron 167, l'évolution de l'univers et ses périodes successives de formation, y compris le développement graduel des races humaines, sont illustrés aussi pleinement que possible, dans les douze "heures" de la division de l'allégorie. Chaque "heure" symbolise l'évolution d'un homme nouveau, et celle-ci, à son tour, est divisée en quatre quarts ou âges. Cet ouvrage prouve [135] jusqu'à quel point l'ancienne philosophie était teintée de la doctrine des anciens Aryens, lesquels furent les premiers à diviser la vie sur notre planète en quatre âges. Si l'on pouvait suivre la trace de cette doctrine depuis sa source dans la nuit des temps de la période traditionnelle jusqu'au voyant de Patmos, on ne risquerait point de s'égarer dans les systèmes religieux des nations. On verrait que les Babyloniens enseignaient que quatre Oannès (ou Soleils) apparurent en quatre différentes périodes ; que les Hindous proclament leur quatre Yugas ; que les Grecs, les Romains et les autres croient fermement à leurs âges d'or, d'argent, de bronze et de fer, chacune de ces époques étant annoncée par l'apparition d'un sauveur. Les quatre Bouddhas des Hindous et les trois prophètes des Zoroastriens – Oshedar-Cami, Oshedar-mah, et Sosiosh – précédés par Zaratushtra, sont les types de ces âges.
A son début même, la Bible nous dit qu'avant que les (fils) de Dieu aient vu les filles des hommes, ceux-ci vivaient de 365 à 989 ans. Mais lorsque le "Seigneur Dieu" vit les iniquités des hommes, Il décida de ne leur accorder que 120 ans (Genèse, VI. 3). Pour expliquer une telle différence dans les tableaux de la mortalité humaine, il faut suivre la trace de la décision du "Seigneur Dieu" jusqu'à son origine. Les incongruités que nous rencontrons à chaque pas de la Bible ne peuvent être attribuées qu'au fait que le livre de la Genèse et les autres livres de Moïse ont été faussés et remodelés par plus d'un auteur ; et que dans leur condition originelle ils étaient, exception faite de la forme extérieure des allégories, de fidèles copies des livres sacrés hindous. Nous lisons ce qui suit dans le livre I, de Manou : "Dans le premier âge, on ne connaissait ni la maladie, ni la souffrance. Les hommes vivaient 400 ans."
Cela avait lieu dans le Krita ou Satya-yug.
"Le Krita-yug est le symbole de la justice. le taureau qui se tient ferme sur ses quatre pieds en est l'image ; l'homme s'attache à la vérité, et le mal ne dirige pas encore ses actions 168." Mais à chaque âge successif, la vie humaine primitive perd un quart de sa durée, c'est-à-dire que dans le Treta-yug, l'homme ne vit plus que 300 ans, dans le Dwapara-yug 200 et dans le Kaki-yug, ou notre âge actuel, il ne vit en général tout au plus que 100 ans. Noé, fils de Lamech – Oulom Ach, ou le père de l'âge – est une copie déformée de Manou, le fils de Swavambhu et les six Manous ou Rishis, issus du "premier homme" hindou, sont les originaux de Terah, Abraham, Isaac, Jacob, Joseph et Moïse, les sages hébreux, lesquels, en commençant par Terah étaient, dit-on, des astrologues, [136] des alchimistes, des prophètes inspirés et des devins ; en d'autres termes et pour parler clairement, des magiciens.
168 Voyez la dissertation du Rabbin Siméon sur l'Homme-Taureau primitif et les cornes. "Sohar".
Si nous consultons la Mishna talmudique nous y voyons que le premier couple divin émané, l'androgyne Démiurge Chochmah (ou Hachma Achamoth) et Binah se construisent une maison avec sept piliers. Ce sont les architectes de Dieu – la Sagesse et l'Intelligence. Son compas et Son équerre. Les sept colonnes sont les sept mondes futurs ou les sept "jours" typiques primordiaux de la création.
"Chochmah immole ses victimes". Ces victimes sont les innombrables forces de la nature qui doivent "mourir" (se dissiper), afin de pouvoir vivre ; quand une des forces meurt, ce n'est que pour donner naissance à une autre force, sa progéniture. Elle meurt pour vivre dans ses enfants et ressuscite après chaque septième génération. Les serviteurs de Chochmah, ou la sagesse, sont les âmes de H.-Adam, car en lui sont toutes les âmes d'Israël.
II y a douze heures dans le jour dit la Mishna, et c'est au cours de ces heures que s'accomplit la création de l'homme. Cela serait-il compréhensible si nous n'avions Manou pour nous enseigner que ce "jour" embrasse les quatre âges du monde et a une durée de douze milles années divines des Dévas ?
"Les créateurs (Elohim)esquissent dans la deuxième "heure" l'apparence de la forme corporelle de l'homme. Ils la séparent en deus et préparent les sexes afin de les rendre distincts l'un de l'autre. C'est ainsi que procédèrent les Elohimpar rapport à chaque chose créée" 169. "Les poissons, les oiseaux, les plantes, les animaux et l'homme, tous étaient androgynes à la première heure."
Voici ce que dit le commentateur, le grand Rabbin Siméon "Oh, compagnons, compagnons, l'homme en tant qu'émanation était aussi bien homme que femme, du côté du PERS comme du côté de la MERE. Voilà la signification des paroles de l'Elohim lorsqu'il dit : "Que la Lumière soit et la Lumière fut !... C'est là "l'homme double" 170 !"
Il fallait une femme spirituelle pour contraster avec l'homme spirituel. L'Harmonie est la loi universelle. Le discours de Pluton, dans la traduction de Taylor, est rendu de manière à lui faire dire de l'univers actuel qu' "Il le fit mouvoir d'un mouvement circulaire... Par conséquent, lorsque Dieu qui est une Divinité raisonnant sans cesse, se mit à réfléchir au sujet de ce Dieu (l'homme) qui était destiné à subsister d une certaine période du temps, Il produisit son corps lisse et uni, dans tous les sens et entier depuis [137] le centre ; Il le construisit parfait. Ce cercle parfait du Dieu créé, Il le tailla à angles aigus en forme de la lettre X.
Les italiques de ces deux phrases du Timée, sont du Dr Lundy, l'auteur du célèbre ouvrage, déjà mentionné plus haut, Monumental Christianity. Il attire par là l'attention sur les paroles du philosophe grec, dans le but évident de leur donner le caractère prophétique que leur appliquait Justin Martyr, lorsqu'il accusait Platon d'avoir emprunté sa "discussion physiologique du Timée... relativement au Fils de Dieu placé en croit dans l'univers", à Moïse et son serpent d'airain. Le savant auteur parait pleinement reconnaître, dans ces paroles, une prophétie non préméditée, bien qu'il ne nous dise pas s'il est d'avis, que de même que le Dieu créé de Pluton, Jésus était à l'origine un sphéroïde "lisse et uni dans tous les sens et entier depuis le centre". Même si Justin Martyr pouvait invoquer une excuse pour sa corruption de Pluton, le Dr Lundy devrait savoir que le temps de cette sorte de casuistique est, depuis longtemps passé. Ce que le philosophe voulait dire, c'est que l'homme, avant d'être enfermé dans la matière n'avait pas besoin de membres, car il était une entité purement spirituelle. Par conséquent, si la Divinité, son univers et les corps stellaires doivent être considérés comme des sphéroïdes, cette forme serait également celle de l'homme archétype. A mesure que son enveloppe prenait du poids, le besoin de membres se fit sentir, et les membres poussèrent. Si nous nous représentons un homme étendant les bras et les jambes sous le même angle, et que nous le placions contre le cercle qui symbolisait sa forme primitive comme esprit, nous aurions exactement la figure décrite par Pluton – le X en croix, dans le cercle.
Toutes les légendes relatives à la création, la chute de l'homme et le déluge consécutif, appartiennent à l'histoire universelle, et ne sont pas plus la propriété des Israélites que celles de n'importe quelle autre nation. Ce qui leur appartient en propre (exception faite des cabalistes) ce sont les détails défigurés de chaque tradition. La Genèse d'Enoch est bien antérieure aux livres de Moïse 171, et Guillaume Postel l'a présentée au monde, expliquant ses allégories autant qu'il a osé le faire ; mais le fond de l'ouvrage est resté non-exposé. Pour les Juifs, le livre d'Enoch est aussi canonique que ceux de Moïse ; et si les chrétiens ont accepté ceux-ci comme une autorité, nous ne voyons pas pourquoi ils rejetteraient l'autre comme apocryphe. L'âge de l'un comme celui de l'autre [138] ne peuvent être déterminés avec une certitude quelconque. A l'époque de la séparation, les Samaritains ne reconnaissaient que les livres de Moïse et celui de Josué, dit le Dr Jost (86). Le temple de Jérusalem fut pillé en l'an 168 avant J.-C. et tous les livres sacrés anéantis (87) ; par conséquent, les quelques MSS qui restaient étaient entre les mains des "maîtres de la tradition". Les Tanaim de la Cabale, leurs initiés et leurs prophètes avaient toujours [138] ne peuvent être déterminés avec une certitude quelconque. A l'époque de la séparation, les Samaritains ne reconnaissaient que les livres de Moise et celui de Josué, dit le Dr Jost 172. Le temple de Jérusalem fut pillé en l'an 168 avant J.-C. et tous les livres sacrés anéantis 173 ; par conséquent, les quelques MSS qui restaient étaient entre les mains des "maîtres de la tradition". Les Tanaïm de la Cabale, leurs initiés et leurs prophètes avaient toujours pratiqué ses enseignements de concert avec les Canaanites, les Chamites, les Madianites, les Chaldéens et toutes les autres nations. L'histoire de Daniel en est la preuve.
169 Le Nuctameron des Hébreux. Eliphas Lévi, vol. II.
170 Auszüge aus dem Sohar, p. 13, 15.
171 Telle est l'opinion des savants Drs Jost et Donaldson. "Les livres de l'Ancien Testament, tels que nous les voyons aujourd'hui, paraissent avoir été terminés environ 150 ans avant J.-C... Les Juifs recherchèrent alors les autres livres qui avaient été dispersés pendant les guerres, et les réunirent en une collection." (Ghillany, Menschenopfer der Hebräer, p. 1. Sod the son of the Man. Appendice.)
172 Jost, vol. I, p. 51.
173 Josephus de Burder, vol. II, pp. 331-335.
Il existait une sorte de Fraternité ou Franc-Maçonnerie parmi les cabalistes, disséminés de mémoire d'homme, de par le monde entier ; et comme ce fut le cas chez certaines sociétés de la Maçonnerie médiévale en Europe, ils s'intitulaient les Compagnons 174 et les Innocents 175. C'est une croyance chez les cabalistes (croyance fondée sur la connaissance) que les livres sacrés véritables, des soixante-dix anciens – livres qui contiennent l'Ancienne Parole – ne sont pas plus perdus, que ne le sont les rouleaux hermétiques, mais qu'ils ont été conservés depuis les siècles les plus reculés dans les communautés secrètes. Emmanuel Swedenborg en dit autant, et ses dires sont basés sur les informations qu'il reçut de certains esprits, qui lui affirmèrent qu'ils "pratiquaient leur culte selon cette Ancienne Parole". "Cherchez-la en Chine" ajoute le grand voyant, "vous la trouverez, peut-être, dans la Grande Tartarie !" D'autres étudiants des sciences occultes ont eu mieux que la parole de "certains esprits", à laquelle se fier dans le cas en question – ils ont vu les livres.
Il faut, par conséquent, choisir entre deux méthodes – accepter la Bible dans son sens exotérique, ou dans le sens ésotérique. Les faits suivants parlent contre la première : après l'édition de la première copie Du Livre de Dieu, et sa publication par Hilkiah, cette copie disparaît, et Esra se voit obligé d'écrire une nouvelle Bible, qui est terminée par Judas Maccabée ; qu'après avoir été copiée des lettres cornées en caractères carrés, elle fut défigurée au point de ne pas être reconnaissable ; que la Masorah compléta l'œuvre de la destruction ; et que finalement nous avons un texte, qui n'a pas 900 ans, mais où fourmillent les omissions, les interpolations et les perversions préméditées. Par conséquent, comme ce texte masorétique hébreu a fossilisé ses erreurs, et que la clé de la "Parole de Dieu" a été perdue, nul n'a le droit d'imposer aux soi-disant "chrétiens" les divagations de toute une série de prophètes hallucinés, [139] et peut-être faux, sous la supposition insoutenable et injustifiable qu'elle est l'œuvre du "Saint- Esprit" in propria persona.
Nous rejetons, donc, ces prétendues Ecritures monothéistes, élaborées justement au moment où les prêtres de Jérusalem avaient tout intérêt à briser violemment toute relation avec les Gentils. Ce n'est qu'à cette époque que nous les voyons persécuter les cabalistes et mettre au ban l' « ancienne sagesse » des païens et des Juifs. La véritable Bible hébraïque était un volume secret, inconnu des masses, et même le Pentateuque Samaritain est bien plus ancien que le Septuaginte. Quant à ce volume secret, les Pères de l'Eglise n'en avaient même jamais entendu parler. Nous acceptons plus volontiers la parole de Swedenborg que "l'Ancienne Parole" se trouve en Chine ou dans la Grande Tartarie ; d'autant plus, que le voyant suédois est considéré, au moins par un pasteur le Rév. Dr R. L.- Tafel, de Londres, avoir été inspiré par Dieu lorsqu'il écrivit ses ouvrages théologiques. Il a même la supériorité sur les rédacteurs de la Bible, car, tandis que ceux-ci ne faisaient qu'entendre les mots parlés à leurs oreilles, il fut donné, à Swedenborg de les comprendre par la raison ; il était donc illuminé intérieurement, et non extérieurement. "Lorsqu'un membre consciencieux de la Nouvelle Eglise, entend une accusation portée contre la divinité et l'infaillibilité soit de l'âme ou du corps des doctrines de la Nouvelle Jérusalem", dit ce révérend auteur, "il doit se placer au point de vue de la déclaration non-équivoque contenue dans ces doctrines, que le Seigneur a effectué Sa seconde venue au moyen de ces écritures, qui ont été publiées par Emmanuel Swedenborg, Son serviteur, et que, par conséquent, les accusations ne sont pas et ne peuvent pas être fondées". Et si c'est le Seigneur quia parlé par la bouche de Swedenborg, il nous reste l'espoir qu'au moins un prêtre vienne corroborer notre affirmation que l'ancienne "Parole de Dieu" ne se trouve nulle part, sinon dans les pays païens, et en particulier dans la Tartarie, le Thibet et la Chine bouddhistes !
174 Die Kabbala, p. 95.
175 Gaffarel : Introduction au Livre d'Enoch.
"L'histoire primitive de la Grèce est l'histoire primitive de l'Inde" s'écrie Pococke dans son India in Greece. En perspective du fruit des recherches critiques à venir, paraphrasons-le en disant : "L'histoire primitive de la Judée n'est que la distorsion d'une fable indienne greffée sur celle de l'Egypte. De nombreux savants se trouvent acculés par les faits inflexibles, mais ne voulant pas opposer les récits de la révélation "divine" à ceux des livres brahmaniques, ils se contentent de les mettre simplement devant le public. Entre temps, ils limitent leurs conclusions à des critiques mutuelles et à d'acerbes contradictions. Ainsi, Max Müller combat les théories de Spiegel et d'autres ; le Professeur Whitney s'acharne contre celles de l'orientaliste d'Oxford ; et le Dr Haug [140] fait le siège de Spiegel tandis que de son côté celui-ci se rejette sur une autre victime ; malgré cela les Akkadiens et les Touraniens d'antique mémoire, ont, eux- mêmes, eu leur jour de gloire. Il faut que les Proto-Kasdéens, les Kasdéo-Scythes et les Sumériens et tant d'autres, fassent place à d'autres fables. Hélas, pauvres Akkadiens ! car voici Halévy, l'assyriologue qui attaque le langage Akkado-Sumérien de l'ancienne Babylone, et Chabas, l'égyptologue, non content de détrôner la langue touranienne, qui a rendu de signalés services lorsque les orientalistes se trouvaient embarrassés, va jusqu'à qualifier de charlatan François Lenormant, le vénérable père des Akkadiens. Mettant à profit ce conflit entre savants, le clergé chrétien reprend courage avec sa théologie fantastique, en disant que lorsque le jury est en désaccord, c'est du temps de gagné pour l'accusé. On néglige, ainsi, la question vitale de savoir si la Chrétienté ne ferait pas mieux d'adopter le Christisme à la place du Christianisme, avec la Bible, son expiation par délégation et son Diable. Mais nous ne pouvons faire moins que de consacrer un chapitre spécial à un personnage de l'importance de celui-là.