CONCLUSION
L'AVENIR DE LA SOCIÉTÉ THÉOSOPHIQUE
Question – Dites-moi quel est l'avenir que vous prévoyez pour la Théosophie ?
Réponse – Si c'est de la THEOSOPHIE que vous parlez, je vous répondrai qu'elle a existé éternellement à travers les Cycles sans fin du Passé, et qu'elle continuera à exister à travers les infinis de l'Avenir ; car Théosophie et VÉRITÉ ÉTERNELLE sont synonymes.
Question – Veuillez me pardonner ; ce que je voulais vous demander se rapporte à la Société Théosophique.
Réponse – Son avenir dépendra presque entièrement de la mesure d'abnégation, de sincérité, de dévouement, et surtout de la connaissance et de la sagesse que posséderont les membres sur lesquels retombera la responsabilité de continuer l'œuvre et de diriger-la. Société, après la mort des Fondateurs.
Question – Il est évident que l'abnégation et le dévouement sont d'une grande importance, mais je ne comprends pas tout à fait pourquoi la Connaissance [403] doit être un agent aussi indispensable que les deux autres qualités. Il me semble que la littérature que vous possédez déjà ; et à laquelle vous ajoutez constamment, doit être suffisante pour remplir ce but.
Réponse – Je ne parle pas d'une connaissance technique de la Doctrine Esotérique, bien que ce soit un point très important ; mais je fais plutôt allusion au jugement clair et impartial qui sera absolument nécessaire à nos successeurs, pour les rendre capables de guider la Société. Tous les mouvements du genre de la Société Théosophique ont, jusqu'à présent, abouti à l'insuccès, parce que, tôt ou tard, ils ont dégénéré en sectes ayant leurs dogmes particuliers, ce qui leur a fait perdre graduellement cette vitalité que la Vérité seule peut répandre. Il ne faut pas oublier que tous nos membres ont été élevés dans une croyance ou une religion quelconque, que tous appartiennent plus ou moins à leur génération, physiquement et mentalement ; et que par conséquent leur jugement n'a que trop de chances d'être influencé de l'une ou de l'autre façon. Donc, s'ils ne peuvent pas s'affranchir de ces tendances innées, ou s'ils ne peuvent pas au moins apprendre à éviter de se laisser entraîner par elles, ils conduiront la Société sur l'un ou l'autre écueil de la pensée, et elle y échouera pour y mourir.
Question – Mais si l'on réussit à éviter ce danger ? [404]
Réponse – Alors la Société subsistera à travers le XXème siècle ; et peu à peu la grande masse des hommes pensants et intelligents se sentiront pénétrés de ses grandes et nobles idées de Religion, de Devoir et de Philanthropie ; Elle brisera lentement, mais sûrement, les liens de fer des croyances et des dogmes, des préjugés et des castes ; elle abattra les murs élevés par les antipathies nationales et raciales, et préparera la route à une réalisation pratique de la Fraternité entre tous les hommes. Et grâce à son enseignement, grâce à la philosophie qu'elle aura rendue accessible et intelligible à l'intelligence moderne, l'Occident apprendra à comprendre et à apprécier la juste valeur de l'Orient. Ensuite, les pouvoirs et les facultés psychiques dont les symptômes précurseurs se montrent déjà en Amérique, se développeront d'une manière saine et normale. L'humanité sera sauvée des dangers terribles qui sont, physiquement et mentalement, inévitables, lorsqu'un développement de ce genre a lieu dans le sein même de l'égoïsme et de passions funestes – danger qui la menace, en ce moment. La croissance mentale et psychique de l'homme aura lieu en harmonie avec son amélioration morale, tandis que son milieu matériel sera le miroir dans lequel se refléteront la paix et la bonne volonté fraternelles, lui règneront dans son esprit, au lieu de la lutte, et de la discorde, qui se rencontrent partout, aujourd'hui.
Question – Quel tableau enchanteur ! Et croyez-vous [405] vraiment que tout cela pourra s'accomplir, durant l'espace d'un seul siècle ?
Réponse – Ce serait difficile ! Mais, pendant les vingt-cinq dernières années de chaque siècle, ces "Maîtres", dont j'ai parlé, travaillent d'une façon marquée et définie à l'avancement du progrès spirituel de l'humanité. Vous remarquerez invariablement, à la fin de chaque siècle, un retour ou un accroissement de Spiritualité – ou de mysticisme, si vous préférez. Les Maîtres envoient dans le monde une ou même plusieurs personnes qui leur servent d'agents ; la connaissance et l'enseignement occultes sont répandus en plus grande mesure. Et si vous y tenez, vous pouvez, en consultant les annales de l'histoire, pour autant que les détails nous en sont parvenus, retrouver et suivre ce mouvement de siècle en siècle.
Question – Mais quelle est la relation du passé avec l'avenir de la Société Théosophique ?
Réponse – Si le mouvement actuel, représenté par notre Société, remporte un plus grand succès que ceux qui l'ont précédé, le mouvement du vingtième siècle trouvera une organisation vivante et forte, prête à le recevoir. La condition générale des cœurs et des intelligences aura été améliorée et purifiée par les enseignements théosophiques, et, comme je l'ai déjà dit, les préjugés et les illusions dogmatiques auront disparu, jusqu'à un certain point. Il y aura plus : non seulement une littérature étendue aura été rendue accessible à tout le [406] monde, mais le prochain effort trouvera un corps, comptant un grand nombre de membres unis entre eux et prêts à accueillir le nouveau Porteur de flambeau de la Vérité. Les cœurs seront préparés à recevoir son message ; le langage qu'il lui faudra pour rendre les nouvelles vérités qu'il apportera, aura été trouvé ; une organisation toute faite attendra son arrivée, et s'empressera d'enlever de son chemin les obstacles et les difficultés d'une nature purement mécanique et matérielle. Réfléchissez un instant, et vous comprendrez ce que sera capable d'accomplir. Celui auquel de telles circonstances tomberont en partage ; vous pouvez en faire le calcul par comparaison, en voyant ce que la Société Théosophique a pu faire, pendant les quatorze dernières années, sans aucun des avantages dont nous venons de parler, et entourée d'entraves nombreuses que le nouveau chef n'aurait pas à combattre. Et dites-moi, après réflexion, si j'espère trop de l'avenir et si je vais trop loin, lorsque j'affirme que, si la Société Théosophique survit, fidèle à sa mission et à son premier but, à travers les cent ans qui vont suivre, cette terre sera, au vingt et unième siècle, un ciel, en comparaison de ce qu'elle est à présent ?
FIN DU LIVRE