QUI SONT CEUX QUI SAVENT ?
Question – Ce que vous venez de dire s'applique-t-il à nous-mêmes, aussi bien qu'à d'autres ?
Réponse – Egalement ; car la même vision limitée existe pour tous, excepté pour ceux qui, dans le cours de l'incarnation présente, ont atteint le plus haut degré de Clairvoyance et de Vision spirituelles. Tout ce que nous pouvons saisir, c'est que les choses se seraient passées différemment s'il avait fallu qu'elles fussent différentes de ce qu'elles sont ; que nous nous sommes fait nous-mêmes tels que nous sommes, et que nous recueillons tout simplement ce que nous avons mérité.
Question – Je crains bien qu'une conception de ce genre ne réussisse qu'à nous aigrir.
Réponse – Au contraire, car c'est plutôt un manque de foi à la juste loi de la rétribution qui éveille dans l'homme chaque sentiment de révolte. L'enfant, tout comme l'homme, s'indigne d'un châtiment, ou même d'un reproche, qu'il croit ne pas avoir mérité, infiniment davantage que d'un [305] châtiment plus sévère, mais qu'il sent avoir mérité. La croyance à Karma est la raison la plus élevée qui puisse réconcilier un homme avec son sort en cette vie, et le plus puissant motif qui puisse lui suggérer les efforts nécessaires pour améliorer son incarnation suivante ; tandis que l'un et l'autre seraient détruits, si nous supposions que notre sort pût être autre chose que le résultat d'une Loi stricte, ou que notre destinée se trouve en d'autres mains que les nôtres.
Question – vous venez d'affirmer que ce système de Réincarnation, sous la loi Karmique, s'adresse à la raison, à la justice et au sens moral ; mais ne faut-il pas y sacrifier les sentiments plus doux de la sympathie et de la pitié, et n'en résulte t-il pas un endurcissement des instincts les plus élevés de la nature humaine ?
Réponse – En apparence, seulement ; et non en réalité. Un homme ne peut pas recevoir plus ou moins qu'il ne mérite, sans que les autres ne soient également traités avec injustice ou avec partialité ; et une loi, qui pourrait être détournée par la compassion, produirait plus de misère qu'elle n'en épargnerait, et ferait naître plus d'irritation et de malédiction que de reconnaissance. Rappelez-vous aussi, que, bien que nous soyons nous- mêmes créateurs des causes qui entraînent à leur suite les effets de cette loi, ce n'est pas nous qui l'appliquons ; elle s'exécute elle-même ; et, d'autre part, l'état de Dévakhan est la plus riche [306] manifestation que l'on puisse attendre d'une juste miséricorde et d'une juste compassion.
Question – vous parlez d'Adeptes, comme d'exceptions à la règle de notre ignorance générale ; possèdent-ils vraiment plus de connaissance que nous, touchant la Réincarnation et nos états futurs ?
Réponse – Certainement ; grâce au développement de facultés que nous possédons tous, mais, qu'eux seuls ont su cultiver jusqu'à la perfection, ils ont visité en esprit les divers plans et les, divers états dont nous venons de vous entretenir. Depuis un temps immémorial, des générations d'Adeptes, l'une après l'autre, ont étudié les mystères de l'être, de la vie, de la mort et de la renaissance ; et ont enseigné, à leur tour, quelques uns des faits qu'ils ont appris de cette manière.
Question – La Théosophie a-t-elle pour but de produire des Adeptes ?
Réponse – La Théosophie considère l'humanité comme une émanation de la divinité retournant vers sa source ; ceux qui sont arrivés à un point avancé sur cette route, atteignent l'Adeptat, après avoir consacré plusieurs incarnations à s'y préparer. Car, remarquez bien qu'aucun homme n'a réussi à atteindre, en une seule vie, l'Adeptat des Sciences secrètes ; il faut pour cela plusieurs incarnations, à partir du moment où l'on a décidé de s'y vouer et où l'on a commencé à s'y préparer consciencieusement. Il se trouve, peut-être, au milieu même de notre Société, bien des hommes [307] et bien des femmes qui ont commencé, depuis de nombreuses incarnations, à gravir la route escarpée qui mène à la lumière, mais qui, trompés par les illusions de la vie présente, ne se doutent pas même de ce fait, ou perdent peu à peu toutes les chances de faire quelques progrès, durant l'existence actuelle. Ils se sentent irrésistiblement attirés vers l'Occultisme et vers la Vie Supérieure, mais ils sont trop personnels, trop attachés à leurs propres opinions, trop épris des attraits trompeurs de la vie matérielle et des plaisirs éphémères du monde, pour renoncer à tout cela ; et de cette façon ils perdent leur chance d'avancement, durant la vie présente. Mais, pour les hommes ordinaires et pour les devoirs pratiques de l'existence journalière, un résultat aussi éloigné ne peut servir ni de but, ni de motif, car il serait insuffisant.
Question – Alors que se proposent les personnes ordinaires, en se joignant à la Société Théosophique ?
Réponse – Il y en a plusieurs qui s'intéressent à nos doctrines et qui sentent, instinctivement, qu'il s'y trouve plus de vérité que dans aucune religion dogmatique ; d'autres ont pris la ferme résolution d'atteindre l'idéal le plus élevé du devoir de l'homme. [308]