SECTION XVI
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PIERRE, CABALISTE JUIF, NON PAS UN INITIE
En ce qui concerne Pierre, la critique biblique a démontré que suivant toutes probabilités, il ne se rattachait à la fondation de l'Eglise Latine à Rome que pour fournir un prétexte, bien vite saisi par l'adroit Irénée, de doter l'Eglise d'un nouveau nom pour l'Apôtre – Petra ou Kiffa – nom qui pouvait, à l'aide d'un facile jeu de mots, être aisément rattaché à Petroma. Le Petroma était une paire de tablettes de pierre qu'employaient les Hiérophantes pendant les Initiations au cours du Mystère final. Là, gît le secret des prétentions du Vatican au Siège de Pierre. Ainsi que nous l'avons déjà signalé dans une citation d'Isis Dévoilée, III, 125 :
Dans les pays orientaux, l'appellation Pierre (interprète, en Phénicien et en Chaldéen), semble avoir constitué le titre de ce personnage 230.
Les Papes, en leur qualité "d'interprètes" du Néo-Christianisme, ont donc le droit indiscutable de se dire les héritiers du titre de Pierre, mais ils ne peuvent guère prétendre être les successeurs de Jésus, le Christ, et encore moins les interprètes de ses doctrines, car il y a l'Eglise Orientale, plus ancienne et bien plus pure que la hiérarchie romaine, qui s'en est toujours fidèlement tenue aux enseignements primitifs des Apôtres et qui est historiquement connue comme ayant refusé de suivre les dissidents Latins qui se séparèrent de l'Eglise Apostolique, bien que, par une curieuse anomalie, elle soit encore qualifiée "d'Eglise Schismatique" par sa sœur Romaine. Il est inutile de répéter les raisons qui viennent à l'appui de ce que nous disons plus haut, attendu que l'on peut les trouver toutes dans Isis Dévoilée 231, où les mots Pierre, Patar et Pitar sont expliqués, et où l'origine du "Siège de Pitah" est établie. En se reportant à ces pages, le lecteur constatera que l'on a découvert sur le cercueil de la Reine Mentouhept de la onzième dynastie (2250 ans av. J.-C., suivant Bunsen) une inscription qui fut reconnue comme ayant été à son tour transcrite du dix-septième chapitre du Livre des Morts, qui remonte certainement à au moins 4 500 [V 142] ans av. J.-C., ou à 496 ans avant la création du monde d'après la chronologie de la Genèse. Néanmoins, le baron Bunsen nous montre le groupe des hiéroglyphes donnés (Peter-ref-sou, le "Mot Mystère"), ainsi que le formulaire sacré, mêlé à toute une série de gloses et à diverses interprétations, sur un monument vieux de 4 000 ans.
230 Eleusinian and Bacchic Mysteries de Taylor, éd. de Wilder, p. X.
231 III, 123-128.
Cela revient à dire que la tradition (la véritable interprétation) n'était déjà plus intelligible à cette époque... Nous prions nos lecteurs de se rendre compte qu'un texte sacré, un hymne, renfermant les paroles d'un esprit disparu, existait il y a environ 4 000 ans dans un état tel, qu'il n'était rien moins qu'inintelligible pour les scribes royaux 232.
"Inintelligible" pour les non-initiés – la chose est certaine et c'est établi par les gloses confuses et contradictoires. Pourtant il n'est pas douteux que c'était – car c'est encore un mot mystérieux. Le baron explique encore :
Il me semble que notre PTR est littéralement l'antique "Patar" Araméen et Hébreu, que l'on rencontre dans l'histoire de Joseph comme étant le terme spécifique pour interpréter, d'où il résulte aussi que Pitrum est le terme pour l'interprétation d'un texte, d'un songe 233.
Ce mot PTR fut en partie interprété grâce à un autre mot écrit d'une façon analogue dans un autre groupe d'hiéroglyphes, sur une stèle ; le glyphe qui le représentait étant un œil ouvert que de Rongé 234 traduisit par "apparaître" et Bunsen par "illumination", ce qui est plus correct. Quoi qu'il en soit, le mot Patar ou Peter localiserait à la fois le Maître et le Disciple dans le cercle de l'initiation et les rattacherait à la DOCTRINE SECRETE, tandis que nous ne pouvons guère nous empêcher de rattacher le "Siège de Pierre" avec Petroma, la double série de tablettes de pierre qu'employait l'Hiérophante pendant l'Initiation Suprême, au moment du Mystère final, comme nous l'avons déjà dit, et aussi avec le Pitha-Sthâna (siège, ou emplacement d'un siège), terme employé dans les Mystères des Tantriks aux Indes, durant lesquels les membres de Satî sont éparpillés, puis réunis de nouveau comme le sont ceux d'Osiris par ISIS 235, Pitha est un mot sanscrit et on l'emploie aussi pour désigner le siège du Lama initiateur.
232 Bunsen, Egypt's Place in History, V, 90.
233 Ibid.
234 Stele, p. 44.
La question de savoir si les termes ci-dessus ne sont dus qu'à de simples "coïncidences" ou ne le sont pas, est livrée à la décision de nos savants Symbologues et Philologues. Nous [V 143] exposons des faits – et rien de plus. Beaucoup d'autres écrivains bien plus instruits et plus qualifiés pour être écoutés, que l'auteur n'a jamais prétendu l'être, ont suffisamment démontré que Pierre n'a jamais eu rien à faire avec la fondation de l'Eglise Latine, que son nom supposé de Petra, ou Kiffa, ainsi que toute l'histoire de son Apostolat à Rome, ne sont qu'un simple jeu sur le mot qui, dans tous les pays, signifiait, sous une forme ou sous une autre, l'Hiérophante ou Interprète des Mystères et enfin que, loin d'avoir subi le martyre à Rome, où il n'alla probablement jamais, il mourut à Babylone à un âge avancé. Dans le Sepher Toldoth Jeshu, manuscrit hébreu d'une grande antiquité – évidemment un document original et très précieux, si l'on en juge par le soin qu'apportèrent les Juifs à le cacher aux Chrétiens – on parle de Simon (Pierre) comme d'un "fidèle serviteur de Dieu" qui passa sa vie dans les austérités et la méditation, comme d'un Cabaliste et d'un Nazaréen qui vécut à Babylone "au sommet d'une tour, y composa des hymnes, y prêcha la charité" et y mourut.
235 Voyez le Hindu Classical Dict., de Dawson, sub voc., "Pîthasthânam".