SECTION XXVII
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MAGIE EGYPTIENNE
Peu de nos étudiants en Occultisme ont eu l'occasion d'examiner des papyrus égyptiens – ces témoins vivants, ou plutôt renaissants, qui prouvent que la Magie, bonne ou mauvaise, était pratiquée il y a bien des milliers d'années en remontant dans la nuit des temps. L'emploi du papyrus prévalut jusqu'au VIIIème siècle de notre ère, époque où il fut abandonné et où sa fabrication tomba en désuétude. Les plus curieux des documents exhumés furent immédiatement achetés et emportés hors du pays. Il y a pourtant à Boulacq, Caire, un certain nombre de papyrus admirablement conservés, mais la plupart d'entre eux n'ont pas encore été convenablement lus 458.
458 "Les caractères employés sur ces parchemins, écrit de Mirville, sont parfois des hiéroglyphes, placés verticalement, une sorte de tachygraphie linéaire (caractères abrégés) où l'image est parfois réduite à un simple trait ; d'autres fois ils sont placés en lignes horizontales ; puis l'écriture hiératique ou sacrée allant de droite à gauche comme dans toutes les langues sémitiques ; enfin les caractères du pays employés pour les documents officiels, principalement des contrats, etc., mais qui depuis les Ptolémées ont été adoptés aussi pour les monuments." V. 81, 85. Une copie du papyrus Harris, traduit par Chabas – Papyrus Magique – peut être étudiée au British Museum.
D'autres – ceux qui ont été emportés et que l'on peut trouver dans les musées et les bibliothèques publiques d'Europe – n'ont pas eu un meilleur sort. Du temps du vicomte de Rougé, il y a quelque vingt-cinq ans, il n'y en avait que quelques-uns "aux deux tiers déchiffrés" et, parmi eux quelques légendes très intéressantes, insérées entre parenthèses dans le but d'expliquer des dépenses royales, se trouvent dans le Registre des Comptes Sacrés.
Cela peut être vérifié dans ce qu'on appelle les collections "Harris" et Anastasi et dans quelques papyrus exhumés récemment ; un de ceux-ci contient le récit de toute une série d'opérations magiques exécutées en présence des Pharaons Ramsès II et III. Le premier document mentionné est vraiment curieux. C'est un papyrus du XVème siècle avant Jésus-Christ, écrit durant le règne de Ramsès V, dernier roi de la dix-huitième dynastie, et est l'œuvre du scribe Thoutmès qui note quelques événements se rapportant à des délits commis [V 267] le deuxième et le treizième jour du mois de Paophs. Le document établit qu'en Egypte, à cette époque de "miracle", les contribuables ne se trouvaient pas seulement parmi les vivants, mais que chaque momie en faisait partie. Tout, sans exception, était taxe, et le Khou de la momie en défaut était puni "par le prêtre exorciste qui le privait de sa liberté d'action". Or, qu'était ce Khou ? Simplement le corps astral, ou la copie aérienne du corps de la momie – ce qu'on appelle en Chine le Hauen, et en Inde le Bhoût.
Un Orientaliste qui lirait aujourd'hui ce papyrus, le jetterait certainement de côté avec dégoût, en attribuant tout le récit à la grossière superstition des anciens. La sottise et la crédulité de cette nation, d'ailleurs hautement philosophique et civilisée, ont dû vraiment être aussi phénoménale qu'inexplicables pour avoir pu supporter pendant tant d'époques consécutives, pendant des milliers d'années, un pareil système de tromperie mutuelle ! Système grâce auquel le peuple était trompé par les prêtres, les prêtres par les Rois-Hiérophantes, et ces derniers eux- mêmes bernés par des fantômes, qui n'étaient à leur tour que "les fruits d'hallucinations". On nous dit que l'antiquité tout entière, depuis Ménès jusqu'à Cléopâtre, depuis Manou jusqu'à Vikramaditya, depuis Orphée jusqu'au dernier augure romain, n'était composée que d'hystériques. Il faut qu'il en ait été ainsi, si le système tout entier n'était pas frauduleux. La vie et la mort étaient guidées et régies par les "conjurations" sacrées. En effet, il n'existe guère un seul papyrus, ne fût-ce qu'un simple document de vente et d'achat, un acte se rapportant aux transactions journalières les plus banales, où l'on ne retrouve un mélange de Magie, blanche ou noire. On dirait que les scribes sacrés du Nil se sont, à dessein, et dans un esprit prophétique de haine raciale, imposé la tâche peu profitable (pour eux) de tromper et d'intriguer les générations d'une future race blanche d'incrédules encore à naître ! En tout cas les papyrus sont pleins de Magie, de même que les stèles. Nous apprenons, en outre, que le papyrus n'était pas seulement un parchemin à surface bien unie, fabriqué à l'aide de la matière ligneuse d'un arbuste dont les pellicules superposées constituaient une sorte de papier à écrire ; mais que l'arbuste lui-même, ainsi que les instruments et outils servant à la fabrication du parchemin, etc., étaient tous soumis, au préalable, à un procédé de préparation magique conforme aux prescriptions des Dieux qui avaient enseigné art comme tous les autres du reste, à leurs Prêtres- Hiérophantes.
Cependant quelques Orientalistes modernes semblent avoir une idée de la véritable nature de ces choses et particulièrement [V 268] de l'analogie et des rapports existant entre la Magie de jadis et nos phénomènes modernes. Chabas est de ceux-ci, car il se livre, dans sa traduction du papyrus "Harris", aux réflexions suivantes 459 :
Sans avoir recours aux imposantes cérémonies de la baguette d'Hermès, et aux obscures formules d'un insondable mysticisme, un mesmériste pourra, de nos jours, au moyen de quelques passes, troubler les facultés organiques d'un sujet, lui inculquer la connaissance de langues étrangères, le transporter dans un pays très lointain, ou dans des endroits secrets, lui faire deviner les pensées des personnes absentes, lui faire lire des lettres fermées, etc. L'antre de la sybille moderne est une chambre d'aspect modeste, le trépied a cédé sa place à une petite table ronde, à un chapeau, à une assiette, ou à un meuble de la nature la plus vulgaire ; seulement la sybille moderne est supérieure à l'oracle de l'antiquité [qu'en sait M. Chabas ?] puisque celui-ci se bornait à parler 460, tandis que l'oracle de nos jours écrit ses réponses. Au commandement du médium les esprit des décédés descendent pour faire craquer les meubles, et les auteurs des siècles passés nous communiquent des ouvrages écrits par eux d'outre-tombe. Les limites de la crédulité humaine ne sont pas plus étroites de nos jours, qu'elles ne l'étaient à l'aube des temps historiques... Comme la tératologie constitue aujourd'hui une partie essentielle de la physiologie générale, les prétendues Sciences Occultes occupent dans les annales de l'humanité une place qui ne manque pas d'importance et méritent, pour plus d'une raison, d'attirer l'attention du philosophe et de l'historiens 461.
459 Citation remise en français, comme les suivantes, d'après la traduction anglaise seulement, sans le texte original sous les yeux. (N.d.T.)
460 Et le "Méné, Méné, Tékel, Upharsin", les mots que "les doigts d'une main d'homme", dont le corps et le bras demeuraient invisibles, écrivirent sur les murs du palais de Balthasar ? (Daniel, V,5) Et les écrits de Simon le Magicien et les caractères magiques sur les murs et dans les airs, de la crypte d'Initiation, sans parler des tables de pierre sur lesquelles le doigt de Dieu écrivit les commandements ? Entre les écritures d'un Dieu et des autres Dieux, la seule différence, s'il y en a, réside dans leurs natures respectives et si l'arbre se reconnaît à son fruit, il faudrait toujours donner la préférence aux Dieux Païens. C'est l'éternel "Etre ou ne pas être". Ou bien tous sont – ou, du moins, peuvent être – vrais, on bien ce sont tous des inventions pieuses résultant de la crédulité.
461 Papyrus Magique, p. 186.
462 Voyez, entre autres, le Guide du Musée de Boulacq de Maspéro.
Choisissons pour témoins les deux Champollion, Lenormand, Bunsen, le vicomte de Rougé et plusieurs autres égyptologues, et voyons ce qu'ils disent de la Magie et de la sorcellerie égyptiennes. Ils peuvent, si cela leur plaît, tourner la difficulté en expliquant chaque "croyance superstitieuse" et chaque pratique par un dérangement psychologique et physiologique chronique, et par de l'hystérie collective, les faits [V 269] n'en existent pas moins, certifiés par des centaines de ces mystérieux papyrus, exhumés après un repos de quatre ou cinq mille ans et plus encore, avec leur contenu magique et leurs preuves de l'existence d'une Magie antédiluvienne.
Une petite bibliothèque, découverte à Thèbes, nous a fourni des fragments de tous les genres de littérature ancienne, dont un grand nombre sont datés, de sorte que plusieurs ont pu être assignés à l'époque admise de Moïse. Des livres ou des manuscrits traitant de morale, d'histoire, de religion et de médecine, des calendriers et des recueils de poèmes et des romans – on peut tout trouver dans cette précieuse collection – et d'antiques légendes – traditions d'époques oubliées depuis longtemps (légendes enregistrées durant la période mosaïque, ne l'oublions pas) – sont déjà mentionnées comme remontant à des époques d'une immense antiquité, à l'époque des dynasties de Dieux et de Géants. La majeure partie du contenu consiste néanmoins en formules d'exorcisme contre la Magie noire et en rituels funèbres : véritable bréviaire ou vade mecum de tous les pèlerins-voyageurs de l'éternité. Ces textes funèbres sont, en général, écrits en caractères hiératiques. En tête du papyrus on trouve invariablement une série de scènes nous montrant le défunt traduit successivement devant une légion de Divinités chargées de lui faire subir un examen. Le jugement de l'Aine vient ensuite, puis le troisième acte commence lorsque cette Ame est lancée dans la lumière divine. Ces papyrus ont souvent quarante pieds de longueur 462.
Nous empruntons ce qui suit à des descriptions générales. Cela nous montrera comment les modernes comprennent et interprètent le Symbolisme égyptien (et autre).
Le papyrus du prêtre Névo-lou (ou Névolen), au Louvre, peut être choisi comme exemple. Tout d'abord, il y a la barque qui transporte le cercueil, coffre noir qui renferme la momie du défunt. Sa mère, Ammenbem-Heb, et sa sœur, Houissanoub, se tiennent auprès ; à la tête et aux pieds du corps se tiennent Nephtys et Isis, vêtues de rouge, et près d'elles un prêtre d'Osiris, revêtu de sa peau de panthère, son encensoir dans la main droite, et quatre assistants qui portent les intestins de la momie. Le cercueil est reçu par le Dieu Anubis (à tête de chacal) des mains des pleureuses. L'Ame quitte alors sa momie et le Khou (corps astral) du défunt. Elle commence son culte aux quatre génies de l'Est, aux oiseaux sacrés et à Ammon sous forme d'un bélier. Amené dans le "Palais de la Vérité" le défunt est devant ses juges. Tandis que l'Ame, un scarabée, se tient devant Osiris, son Khou astral reste à [V 270] la porte. En Occident, les invocations aux diverses Divinités qui président à chacun des membres de la momie et du corps humain vivant font s'esclaffer. Jugez plutôt : dans le papyrus de la momie Pétaménoph "l'Anatomie devient théographique", "l'astrologie est appliquée à la physiologie", ou, plutôt, à l'anatomie du corps humain, du cœur et de l'âme". Les cheveux du défunt "appartiennent au Nil, ses yeux à Vénus (Isis), ses oreilles à Macédo, gardien des tropiques, son nez à Anubis, sa tempe gauche à l'Esprit qui réside dans le soleil... Quelle série d'intolérables absurdités et d'ignobles prières... adressées à Osiris pour l'implorer de donner au défunt, dans l'autre monde, des oies, des œufs, du porc, etc." 463.
463 De Mirville (auquel nous empruntons beaucoup de ce qui précède), V. 81-85.
Il eût été peut-être prudent de s'assurer au préalable si tous ces mots, "oies, œufs, porc" n'avaient pas un autre sens Occulte. Le Yogi indien qui, dans un ouvrage exotérique, était invité à boire d'une certaine liqueur enivrante jusqu'à en perdre connaissance, était aussi considéré comme un ivrogne, représentant sa secte et sa classe, jusqu'à ce que l'on eût découvert que le sens Esotérique de ce "spiritueux" était tout différent, qu'il signifiait lumière divine et représentait l'ambroisie de la Sagesse Secrète. Les symboles de la colombe et de l'agneau qui abondent aujourd'hui dans les Eglises chrétiennes de l'Orient et de l'Occident peuvent aussi être retrouvés dans un avenir lointain et être une base de spéculation comme objets actuels du culte ; et un "Occidentaliste" dans les âges futurs de haute civilisation et de haute culture asiatiques, pourrait écrire karmiquement sur ce sujet et dire : "Les ignorants et les superstitieux Gnostiques et Agnostiques des sectes du "Pape" et de "Calvin" (les deux monstres-Dieux de la période Dynamito-chrétienne) adoraient un pigeon et un mouton !" Il y aura à toutes les époques des fétiches portatifs pour la satisfaction et la vénération de la foule, et les Dieux d'une race sont toujours ravalés au rang de diables par la suivante. Le cycle tourne dans les profondeurs du Léthé, et Karma atteindra l'Europe comme il a atteint l'Asie et ses religions.
Néanmoins, ce langage élevé et plein de dignité [du Livre des morts], ces tableaux plein de majesté, cette orthodoxie de l'ensemble, prouvant l'existence d'une doctrine très précise, au sujet de l'immortalité de l'âme et de sa survivance personnelle.
ainsi que l'établissent de Rougé et l'abbé Van Drival, ont charmé quelques orientalistes. La psychostasie (ou jugement de l'Ame) constitue certainement tout un poème pour celui [V 271] qui est capable de la lire correctement et d'en interpréter les images. Dans ce tableau nous voyons Osiris, le cornu, avec son sceptre recourbé en crochet – l'original de la crosse pastorale des évêques – l'Ame qui plane au-dessus, encouragée par Tméi, fille du Soleil de Droiture et déesse du Pardon et de la Justice ; Horus et Anubis qui pèsent les actions de l'âme. Dans l'un de ces papyrus, on nous représente une Ame trouvée coupable de gloutonnerie, condamnée à renaître sur terre sous l'enveloppe d'un verrat ; nous lisons alors la savante conclusion d'un Orientaliste : "Ceci est une preuve indiscutable de la croyance à la métempsychose, à la transmigration dans des animaux", etc.
Il se pourrait que la loi Occulte de Karma expliquât la phrase d'une autre façon. Cela pourrait être, quoi qu'en pensent les Orientaliste, une allusion au vice physiologique réservé à l'Ame lorsqu'elle se réincarnera – vice qui aura pour conséquence de plonger la personnalité dans mille embarras et mésaventures.
D'abord des tortures, puis la métempsychose durant 3.000 ans sous forme d'un faucon, d'un ange, d'une fleur de lotus, d'un héron, d'une cigogne, d'une hirondelle, d'un serpent et d'un crocodile ; comme on le voit, la consolation fournie par un pareil progrès était loin d'être satisfaisante, prétend de Mirville, dans son ouvrage sur le caractère satanique des Dieux de l'Egypte 464. Ici encore, une simple suggestion peut éclairer grandement la question. Les Orientalistes sont-ils tout à fait sûrs d'avoir correctement lu "la métempsychose durant 3 000 ans" ? La Doctrine Occulte enseigne que le Karma attend sur le seuil du Dévachan (l'Amenti des Egyptiens) pendant 3 000 ans ; qu'ensuite l'Ego éternel est réincarné de novo, pour être puni dans sa nouvelle personnalité temporaire, pour les péchés commis durant l'existence précédente, par des souffrances qui sous une forme ou sous une autre rachèteront les méfaits passés. Quant au faucon, à la fleur de lotus, au héron, au serpent ou à l'oiseau – bref tout ce qui existe dans la Nature – ils avaient, parmi les antiques emblèmes religieux, leurs multiples significations symboliques. L'homme qui durant toute sa vie s'est conduit en hypocrite et a passé pour un brave homme mais qui, dans la stricte réalité, avait guetté comme un oiseau de proie l'occasion de dépouiller son prochain, sera condamné par Karma à subir, dans une vie future, le châtiment de son hypocrisie et de sa cupidité. Quel sera son châtiment ? Puisque toute unité humaine doit finalement progresser dans son évolution, et puisque cet "homme devra renaître plus tard comme un [V 272] être bon, sincère, bien intentionné, sa condamnation à être réincarné en qualité de faucon peut simplement signifier, métaphoriquement, qu'il sera considéré comme tel. Qu'en dépit de ses réelles bonnes qualités intrinsèques, il sera peut-être, durant toute une longue vie, injustement et faussement accusé ou soupçonné d'avidité, d'hypocrisie et d'exactions cachées, ce qui le fera souffrir au-delà de ce qu'il pourra supporter. La loi de rétribution ne peut jamais se tromper, et pourtant combien ne rencontrons-nous pas de ces innocentes victimes des apparences trompeuses et de malice humaine, dans ce monde si plein d'incessantes illusions, d'erreurs et de méchanceté voulue. Nous les voyons tous les jours, et chacun de nous en a pu faire l'expérience. Quel est l'Occultiste qui pourrait déclarer avec assurance qu'il a compris les religions de jadis ? Le langage métaphorique des prêtres n'a jamais été révélé que superficiellement, et l'on connaît encore bien mal les hiéroglyphes jusqu'à présent 465.
465 On voit que cette difficulté surgit avec une langue parfaitement connue comme le Sanscrit, dont la signification est bien plus facile à comprendre que celle des écrits hiératiques de l'Egypte. Toute le monde sait comment les Sanscritistes cherchent souvent désespérément le véritable sens et comment ils échouent dans leurs tentatives de reproduire correctement le sens dans les traductions, où un Orientaliste en contredit un autre.
Que dit Isis Dévoilée sur cette question de renaissance et de transmigration des Egyptiens, et est-ce en désaccord avec une partie de ce que nous disons maintenant ?
On remarquera que cette philosophie des cycles, que l'Hiérophante égyptien appelait allégoriquement le "cycle de nécessité", explique en même temps l'allégorie de la "Chute de l'Homme". Suivant les descriptions arabes, chacune des sept chambres des pyramides – ces symboles cosmiques grandioses entre tous – portait le nom d'une planète. L'architecture particulière des pyramides prouve à elle seule la tendance métaphysique de la pensée de leurs constructeurs. Le sommet se perd dans le clair firmament bleu du pays des Pharaons et représente le point primordial, perdu dans l'Univers invisible, d'où sortit la première race de prototypes spirituels de l'homme. Dans un certain sens, chaque momie perdait son individualité physique, à partir du moment où elle était embaumée ; elle symbolisait la race humaine. Placée de la façon la mieux calculée pour aider la sortie de "l'Ame", celle-ci devait traverser les sept chambres planétaires avant d'effectuer sa sortie par le sommet symbolique. Chaque chambre représentait en même temps une des sept sphères [de notre Chaîne] et l'un des sept types de l'humanité physico-spirituelle qu'on prétend être au-dessus de la nôtre. Tous les 3.000 ans l'âme, représentant sa race, devait retourner à son point de départ primordial, avant de subir une nouvelle évolution sous une transformation spirituelle [V 273] et physique plus parfaite. Il nous faut vraiment plonger profondément dans la métaphysique abstraite du mysticisme oriental, avant de nous bien rendre compte de l'infinité des sujets que la majestueuse pensée de ses interprètes embrassait à la fois 466.
Tout cela est de la Magie, une fois que les détails sont donnés, et cela se rapporte en même temps à l'évolution de nos sept Races-Racines, chacune avec les caractéristiques de son gardien ou "Dieu" spécial et de sa Planète. Le corps astral de chaque Initié devait, après la mort, rejouer dans son mystère funèbre, le drame de la naissance et de la mort de chaque Race – le passé et le futur – et traverser les sept "chambres planétaires" qui, ainsi que nous l'avons dit plus haut, représentaient aussi les sept sphères de notre Chaîne.
La doctrine mystique de l'Occultisme Oriental enseigne que "L'Ego Spirituel [et non pas le Khou astral] doit encore visiter, avant de s'incarner dans un nouveau corps, les scènes qu'il a quittées lors de sa dernière désincarnation. Il doit constater par lui-même et prendre connaissance de tous les effets produits par les causes [les Nidânas] générées par ses actions dans une vie précédente ; afin qu'ayant vu, il reconnût la justice du décret, il aidât la loi de Rétribution [Karma] au lieu de l'entraver 467."
466 Op. cit, II, 7.
467 Livre II, Commentaire.
468 Bunsen et Champollion le déclarent et le Dr Carpenter dit que le Livre des morts sculpté sur les plus antiques monuments, avec les "phrases mêmes que nous trouvons dans le Nouveau Testament concernant le Jour du Jugement... fut probablement gravé 2 000 ans avant l'époque du Christ". (Voyez Isis Dévoilée, II, 319.)
Les traductions de plusieurs papyrus égyptiens par le vicomte de Rougé, si imparfaites qu'elles soient, nous confèrent un avantage ; elles prouvent indéniablement qu'ils renferment de la Magie blanche divine, aussi bien que de la Sorcellerie et que toutes les deux étaient pratiquées sous toutes les dynasties. Le Livre des morts, bien plus ancien que la Genèse 468 ou que tout autre livre de l'Ancien testament, le prouve à chaque ligne. Il est rempli d'incessantes prières et d'exorcismes contre l'Art Noir. Osiris y est désigné comme le vainqueur des "démons aériens". Les fidèles implorent son aide contre Matat, "de l'œil duquel jaillit la flèche invisible". Cette "flèche invisible" qui jaillit de l'œil du Sorcier (vivant ou mort) et qui "circule dans le monde entier", c'est le mauvais œil – cosmique par son origine et terrestre par ses effets sur le plan microcosmique. Ce n'est pas aux Chrétiens latins qu'il appartient de considérer cela comme une superstition. Leur Eglise partage la même croyance, et elle a même une prière contre la "flèche qui circule dans les ténèbres". [V 274]
Le plus intéressant de tous ces documents, c'est pourtant le papyrus "Harris" appelé en France "le papyrus magique de Chabas", parce qu'il fut traduit pour la première fois par ce dernier. C'est un manuscrit rédigé en caractères hiératiques, traduit, commenté et publié en 1860 par M. Chabas, mais acheté à Thèbes, en 1855, par M. Harris. On lui assigne une antiquité de vingt-huit à trente siècles. Nous citons quelques extraits de ces traductions :
Calendrier des jours fastes et néfastes... Celui qui fera travailler un taureau le 20ème jour du mois de Pharmuths mourra sûrement ; celui qui, le 24ème du même mois prononcera tout haut le nom de Seth verra sa demeure troublée à partir de ce jour... Celui qui, le 5ème jour de Patchous, quitte sa demeure, tombe malade et meurt.
Le traducteur, dont les instincts cultivés se révoltent, s'écrie :
Si nous n'avions pas ces mots sous les yeux, nous ne pourrions jamais croire à une pareille servitude à l'époque des Ramesside 469.
469 De Mirville, V. 88. Un tel calendrier et de telles interdictions horoscopiques existent de nos jours en Inde, ainsi qu'en Chine et dans tous les pays bouddhistes
Nous appartenons au XIXème siècle de l'ère chrétienne, nous avons, par conséquent, atteint une civilisation supérieure, et nous sommes soumis à l'influence bénigne et instructive de l'Eglise Chrétienne, au lieu d'être soumis aux Dieux Païens de jadis. Nous connaissons cependant personnellement des douzaines de gens, et nous avons entendu parler de centaines d'autres, tous bien élevés et hautement intellectuels, qui auraient songé plutôt à se suicider qu'à entreprendre un travail un vendredi, qu'à dîner treize à table, ou qu'à commencer un long voyage un lundi. Le Grand Napoléon pâlissait lorsqu'il voyait trois bougies allumées sur une table. Nous sommes en outre volontiers d'accord avec de Mirville, au moins sur un point : à savoir que ces superstitions sont "nées de l'observation et de l'expérience". Si ces superstitions n'avaient pas été d'accord avec les faits, dit-il, l'autorité du Calendrier n'aurait pas duré une semaine. Mais reprenons :
Influence généthliaques : L'enfant né le 5ème jour de Paophi sera tué par un taureau ; celui né le 27ème jour, par un serpent. Né le 4ème jour du mois d'Athyr, il succombera sous des coups.
C'est une question de prédictions horoscopiques ; on croit fermement de nos jours à l'astrologie judiciaire, dont Kepler a établi la possibilité scientifique.
On distinguait deux sortes de Khous. D'abord les Khous justifiés, c'est-à-dire ceux qui avaient été absous de leurs péchés par Osiris, lorsqu'ils avaient été amenés devant son [V 275] tribunal ; ceux-ci vivaient une seconde vie. Puis il y avait les Khous coupables, "les Khous morts pour la seconde fois" ; ceux-ci étaient les damnés. La seconde mort ne les annihilait pas, mais ils étaient condamnés à errer et à torturer les gens. Leur existence avait des phases analogues à celle des hommes vivants, et le lien était si intime entre les morts et les vivants, que l'on comprend que l'observation des rites religieux funèbres, des exorcismes et des prières (ou plutôt des incantations magiques) soit devenue nécessaire 470. Voici une prière :
Ne permets pas que le venin maîtrise ses membres [du défunt]... qu'il soit pénétré par un mort mâle ou un mort femelle, ou qu'il soit hanté par l'ombre d'un esprit 471.
M. Chabas ajoute :
Ces Khous étaient des êtres du genre de ceux auxquels appartiennent les humains après leur mort ; on les exorcisait au nom du Dieu Chons... Les Mânes pouvaient alors entrer dans le corps des vivants, les hanter et les obséder. On employait contre ces formidables invasions, des formules, des talismans et surtout des statues ou images divines... 472. On les combattait avec l'aide de la puissance divine et le dieu Chons était célèbre par ces sortes de délivrances. Le Khou, tout en obéissant aux ordres du dieu, n'en conservait pas moins la précieuse faculté qui lui était inhérente de s'accommoder, d'un autre corps, à volonté.
470 Voyez de Mirville, III, 65.
471 pap. Mag., p. 163.
472 Ibid., p. 168.
La plus fréquente formule d'exorcisme était la suivante, qui est très suggestive.
Hommes, dieux, élus, esprits défunts, amous, nègres, nègres, ne portez pas votre attention sur cette âme pour vous montrer cruels envers elle.
Cela s'adressait à tous ceux qui connaissaient la Magie.
"Amulettes et noms mystiques." Ce chapitre est qualifié de "très mystérieux" et renferme des invocations à Penhakahakaherher et à Uranaokarsankrobite et autres noms aussi faciles. Chabas dit :
Nous avons la preuve que des noms mystiques de ce genre étaient d'un usage courant pendant le séjour des Israélites en Egypte.
Et nous pouvons ajouter que ces noms, soit qu'ils proviennent des Egyptiens, soit des Hébreux, sont des noms de sorciers. L'étudiant n'a qu'à consulter les œuvres d'Eliphas Lévi, par exemple son Grimoire des sorciers. Dans ces exorcismes, Osiris est appelé Mamuram-Kahab et on le supplie [V 276] d'empêcher le Khou deux fois défunt d'attaquer le Khou justifié ou son proche parent, puisque le maudit (le fantôme astral) peut revêtir la forme qui lui plaît et pénétrer à son gré dans tout corps ou dans toute localité.
En étudiant les papyrus égyptiens, on découvre que les sujets de Pharaon n'étaient pas très portés vers le spiritisme de leur époque. Ils craignaient "l'esprit bénit" du défunt plus que le Catholique Romain ne craint le diable !
Plus d'un papyrus permet de constater comme il est injuste et immérité d'accuser les Dieux de l'Egypte d'être ces "diables" et d'accuser les prêtres d'exercer leurs pouvoirs magiques avec l'aide des "anges déchus". On y trouve souvent des allusions à des condamnations à mort prononcées contre des Sorciers, tout comme s'ils avaient vécu sous la protection de la sainte Inquisition chrétienne. Voici un cas qui s'est produit sous le règne de Ramsès III et que de Mirville cite, en l'empruntant à Chabas.
La première page commence par ces mots : "De la place que j'occupe, au peuple de mon pays." Il y a lieu de supposer, comme on le voit, que la personne qui écrivait cela, en employant la première personne du pronom personnel, était un magistrat rédigeant un rapport et donnant son témoignage devant les hommes, suivant une formule usitée, car voici la partie principale de cette accusation : "Ce Hai, méchant homme, était surveillant [ou peut-être gardien] de moutons : il dit : Pourrais-je avoir un livre qui me conférerait un grand pouvoir ?... Et un livre lui fut donné, avec les formules de Ramsès- Méri-Amen, le grand Dieu, son royal maître ; il réussit aussi à obtenir un pouvoir divin qui lui permettait de fasciner les hommes. Il réussit aussi à construire un endroit, à découvrir un endroit très profond et à produire des hommes de Menh [homunculi magiques ?], puis... des écrits amoureux... les volant dans le Khen [bibliothèque occulte du palais] par l'entremise du maçon Atirma... en forçant un des surveillants à s'éloigner, et en agissant magiquement sur les autres. A l'aide de ces écrits il chercha à lire le futur et il y parvint. Toutes les horreurs et les abominations qu'il avait conçues dans son cœur, il les accomplit réellement, il les pratiqua toutes, en même temps qu'il commettait d'autres grands crimes, comme l'horreur [?] de tous les Dieux et de toutes les Déesses. En conséquence, que les prescriptions grandes [sévères] jusqu'à la mort lui soient appliquées, comme les paroles divines ordonnant qu'elles lui soient appliquées". L'accusation ne s'arrête pas là ; elle spécifie les crimes. La première ligne parle d'une main paralysée à l'aide des hommes de Menh, auxquels il suffit de dire, "que tel effet se produise" pour qu'il soit produit. Viennent ensuite les grandes abominations qui méritent la mort... Les juges qui avaient examiné [V 277] le coupable déclaraient : "Qu'il meure suivant l'ordre de Pharaon et suivant ce qui est écrit dans les lignes de la langue divine" 473.
M. Chabas fait remarquer que :
Les documents de ce genre abondent, mais la tâche de les analyser tous ne peut être entreprise avec les moyens limités dont nous disposons.
Il y a une inscription recueillie à Thèbes, dans le temple de Khous, le Dieu qui possédait un pouvoir sur les élémentaires. Cette inscription fut présentée par M. Prisse d'Avenne à la Bibliothèque Impériale – aujourd'hui Nationale – de Paris et fut d'abord traduite par M. S. Birch. Elle contient tout un roman de Magie et elle date de l'époque de Ramsès XII 474, de la vingtième dynastie ; nous la donnons maintenant d'après la traduction de Rougé, telle que la cite de Mirville.
Ce monument nous apprend qu'un des Ramsès de la vingtième dynastie, alors qu'il recouvrait à Nahareim le tribut payé à l'Egypte par les nations asiatiques, tomba amoureux d'une fille du chef Bakhten, un de ses tributaires, qu'il l'épousa et que l'ayant ramenée avec lui en Egypte, il l'éleva au rang de Reine, sous le nom royal de Ranefrou. Bientôt après, le chef de Bakhten envoya un messager à Ramsès, pour demander le secours de la science égyptienne en faveur de Bent-Rosh, jeune sœur de la reine, atteinte d'une maladie qui affectait tous ses membres.
Le messager réclama expressément l'envoi d'un "sage" [un Initié – Reh-Het]. Le roi ordonna de faire appeler tous les hiérogrammates du palais, ainsi que les gardiens des livres secrets du Khen et ayant choisi parmi eux le scribe royal Thoth-em-Hébi, homme intelligent, bien versé dans l'art d'écrire, il le chargea d'étudier la maladie.
Arrivé à Bakhten, Thoth-em-Hébi constata que Bent- Rosh était possédée par un Khou (Em-seh-'eru Ker h'ou) mais déclara qu'il était trop faible pour engager une lutte avec lui 475. [V 278]
473 Maimonide dans son Traité sur l'Idolâtrie, dit, en parlant des téraphim juifs ; "Ils parlaient avec les hommes". Jusqu'à présent, les Sorciers Chrétiens, en Italie, et les nègres Vaudoux, à la Nouvelle-Orléans, fabriquent de petites statues de cire représentant leurs victimes et les transpercent avec des aiguilles ; la blessure, comme sur les téraphim ou Menh, se répercute sur l'être vivant et souvent le tue. Les morts mystérieuses sont encore nombreuses et la main coupable n'est pas toujours retrouvée.
474 Le Ramsès de Lepsius, qui régna quelque 1300 ans avant notre ère.
475 On peut se faire une idée du degré de confiance que peuvent inspirer les traductions de pareils documents égyptiens, en constatant que la même phrase est traduite de trois manières différentes par trois Egyptologues. Rougé dit : "il la trouva en état de tomber sous le pouvoir des esprits" ou "avec les membres tout raides" (?) autre version ; et Chabas traduit : "Et le scribe trouva le Khou trop méchant." Entre le fait d'être possédé par un mauvais Khou et "d'avoir ses membres tout raides", il y a une différence.
476 De Mirville, V, 247, 248.
Onze années s'écoulèrent sans que l'état de la jeune fille s'améliorât. Le chef de Bakhten envoya de nouveau son messager et sur sa demande formelle Khons-peiri- Seklerem-Zam, une des formes divines de Chons – Dieu le Fils dans la Trinité Thébaine – fut envoyé à Bakhten...
Le Dieu [incarné] ayant salué (besa) la malade, celle-ci se sentit immédiatement soulagée et le Khou qui était en elle manifesta dès lors l'intention d'obéir aux ordres du Dieu. "O grand Dieu qui oblige les fantômes à s'évanouir, dit le Khou, je suis ton esclave, et je retournerai d'où je suis venu" 476 !
Il est évident que Khons-peiri-Seklerem-Zam était un véritable Hiérophante de la classe appelée les "Fils de Dieu" puisqu'on le représente comme étant une des formes du Dieu Khons ; ce qui veut dire, soit qu'il était considéré comme une incarnation de ce dieu – un Avatar – soit qu'il était un Initié complet. Le même texte montre que le temple auquel il appartenait était un de ceux auxquels une Ecole de Magie était attachée. Il s'y trouvait un Khen, une portion du temple, inaccessible à tous sauf au prêtre de rang élevé, ce lieu servait de bibliothèque ou de dépôt d'ouvrages secrets, que des prêtres spéciaux (ceux que tous les Pharaons consultaient dans les cas importants) étaient chargés d'étudier et de garder, et dans ce Khen, ils communiquaient avec les Dieux et en obtenaient des conseils. Lucien, dans sa description du temple de Hiérapolis, ne parle-t-il pas à ses lecteurs "de Dieux qui manifestaient leur présence spontanément" 477 ? Ne dit-il pas, un peu plus loin, qu'il voyagea une fois avec un prêtre de Memphis, qui lui raconta avoir passé vingt-trois ans dans les cryptes souterraines de son temple, recevant, de la Déesse Isis en personne, des instructions sur la Magie ? Nous lisons aussi que ce fut par Mercure lui- même que le grand Sésostris (Ramsès II) fut instruit dans les Sciences sacrées ; et Jablonsky fait remarquer à ce propos que nous avons là le motif pour lequel le mot Amoun (Ammon) – d'où il pense que notre "Amen" dérive – est une véritable invocation à la lumière 478.
Dans le papyrus Anastasi, qui fourmille de formules variées pour l'évocation des Dieux et d'exorcismes contre les Khous et les démons élémentaires, le septième paragraphe fait clairement ressortir la différence que l'on faisait entre [V 279] les véritables Dieux, les Anges Planétaires et ces coques que les mortels laissent derrière eux en Kâma-loka, comme pour tenter l'humanité et l'intriguer plus désespérément, au cours de sa vaine recherche de la vérité en dehors de la Science occulte et du voile de l'Initiation. Ce septième verset s'exprime ainsi au sujet de ces évocations divines, ou consultations théomantiques :
On ne doit invoquer ce grand nom divin 479 qu'en cas de nécessité absolue et lorsque l'on se sent tout à fait pur et irréprochable.
477 Certains traducteurs prétendent que Lucien voulait parler des habitants de la ville, mais ils n'arrivent pas à prouver que cette opinion soit soutenable.
478 De Mirville, V, 256, 257.
479 Comment de Mirville peut-il voir Satan dans le Dieu Egyptien au grand Nom Divin, alors qu'il admet lui-même que rien ne surpassait en grandeur le nom de l'oracle de Dodone, car c'était celui du Dieu des Juifs, IAO ou Jéhovah ? Cet oracle avait été apporté à Dodone par les Pélasges plus de quatorze siècles avant Jésus-Christ et laissé aux ancêtres des Hellènes ; son histoire est bien connue et on peut la lire dans Hérodote. Jupiter, qui aimait Dodone, la blonde nymphe de l'Océan, avait ordonné aux Pélasges de transporter son culte en Thessalie. Le nom du Dieu de cet oracle, au temple Dodone, était Zeus Pélasgicos, le Zeuspater (Dieu le Père), ou, comme l'explique de Mirville : "C'était le nom par excellence, le nom que les Juifs tenaient pour l'ineffable, le nom imprononçable, bref – Jaoh-pater, c'est-à-dire, celui qui fut, est et sera, ou l'Eternel." Et l'auteur admet que Maury a raison "de découvrir le Jahovah Biblique dans le nom de l'Indra Védique" et il n'essaie même pas de nier le rapport étymologique qui unit les deux noms, "le grand nom et le nom perdu, avec le soleil et la foudre". Etranges confessions et contradictions plus étranges encore.
Il n'en est pas ainsi dans la formule de Magie noire. Reuvens, parlant de deux rituels de Magie de la collection Anastasi, fait remarquer qu'ils constituent indéniablement le plus instructif des commentaires sur les Mystères égyptiens attribués à Jamblique et le meilleur pendant de cet ouvrage classique, pour comprendre la thaumaturgie des sectes philosophiques, qui est basée sur l'antique religion égyptienne. Suivant Jamblique, la thaumaturgie était exercée par le ministère de génies secondaires 480.
Reuvens termine par une remarque très suggestive et très importante pour les occultistes qui défendent l'antiquité et l'authenticité de leurs documents, car, dit-il :
Tout ce qu'il [Jamblique] donne comme théologie, nous le trouvons comme histoire dans nos papyrus.
Comment nier alors l'authenticité, la crédibilité et, surtout, la bonne foi des auteurs classiques, qui ont tous traité de la Magie et de ses Mystères dans le plus respectueux esprit d'admiration et de vénération ? Ecoutez Pindare s'écrier : [V 280]
Heureux celui qui descend dans la tombe ainsi initié, car il connaît le terme de sa vie et le royaume 481 donné par Jupiter 482 ou Cicéron dire :
L'Initiation ne nous enseigne pas seulement à être heureux dans cette vie, mais aussi à mourir avec un espoir meilleur 483.
Platon, Pausanias, Strabon, Diodore et des douzaines d'autres, témoignent du grand bienfait de l'Initiation : tous les grands Adeptes, ainsi que les Adeptes partiellement initiés, partageant l'enthousiasme de Cicéron.
480 Lettre à Lettronne sur le 75ème n° des papyrus Anastasi de Reuvens. Voyez de Mirville, V, 258.
481 Les Champs-Elysées.
482 Fragments IX.
483 De Legibus, II, IV.
Plutarque ne se console-t-il pas de la perte de sa femme en songeant à ce qu'il a appris lors de son initiation ? N'avait-il pas acquis aux mystères de Bacchus, la certitude que "l'âme" [l'esprit] reste incorruptible et qu'il existe un au-delà ?... Aristophane allait plus loin : "Tous ceux qui participaient aux Mystères, disait-il, menaient une vie innocente, calme et sainte ; ils mouraient en cherchant la lumière des Champs-Elysées [Dévachan], tandis que les autres ne pouvaient s'attendre qu'aux ténèbres éternelles [l'ignorance ?]."
... Et en pensant à l'importance que les Etats attachaient an principe des Mystères et à leur correcte célébration, aux stipulations qu'ils introduisaient dans leurs traités pour garantir leur célébration, on comprend à quel point ces mystères avaient si longtemps occupé leurs pensées depuis la première jusqu'à la dernière.
C'était la plus grande des préoccupations, tant publiques que privées et c'était tout naturel, suivant Döllinger, les Mystères d'Eleusis étaient considérés comme l'efflorescence de toute la religion grecque, comme la plus pure essence de toutes ses conceptions 484.
Non seulement on refusait d'y admettre les conspirateurs, mais encore ceux qui ne les avaient pas dénoncés : les traîtres, les parjures, les débauchés 485... de sorte que Porphyre put dire : "Notre âme doit être, au moment de la mort, comme elle était durant les Mystères, c'est-à-dire exempte de souillures, de passion, d'envie, de haine ou de colère 486."
484 Judaism and Paganisme, I, 184.
485 Fag. of Styg., ap. Stob.
486 De Special. Legi.
En vérité :
La magie était considérée comme une Science divine qui conduisait à une participation aux attributs de la Divinité elle-même 487. [V 281]
Hérodote, Thalès, Parménide, Empédocle, Orphée, Pythagore, chacun à son tour vint chercher la sagesse des grands Hiérophantes de l'Egypte, dans l'espoir de trouver la solution des grands problèmes de l'univers.
Philon s'exprime ainsi :
On savait que les mystères dévoilaient les opérations secrètes de la nature 488.
Les prodiges accomplis par les prêtres et la magie théurgique sont si bien authentifiés et les preuves – si le témoignage humain a la moindre valeur – sont si convaincantes, que Sir David Brewster, plutôt que d'avouer que les théurgistes païens surpassaient de beaucoup les Chrétiens par leurs miracles, leur concéda le plus grand savoir en physique et dans tout ce qui se rattache à la philosophie naturelle. La science se trouve en présence d'un très désagréable dilemme...
"La magie, dit Psellus, formait la dernière partie de la science sacerdotale. On y recherchait la nature, le pouvoir et la qualité de toutes les choses sublunaires des éléments et de leurs divisions, des animaux, des diverses plantes et de leurs fruits, des pierres et des herbes. Bref, elle explorait la puissance et l'essence de toute chose. De là les effets qu'elle produisait. Elle formait des statues [magnétisées] qui procuraient la santé, et elle fabriquait diverses images et objets [talismans] susceptibles de devenir aussi bien les instruments de la maladie que ceux de la santé. Souvent aussi la Magie fait apparaître le feu céleste et alors les statues rient et les lampes s'allument spontanément 489.
487 De Mirville, V, 278, 279.
488 Isis Dévoilée, I, 106.
489 Isis Dévoilée, I, 465, 466.
Quant à l'assertion de Psellus que la Magie "faisait des statues qui procuraient la santé", il est aujourd'hui prouvé au monde que ce n'était pas un rêve, une vantardise de théurgiste halluciné. Ainsi que le dit Reuvens, cela devient de "l'histoire", car on le trouve dans le Papyrus magique de Harris et sur la stèle votive dont nous venons de parler. Chabas et de Rougé déclarent tous deux que :
à la dix-huitième ligne de ce document très mutilé se lit la formule qui a trait à l'acquiescement du Dieu (Chons), qui faisait connaître son consentement au moyen d'un mouvement qu'il imprimait à sa statue 490.
Il y eut même une discussion là-dessus entre les deux Orientalistes. Alors que M. de Rougé voulait traduire le mot "Han" par "faveur" ou "grâce", M. Chabas soutenait que "Han" voulait dire un "mouvement" ou "un signe" fait par la statue. [V 282]
Les excès de pouvoir, l'abus des connaissances et l'ambition personnelle, ont souvent conduit à la Magie noire, des Initiés égoïstes et peu scrupuleux, exactement comme les mêmes causes produisent les mêmes effets, parmi des papes et des cardinaux chrétiens ; c'est la Magie noire qui finit par amener l'abolition des Mystères, et non pas le Christianisme, comme on le suppose souvent à tort. Lisez le volume I de l'Histoire romaine de Mommsen et vous verrez que ce furent les Païens eux-mêmes qui mirent un terme à la profanation de la Science Divine. Déjà en l'an 560 avant J.-C. les Romains avaient découvert une association Occulte, une école de Magie noire du genre le plus révoltant ; on y célébrait des mystères importés d'Etrurie, et l'empoisonnement moral s'était répandu très rapidement dans toute l'Italie.
Plus de sept mille Initiés furent poursuivis et la plupart furent condamnés à mort...
Plus tard, Tite-Live nous montre encore trois mille Initiés condamnés dans le cours d'une seule année, pour crime d'empoisonnement 491.
Et pourtant on se moque de la Magie noire et on la nie.
490 De Mirville, V, 248.
491 De Mirville, V, 281.
Pauthier peut être ou ne pas être trop enthousiaste, en disant que l'Inde lui apparaît comme le grandiose et primitif foyer de la pensée humaine, qui finit par embraser tout l'ancien monde, mais son idée était juste. Cette pensée primitive a conduit au savoir Occulte, qui se reflète dans notre Cinquième Race depuis les premiers jours des Pharaons égyptiens jusqu'à nos temps modernes. Il n'y a guère de papyrus hiératique, exhumé avec des momies soigneusement emmaillotées de rois et de grands prêtres qui ne renferme quelques intéressants renseignements pour les modernes étudiants de l'Occultisme.
Tout cela n'est, bien entendu, que de la Magie tournée en ridicule, le produit du savoir primitif et de la révélation, bien que les Sorciers Altantes l'aient pratiquées d'une façon si peu divine, que la Race suivante fut obligée de couvrir d'un voile épais les pratiques auxquelles on se livrait pour obtenir ce qu'on appelait des effets magiques sur le plan psychique et le plan physique. A la lettre, personne dans notre siècle ne croira à ces récits, sauf les Catholiques Romains et ceux-ci donneront aux actes une origine satanique. Néanmoins, la Magie est si bien mêlée à l'histoire du monde, que s'il y a jamais lieu d'écrire cette dernière, il faudra la baser sur les découvertes de l'Archéologie et de l'Egyptologie, ainsi que sur les écrits et les instructions hiératiques ; si l'on insiste pour [V 283] la débarrasser de cette "superstition des âges", elle ne verra jamais le jour. On peut se faire une idée de la situation embarrassante où se trouvent les Egyptologues et les Assyriologues sérieux, savants et académiciens. Obligés de traduire et d'interpréter les antiques papyrus et les inscriptions archaïques des stèles et des cylindres de Babylone, ils se trouvent forcés, du premier au dernier, d'aborder le sujet désagréable, et pour eux répulsif, de la Magie, avec ses incantations et son attirail. Ils y trouvent des récits sobres et graves, dus à de savants scribes et rédigés sous la surveillance directe d'Hiérophantes Chaldéens ou Egyptiens, c'est-à-dire des plus instruits parmi les Philosophes de l'antiquité. Ces récits étaient rédigés à l'heure solennelle de la mort et des obsèques des Pharaons, de Grands-Prêtres et autres puissants de la terre de Chémi ; ils avaient pour but d'introduire la nouvelle Ame Osirifiée devant le redoutable tribunal du "Grand Juge", dans la région de l'Amenti là où un mensonge pesait, dit-on, plus encore que les plus grands crimes ; tous ces Scribes, ces Hiérophantes, ces Pharaons et ces Grands- prêtres, étaient-ils des fous ou des trompeurs, pour avoir accepté, ou cherché à faire accepter aux autres, tous les contes à dormir debout qu'on trouve dans les papyrus les plus respectables ? Impossible de sortir de là. Corroborés par Platon et Hérodote, par Manéthon et Le Syncelle comme par les plus grands et les plus dignes de confiance, parmi les auteurs et les philosophes qui ont traité de cette question, les papyrus parlent – aussi sérieusement qu'en relatant un fait historique, assez connu et accepté pour n'exiger aucun commentaire – de dynasties royales entières de Mânes, savoir d'ombres et de fantômes (corps astraux) et de tels actes de savoir magique, de tels phénomènes Occultes, que l'Occultiste le plus crédule de notre époque hésiterait à les admettre comme vrais.
Les Orientalistes ont découvert une planche de salut, tout en continuant à publier les papyrus et à les soumettre à la critique des Sadducéens littéraires ; ils les appellent généralement des "romans de l'époque de Pharaon un tel". L'idée est ingénieuse, si elle n'est pas absolument loyale.