CONSCIENCE

 

H.P.B. commença par faire la critique des idées occidentales sur la conscience, et s'étendit sur le manque de définitions dans les principales Philosophies. On n'y établit aucune distinction entre la conscience et la soi- conscience, et c'est pourtant là que gît la différence entre l'homme et l'animal. L'animal est simplement conscient et non pas soi-conscient ; l'animal ne connaît pas l'Ego comme Sujet, ainsi que le connaît l'homme. Il y a donc une énorme différence entre la conscience de l'oiseau,  de l'insecte, de la bête et celle de l'homme.

 

Mais la pleine conscience de l'homme est de la soi-conscience – c'est ce qui vous fait dire : "C'est moi qui fais cela." Si le plaisir existe, il faut le faire remonter jusqu'à quelqu'un qui l'éprouve. Or la différence qui existe entre la conscience de l'homme et celle des animaux, c'est que, bien qu'il existe un Soi dans l'animal, celui-ci n'a pas conscience de l'existence du Soi. Spencer raisonne au sujet de la conscience, mais lorsqu'il se trouve en présence d'une lacune, il se contente de sauter par-dessus. Il en est de même de Hume ; lorsqu'il dit que l'introspection ne lui montre que des sensations, sans qu'il puisse jamais découvrir un "Moi", il oublie que sans un "Moi" la constatation d'une sensation serait impossible. Qu'est-ce qui étudie les sensations ? L'animal n'a pas conscience de la sensation : "Je suis moi." Il possède l'instinct, mais l'instinct n'est pas soi-conscience. La soi-conscience est un attribut de l'intellect et non de l'âme, l'anima, d'où le mot même d'animal est tiré. L'humanité ne possédait pas la soi-conscience, jusqu'au moment où vinrent les Mânasapoutras, durant la Troisième Race. La conscience, [VI 288] la conscience-cérébrale, est le domaine de la lumière de l'Ego, de l'Œuf Aurique, du Manas Supérieur. Les cellules de la jambe sont conscientes, mais elles sont esclaves de l'idée ; Elles ne sont pas soi-conscientes, elles ne peuvent donner naissance à une idée, bien qu'elles puissent, lorsqu'elles sont fatiguées, transmettre au cerveau une sensation de malaise et contribuer ainsi à faire naître l'idée de fatigue. L'instinct est le degré le plus bas de la conscience. La conscience de l'homme parcourt les quatre clefs inférieures de sa conscience et n'en est pas moins essentiellement et éminemment une ; c'est une unité. Il y a des millions et des millions d'états de conscience, comme il y a des millions et des millions de feuilles, mais, de même que vous ne pouvez trouver deux feuilles pareilles, vous ne pouvez non plus trouver deux états de conscience pareils ; un état n'est jamais exactement reproduit.

La mémoire est-elle une chose née en nous, pour pouvoir donner naissance à l'Ego ? La cognition, la sensation, la volition, sont des compagnes et non des facultés de l'intellect. La mémoire est une chose artificielle, une adjonction de relativité ; elle peut être aiguisée, ou laissée endormie, et elle dépend de l'état des cellules cérébrales qui emmagasinent toutes les impressions ; la cognition, la sensation, la volition, ne peuvent être mises en corrélation, quoi qu'on fasse. Elles ne découlent pas les unes des autres, et ne sont pas non plus produites par le mental, mais ce sont des principes, des compagnes. Vous ne pouvez posséder le savoir sans la mémoire, car la mémoire emmagasine toutes choses, celles qui ornent et celles qui meublent. Si vous n'enseignez rien à un enfant, il ne saura rien. La conscience cérébrale dépend de l'intensité de la lumière projetée par le Manas Supérieur sur l'Inférieur, et du degré d'affinité qui existe entre le cerveau et cette lumière. Le mental-cérébral est constitué par la facilité plus ou moins grande avec laquelle le cerveau répond à cette lumière ; c'est le champ de conscience du Manas. La Monade et le Manas existent à l'état latent chez l'animal, mais son cerveau n'est pas responsif. Toutes les potentialités y sont, mais à l'état dormant. Il existe en Occident certaines erreurs acceptées qui y vicient toutes les théories.

Combien d'impressions un homme peut-il recevoir et enregistrer simultanément dans sa conscience ? Les Occidentaux disent, une seule ; les Occultistes disent que, normalement, sept et, d'une manière anormale, quatorze, dix-sept, dix-neuf, vingt et une, et jusqu'à quarante-neuf impressions peuvent être reçues simultanément. L'Occultisme enseigne que la conscience reçoit toujours une septuple impression et l'emmagasine [VI 289] dans la mémoire. Vous pouvez le prouver en faisant résonner,  à la fois, les sept notes de la gamme musicale ; les sept sons atteignent simultanément la conscience, mais l'oreille non exercée ne peut les reconnaître que l'un après l'autre et, si vous voulez, vous pouvez mesurer les intervalles. L'oreille exercée entendra les sept notes à la fois, simultanément. Et l'expérience a montré qu'en deux ou trois semaines un homme peut être exercé à recevoir dix-sept ou dix-huit impressions de couleurs et que les intervalles décroissent avec la pratique.

La mémoire est acquise pour cette vie et peut être développée. Le Génie est le fait d'une plus grande action responsive du cerveau et de la mémoire cérébrale, par rapport au Manas Supérieur. Les impressions produites sur les sens sont emmagasinées dans la mémoire.

Avant qu'un sens physique ne soit développé, il existe une sensation mentale qui finit par devenir un sens physique. Les poissons aveugles qui vivent au fond des mers ou dans les eaux souterraines, récupèrent des yeux après quelques générations, si on les met dans un étang, mais leur état antérieur comporte un sens de la vue, bien que ce ne soit pas celui de la vue physique ; autrement comment auraient-ils pu, dans les ténèbres, trouver leur route, éviter les dangers, etc. ? Le mental s'empare mécaniquement et inconsciemment de toutes sortes de choses, les emmagasine et les projette ensuite dans la mémoire sous forme de perceptions  inconscientes. Si l'attention est très absorbée, d'une façon quelconque, la sensation d'une blessure n'est pas ressentie sur le moment, mais, un peu plus tard, la douleur pénètre dans la conscience. Ainsi, pour en revenir à notre exemple des sept notes de musique que l'on frappe en même temps, nous avons une impression unique, mais l'oreille est successivement affectée par les notes, l'une après l'autre, de telle sorte qu'elles sont emmagasinées à tour de rôle dans le mental-cérébral, attendu que la conscience, non exercée, ne peut les  enregistrer simultanément. Tout dépend de l'exercice et de l'attention. Ainsi le transfert  d'une sensation d'un organe à la conscience, est presque instantané, si votre attention est fixée dessus ; mais si un bruit quelconque détourne votre attention, il faudra alors une fraction de seconde de plus pour que ce transfert atteigne votre conscience. L'Occultiste devrait s'exercer à recevoir et à transmettre simultanément, le long des sept degrés de sa conscience, toutes les impressions reçues. Celui qui réduit le plus les intervalles de temps physique, est celui qui a fait le plus de progrès. [VI 290]