SECTION XLVII

LES LIVRES SECRETS DE "LAM-RIN" ET DE DZYAN

 

Voir 148.

Le livre de Dzyan – du mot sanscrit "Dhyan" (méditation mystique) – est le premier volume des Commentaires des sept volumes secrets de Kiou-té (qui sont joints ensemble) et un Glossaire des ouvrages publics du même nom. On peut trouver en la possession des Gelugpa (qui suit la voie propice) Lamas du Tibet, dans la bibliothèque de tout monastère, trente- cinq volumes de Kiou-té, écrits dans des buts exotériques, à l'usage des laïques, et aussi quatorze volumes de Commentaires et d'Annotations sur ces ouvrages, et qui sont l'œuvre des Instructeurs initiés.

A strictement parler, ces trente-cinq volumes  devraient  avoir pour titre : "Version Populaire" de la Doctrine Secrète, pleine de mythes, de récits obscurs et d'erreurs ; d'autre part les quatorze volumes des Commentaires – avec leurs traductions, leurs annotations et un considérable glossaire de termes occultes, tirés d'un petit  volume archaïque, le Livre de la Sagesse Secrète du Monde 149 contiennent un digeste de toutes les Sciences Occultes. Il paraît qu'ils sont tenus cachés, sous la garde du Téshou Lama de Tji-gad-jé [Shigatzé]. Les livres de Kiou-té sont comparativement modernes, car ils ont été publiés durant les derniers dix siècles, tandis que les premiers volumes des Commentaires sont d'une incroyable antiquité, quelques fragments des  cylindres originaux ayant pu être conservés. Sauf en ce qu'ils expliquent et corrigent, quelques-uns des récits trop fabuleux et, selon toute apparence, grossièrement exagérés, qui se trouvent dans les livres proprement dits de Kiou-té 150, les Commentaires [VI 102] n'ont que peu de rapports avec ces ouvrages. Ils ont avec eux les mêmes rapports que ceux qui existent entre la Cabale Chaldéo-Juive et les Livres Mosaïques. Dans l'ouvrage connu sous le nom de Avatoumsaka Soûtra et dans la section qui a pour titre : "L'Atman Suprême [Ame] telle qu'il est manifesté chez les Arhats et les Pratyéka Bouddhas", il est exposé que :

C'est parce que, dès le début, toutes les créatures sensibles ont embrouillé la vérité et adopté la fausseté, qu'un savoir occulte prit naissance sous le nom de Alaya Vijnân.

148 La voie précieuse.

149 C'est aux textes de tous ces ouvrages que l'on eut recours pour publier La Doctrine Secrète. Les matériaux originaux formeraient à peine une petite brochure, mais les explications et les notes tirées des Commentaires et des Glossaires pourraient être transformées en dix volumes aussi gros qu'Isis Dévoilée.

 

"Qui possède la véritable connaissance ?" demande-t-on. Réponse : "Ce sont les grands Instructeurs de la Montagne Neigeuse."

Ces "grands Instructeurs" sont connus, depuis d'innombrables siècles, comme Vivant dans la "Chaîne Neigeuse" de l'Himalaya. Nier, en présence de millions d'Hindous, l'existence de leurs grands Gourous, qui vivent dans les Ashrams disséminés sur tous les Versants Trans et Cis-Himalayens, serait se rendre ridicule à leurs yeux. Lorsque le Sauveur Bouddhiste apparut aux Indes, leurs Ashrams – car ce n'est que rarement que l'on trouve ces grands Hommes dans les Lamaseries, sauf pour  une courte visite – se trouvaient aux endroits qu'ils occupent aujourd'hui et qu'ils occupaient même avant que les Brahmanes ne vinssent de l'Asie Centrale pour s'établir sur les rives de l'Indus. Et, avant cela, plus d'un Dvija Aryen, célèbre et jouissant d'un renom historique, s'était assis à leurs pieds, pour apprendre ce qui devait avoir ensuite son couronnement dans l'une ou  l'autre des grandes écoles philosophiques. La plupart des Bhante  Himalayens furent des Brahmanes et des Ascètes Aryens. [VI 103]

Aucun étudiant, à moins d'être très avancé, ne tirerait profit de la lecture de ces volumes exotériques 151. On doit, pour les lire, employer une clef qui en donne le sens et cette clef ne peut être découverte que dans les Commentaires. En outre, il existe quelques ouvrages comparativement modernes, qui sont positivement nuisibles, en ce qui concerne une compréhension correcte du Bouddhisme, même exotérique. Tels sont le Buddhist Cosmos par le Bonze Jin-ch'on de Pékin ; le Shing-Tait-Ki (ou The Records of the Enlightenment of Tathâgata 152), par Wang Puk, VIIème siècle ; Hisai Sâtra (ou Book of Creation 153) et quelques autres.

150 Le moine Della Penna se moque beaucoup dans ses Mémoires (voyez Tibet de Markham, p. 309 et suiv.) de certains récits que contiennent" les Livres de Kiou-té, il fait connaître au public chrétien "la grande montagne de 160.000 lieues de haut" (la lieue du Tibet équivaut à cinq mines) dans la chaîne des Himalayas. "Suivant leurs lois, dit-il, à l'ouest de ce monde, se trouve un monde éternel... un paradis et, dans ce paradis, un Saint appelé Ho pahme, ce qui veut dire saint de splendeur et de lumière infinie. Ce saint a de nombreux disciples qui sont tous Chang-choub, ce qui veut dire, ajoute-t-il en note, les Esprits de ceux qui, par suite de leur perfection, n'ont plus à devenir des Saints et qui exercent et instruisent les corps des Lamas qui renaissent... afin qu'ils puissent aider les vivants." Ce qui veut dire que les Yang-Chhoub (et non "Chang-choub") présumés "morts" ne sont que des Bodhisattvas vivants, parmi ceux connus sous le nom de Bhante ("les Frères"). En ce qui concerne la "montagne de 160.000 lieues de haut", le Commentaire qui donne la clef de ces récits explique que suivant le code employé par les auteurs, "à l'ouest de la "Montagne Neigeuse" à 160 lieues [ce chiffre est un voile], comptées à partir d'un certain point et sur une route directe, se trouve le Bhante Youl : la contrée ou "Résidence des Frères"], la résidence du Mahâ Chohan...", etc. Tel est le véritable sens. Le "Ho pahme de Delta Penna n'est autre que – le Mahâ Chohan, le Chef.

 151 Dans quelques notes manuscrites qui sont sous nos yeux et qui sont écrites par le Gélung (prêtre) Thango-pa-Chhé-go-mo, nous lisons : "Les quelques missionnaires Catholiques Romains qui ont visité notre pays (malgré les protestations) durant le siècle dernier et qui nous ont payé notre hospitalité en tournant en ridicule notre littérature sacrée, ont fait preuve de peu de discernement et d'encore moins de savoir. Il est exact que le Canon Sacré des Tibétains, le Kah-gyur [Kanjur] et le Bstan-hgyur [Tanjur], comprend 1.707 ouvrages distincts – dont 1.083 ouvrages publiés et 624 secrets, formant, les premiers 350 volumes in-folio et les derniers 77. Nous sera-t-il permis de demander humblement aux bons missionnaires à quel moment ils ont réussi à jeter un coup d'œil sur les in-folios secrets dont nous venons de parler ? Lors même qu'il leur eût été possible de les voir par hasard, je puis assurer aux Pandits Occidentaux que ces manuscrits et in-folios ne pourraient jamais être compris, même par un Tibétain de naissance, sans la clef (a) de leurs caractères particuliers et (b) celle de leur sens caché. Dans notre système, toute description d'une localité est figurative, tout nom et tout mot est voilé à dessein ; il faut donc étudier tout d'abord la manière de déchiffrer, puis apprendre les termes secrets et les symboles équivalents pour presque chacun des mots de la langue religieuse. Le système égyptien démotique ou hiératique est un jeu d'enfant, comparé à nos énigmes sacerdotales."

152 "Archives de l'illumination du Tathâgata" (N.d.T.).

153 "Livre de la Création" (N.d.T.).