ISIS DÉVOILÉE

 

 

CLEF DES MYSTERES DE LA SCIENCE ET DE LA THEOLOGIE ANCIENNES ET MODERNES

 

VOLUME I – SCIENCE PREMIERE PARTIE

H.P. BLAVATSKY

 

 

 

Traduction de Ronald JACQUEMOT entièrement révisée par le Docteur Paul THORIN

 

 "Cecy est un livre de bonne Foy."

 MONTAIGNE

 

NOTE DU TRADUCTEUR

 

Dans l'impossibilité de recourir au texte original français de nombreuses citations, nous avons dû retraduire d'après le texte de la traduction anglaise.

[7]

 

PREFACE

 

L'ouvrage que nous présentons aujourd'hui à l'appréciation du public est le fruit de rapports étroits avec des adeptes de l'Orient, fruit, aussi, de l'étude de leur science. Il est offert à ceux qui sont disposés à accepter la vérité partout où elle se trouve, et à la défendre, même en bravant les préjugés populaires les plus enracinés. C'est une tentative pour aider l'étudiant à découvrir les principes essentiels sous-jacents à tous les systèmes philosophiques de jadis.

Ce livre est écrit en toute sincérité. Il a pour but de rendre justice à tous et de dire la vérité sans malice ni parti pris. Mais il n'a point de merci pour l'erreur intronisée, ni de respect pour l'autorité usurpée. Il réclame pour un passé méconnu et pour ses œuvres, le crédit qui leur a été trop longtemps refusé, et il demande la restitution à chacun de ce qui lui a été subrepticement emprunté, la réhabilitation de réputations glorieuses mais calomniées. C'est uniquement dans cet esprit et dans ce but que ses critiques sont exercées sur toutes les formes de cultes, sur toute foi religieuse, sur toute hypothèse scientifique. Les hommes et les partis, les sectes et les écoles ne sont en ce monde que des éphémères d'une seule journée ; la vérité dressée sur son rocher inébranlable est seule éternelle et souveraine.

Nous ne croyons pas en une magie qui dépasse la portée de l'intelligence humaine, ni au "miracle", qu'il soit divin ou diabolique, s'il implique une transgression des lois de la nature existant de toute éternité. Cependant, nous admettons la proposition de l'illustre auteur de Festus, à savoir que le cœur humain ne s'est pas encore pleinement exprimé et que nous n'avons pas encore atteint, ni même compris, toute l'étendue de ses pouvoirs. Est-il excessif de croire que l'homme devrait développer de nouveaux sens et entrer en contact plus étroit avec la nature ? La logique de l'évolution doit nous l'apprendre, si on la pousse jusqu'à ses conséquences légitimes. Si, quelque part, dans la ligne ascendante du végétal, ou de l'ascidie à l'homme le plus noble, une âme a été évoluée, douée de qualités intellectuelles, il ne peut pas être déraisonnable de déduire et de croire, qu'une faculté de perception se développe également dans l'homme, lui permettant d'entrevoir des [8] faits et des vérités au-delà de notre entendement ordinaire. Nous acceptons toutefois sans hésiter l'assertion de Biffé, que : "l'essentiel est immuable. Que nous taillions le marbre dans la masse duquel se cache la statue ou que nous établissions une à une les assises de pierre jusqu'à l'achèvement du temple, le NOUVEAU résultat que nous obtiendrons ne sera qu'une idée ancienne. La dernière de toutes les éternités trouvera son âme sœur dans la Première".

Lorsqu'il y a des années, nous voyagions pour la première fois en Orient, explorant les réduits de ses sanctuaires déserts, deux questions attristantes et sans cesse renaissantes obsédaient notre pensée : Où est DIEU ; Qu'est-il ? Qui a jamais vu l'ESPRIT immortel de l'homme, de façon à être certain de son immortalité ?

C'est lorsque nous étions le plus anxieux de résoudre ces problèmes difficiles, que nous nous trouvâmes en rapport avec certains hommes, doués de pouvoirs si mystérieux et de connaissances si profondes, que nous pouvons véritablement leur donner le titre de Sages de l'Orient. Nous prêtâmes une oreille attentive à leurs enseignements, et ils  nous montrèrent qu'en combinant la science avec la religion on peut arriver à démontrer l'existence de Dieu et l'immortalité de l'esprit humain, comme on démontre un problème d'Euclide. Pour la première fois nous reçûmes l'assurance que la philosophie Orientale n'admettait point d'autre foi qu'une foi absolue et immuable dans la toute-puissance du soi immortel de l'homme. On nous apprit que cette toute-puissance vient de la parenté de l'esprit de l'homme et l'Ame Universelle-Dieu ! Ce dernier, disent ces sages, ne peut jamais être prouvé qu'à l'aide du premier. L'esprit humain prouve l'Eprit Divin, comme une goutte d'eau démontre l'existence d'une source dont elle provient. Dites à celui qui n'aurait jamais vu d'eau qu'il existe un océan il vous croira sur parole, ou il refusera de l'admettre. Mais faites tomber dans sa main une goutte d'eau, et il se trouvera en présence d'un  fait  duquel  il  pourra  déduire  le  reste ;  Il  pourra  par degrés, comprendre qu'il peut exister un océan sans borne et insondable. La foi aveugle ne sera plus nécessaire ; elle sera remplacée par la connaissance. Lorsqu'on voit un homme mortel déployer des facultés prodigieuses, se rendre maître des forces de la nature, et entrouvrir aux regards le monde de l'esprit, l'esprit réfléchi est pénétré de la conviction que, si l'Ego spirituel d'un seul homme peut le faire, la puissance de l'Esprit-Père doit être relativement aussi grande que l'océan passe la simple goutte d'eau en volume et en force. Ex nihilo nihil fit ; prouvez l'âme humaine au moyen de ses merveilleux pouvoirs et vous aurez prouvé Dieu !

Dans nos études, nous avons appris que ce que l'on nomme mystères ne sont pas des mystères. Les noms et les lieux, qui, [9] pour les esprits de l'Occident, n'ont d'autre signification que celle tirée des fables de l'Orient nous ont été montrés comme des réalités, nous sommes entrés en esprit avec révérence, dans le temple d'Isis ; il nous a été permis de soulever à Saïs, le voile de "Celle qui est, qui a été et qui sera" ; nous avons regardé par la déchirure du rideau du Saint des Saints à Jérusalem, et même interrogé la mystérieuse Bath-Kol dans les cryptes qui existaient jadis sous l'édifice sacré. La Filia Vocis – la fille de la voix divine – nous a répondu du haut de son trône de clémence, derrière le voile, et la science, la théologie, toutes les hypothèses et les conceptions humaines, nées d'une connaissance imparfaite des choses ont perdu pour toujours à nos yeux leur caractère d'autorité 1. La seule Divinité vivante a parlé par  son oracle, l'homme, et nous nous tenons pour satisfait. Une pareille connaissance est inestimable ; et elle n'est cachée qu'à ceux qui la dédaignent, la tournent en ridicule ou en nient l'existence.

1 Lightfoot assure que cette voix qui a été employée dans les temps anciens comme un témoignage venant du ciel, "était réellement produite à l'aide de l'art magique" (vol. II, p. 128). Ce dernier terme a toujours été pris dans un sens dédaigneux, précisément parce qu'il a été et qu'il est encore mal compris. L'objet de cet ouvrage est de corriger l'opinion erronée au sujet de "l'art magique".

 

De ceux-ci, nous appréhendons les critiques, la censure, et peut-être aussi l'hostilité, quoique les obstacles que nous ayons à rencontrer sur notre route ne viennent ni de la validité des preuves, ni des faits authentiques de l'histoire, ni du défaut de sens commun du public auquel nous nous adressons. Les tendances de la pensée moderne  vont visiblement vers le libéralisme aussi bien en religion qu'en science. Chaque jour amène les réactionnaires plus près du point où ils devront abandonner  l'autorité despotique  qu'ils  ont  si  longtemps  exercée sur la conscience publique. Lorsque le Pape peut en arriver à lancer l'anathème contre tous ceux qui soutiennent la liberté de la presse et de la parole 2, contre ceux qui prétendent que, dans un conflit entre les lois civiles et les lois ecclésiastiques, la loi civile doit l'emporter, ou bien encore qu'une méthode d'enseignement laïc puisse être approuvée ; Ou encore   lorsque

M.  Tyndall  porte-voix de la science du XIXème siècle, déclare  que "la position inexpugnable de la science peut être définie  en  ces quelques mots 4 : Nous exigeons de la théologie tout le domaine de la théorie cosmologique et nous le lui arracherons" le résultat n'est point difficile à prévoir. [10]

Des siècles d'assujettissement n'ont pas congelé le sang des hommes au point de le faire cristalliser autour du noyau de la foi aveugle, et le XIXème siècle assiste aux efforts du géant qui brise les liens lilliputiens et se remet sur ses pieds. Même l'Eglise protestante d'Angleterre et d'Amérique, actuellement occupée à la révision du texte de ses Oracles, sera tenue de montrer l'origine et les mérites de ce texte. Le temps où on dominait les hommes par des dogmes est passé.

Notre ouvrage est donc un plaidoyer pour la reconnaissance de la philosophie Hermétique, la Religion-Sagesse, autrefois universelle, comme la seule clé possible de l'Absolu en science et en théologie. Nous nous dissimulons si peu la gravité de notre entreprise que nous pouvons, d'ores et déjà, dire que nous ne serions pas surpris de voir se liguer contre nous :

Les chrétiens qui verront que nous mettons en question les preuves de l'authenticité de leur foi.

Les savants qui trouveront leurs prétentions à  l'infaillibilité mises dans le même sac que celles de l'Eglise Catholique Romaine et, que sur certains points, les sages et les philosophes de l'antiquité sont classés plus haut qu'eux.

Les Pseudo-Savants, nous combattrons, naturellement, avec acharnement.

 2 Encyclique de 1864.

3 Le Pape Pie IX.

4 Fragments of science.

 

Les gens d'Eglise libéraux, et les libres penseurs s'apercevront que nous n'acceptons pas ce qu'ils font mais que nous réclamons la reconnaissance de la vérité totale.

Les hommes de lettres et diverses autorités qui cachent leur croyance réelle par égard pour les préjugés populaires.

Les mercenaires et les parasites de la presse qui prostituent sa puissance plus que royale et déshonorent une noble profession ; ils trouveront aisé de tourner en dérision des choses trop étonnantes pour leur compréhension, car, pour eux, la valeur d'un alinéa est supérieure à celle de la sincérité. Beaucoup nous critiqueront honnêtement ; D'autres le feront hypocritement. Mais nous avons foi en l'avenir.

La lutte actuellement engagée entre le parti de la conscience publique et celui de la réaction a déjà produit un assainissement du ton de la pensée ; elle ne peut manquer d'aboutir au rejet de l'erreur et au triomphe de la Vérité. Or, nous le répétons, c'est pour un avenir meilleur que nous luttons. [11]

Et pourtant, lorsque nous envisageons l'amère opposition que nous aurons à affronter, qui mieux que nous, en entrant dans l'arène, aurait le droit d'inscrire sur son bouclier, le salut du gladiateur Romain à César : "Moritorus te salutat".

 

H.P. BLAVATSKY. New-York, septembre 1877.