DEVANT LE VOILE

 

Jeanne. – Faites flotter nos couleurs sur les remparts !

 (Henri VI, acte IV.)

"Ma vie entière a été vouée à l'étude de l'homme, de sa destinée et de sa félicité."

 J.-R. BUCHANAN M. D.

 Outlines of Lectures on Anthropology.

 

Dix-neuf siècles se sont écoulés, nous dit-on, depuis que la nuit de l'idolâtrie et du paganisme a été dissipée pour la première fois par la lumière divine du christianisme et il y a deux siècles et demi que le brillant flambeau de la science moderne est venu éclairer les ténèbres de l'ignorance des âges. On veut nous faire croire que c'est dans les limites respectives de ces époques que s'est produit le véritable progrès moral et intellectuel de l'humanité. Les anciens philosophes suffisaient à leurs générations, mais n'étaient que des illettrés comparés aux hommes de science modernes. L'éthique du paganisme suffisait probablement aux besoins des peuples ignorants de l'antiquité, mais la véritable voie de la perfection morale, comme le chemin du salut, n'a été enseignée que depuis l'avènement de la lumineuse "étoile de Bethléem". Auparavant, la barbarie était la règle, la vertu et la spiritualité l'exception. Aujourd'hui, les plus obtus peuvent lire la volonté de Dieu dans la révélation de sa parole ; les hommes ont tout intérêt à s'améliorer ; aussi deviennent-ils de jour en jour meilleurs.

C'est ce qu'on affirme ; quels sont les faits ? D'une part un clergé dogmatique, dépourvu de spiritualité, et trop souvent, débauché ; un nombre infini de sectes, et trois grandes religions qui se combattent ; la discorde au lieu de l'union ; des dogmes sans preuves ; des prédicateurs cherchant l'effet, et des paroissiens avides de richesses et de plaisirs ; l'hypocrisie et la bigoterie enfantées par les exigences tyranniques de la respectabilité ; tout cela est aujourd'hui la règle, la sincérité et la véritable piété sont des exceptions. D'autre part des hypothèses scientifiques bâties sur le sable ; absence d'accord sur une seule question ; la jalousie et les querelles haineuses ; une tendance générale vers le matérialisme. [14] La lutte à mort entre la science et la théologie pour l'infaillibilité – "la bataille des âges".

A Rome, le prétendu siège du christianisme, le supposé successeur de Pierre est en train de miner l'ordre social au moyen du réseau omniprésent de ses agents fanatiques, et il les pousse à révolutionner l'Europe pour sa suprématie temporelle aussi bien que spirituelle. Nous voyons celui qui se dit le "vicaire du Christ"fraterniser avec les Musulmans anti-chrétiens, contre une autre nation chrétienne, et invoquer la bénédiction de Dieu pour les armes de ceux qui, pendant de longs siècles, ont combattu par le feu et le glaive les prétentions de son Christ à la divinité ! A Berlin – un des grands centres du savoir – les professeurs de sciences exactes modernes, se détournent des résultats tant vantés des lumières de la période ouverte par Galilée et cherchent à moucher la chandelle du grand Florentin ; bref, ils essaient de prouver que le système héliocentrique, voire même la rotation de la terre, ne sont que des rêves enfantés dans le cerveau  de savants égarés ; selon eux, Newton ne serait qu'un visionnaire, et tous les astronomes passés et présents ne sont que d'habiles calculateurs de problèmes invérifiables 5.

Entre ces deux Titans en guerre – La Science et la Théologie – un public perdant rapidement toute croyance en l'immortalité personnelle de l'homme, en un Dieu quelconque, et qui tombe vite au niveau d'une vie purement animale. Voilà où nous en sommes aujourd'hui, sous le plein soleil de cette ère scientifique et chrétienne !

Serait-il équitable de condamner à une lapidation critique le plus humble et le plus modeste des auteurs, parce qu'il refuse de se soumettre à l'autorité de ces deux antagonistes ? Ne devons nous pas prendre comme aphorisme de ce siècle la déclaration de Horace Greeley : "Je n'accepte sans réserves, l'opinion de qui que ce soit, mort ou vivant ? 6". Quoi qu'il en soit, telle sera notre devise, et ce principe sera notre guide tout au long de cet ouvrage.

 5 Voir les dernières pages du chapitre XV.

6 Recollections of a Busy life, p. 147.

 

Parmi les nombreuses productions phénoménales de notre siècle, l'étrange croyance des Spirites a surgi des ruines branlantes des religions se disant révélées et des philosophies matérialistes ; cependant, cette croyance est peut-être un dernier refuge transactionnel entre les deux. Il n'est pas étonnant que ce fantôme inattendu des temps pré-chrétiens n'ait guère trouvé faveur auprès de notre siècle positif et sérieux. Les temps ont bien changé ; il n'y a pas longtemps qu'un prédicateur bien connu à Brooklyn, disait du haut de la chaire, que si Jésus revenait et se comportait [15] dans les rues de New-York, comme il l'avait fait à Jérusalem, il ne tarderait pas à se retrouver en prison 7. A quel accueil le Spiritisme pouvait-il donc s'attendre ? A première vue, il n'est ni engageant ni rassurant. Informe et contrefait, tel un enfant aux mains de sept  nourrices, il sort maintenant de l'adolescence bancale et mutilée. Ses ennemis sont légion ; ses amis et protecteurs une poignée. Mais qu'importe ! Quand la vérité a-t-elle jamais été acceptée à priori ? Parce que les défenseurs du Spiritisme ont exagéré ses qualités dans leur fanatisme, et sont restés aveugles à ses imperfections, ce n'est pas une raison pour mettre en doute sa réalité ? Il est impossible de contrefaire un modèle si ce modèle n'existe pas. Le fanatisme des Spirites est lui-même la preuve de l'authenticité et de la possibilité de leurs phénomènes. Ils nous fournissent des faits à étudier, et non des affirmations à admettre sans preuves. Il n'est pas admissible que des millions d'hommes et de femmes raisonnables soient le fait d'une hallucination collective. Aussi tandis que le clergé, s'en tenant à son interprétation de la Bible, et la science aux possibilités qu'elle reconnaît à la nature, refusent de l'écouter avec impartialité, la vraie science et la vraie religion gardent le silence et attendent patiemment les développements ultérieurs.

7 Henry Ward Beecher.

 

Toute la question des phénomènes repose sur la compréhension exacte des anciennes philosophies. A qui devons-nous nous adresser dans le doute, sinon aux sages antiques, puisque, sous prétexte de superstition, les modernes nous refusent une explication ? Demandons-leur donc ce qu'ils savent de la science et de la religion authentiques ; non pas sur les détails, mais sur une large compréhension de ces vérités jumelles – si fortes dans l'union, si faibles lorsqu'on les divise. En outre, nous aurions peut-être avantage à comparer cette science moderne tant vantée, avec l'ignorance antique ;   cette   théologie   moderne   perfectionnée   avec   les "Doctrines Secrètes" de l'ancienne religion universelle. Il nous sera peut-être alors possible de trouver un terrain neutre où nous pourrions les atteindre toutes deux et en tirer profit.

Seule la philosophie platonicienne, le plus parfait résumé des systèmes abstraits de l'Inde antique, peut nous fournir ce terrain neutre. Bien que plus de vingt-deux siècles et quart se soient écoulés depuis la mort de Platon, les esprits éclairés du monde s'occupent encore de ses écrits. Il fut, au sens le plus plein du mot, l'interprète du monde. Le plus grand philosophe de l'ère pré-chrétienne a reflété pieusement, dans ses ouvrages, le spiritualisme des philosophes Védiques, qui vécurent des milliers d'années avant lui, ainsi que son expression métaphysique. Vyasa, [16] Djeminy, Kapila, Vrihaspati, Soumati et tant d'autres ont transmis leur marque indélébile, à travers les siècles, sur Platon et son école. Nous avons donc la preuve que la même sagesse a été révélée à Platon et aux antiques sages Hindous. Bravant ainsi l'action du temps, que peut être cette sagesse, sinon divine et éternelle ?

Platon enseignait que la justice subsistait dans l'âme de son possesseur et en était le suprême bien. "Les hommes, proportionnellement à leur intelligence, ont admis ses prétentions transcendantes." Néanmoins, ses commentateurs, presque unanimes, hésitent à aborder les passages impliquant que sa métaphysique est fondée sur une base solide et non sur des conceptions idéales.

Mais Platon ne pouvait admettre une philosophie dénuée d'aspiration spirituelle ; pour lui les deux n'en faisaient qu'un. Pour l'ancien sage  grec, il n'y avait qu'un seul but : la véritable connaissance. Il ne considérait comme authentiques philosophes, ou étudiants de la vérité, que ceux qui possédaient la connaissance de ce qui existe réellement, à l'encontre de ceux qui se contentent de la simple apparence ; De ce qui existe en toute éternité, en opposition avec ce qui est transitoire ; ce qui est permanent, en opposition avec ce qui grandit et dépérit, qui tour à tour se développe et est détruit. "Au-delà de toutes existences finies et des causes secondaires, au- delà de toutes lois, de toutes idées et de tous principes, il y a une INTELLIGENCE ou ESPRIT [νοǔς, nous, l'esprit], le premier principe de tout principe, l'Idée Suprême sur laquelle se fondent  toutes  les  autres idées ; le Monarque et le Législateur de l'Univers ; la substance ultime d'où toute chose tire l'être et l'essence, la Cause première et efficiente de tout ordre, harmonie, beauté, excellence et bonté, qui imprègne tout l'Univers – auquel on donne le nom, en raison de sa prééminence ou de  son excellence, de Bien Suprême, de Dieu, (ò θεòς) le Dieu au-dessus de tout (ò επι παסι θεòς) 8." II n'est ni la vérité ni l'intelligence, mais "il en est le père". Bien que cette essence éternelle des choses ne soit pas perceptible pour nos sens physiques, elle peut être saisie par la pensée de ceux qui ne sont pas volontairement fermés. Jésus répondit à ses disciples choisis, "II vous a été donné de connaître les mystères du Royaume de Dieu ; mais cela ne leur a pas été donné ; (aux πoλλοł) c'est pourquoi je leur parle en paraboles (ou images), parce qu'en voyant ils ne voient point et qu'en entendant ils n'entendent ni ne comprennent" 9

Porphyre, de l'école néo-platonicienne, nous affirme que la philosophie de Platon était enseignée et représentée dans les Mystères. Nombreux sont ceux qui l'ont mis en doute ou qui même l'ont nié ; et Lobeck, dans son Aglaophomus, a été jusqu'à [17] représenter les orgies sacrées comme de simples spectacles faits pour captiver l'imagination. Comme si Athènes et la Grèce tout entière, pendant plus de vingt siècles, avaient été chaque cinquième année à Eleusis pour assister à  une solennelle farce religieuse ! Saint Augustin, le père Evêque d'Hippone, a répondu à de pareilles assertions. Il déclare que les doctrines des Platoniciens d'Alexandrie étaient les doctrines ésotériques originelles des premiers disciples de Platon, et il décrit Plotin comme un Platon ressuscité. Il donne aussi les raisons qu'avait le grand philosophe, pour voiler le sens intime de son enseignement 10.

 8 Cocker : Christianity and Greek Philosophy, IX, p. 377.

9 Evangile selon saint Mathieu, XIII, 11, 13.

10 Les accusations d'athéisme, celle d'introduire des dieux étrangers, et de corrompre la jeunesse athénienne, portées contre Socrate, fournissaient une ample justification à Platon, pour cacher le secret de ses doctrines. Sans doute, le langage particulier, ou jargon des alchimistes, avait un même but. Les chrétiens de toute nuance, et tout spécialement l'Eglise de Rome, ont employé sans scrupule, la prison, la roue et le bûcher, contre tous ceux qui enseignaient même la  science naturelle, contraire aux doctrines de l'Eglise. Le Pape Grégoire le Grand, condamna même l'usage grammatical du Latin comme une hérésie. Le crime de Socrate consistait à révéler à ses disciples la doctrine secrète au sujet des dieux, enseignée dans les Mystères, ce qui était un crime capital. Aristophane l'accusa même d'introduire dans la république le nouveau dieu Dinos, comme démiurge ou créateur, et le seigneur de l'univers solaire. Le système hélio-centrique faisait également partie des Mystères ; par conséquent lorsque Aristarque, le Pythagoricien l'enseigna  ouvertement, Cléanthe déclara que les Grecs devaient lui demander raison et le condamner comme blasphémateur contre les dieux (Plutarque). Mais Socrate n'avait jamais été initié et, par conséquent, n'a rien divulgué de ce qui lui avait été révélé.

 

Quant aux Mythes, Platon déclare dans le Gorgias et le Phédon, qu'ils étaient les véhicules de grandes vérités qui valaient d'être cherchées. Toutefois, les commentateurs sont si peu en rapport avec le grand philosophe, qu'ils se voient obligés de reconnaître qu'ils ignorent "où le mythe commence et où la doctrine prend fin". Platon dissipa la superstition populaire au sujet de la magie et des démons, il transforma les idées exagérées de son époque, en théories rationnelles et en conceptions métaphysiques. Peut-être ne pourraient-elles résister à la  méthode inductive de raisonnement établie par Aristote ; elles sont, néanmoins, satisfaisantes au plus haut degré, pour ceux qui admettent l'existence d'une faculté plus haute de connaissance ou d'intuition, pour servir de critérium de la vérité.

Toute sa doctrine étant basée sur la présence du Mental Suprême, Platon enseignait que le nous, l'esprit, ou âme rationnelle de l'homme, étant "engendré par le Père Divin", avait une nature apparentée, homogène même, à la Divinité, et qu'elle était capable de contempler, les réalités éternelles. Cette faculté de contempler la réalité d'une manière directe et immédiate, appartient à Dieu seul ; l'aspiration à cette connaissance constitue ce qu'on entend par philosophie – l'amour de la sagesse. [18] L'amour de la vérité fait partie de l'amour du bien ; de sorte que, prédominant tout désir de l'âme, la purifiant et l'assimilant au divin, il gouverne ainsi chaque acte de l'individu ; il amène l'homme à participer à la Divinité, à communier avec elle, et le rétablit à l'image de Dieu. "Cette envolée", dit Platon, dans le Théététe, "consiste à se rendre pareil à Dieu et cette assimilation est le fait de devenir juste et saint par la sagesse."

II a toujours été soutenu que la base de cette assimilation est la préexistence de cet esprit en nous. Dans l'allégorie du chariot tiré par les chevaux ailés, donnée dans le Phèdre, il représente la nature psychique comme composée ou double ; le thumos, ou partie épithumétique, est formé de la substance du monde des phénomènes ; Et le θνµοειδές, thumoeides, dont l'essence est en relation avec le monde éternel. La vie terrestre actuelle est une chute et une punition. L'âme réside dans "le tombeau que nous nommons le corps", et, dans son état incorporé, avant d'avoir été soumis à la discipline de l'éducation, l'élément noëtique, ou spirituel, est "dormant". La vie est donc un rêve, plutôt qu'une réalité. Comme les captifs dans la grotte souterraine, décrite dans La République, le dos tourné à la lumière, nous ne percevons que l'ombre des objets et nous les prenons pour les objets eux-mêmes. N'est-ce pas là la notion de Maya, l'illusion des sens de la vie physique, qui est un des traits si caractéristiques de la philosophie bouddhique ? Mais si nous ne nous sommes pas complètement donnés à notre nature sensuelle, ces ombres éveillent en nous la réminiscence d'un monde plus élevé que nous avons habité autrefois ? "L'esprit intime garde un souvenir vague et indéfini de son état de félicité pré-natale, ainsi qu'une aspiration instinctive et proleptique à son retour. "Il appartient à la discipline de la philosophie de l'arracher à la servitude des sens, de l'élever jusqu'à l'empyrée de la pensée pure, à la vision de la vérité, de la beauté et de la bonté éternelles. "L'âme", dit Platon dans son Théététe, "ne peut entrer dans la forme d'un homme, si elle n'a jamais connu la vérité. Ce souvenir est celui des choses que notre âme a vues autrefois lorsqu'elle voyageait avec la Divinité, dédaignant les choses qui existent pour nous aujourd'hui, mais contemplant ce qui est REELLEMENT. C'est pourquoi seul le nous, ou esprit, du philosophe (l'étudiant de la vérité supérieure) est muni d'ailes ; car, autant qu'il lui est possible, il se rappelle toutes ces choses, dont la contemplation rend la Divinité elle-même divine. En faisant un usage judicieux des souvenirs de sa vie antérieure, en se perfectionnant constamment dans les parfaits mystères, l'homme devient véritablement parfait – un Initié de la Sagesse Divine."

Cela peut nous faire comprendre pourquoi les plus sublimes scènes des Mystères étaient toujours de nuit. La vie de l'esprit [19] intérieur est la mort de la nature externe ; et la nuit du monde physique annonce le jour du monde spirituel. Par conséquent, on adorait plutôt Dionysius, le soleil- nocturne, qu'Hélios, l'astre du jour. Dans les Mystères on symbolisait la condition préexistante de l'esprit et de l'âme, la chute de celle-ci dans la vie terrestre et dans Hadès, les misères de cette vie, la purification de l'âme et son retour à la félicité divine, ou la réunion avec l'esprit. Theon, de Smyrne, compare avec raison la discipline philosophique aux rites mystiques : "On pourrait, dit-il, appeler la Philosophie l'initiation aux véritables arcanes, et l'instruction aux mystères authentiques. Cette initiation est divisée en cinq parties : I, la purification préalable ; II, l'admission à participer aux rites secrets ; III, la révélation époptique ; IV, l'investiture ou intronisation ; V, la cinquième est le résultat de toutes les précédentes, l'amitié et la communion intime avec Dieu, et la jouissance de cette béatitude qui découle de la relation intime avec des êtres divins. Platon appelle epopteia, ou vue personnelle, la contemplation parfaite des choses  qu'on  saisit  intuitivement,  les  idées  et  les  vérités  absolues.  Il considère également l'acte de ceindre le front, et le couronnement, comme analogue à l'autorité qu'on reçoit de ses instructeurs et pour entraîner les autres dans la même contemplation. Le cinquième degré est la félicité la plus parfaite qui en découle, et, suivant Platon, c'est une assimilation à la divinité aussi parfaite que la chose est possible pour des êtres humains 11."

11 Voyez Thomas Taylor : Eleusinian and Bacchic Mysteries, p. 47, New-York : J.-W. Bouton, 1875.

 

Tel est le Platonisme. Ralph Waldo Emerson dit que "Platon est la source de tout ce qui est encore écrit et discuté par des hommes de pensée". Il absorba le savoir de son temps, celui de la Grèce de Philœus à Socrate ; puis celui de Pythagore en Italie ; et aussi tout ce qu'il put apprendre de l'Egypte et de l'Orient. Il était si complet, qu'il embrassait dans sa doctrine toutes les philosophies de l'Europe et de l'Asie ; et à la culture et à la contemplation, il joignait la nature et les qualités du poète.

En général, les partisans de Platon adhéraient strictement à  ses théories psychologiques. D'autres, par contre, comme Xénocrate, se lançaient dans des spéculations plus avancées. Speusippe, neveu et successeur du grand philosophe, fut l'auteur de l'Analyse numérique, traité des nombres pythagoriciens. Certaines de ses spéculations ne se rencontrent pas dans les Dialogues écrits ; mais comme il était un auditeur des conférences non publiées de Platon, Enfield a probablement raison en disant qu'il ne différait pas de son maître. Bien qu'il ne soit pas nommé, il est évidemment l'antagoniste critiqué par Aristote, lorsque celui-ci [20] prétendait opposer l'argument de Platon à la doctrine de Pythagore, pour qui la base de toutes choses nombre, ou plutôt qu'elle est inséparable de la notion des nombres. Il s'attacha tout spécialement à montrer que  la doctrine Pythagoricienne, en ce qu'elle présuppose que les nombres et les grandeurs existent en dehors des choses. Il affirmait encore que Platon enseignait qu'il ne pouvait exister une connaissance véritable si l'objet de cette connaissance n'était pas porté au-delà ou au-dessus du monde sensible.

Mais Aristote n'était pas un témoin digne de foi. Il dénatura Platon et fit presque une caricature des doctrines de Pythagore. Il existe un canon de l'interprétation, qui devait nous guider dans tout examen d'opinions philosophiques : "L'esprit humain, par l'opération nécessaire de ses propres lois, se voit contraint d'entretenir les mêmes idées fondamentales et le cœur humain se nourrit des mêmes sentiments au cours des ages." Pythagore éveilla sans doute la plus profonde sympathie intellectuelle de son temps, et ses doctrines exercèrent une influence considérable sur l'esprit de Platon. Son idée maîtresse était qu'il existait un principe permanent d'unité sous les formes, changements et autres phénomènes de l'univers. Aristote affirmait qu'il enseignait "le nombre était le principe de toute entité". Ritter pense que la formule de Pythagore doit être prise symboliquement, ce qui est sans doute exact. Aristote associe ces nombres " formes"et aux "idées" de Platon. Il va jusqu'à déclarer que Platon a dit que "les formes sont des nombres" et que "les idées sont des existences substantielles – des êtres réels". Platon n'a toutefois rien enseigné de semblable. Il déclarait que la cause finale était la Bonté Suprême – το αγαθόν. "Les idées sont des objets de pure conception pour la raison humaine, et elles sont des attributs de la Raison Divine 12" Et il n'a jamais dit que "les formes sont des nombres". Ce qu'il a dit, nous le trouvons dans le Timée" : Dieu forma les choses comme elles apparurent dans  le principe, suivant les formes et les nombres."

12 Cousin. Histoire de la Philosophie, I, IX.

 

La science moderne reconnaît que toutes les lois supérieures de la nature prennent la forme d'exposé quantitatif. C'est peut-être une élaboration plus complète ou une affirmation plus explicite de la doctrine de Pythagore. On considérait les nombres comme la meilleure représentation des lois de l'harmonie qui pénètre le cosmos tout entier. Nous savons également qu'en chimie, la doctrine des atomes et des lois des combinaisons sont en réalité, et pour ainsi dire, arbitrairement, définies par les nombres. Ainsi que le dit M.W. Archer Butler : "Le Monde dans toutes ses [21] divisions est une arithmétique vivante dans son développement, et une géométrie réalisée dans son repos."

La clé des dogmes de Pythagore est la formule générale de l'unité dans la multiplicité ; l'un évoluant le multiple et le pénétrant. C'est l'antique doctrine de l'émanation en quelques mots. L'apôtre Paul lui-même l'acceptait comme exacte. Eς αuτοù, χαιδίxuτοū, χαι εις αuτον τά πάvτα. Toutes choses viennent de lui, sont par lui et en lui. Cette idée est nettement Hindoue et Brahmanique ainsi que nous le constatons par la citation suivante :

 "Lorsque la dissolution – Pralaya – est parvenue à son terme, le Grand Etre – Para-Atma ou Para-Pourousha – le Seigneur existant par lui-même, duquel et par lequel toutes choses ont été, sont et seront. décida d'émaner les diverses créatures de sa propre substance." (Manava-Dharma-Sastra, Livre 1, slokas 6 et 7.)

La Décade mystique 1 + 2 + 3 + 4 = 10 est une des manières d'exprimer cette idée. L'Un, c'est Dieu ; Deux, la matière ; Trois, combinant la Monade et la Duade, et participant de la nature des deux, est le monde phénoménal : la Tétrade, ou forme de perfection, exprime le vide de tout ; et la Décade, somme de tout, implique le cosmos tout entier. L'univers est la combinaison d'un millier d'éléments et néanmoins l'expression d'un esprit unique – chaos pour les sens, cosmos pour la raison.

Toute cette combinaison de la progression des nombres dans l'idée de création est Hindoue. L'Etre existant par lui-même, Swayambhou ou Swayambhouva, ainsi que le nomment quelques-uns, est un. Il émane de lui-même la faculté créatrice, Brahma ou Pourousha (le mâle divin), et l'un devient Deux ; de cette Duade, l'union du principe purement intellectuel avec le principe de la matière, évolue un troisième qui est Viràdj, le monde phénoménal. C'est de cette trinité invisible et incompréhensible, la Trimourti Brahmanique, qu'évolue la seconde triade qui représente les trois facultés, la créatrice, la conservatrice et la transformatrice. Celles-ci sont représentées par Brahma, Vishnou et Shiva, mais elles se fondent de nouveau et toujours en une. L'Unité, Brahma, ou comme le nomment les Védas, Tridandi, est le dieu de la triple manifestation, qui donna naissance au Aum symbolique, abréviation de Trimourti. Ce n'est qu'au moyen de cette trinité, toujours active et tangible pour nos sens, que le Monas invisible et inconnu peut se manifester au monde des mortels. Lorsqu'il devient Sarira, c'est-à-dire celui qui revêt une forme visible, il représente tous les principes de matière, tous les germes de vie, il est Pourousha, le dieu à trois faces, ou triple pouvoir, l'essence de la triade Védique. "Que les Brahmas apprennent la Syllabe sacrée (Aum) les trois paroles de Savitri, et qu'ils lisent journellement les Védas". (Manou, livre IV, sloka 125.) [22]

"Après avoir produit l'univers, Celui dont le pouvoir est incompréhensible disparut de nouveau, absorbé dans l'Ame  Suprême.  Après  s'être  retirée  dans  les ténèbres primitives, la grande Ame demeure dans l'inconnu, et est dénuée de toute forme….

Lorsque après avoir de nouveau réuni les principes élémentaires subtils, elle entre dans une semence végétale ou animale, elle prend chaque fois une nouvelle forme.

Ainsi, par des alternatives d'éveil et de repos, l'Etre Immuable fait revivre et mourir éternellement toutes les créatures existantes, actives et inertes."

 (Manou. Livre I. Sloka 50 et suivantes.)

 

Qui a étudié Pythagore et ses spéculations sur la Monade, laquelle après avoir émané la Duade, se retire dans le silence et les ténèbres et crée ainsi la Triade, comprendra d'où venait la philosophie du grand Sage de Samos, et, après lui, celle de Socrate et de Platon.

Speusippe paraît avoir enseigné que l'âme psychique ou thumétique était immortelle, de même que l'esprit ou âme rationnelle ;  nous exposerons plus loin ses raisons. De même que Philoléus et Aristote dans leurs investigations sur l'âme, il fait un élément de l'éther ; de sorte qu'il y avait cinq éléments principaux pour correspondre aux cinq figures régulières de géométrie. Cela devint aussi une des doctrines de l'école d'Alexandrie 13. Et, de fait, il y eut beaucoup de choses dans les doctrines des Philalèthes qu'on ne rencontre pas dans les ouvrages des anciens Platoniciens, mais qui furent, sans doute, enseignées en substance par le philosophe lui-même, mais qui, par suite de sa réticence habituelle, ne furent pas couchées par écrit, étant trop occultes pour être publiées ouvertement. Speusippe, et Xénocrate après lui, tenaient comme leur grand maître, que l'anima mundi, ou âme mondiale n'était pas la Divinité, mais une manifestation. Ces philosophes n'ont jamais conçu l'Un comme une nature animée 14. L'Un originel n'existait pas comme nous concevons ce terme. Ce n'est que lorsqu'il s'unit au multiple – existence émanée (la monade et la duade) qu'un être fut formé. Le τίµιον vénéré – le quelque chose manifesté – demeure dans le centre comme dans la circonférence, mais ce n'est que la réflexion de la Divinité – l'Ame Mondiale 15. Dans cette doctrine, nous trouvons l'esprit du Bouddhisme ésotérique.

13 Thomas Taylor. Theoritic Arithinetic, Londres, 1816, "sur les Nombres Pythagoriciens".

14 Platon. Parmenid, 141.E

 15 Voyez Stobens, Eclogues, I, 862.

16 Sextus Empiricus. Adv. Math., VII, 145.

 

Une Idée humaine de Dieu est la lumière aveuglante que l'homme voit reflétée dans le miroir concave de son âme, et cependant ce n'est pas véritablement Dieu, mais seulement son reflet. Sa [23] gloire est là, mais c'est la lumière de son propre Esprit que l'homme voit, et c'est tout ce qu'il supporte de regarder. Plus le miroir est clair, plus l'image divine resplendira. Toutefois, le monde extérieur ne peut s'y montrer en même temps. Chez le Yogi extatique, chez le Voyant illuminé, l'esprit brillera comme le soleil de midi ; mais l'éclat disparaît pour la victime avilie par l'attraction terrestre, car le miroir a été terni par les taches de matière. De tels hommes renient leur Dieu, et priveraient aussi, en même temps, volontiers, l'humanité de son âme.

PAS DE DIEU, PAS D'AME ? Quelle angoissante et destructrice pensée ! Cauchemar affolant d'un dément – Athée présentant à sa vue enfiévrée une succession ininterrompue et hideuse d'étincelles de matière cosmique créées par personne ; surgissant d'elles-mêmes, existant par elles-mêmes, se développant elles-mêmes ; ce Soi, non Soi, car il n'est rien et personne, dérivant en ne venant de nulle part ; aucune Cause ne le pousse, puisqu'il n'en existe aucune, et qu'il ne se rue nulle part. Et tout cela dans un cercle d'Eternité, aveugle, inerte et – SANS CAUSE. En comparaison de cette notion, qu'est la conception erronée du Nirvana Bouddhique elle-même ! Le Nirvana est précédé de transformations et de métempsychoses spirituelles sans nombre, pendant lesquelles l'entité ne perd pas une seule seconde le sentiment de sa propre individualité, et qui dureront peut-être pendant des millions de siècles avant d'atteindre le NEANT Final.

Bien que d'aucuns aient considéré Speusippe comme inférieur à Aristote, le monde lui est redevable de la définition et de l'explication de beaucoup de choses que Platon a laissées obscures dans sa doctrine du Sensible et de l'Idéal. Sa maxime était : "L'Immatériel est connu au moyen de la pensée scientifique, le Matériel au moyen de la perception scientifique" 16.

 Xénocrate a commenté beaucoup de théories et enseignements oraux de son maître. Lui aussi tenait en très haute estime la doctrine de Pythagore, son système de nombres et sa mathématique. Ne reconnaissant que trois degrés de la reconnaissance, la Pensée, la Perception et l'Envisagement (ou connaissance par l'Intuition), il enseignait que la première avait affaire à tout ce qui est au-delà du ciel ; la Perception aux choses du ciel ; et l'Intuition au Ciel lui-même.

Nous retrouvons ces mêmes théories, et presque dans le même langage, dans le Manava-Dharma-Sastra, à propos de la création de l'homme : "Il (Le Suprême) prit de sa propre essence le souffle immortel qui ne périt pas dans l'être, et il donna à cette âme de l'être le guide souverain d'Ahankara (la conscience de l'égo). Il [24] donna alors à cette âme de l'être (l'homme) l'intellect formé par les trois qualités, et les cinq organes de la perception extérieure."

Ces trois qualités sont l'Intelligence, la Conscience et la Volonté ; correspondant à la Pensée, la Perception et l'Envisagement de  Xénocrate. II développa, plus que Speusippe, la relation entre les nombres et les Idées, et il s'éleva au-dessus de Platon dans sa définition de la doctrine des Magnitudes Indivisibles. Les ramenant à l'idéal de leurs éléments primaires, il démontra que toute figure, toute forme, naît de la ligne indivisible la plus ténue. Il est évident que Xénocrate entretenait  les mêmes idées que Platon au sujet de l'âme humaine (supposée être un nombre), bien qu'Aristote l'ait contredit, de même que tous les autres enseignements de ce philosophe 17. C'est une preuve concluante que beaucoup des doctrines de Platon furent données oralement, même s'il était prouvé que Xénocrate, et non Platon, fut le premier à enseigner la théorie des Magnitudes indivisibles. Il fait procéder l'Ame de la première Duade, et l'appelle un nombre mû par lui-même 18. Théophraste fait remarquer qu'il envisageait et éliminait cette théorie de l'Ame mieux qu'aucun autre Platonicien. Il échafauda sur elle la doctrine cosmologique et démontra qu'il existait de toute nécessité, dans chaque recoin de l'espace universel, une série successive et progressive d'êtres animés et pensants, bien que spirituels 19. Selon lui, l'Ame Humaine est un composé des propriétés les plus spirituelles de la Monade et de la Duade, possédant les principes les plus élevés des deux. Si, comme Platon et Prodicus, il parle des Eléments comme de Puissances Divines, en les appelant des dieux, ni lui, ni les autres n'y mettaient la moindre idée anthropomorphe. Krische prétend qu'il ne leur donne le nom de dieux que pour éviter de confondre ces pouvoirs élémentaires avec les dœmons du monde inférieur 20 (les Esprits Elémentaires). Puisque l'Ame du Monde interpénètre le Cosmos  tout entier, les animaux eux-mêmes doivent aussi avoir  quelque  chose  de divin 21. Cette doctrine est aussi celle des Bouddhistes et des Hermétistes, et Manou concède même aux plantes et au plus petit brin d'herbe, une âme vivante.

17 Metaph, 407, a, 3.

18 Appendice au Timée.

19 Stob : Ecl., 1, 62.

20 Krische : Forsch, p. 322, etc.

21 Clem. Alex Stro, v. 590.

22 Plutarque. De Isid, chap. 25, p. 360.

23 "Plato und die Alt. Akademie".

 

Suivant cette théorie, les dæmons sont des êtres intermédiaires entre la perfection divine et la corruption humaine 22 ; il les divise en deux classes, qui, elles-mêmes, se subdivisent en beaucoup d'autres. Mais il dit expressément que l'âme individuelle, [25] ou personnelle, est le principal dæmon gardien de chaque homme et qu'aucun dæmon n'a plus de puissance sur nous que le nôtre propre. Ainsi le Dæmon de Socrate est le dieu ou l'Entité Divine qui l'inspira pendant toute sa vie. Il dépend de l'homme lui-même d'ouvrir ou de fermer ses perceptions à la voix Divine. De même que Speusippe, il attribuait l'immortalité au ψuγη, le corps psychique, ou âme irrationnelle. Toutefois quelques philosophes Hermétistes ont enseigné que l'âme n'a une existence continue, séparée, qu'autant qu'elle conserve des particules terrestres ou matérielles, dans son passage à travers les sphères ; et qu'après purification absolue, celles-ci sont annihilées, et seule la quintessence de l'âme se fond dans l'esprit divin (le Rationnel) ; les deux ne font dès lors plus qu'un.

Zeller nous dit que Xénocrate défendait de manger la chair des animaux, non parce qu'il voyait dans les animaux quelque parenté avec l'homme, puisqu'il leur attribuait une faible conscience divine, mais, "pour la raison opposée, de peur que l'irrationalité des âmes animales n'obtienne par cela même une certaine influence sur nous 23". Nous croyons toutefois que c'était plutôt parce que, de même que Pythagore, il avait eu pour maîtres et pour modèles les sages hindous. Cicéron nous montre Xénocrate méprisant tout, sauf la vertu la plus élevée 24 ; et il décrit la sévère austérité sans tache de son caractère 25. "Notre but est de nous libérer de la sujétion de l'existence sensorielle, de vaincre les éléments Titanesques de notre nature terrestre, au moyen de la nature Divine." Zeller lui fait dire 26 : "Même dans les aspirations secrètes de nos cœurs, la pureté est le devoir le plus grand, et, seules, la philosophie et l'initiation aux Mystères nous aident à atteindre ce but."

Crantor, autre philosophe qui faisait partie des premiers temps de l'académie de Platon, concevait l'âme humaine comme formée de la substance primaire de toute chose, la Monade ou l'Un et de la Duade ou le Deux. Plutarque s'étend longuement sur ce philosophe, lequel, comme son maître, croyait que les âmes étaient réparties dans les corps terrestres comme punition et exil.

Bien que certains critiques ne croient pas qu'Héraclite ait adhéré strictement à la philosophie primitive de Platon 27, il professait la même morale. Zeller nous le montre enseignant, ainsi que Hicetas et Eephantus, la doctrine Pythagoricienne de la rotation diurne de la terre, et l'immobilité des étoiles fixes, mais il [26] ajoute qu'il ignorait la révolution annuelle de la terre autour du soleil, et le système héliocentrique 28. Mais il y a tout lieu de croire que ce système était enseigné dans les Mystères, et que Socrate mourut pour athéisme, c'est-à-dire pour avoir divulgué cette connaissance sacrée. Héraclite adoptait pleinement les notions de Pythagore et de Platon, sur l'âme humaine, ses facultés et ses propriétés. Il la décrit comme une essence lumineuse et éminemment éthérée. Il affirme que l'âme habite la voie lactée avant de descendre "dans la génération", ou existence sublunaire. Ses dæmons, ou esprits, sont des corps aériens et vaporeux.

24 Turc, v. 18, 51.

25 Idem. Cf., p. 559.

26 Platon et l'Anc. Académie.

27 Ed. Zeller. Philos. der Griech.

28 Plato und die Alt. Akademie.

 

La doctrine des nombres de Pythagore, en relation avec les choses créées, est clairement écrite dans l'Epinomis. Son auteur, en véritable Platonicien,  affirme  que  la  sagesse  ne  s'obtient  que  par  une étude approfondie de la nature occulte de la création ; seule, elle nous assure une existence de félicité après la mort. Cet ouvrage spécule grandement sur l'immortalité de l'âme, mais son auteur ajoute que nous ne pouvons arriver à cette connaissance que par une compréhension parfaite des nombres ; car celui qui ne peut distinguer une ligne droite d'une courbe, n'aura jamais assez de sagesse pour entreprendre la démonstration mathématique de l'invisible, c'est-à-dire que nous devons nous assurer de l'existence objective de notre âme (le corps astral) avant d'apprendre que nous possédons un esprit divin et immortel. Jamblique dit la même chose, ajoutant, toutefois, que c'est un secret appartenant à la plus haute initiation. Le Pouvoir Divin, dit-il, éprouve de la répugnance pour ceux qui "rendent manifeste la nature de l'icostagonus", c'est-à-dire ceux qui enseignent le moyen d'inscrire le dodécaèdre dans la sphère 29.

 29 Un des cinq solides en géométrie.

 

L'idée que les "nombres" possédant la plus grande vertu, produisent toujours le bien et jamais le mal, a rapport à la justice, à l'égalité de caractère, et à tout ce qui est harmonieux. En disant que chaque astre est une âme individuelle, l'auteur veut dire ce que les initiés Hindous et les Hermétistes enseignaient avant lui, c'est-à-dire que chaque astre est une planète indépendante, qui, comme notre terre, possède une âme propre, chaque atome de matière étant imprégné du flux divin de l'âme du monde. Elle respire et elle vit ; elle sent et elle souffre de même qu'elle jouit de la vie à sa manière. Quel est le naturaliste qui est préparé à le nier, preuves en mains ? Nous devons donc considérer les corps célestes comme les images de dieux ; participant aux pouvoirs divins dans leur substance ; et bien que n'étant pas immortels dans leur âme individuelle, leur action dans l'économie de l'univers mérite les honneurs divins, comme ceux qu'on rend aux [27] dieux mineurs. L'idée est claire, et il faut vraiment être mal intentionné pour la dénaturer. Si l'auteur de l'Epinomis place ces dieux ignés au-dessus des animaux, des plantes, et même de l'humanité, lesquels selon lui, étant tous des créatures terrestres, sont classés plus bas, qui peut prouver qu'il a tout à fait tort ? Il faut approfondir la métaphysique abstraite des anciennes philosophies, pour comprendre que les diverses incorporations de leurs conceptions, sont fondées, après tout, sur une compréhension identique de la nature de la Cause Première, de  ses attributs et de sa méthode.

 En outre, lorsque l'auteur de l'Epinomis place entre ces dieux les plus hauts et les plus bas (les âmes incarnées) trois classes de dæmons peuplant l'univers d'êtres invisibles, il est plus rationnel que nos savants modernes, qui ouvrent entre ces deux extrêmes un vaste hiatus, terrain de jeu de forces aveugles. De ces trois classes, les deux premières sont invisibles ; leurs corps sont éther pur et feu (esprits planétaires) ; les daimons de la troisième classe ont des corps vaporeux ; ils sont généralement invisibles, mais se rendent parfois concrets et deviennent visibles pendant quelques instants. Ce sont les esprits terrestres ou nos âmes astrales.

Ce sont ces doctrines qui, étudiées par analogie et d'après le principe de correspondance, amenèrent les anciens et amèneront peut-être aussi, petit à petit, les Philalètes modernes, vers la solution des plus grands mystères. La science moderne est sur le bord du gouffre sombre qui sépare le monde spirituel du monde physique ; les yeux fermés, détournant la tête, elle affirme le gouffre sans fond et infranchissable, alors qu'elle n'aurait qu'à descendre dans ce gouffre la torche qu'elle tient en main pour se rendre compte de son erreur. Mais le disciple patient de la philosophie Hermétique a jeté un pont au-dessus de l'abîme.

Tyndall, dans ses Fragments of Science, fait la triste confession suivante : "Si vous me demandiez si la science a résolu, ou s'il est probable qu'elle puisse résoudre aujourd'hui le problème de l'univers, je me vois forcé d'avouer que j'en doute." Quand il revient, plus tard, sur cette opinion en assurant à ses auditeurs que la preuve expérimentale l'a amené à découvrir, dans la matière tant décriée, la "promesse et les potentialités de toute vie", il ne faisait que plaisanter. Il serait aussi difficile, pour le professeur Tyndall, de fournir la preuve définitive et irréfutable de ce qu'il avance, qu'il l'était, pour Job, de mettre le harpon dans la gueule du léviathan.

Pour éviter la confusion qui peut résulter du fréquent emploi de certains termes dans un sens différent de celui qui est familier au lecteur, quelques explications seront utiles. Nous désirons ne laisser aucun prétexte à malentendus ou à fausses interprétations. La Magie peut avoir une signification pour une classe de lecteurs [28] et une autre pour ceux d'une autre classe. Nous lui donnerons donc le sens qu'elle a dans l'esprit de ceux qui l'étudient et la pratiquent en Orient. Il en sera de même des termes Science-Hermétique, Occultisme, Hiérophante, Adepte, Sorcier, etc., sur la signification desquels on est peu d'accord depuis quelque temps.   Quoique les distinctions entre les termes soient très souvent insignifiantes – purement ethniques – il peut néanmoins être utile, pour le lecteur en général, de savoir au juste en quoi elles consistent. Nous en donnons donc quelques-unes par ordre alphabétique.

AETHROBATIE est le mot grec qui désigne le fait d'être soulevé ou de se mouvoir dans l'air ; ce que les spirites modernes nomment lévitation. Elle peut être consciente ou inconsciente. Dans le premier cas, c'est de la magie ; dans le second, c'est le résultat d'une maladie ou d'un pouvoir qui nécessite quelques mots d'explication.

Une explication symbolique de l'aéthrobatie est donnée dans un vieux manuscrit Syriaque, traduit au XVème siècle par un alchimiste nommé Malchus. Au sujet du cas de Simon le Mage, on lit "Simon prosterné face contre  terre  murmura  à son oreille : O terre, ma mère, donne-moi, je te prie, un peu de ton souffle et je te donnerai le mien ; "libère-moi, ô mère, pour porter tes paroles aux étoiles, et je reviendrai fidèlement vers toi". Et la Terre concentrant son énergie sans qu'elle eût à en souffrir, envoya son Génie insuffler de son souffle à Simon, pendant qu'il  lui  donnait  du sien ; et les étoiles se réjouirent d'être visitées par le Puissant."

Ici, le point de départ est le principe électro-chimique, d'après lequel les corps semblablement électrisés, se repoussent mutuellement, tandis que ceux électrisés différemment s'attirent. "La notion la plus élémentaire de la chimie, dit le professeur Cooke, montre que, tandis que des radicaux de nature opposée se combinent avec avidité, deux métaux ou deux métalloïdes proches ne montrent que très peu d'affinité l'un pour l'autre."

En fait, la terre est un corps magnétique ; ainsi que plusieurs savants l'ont constaté, elle est un vaste aimant, comme l'affirmait Paracelse il y a trois cents ans. Elle est chargée d'une forme d'électricité – (appelons-la positive) – qu'elle développe continuellement par une  action spontanée dans sa partie intérieure ou centre de mouvement. Les corps humains, comme toutes les autres formes de matière, sont chargés de l'autre électricité (négative). C'est-à-dire que les corps organiques et inorganiques, abandonnés à eux-mêmes, se chargent constamment et involontairement et dégagent l'électricité de nom contraire à celle de la terre elle-même. Or, qu'est-ce que le poids ? Simplement la force d'attraction de la [29] terre. "Sans l'attraction de la terre, vous n'aurez point de poids", dit le professeur Stewart 30, et si vous aviez une terre deux fois plus lourde, l'attraction serait double." Comment se soustraire à cette attraction ? D'après la loi mentionnée plus haut, il y a une attraction entre notre planète et les organismes terrestres, qui retiennent ces derniers à sa surface. Mais la loi de gravitation a été contrariée dans bien des cas, par des lévitations de personnes ou d'objets inanimés. Comment l'expliquer ? Les conditions de notre organisme physique, disent les philosophes théurgistes, dépendent largement de l'action de notre volonté. Bien réglée, elle peut produire "des miracles", et, entre autres, un changement de cette polarité électrique, en transformant par exemple l'électricité négative en positive. Dès lors, les relations de l'homme avec la terre-aimant, d'attractives deviennent répulsives, et la gravitation cesse pour lui. Il devient, par conséquent, aussi naturel, pour l'homme, de s'élever dans les airs, autant que dure cette force répulsive, que ce l'était auparavant de demeurer rivé au sol. La hauteur de sa lévitation, dans ces conditions, sera proportionnelle à la plus ou moins grande faculté qu'il possède de charger son corps d'électricité positive. Ce pouvoir d'agir ainsi sur les forces physiques une fois acquise, la modification de son poids serait aussi facile que de respirer.

L'étude des affections nerveuses a permis de  constater  que, même dans le cas de somnambulisme ordinaire, aussi bien que dans les phénomènes de somnambulisme provoqué, le poids du corps paraît diminué. Le professeur Perty fait mention d'un Somnambule, Koehler, qui, étant dans l'eau, ne pouvait point s'enfoncer, mais flottait. La voyante de Prevorst s'élevait à la surface de son bain, et ne pouvait y être maintenue assise. Il parle aussi d'Anna Fleisher, qui, étant sujette à des attaques d'épilepsie, fut souvent vue par le surintendant de l'établissement s'élevant dans l'air ; une fois, en présence de deux témoins dignes de foi (deux doyens), elle s'éleva à une hauteur de plus de deux mètres au-dessus de son lit, dans une position horizontale. Un cas analogue, celui de Marguerite Rule, est cité par Upham, dans son "History of Salem Zvitchcraft" 31 "Chez des sujets extatiques, ajoute le professeur Perty, l'élévation dans l'air a lieu beaucoup plus fréquemment que chez les somnambules. Nous sommes   si habitués à considérer la gravitation comme quelque chose d'absolu et d'immuable, que l'idée d'un soulèvement complet ou partiel, en opposition avec cette loi, paraît inadmissible ; néanmoins, il y a des phénomènes où la gravitation est surmontée au moyen de forces matérielles. Dans plusieurs maladies, comme, par exemple, la [30] fièvre nerveuse, le poids du corps humain semble augmenter, tandis que, dans tous les cas des extatiques, il paraît être diminué. Il peut y avoir, de même, d'autres forces que matérielles pour contrecarrer cette puissance.

30 The Sun and the Earth. Conférence de Manchester, 13 nov. 1872.

31 (Histoire des Sorcières de Salem).

 

Un journal de Madrid, El Criterio Espiritista, d'une date récente, rapporte le cas d'une jeune paysanne, près de Santiago, qui offre un intérêt tout spécial à ce propos. "Deux barres de fer aimanté, tenues horizontalement au-dessus d'elle à un demi-mètre de distance, suffisaient à tenir son corps suspendu en l'air."

Si nos médecins expérimentaient sur de tels sujets lévités, ils les trouveraient fortement chargés de fluide électrique de même nature que celui du lieu qui, suivant la loi de la pesanteur, devrait les attirer ou plutôt empêcher leur lévitation. Si quelques cas de désordres physiques nerveux, aussi bien que l'extase spirituelle, produisent sur le sujet ces mêmes effets inconsciemment, cela prouve que si cette force dans la nature était convenablement étudiée, elle pourrait être réglée à volonté.

ALCHIMISTES – Ce mot vient de A1 et de Chemi, le feu ou le dieu et patriarche : Kham qui est aussi le nom de l'Egypte. Les Rosicruciens du moyen âge tels que Robertus de Fluctibus (Robert Fludd), Paracelse, Thomas Vaughan (Eugenius Philalethes), Van Helmont et autres, étaient tous des alchimistes qui cherchaient l'esprit caché dans toute matière inorganique. Quelques-uns, que dis-je ! La grande majorité des hommes ont accusé les alchimistes de charlatanisme et de mensonge. Assurément, des hommes comme Roger Bacon, Agrippa, Henry Kunrath et l'Arabe Geber (celui qui, le premier, apporta en Europe quelques-uns des secrets de la chimie) peuvent difficilement être tenus pour des imposteurs et encore moins pour des insensés. Les savants qui réforment la physique sur les bases de la théorie atomique de Démocrite, telle qu'elle a été reformulée par John Dalton, oublient pour leur commodité que Démocrite d'Abdère était un alchimiste, et qu'un esprit capable de pénétrer si avant dans une certaine direction, dans les secrètes opérations de la nature, a dû avoir de bonnes raisons d'étudier pour devenir un philosophe hermétique.

 Olaus Borrichias dit qu'il faut chercher le berceau de l'alchimie dans des temps les plus reculés.

LUMIERE ASTRALE. – C'est la lumière sidérale de Paracelse et des autres philosophes hermétiques. Physiquement, c'est l'éther de la science moderne. Métaphysiquement, et dans son acception spirituelle ou occulte, l'éther est quelque chose de plus que ce qu'on s'imagine souvent. Il est bien démontré dans la physique occulte et dans l'alchimie, qu'il renferme dans ses ondes sans limites, non seulement la promesse et les potentialités de toute [31] sorte de vie telle que l'entend M. Tyndall, mais encore la réalisation de la puissance de toute espèce d'esprit. Alchimistes et Hermétistes croient que leur éther astral ou sidéral, outre les propriétés ci- dessus du soufre et celles de la magnésie blanche et rouge, ou magnes, est l'anima mundi, l'atelier de la Nature et du cosmos, aussi bien spirituellement que physiquement. Le "grand magisterium" s'affirme dans le phénomène du mesmérisme, dans la "lévitation" d'êtres humains et d'objets inertes, et on peut l'appeler l'éther envisagé sous son aspect spirituel.

La dénomination astral est ancienne et elle était employée par quelques Néo-Platoniciens. Porphyre décrit le corps céleste, toujours joint à l'âme, comme "immortel, lumineux, et ressemblant à une étoile". La racine de ce mot vient peut-être du mot Scythe : Aist-aer  qui signifie étoile, ou du mot assyrien Istar qui, suivant Burnouf, à le même sens. Comme les Rosecroix envisageaient le réel comme directement opposé à l'apparent ; ils enseignaient que ce qui paraît lumière pour la matière n'est qu'obscurité pour l'esprit et ils cherchaient celui-ci dans l'océan astral de feu invisible qui enveloppe le monde ; ils prétendent avoir suivi la trace de l'esprit divin, également invisible, qui adombre chaque homme et est, à tort, appelé âme, jusque devant le trône du Dieu Invisible et Inconnu. Comme la grande cause doit toujours rester invisible et impondérable, ils ne pouvaient prouver leurs assertions que par la démonstration  de ses effets sur le monde matériel, en les faisant descendre de l'inconnu des causes dans l'univers connu des effets. Ils démontraient que cette lumière astrale pénètre tout le cosmos et, dans son état latent, jusqu'à la molécule la plus ténue du rocher, s'appuyant, pour cela, sur le phénomène de l'étincelle que l'on fait jaillir du silex et de toute autre pierre, dont l'esprit, lorsqu'il est violemment troublé, se révèle aux regards sous forme d'étincelle, et disparaît aussitôt dans le domaine de l'inconnu.

 Paracelse l'appelle la lumière sidérale, empruntant le terme au latin. Il considère la foule des étoiles (y compris notre terre) comme des parties condensées de la lumière astrale, "tombées dans la génération et la matière", mais dont les émanations magnétiques ou spirituelles conservent constamment une incessante inter-communication entre elles et la source- mère de tout – la lumière astrale. "Les étoiles exercent sur nous un mouvement d'attraction et nous en exerçons un semblable sur elles", dit-il. Le corps est le bois, et la vie est le feu, qui vient, comme la lumière, des étoiles et du ciel. "La magie, dit-il encore, est la philosophie de l'alchimie 32". Tout ce qui appartient au monde spirituel  doit  nous [32] venir par l'intermédiaire des étoiles et si nous sommes en bonne amitié avec elles, nous arriverons à produire les effets magiques les plus grands.

32 De Ente Spirituali, lib. IV ; de Ente astrorum, lib. I ; et opera omnia, vol. I, pp. 634 et 699.

 

"Comme le feu traverse les parois d'un poêle en fonte, les étoiles passent à travers l'homme avec toutes leurs propriétés et pénètrent en lui, comme la pluie dans la terre qui, grâce à elle, produit des fruits. Or, remarquez-le, les étoiles entourent la terre comme la coquille l'œuf ; l'air passe et pénètre à travers la coquille jusqu'au centre du monde." Le corps humain est soumis à une double loi, comme la terre, les planètes et les étoiles ; il attire et repousse, car il est saturé d'un double magnétisme, l'influx de la lumière astrale. Toute chose est double dans la nature. Le magnétisme est positif et négatif, actif et passif, mâle et femelle. Pour l'humanité, la nuit constitue un repos après l'activité du jour ; elle rétablit ainsi l'équilibre dans la nature humaine aussi bien que cosmique. Lorsque le mesmériseur aura appris le grand secret qui consiste à polariser l'action et à douer son fluide d'une force bisexuelle, il sera devenu le plus grand magicien vivant. La lumière astrale est donc androgyne, car l'équilibre est la résultante de deux forces opposées, réagissant éternellement l'une sur l'autre. Le résultat de cette réaction c'est la VIE. Lorsque les deux forces sont étendues et restent inactives assez longtemps pour s'égaler et aboutir à un repos complet c'est la MORT. Un être humain peut souffler le chaud ou le froid et il peut absorber de l'air chaud ou froid. Un enfant sait comment régler la température de son souffle ; mais aucun physiologiste n'a encore appris d'une manière certaine à se préserver de l'air chaud ou froid. La lumière astrale seule, principal facteur en magie, peut nous dévoiler tous les secrets de la nature. La lumière astrale est identique à l'Akasa des Hindous, terme que nous allons maintenant expliquer.

 AKASA. – Littéralement, ce mot, en sanscrit, signifie firmament ; mais, dans son sens mystique, il a la signification de ciel invisible ; ou, comme les Brahmanes l'appellent dans le sacrifice du Soma (le Gyotishtoma Agnishtoma) c'est le dieu Akasa ou le dieu Firmament. La langue des Vedas montre que les Indous d'il y a cinquante siècles lui attribuaient les mêmes propriétés que les lamas Tibétains d'aujourd'hui, et qu'ils le regardaient comme la source de vie, le réservoir de toute énergie et le moteur de toutes les transformations de la matière. Dans son état latent, il répond exactement à l'idée que nous avons de l'éther universel ; à l'état actif, il devient l'Akasa, le dieu tout-puissant, dirigeant tout. Dans les mystères et sacrifices Brahmaniques, il joue le rôle de Sadasya, présidant aux effets magiques des cérémonies religieuses ; de plus, il a son prêtre spécial, ou Hotar, qui prit son nom. Dans l'Inde, [33] comme en d'autres contrées de l'antiquité, les prêtres sont sur la terre les représentants de différents dieux ; chacun d'eux prend le nom de la divinité au nom de laquelle il agit.

L'Akasa est l'agent indispensable de toute Kritya (opération magique) soit religieuse, soit profane. L'expression brahmanique : Brahma jinvati : " Susciter le Brahma" signifie : éveiller le pouvoir qui se trouve latent au fond de toute opération magique de cette nature, car les sacrifices védiques ne sont que de la magie cérémonielle. Ce pouvoir est l'Akasa ou électricité occulte ; c'est aussi dans un certain sens l'Alkahest des alchimistes ou le dissolvant universel, la même anima mundi que la lumière astrale. Au moment du sacrifice, cette dernière s'imprègne de l'esprit de Brahma, et devient ainsi, momentanément, Brahma lui-même. C'est évidemment là l'origine du dogme chrétien de la transubstantiation. Quant aux effets les plus généraux de l'Akasa, l'auteur d'un des ouvrages les plus modernes sur la philosophie occulte (l'Art magique), donne pour la première fois une explication très intelligente et intéressante de l'Akasa dans ses rapports avec les phénomènes attribués à son influence par les fakirs et les lamas.

ANTHROPOLOGIE. – C'est la science de l'homme qui embrasse entre autres choses :

La Physiologie, branche de la science naturelle qui étudie les mystères des organes et leurs fonctions dans l'homme, dans les animaux et les plantes. Elle comprend aussi, et spécialement :

 La Psychologie, cette grande science de l'âme, de nos jours si négligée, âme considérée tant comme entité distincte de l'esprit, que dans ses relations avec l'esprit et le corps. Dans la science moderne, la psychologie s'occupe seulement, ou principalement, des conditions du système nerveux et ignore, presque totalement, l'essence et la nature psychique. Les médecins appellent psychologie la science qui traite de l'aliénation mentale, et la chaire qui, dans les facultés, est consacrée à l'étude de la folie, porte cette étiquette.

CHALDEEENS OU KASDIM. – Ce fut d'abord une tribu, et, plus tard, une caste de savants cabalistes. Ils étaient les savants, les mages de Babylone, astrologues et devins. Le célèbre Hillel, précurseur  de Jésus dans la philosophie et la morale, était Chaldéen. Frank, dans sa Kabbala, signale la ressemblance intime qui existe entre la doctrine secrète de l'Avesta et la métaphysique religieuse de la Chaldée.

CREATION. – Le lecteur est prévenu que le mot est employé par l'auteur avec l'unique dessein de ne pas créer de confusion inutile. Pour nous "création" veut toujours dire la formation de [34] quelque chose à l'aide de matériaux préexistants. Le terme Evolution n'étant pas encore assez usité, nous avons préféré la vieille expression. Inutile d'ajouter que nous ne croyons pas à la création spontanée, même d'un atome. La matière est éternelle ; ce que nous en voyons est la substance concrète et visible d'un TOUT spirituel et abstrait.

DACTYLES (daktulos, doigt). – Nom donné aux prêtres du culte de.Kybelé (Cybèle). Quelques archéologues font dériver ce mot de : dactulos, mot grec qui signifie : "doigt" parce qu'ils étaient dix ; comme les doigts des mains. Nous ne croyons pas néanmoins que cette hypothèse soit exacte. Les nombres de Pythagore en donneront une idée bien plus correcte.

DÆMONS. – Nom donné par les peuples de l'antiquité, et particulièrement par les philosophes de l'école d'Alexandrie, à tous genres d'esprits, bons ou mauvais, humains ou autres. Cette désignation est souvent synonyme de dieux et anges. Mais quelques philosophes ont essayé, avec raison, de faire une juste distinction entre ces nombreuses classes.

 DÉMIURGE OU DEMIURGOS. – L'artisan : Le Suprême Pouvoir qui a bâti l'Univers. Les franc-maçons ont tiré de ce mot leur : "Architecte Suprême". Les principaux magistrats de certaines cités Grecques portaient ce titre.

DERVICHES. – Ou "enchanteurs tourneurs", comme on les appelle. A part les austérités de la vie, la prière et la contemplation, les dévots Mahométans n'offrent que peu de ressemblance avec le "fakir" Indou. Ce dernier, peut devenir Samnyasi ou saint et mendiant sacré ; le premier, ne dépasse jamais la seconde classe de manifestations occultes. Le derviche peut être aussi un puissant magnétiseur, mais il ne se soumettra jamais aux incroyables épreuves et aux châtiments que s'afflige le fakir qui invente de nouveaux supplices avec une frénésie toujours croissante jusqu'à ce que la nature succombe et qu'il meure en d'affreuses et lentes tortures. Les opérations les plus terribles, telles que se faire écorcher les membres vifs, se faire amputer les orteils, les pieds, les jambes, arracher les yeux, se laisser enterrer vif jusqu'au cou et passer des mois entiers dans cette cruelle position, paraissent être des jeux d'enfant pour eux. Une des tortures la plus courante, à laquelle ils se soumettent est celle du Tshiddy-Parvady 33. Elle consiste à suspendre le "fakir" à l'une des branches mobiles d'une sorte [35] de gibet que l'on voit dans le voisinage de beaucoup de temples. A l'extrémité de cette branche, est fixée une poulie sur laquelle passe une corde terminée par un crochet en fer. Ce crochet est plongé dans le dos du fakir qui, inondant le sol de son sang est enlevé en l'air ; puis on le fait tourner autour du bras du gibet. Depuis le début de cette cruelle opération jusqu'à ce qu'il soit décroché, ou que la chair se déchire sous le poids du corps et qu'il tombe sur la tête des spectateurs, pas un muscle de sa face ne remue. Il reste calme et grave et aussi maître de lui que s'il prenait un bain rafraîchissant. Le "fakir" aura un sourire de mépris en présence de toutes les tortures imaginables, persuadé que, plus son corps mortel est mortifié, plus son corps intérieur, spirituel, deviendra brillant et saint. Mais  jamais le derviche, ni dans l'Inde, ni dans d'autres pays Musulmans, ne se soumettrait à de pareilles épreuves.

 33 Plus communément nommé : charak-poûjâ.

 

DRUIDES. – Caste sacerdotale qui florissait dans la Grande-Bretagne et dans la Gaule.

 

ESPRIT. – Le défaut d'un accord mutuel des écrivains dans l'emploi de ce mot a eu pour résultat une confusion complète.   On en fait communément un  synonyme d'âme,  et les auteurs de dictionnaires renforcent cet usage. C'est la conséquence naturelle de notre ignorance de l'autre mot, et de notre rejet de la classification des anciens. Nous essayons, ailleurs, de rendre claire la distinction qui existe entre ces deux termes "esprit" et "âme". II n'y a pas, dans cet ouvrage, de passage plus important. En attendant, nous nous contenterons de dire que l' "esprit" est le voũς nous de Platon, le septième principe immortel, immatériel, et purement divin de l'homme, la couronne de la Triade humaine, tandis que :

L'âme est le ψuγή ou le nephesh de la Bible, le principe vital, ou le souffle de vie que tout animal, jusqu'aux infusoires, partage avec l'homme et possède comme lui. Dans les traductions de la Bible ce terme est rendu indifféremment par les mots vie, sang, âme. "Ne tuons pas son nephesh", dit le texte original ; "Ne le tuons pas" traduisent les chrétiens (Genèse XXXVII, 21.) et ainsi de suite.

ESPRITS ELEMENTAUX. – Les créatures évoluant dans les quatre règnes de la terre, de l'air, du feu et de l'eau, et appelées par les cabalistes : gnomes, sylphes, salamandres et ondines. On peut les appeler les forces de la nature ; ils agissent, soit comme agents serviles des lois générales, soit comme agents employés par les esprits désincarnés, purs ou impurs, et par les adeptes vivants [36] de la magie et de la sorcellerie, pour produire des phénomènes déterminés. Ces êtres ne deviennent jamais des hommes 34.

 34 Les personnes qui croient au pouvoir de clairvoyance mais qui sont disposées à douter de l'existence, dans la nature, d'autres esprits que des esprits humains désincarnés, seront intéressées par la lecture du compte rendu d'observations de clairvoyance paru dans le London Spiritualist du dames blanches, etc. Ils ont été vus, redoutés, bénis, chassés et invoqués dans toutes les parties du globe et dans tous les temps. Devons-nous donc admettre que tous ceux qui en ont rencontré étaient des hallucinés ?

 

Sous la désignation générale de fées et de nymphes des bois, ces esprits des éléments apparaissent dans le mythe, la fable, la tradition ou la poésie de toutes les nations anciennes ou modernes. Les noms qu'on leur donne sont légion : péris, devs, djins, sylvains, satyres, faunes, elphes, nains,  kohigans,  farfadets,  kobolds,  ondines,  dryades,  goblins,   goules, 29 juin 1877. Au moment où un orage allait éclater, la voyante aperçut un "esprit lumineux émergeant d'un nuage sombre et traversant l'espace avec la rapidité de l'éclair. Quelques minutes après, elle vit une ligne diagonale d'esprits sombres dans les nuages". Ce sont les Marouts des Vedas. (Voir Rig-Veda-Sanhita de Max Muller).

Mrs Emma Hardinge Britten, conférencière bien connue et estimée, écrivain et clairvoyante, a publié des récits de ses fréquentes expériences avec les esprits élémentaires.

 Ces élémentaux sont, en spiritisme, les principaux agents des esprits désincarnés, mais jamais visibles dans les séances spirites, et ce sont eux qui y produisent tous les phénomènes, sauf les subjectifs.

ESPRITS ELEMENTAIRES. – A proprement parler, les âmes désincorporées des hommes dépravés ; ces "âmes" s'étant séparées finalement avant la mort, de leur esprit divin, ont ainsi perdu toute chance d'immortalité. Eliphas Levi et quelques autres Cabalistes ne font guère de distinction entre les esprits élémentaires, qui furent des humains, et les êtres qui peuplent les éléments et sont les forces aveugles de la nature. Séparées de leur corps, les âmes (que l'on nomme aussi "corps astrals"), de personnes purement matérielles sont irrésistiblement attirées vers la terre, où elles ont une existence temporaire et limitée, parmi les éléments en affinité avec leur nature grossière. Pour n'avoir jamais cultivé leur spiritualité pendant leur vie naturelle, mais toujours subordonné celle-ci à ce qui est grossier et matériel, elles sont maintenant impropres à la carrière plus élevée des êtres purs désincarnés, pour lesquels l'atmosphère terrestre est étouffante et méphitique et qui aspirent à la fuir. Après un laps de temps plus ou moins long, ces âmes matérielles se désagrègent et, finalement, se fondent, atome par atome, comme une colonne de nuée, dans les éléments environnants.[37]

ESSENIENS. – De Asa, le guérisseur, secte juive que Pline dit avoir vécu près de la Mer Morte, "per millia seculorum", pendant des milliers de siècles. Quelques auteurs ont supposé qu'ils étaient des ultra-Pharisiens ; d'autres, qui pourraient être dans le vrai, supposent que ce sont les descendants des Benim Nabim de la Bible et qu'ils étaient des "Kénites" et des Nazarites. Ils avaient beaucoup d'idées et de pratiques bouddhiques ; il est aussi à remarquer que les prêtres de la Grande Mère à Ephèse, de Diane-Bhavani aux nombreuses mamelles, étaient également désignés de la même façon. Eusèbe, et, après lui, De Quincey, déclare que ce sont les premiers chrétiens, ce qui est plus que probable. Le titre de "frère" usité dans l'Église primitive était une appellation Essénienne : Ils formaient une fraternité, un koinobion ou communauté, comme celle des premiers convertis. Or, il faut remarquer que, seuls, les Saducéens ou Zadokites, la caste  sacerdotale  et  leurs  partisans,  ont  persécuté  les  chrétiens.  Les Pharisiens étaient généralement scholastiques et doux et prenaient souvent parti pour eux. Jacques le Juste demeura Pharisien jusqu'à sa mort ; par contre, Paul ou Aher était tenu pour schismatique.

ÉVOLUTION. – C'est le développement des ordres supérieurs d'animaux issus des inférieurs. La science moderne, dite exacte, s'en tient à une évolution physique unilatérale, évitant prudemment et ignorant l'évolution spirituelle plus élevée, ce qui obligerait nos contemporains à reconnaître la supériorité des philosophes et psychologues anciens. Les sages de l'antiquité, en remontant à l'INCONNAISSABLE, prenaient pour point de départ la première manifestation de l'invisible, l'inévitable, et, par un raisonnement de logique stricte, l'absolue nécessité de l'Etre  Créateur, le Démiurge de l'Univers. Pour eux, l'évolution commençait avec le pur esprit, qui, descendant de plus en plus bas, prenait finalement une forme visible et compréhensible, et devenait matière. Arrivés à ce point, ils spéculèrent suivant la méthode de Darwin, mais sur une base bien plus étendue et bien plus large.

Dans le Rig-Veda-Sanhita, le livre le plus ancien du monde 35 auquel les plus prudents des Indianistes et des Sanscritistes assignent une antiquité de deux à trois mille ans avant Jésus-Christ), il est dit dans le premier livre "Hymnes aux Marouts" :

"Le Non-Etre et l'Etre sont au plus haut des Cieux, dans le lieu de naissance de Daksha, dans le sein d'Aditi."

 (Mandala 1 soukta 166)

35 Traduit par Max Müller, Prof. de Philologie Comparée à Oxford.

 

"Dans le premier temps des Dieux, l'Etre (la Divinité compréhensible) était né du Non-Etre (celui que nulle intelligence ne peut [38] comprendre) ; après lui, naquirent les Régions (l'invisible), et d'elles naquit Outtanapada".

"D'Outtanapada naquit la Terre et de la Terre naquirent les Régions (visibles). Daksha naquit d'Aditi, et Aditi de Daksha."

 (Mandala, 1 soukta 166 et suiv.)

 Aditi, c'est l'Infini, et Daksha est daksha-pitarah dont le sens littéral est les pères des dieux, ce que Max Muller et Roth traduisent par les pères de la force, "conservant, possédant et accordant des facultés". Il est donc facile de constater que "Daksha né d'Aditi et Aditi née de Daksha" signifie ce que les modernes appellent "la corrélation des forces" d'autant plus que nous trouvons les lignes suivantes dans ce passage (traduit par Prof. Muller) :

"Je fais d'Agni la source de tous les êtres, le père des forces"(III, 27, 2). C'est l'idée claire et identique qui prévalait dans les doctrines des Zoroastriens, des Mages et des philosophes de la fin du moyen âge. Agni est dieu du feu, de l'Ether Spirituel, la substance même de l'essence divine du Dieu Invisible présent dans chaque atome de Sa création et appelé par les Rose-croix le "Feu Céleste". Si seulement nous comparons soigneusement les versets de ce même Mandala dont l'un dit : "Le ciel est votre père, la terre votre mère, Soma votre frère, et Aditi votre sœur" (1, 191, 6), avec l'inscription qui figure sur les Tables d'Emeraude d'Hermes, nous y trouvons la même base de philosophie métaphysique, des doctrines identiques !

"Comme toutes choses furent produites par la médiation d'un seul être, toutes choses dérivèrent de cette seule chose, par adaptation : Son père est le soleil, sa mère est la lune, etc. Sépare la terre du feu, le subtil du grossier. Ce que j'avais à dire sur l'opération du soleil est complété".

 (Table d'Emeraude) 36

36 Comme nous traiterons plus loin de la parfaite identité des doctrines philosophiques et religieuses de l'antiquité, nous ne nous étendrons pas sur ce sujet, pour le moment.

37 Rig-Veda-Anhita, p. 234.

 

 Le professeur Max Muller voit dans ce Mandala" enfin une sorte de théogonie,    quoique    remplie    de    contradictions" 37.    Les alchimistes, cabalistes et adeptes de la philosophie mystique y trouveront un système parfaitement défini de l'évolution dans la Cosmogonie d'un peuple qui vivait des milliers d'années avant notre ère. Ils y trouveront en outre une parfaite identité de pensée, et même de doctrine, avec la philosophie Hermétique et celle aussi de Pythagore et de Platon.

Dans l'Evolution, telle qu'on commence maintenant à la comprendre, on suppose la matière douée d'une tendance à prendre une forme plus élevée – hypothèse clairement exprimée par Manou et les autres philosophes Indous de la plus haute antiquité. L'arbre [39] des philosophes en est une illustration dans le cas de la solution de sels de zinc 38. La controverse engagée entre les partisans de cette école et les Emanationnistes peut être brièvement exposée ainsi : l'Evolutionniste arrête toute recherche aux frontières de l' "Inconnaissable", l'Emanationniste croit que rien ne peut évoluer, ou, pour être plus clair, il suppose que rien ne peut sortir de la matrice et naître, à moins que ce phénomène n'ait été précédé d'une phase d'involution, ce qui montre que la vie vient d'une puissance spirituelle qui est au dessus de tout.

38 Il s'agit ici de l'une de ces végétations cristallines obtenues, en chimie, par des précipités de sels déterminés (N. de l'E.).

 

FAKIRS. –– Dévots religieux de l'Inde. Ils sont généralement attachés aux pagodes Brahmaniques et suivent les lois de Manou. Un fakir strictement religieux est absolument nu à l'exception d'un petit morceau d'étoffe appelée dhoti, autour des reins. Il porte les cheveux longs et s'en sert comme des poches, y piquant divers objets, tels qu'une pipe, une petite flûte nommée vagudah dont les sons jettent les serpents dans une torpeur cataleptique et parfois sa baguette de bambou, d'un pied de long environ, avec les sept nœuds mystiques. Le fakir reçoit cette baguette magique, de son gourou le jour de son initiation, en même temps que les trois mantrams qui lui sont communiqués "de la bouche à l'oreille". On ne verra jamais un fakir sans ce puissant auxiliaire ; c'est, à ce qu'ils prétendent tous, la baguette divinatoire et la cause de tous les phénomènes occultes produits par eux 39. Le Fakir brahmanique se distingue complètement du    mendiant musulman de l'Inde et que l'on appelle aussi fakir dans certaines parties du territoire britannique.

39 Philostrate assure que, de son temps, les Brahmines pouvaient opérer les cures les plus merveilleuses en prononçant simplement certaines paroles magiques. "Les Brahmines Indiens portent un bâton et un anneau au moyen desquels ils peuvent faire presque tout ce qu'ils veulent". Origène, dans son livre Contra Celsum, déclare la même chose. Mais si on ne joint pas un fort fluide magnétique, par le regard, par exemple, et sans autre contact, aucun mot magique ne sera efficace.

 

HERMETISTES. – D'Hermès, le dieu de la Sagesse connu en Egypte, en Syrie et en Phénicie sous les noms de Thoth, Tat, Adad, Seth et Sat-an (qu'il ne faut pas prendre dans le sens où l'entendent les Musulmans et les Chrétiens), et en Grèce sous celui de Kadmos. Les cabalistes l'identifient avec Adam Kadmon, la première manifestation de la Puissance Divine, et avec Enoch. Il y a eu deux Hermès ; le plus ancien fut le Trismégite et, le second, une émanation, une "permutation" du premier, le frère et le précepteur d'Isis et d'Osiris. Hermès est le dieu de la sagesse sacerdotale, comme Mazeus. [40]

HIEROPHANTE. – Révélateur de la Science Sacrée. L'Ancien, le chef des Adeptes aux initiations, qui expliquait aux néophytes la  science secrète, portait ce titre. En Hébreu et en Chaldéen le terme était Peter qui veut dire ouvreur, dévoileur. Par conséquent, le Pape, comme successeur des hiérophantes des anciens Mystères, siège sur la chaire païenne de Saint-Pierre. La haine de l'Eglise Catholique contre les alchimistes et la science astronomique et secrète, s'explique par le fait que ces connaissances étaient une antique prérogative de l'hiérophante ou représentant de Pierre, qui gardait les mystères de la vie et de la mort. C'est pourquoi des hommes tels que Bruno, Galilée et Kepler, et même Cagliostro, qui empiétèrent sur le domaine réservé à l'Eglise, ont été condamnés et mis à mort.

Chaque nation a eu ses mystères et ses hiérophantes. Les Juifs eux- mêmes eurent leur Pierre – Tanaïm ou Rabbin, tels que Hillel, Akiba 40 et autres fameux cabalistes, qui, seuls, pouvaient enseigner le terrible savoir contenu dans la Merkaba. Il y eut, autrefois, dans l'Inde, un hiérophante ; il y en a aujourd'hui plusieurs, répandus dans le pays, attachés aux principales Pagodes, et connus comme Brahma-âtmâs. Dans le Tibet, le chef hiérophante est le Dalaï ou Talé-Lama de Lha-ssa 41. Parmi les nations chrétiennes,  les  Catholiques  seuls  ont  conservé  cette  coutume païenne, dans la personne de leur Pape, quoiqu'ils aient pitoyablement rabaissé la majesté et la dignité de cette fonction sacrée.

 40 Akiba, ami d'Aher, qu'on dit avoir été l'apôtre Paul de l'histoire chrétienne. Tous deux sont censés avoir visité le Paradis. Aher rapporta des branches de l'Arbre de la Connaissance, et se détacha ainsi de la vraie religion (juive). Akiba revint en paix. Voyez deuxième Epître aux Corinthiens, chap. XII.

41 Taley signifie : Océan ou Mer.

 

INITIES. – On appelait ainsi, dans l'antiquité, ceux qui avaient été initiés aux arcanes enseignés par les hiérophantes des Mystères. Dans les temps modernes, s'appellent ainsi ceux qui ont été initiés par les adeptes de la science mystique à la connaissance de ses mystères, mystères qui, malgré le cours des siècles, ont encore un petit nombre de véritables fidèles sur la terre.

CABALISTES. – De Kabala, tradition orale, non écrite. Le cabaliste est l'homme qui étudie la "science secrète", qui interprète le sens caché des Ecritures à l'aide de la Cabale symbolique, et qui, par ce moyen, explique le sens réel du texte. Les Tanaïm furent les premiers cabalistes, parmi les Juifs. Ils parurent à Jérusalem vers le commencement du IIIème  siècle avant

l'ère chrétienne. Les livres d'Ezéchiel, de Daniel, d'Henoch et l'Apocalypse de saint Jean sont purement cabalistiques. Cette doctrine secrète [41] est identique à celle des Chaldéens, et renferme en même temps beaucoup de la science des Perses ou "magie".

LAMAS. – Moines Bouddhistes qui sont à la religion lamaique du Tibet, ce que sont par exemple, les moines à la religion  catholique romaine. Chaque lama est sujet du grand Talé-Lama, le Pape Bouddhique du Tibet à Lha-ssa, réincarnation du Bouddha ; mais tout lama initié ne relève que du Teschu-Lama, le grand Initié et adepte qui demeure à Shi- ga-tsé.

MAGE. – De Mag ou Maha. Ce mot est la racine du mot Magicien. Dans les temps pré-védiques. Maha-âtma (la grande Ame ou Esprit), dans l'Inde, eut ses prêtres. Les Mages étaient les prêtres du dieu du feu. Nous les trouvons parmi les Assyriens et les Babyloniens aussi bien que chez les Perses, adorateurs du feu. Les trois mages, nommés aussi rois, que l'on dit avoir fait des présents d'or, d'encens et de myrrhe à l'enfant Jésus, étaient comme les autres des adorateurs du feu et astrologues, car ils virent son étoile. Le grand-prêtre des Parsis, à Sourat, est appelé Mobed. Certains auteurs font dériver le mot mage de Megh ; Meh-ab veut dire quelque chose de grand, de noble. Suivant Kleuker, les disciples de Zoroastre étaient appelés Meghestom.

 MAGICIEN. – Ce terme était autrefois un titre de renommée et de distinction qui, depuis, a été entièrement détourné de sa véritable signification. Jadis synonyme de tout ce qui était honorable et digne d'être vénéré, de possesseur de la sagesse et de la science, il a été dégradé au point d'être devenu une épithète pour un fourbe, un jongleur, un charlatan, en un mot, un homme qui a vendu son âme au diable, qui fait un mauvais usage de son savoir et l'emploie à des choses viles et dangereuses, s'il faut en croire le clergé et une masse de niais superstitieux qui croient qu'un magicien est un sorcier et un enchanteur. Mais les chrétiens oublient apparemment que Moïse était aussi un magicien, et que Daniel fut "un Maître des magiciens, des astrologues, des chaldéens et des devins" (Daniel V. II).

Donc, le mot Magicien, scientifiquement parlant, est dérivé de Magh, Mah (Hindi), ou du sanscrit MANA, "grand". C'est un homme versé dans les sciences secrètes ou ésotériques ; à proprement parler un sacerdote.

MANTIQUE. – De µαγτεις manteis, prophète. Délire prophétique. Le don de prophétie était développé dans cet état. Les deux mots sont presque synonymes. L'un était aussi estimé que l'autre. Pythagore et Platon tenaient ce don en haute estime, et Socrate engageait ses disciples à étudier l'art mantique. Les Pères de l'Eglise qui blâmaient si sévèrement la frénésie mantique chez [42] les prêtres païens et les Pythies, n'hésitaient pas à l'employer pour leur propre compte. Les Montanistes qui tirent leur nom de Montanus, évêque de Phrygie considéré comme divinement inspiré, rivalisaient avec les manteis ou prophètes. "Tertullien, Augustin et les martyrs de Carthage", dit l'auteur de Prophecy, Ancient and Modern, "furent de ce nombre", et il ajoute : "les Montanistes paraissent avoir imité les Bacchantes par le sauvage enthousiasme qui caractérisait leurs orgies". Les opinions sont partagées au sujet de l'origine du mot mantique. Au temps de Melampus et de Prœtus, roi d'Argos, il y avait le célèbre Mantis le Voyant, et, à peu près à cette époque, vivait aussi Manto, fille du prophète de Thèbes, prophétesse elle-même. Cicéron décrit la prophétie et le délire mantique en disant "que dans les replis les plus cachés de l'esprit, se trouve enfoui et confiné le don divin de prophétie, impulsion divine qui, lorsqu'elle se manifeste avec grande intensité, est appelée fureur" (frénésie, folie).

Mais il est encore une autre étymologie possible pour le mot mantis, et nous doutons fort que les philologues y ait jamais pensé. Il est peut-être possible, en effet, que la folie mantique ait une origine beaucoup plus ancienne encore. Les deux coupes du sacrifice du mystère de Soma, employées pendant les rites religieux, et généralement connus sous le nom de Grahâs, sont respectivement nommées Soukra et Manti 42.

42 Voyez Aptarepa Brahmanan, 3, 1.

 

C'est dans cette dernière coupe : manti ou manthi que, dit-on, Brahma est "réveillé". Pendant que l'initié boit (si peu que ce soit) de cette liqueur sacrée, Soma, le Brahma, ou plutôt son "esprit" personnifié dans le dieu- Soma, entre dans l'homme et prend possession de lui. De là, vision extatique, clairvoyance et don de prophétie. Les deux genres de divination, naturelle et artificielle sont provoqués par le Soma. La coupe Soukra réveille tout ce que la nature a donné à l'homme. Elle unit l'esprit et l'âme, et ceux-ci, par leurs propres nature et essence, qui sont divines, ont la prescience des choses futures, comme le démontrent des rêves, des visions inattendues et des pressentiments. Le contenu de l'autre coupe, la manti qui "réveille le Brahma" met l'âme en communication, non seulement avec les dieux mineurs, les esprits bien informés mais non pas omniscients – mais encore avec l'essence divine la plus élevée. L'âme reçoit une illumination directe de la présence de son "dieu" ; cependant, comme il ne lui est pas donné de se rappeler certaines choses, qui ne sont bien connues que dans le ciel, la personne initiée est généralement saisie d'une sorte de frénésie sacrée, et, lorsqu'elle en revient, elle ne se souvient que de ce qui lui est permis de se rappeler. [43]

Quant à l'autre genre de voyants et de devins, ceux qui en font profession et une source de bénéfices, on dit qu'ils sont possédés par un gandharva, une sorte de divinité qui, nulle part n'est moins honorée que dans l'Inde.

MANTRA. – Mot sanscrit qui renferme l'idée de "Nom Ineffable". Quelques mantras, lorsqu'ils sont prononcés suivant la formule magique enseignée dans l'Atharva Veda, produisent un effet instantané et merveilleux. Dans son sens général, cependant, un mantra est, ou simplement une prière aux dieux et aux puissances du ciel, telle qu'elle est enseignée dans les livres Brahmaniques et particulièrement dans Manou, ou bien un charme magique. Dans son sens ésotérique, le "mot" du mantra, ou parole mystique, est appelé par les Brahmes Vâch et se trouve dans le mantra qui, littéralement, signifie les parties des livres sacrées qui sont considérées comme les Srouti ou révélation divine directe.

 MARABOUT. – Pèlerin mahométan qui a été à La Mecque ; un saint dont le corps est placé, après la mort, dans un sépulcre ouvert bâti à la surface du sol comme tous les autres édifices, mais au milieu des rues et des places publiques. Placé dans l'intérieur de la petite et unique chambre de ce tombeau (on peut voir aujourd'hui plusieurs de ces sarcophages de brique et de mortier dans les rues et les places du Caire), la dévotion des passants entretient à la tête, une lampe qui brûle toujours. Les tombes de quelques-uns de ces marabouts ont une grande renommée pour  les miracles qu'on leur attribue.

MATÉRIALISATION. – Terme employé par les spirites pour le phénomène au cours duquel un esprit se "revêt d'une forme matérielle". L'expression bien moins contestable : manifestation de forme a été proposée par M. Stainton Moses de Londres. Lorsque la nature réelle de ces apparitions sera mieux comprise, on adoptera sans doute un terme encore mieux approprié au phénomène. Il est inadmissible d'appeler ces apparitions des esprits matérialisés, car ce ne sont point des esprits, mais des statues animées.

MAZDÉENS. – De (Ahoura) mazda (Yasma de Spiegel, XI). C'étaient les anciens nobles Persans qui rendaient un culte à Ormuzd, rejetant les images, ils inspirèrent aux Juifs la même horreur pour toute représentation concrète de la divinité. Au temps d'Hérodote ils paraissent avoir été remplacés par les Mages. Les Parsis et les Ghebers (geberim ; les puissants, Gen. VI et X. 8) semblent, en effet, avoir été des fidèles des Mages. Par suite d'une curieuse confusion, Zoro-Aster, (Zéro, un cercle, un fils, ou prêtre : Aster, Ishtar, ou Astarte (étoile, dans le dialecte Aryen), [44] titre du chef des Mages et des adorateurs du feu ou Sourya-Ishtara) est souvent confondu, à l'heure actuelle, avec Zara-toustra, le célèbre apôtre Mazdéen (Zoroastre).

METEMPSYCHOSE. – Ce mot signifie : le progrès de l'âme, d'un moment donné de l'existence à un autre. Le mot a été vulgairement employé pour indiquer la renaissance dans des corps d'animaux. Il est en général mal compris par toutes les classes de la Société, en Europe et en Amérique, même par un grand nombre de savants. L'axiome cabaliste : "Une  pierre  devient  une  plante,  une  plante  un  animal,  un  animal   un homme, un homme un esprit, et un esprit un dieu", est expliqué dans le Manava-Dharma-Sastra comme en d'autres livres brahmaniques.

MYSTERES. – Teletai, en grec (les fins), terme analogue à teleuteia ou mort. Les mystères comportaient des pratiques, tenues généralement secrètes aux profanes non initiés, et aux cours desquelles, à l'aide de représentations dramatiques et autres moyens, étaient enseignés l'origine des choses, la nature de l'esprit humain, les rapports de ce dernier avec le corps, la méthode de purification et la restauration à une vie supérieure. On y enseignait aussi, et de la même manière, la physique, la médecine, la musique, l'art divinatoire. Le Serment d'Hippocrate n'était qu'une obligation d'ordre mystique. Hippocrate était prêtre d'Asklepios,  prêtre dont quelques écrits furent par chance rendus publics. Par contre, les Asclepiades étaient des initiés au culte du serpent d'Æsculape, comme les bacchantes désignaient celles du culte de Dyonisos ; ces deux rites furent finalement absorbés dans celui d'Eleusis. Nous reviendrons sur les mystères, dans les chapitres suivants.

MYSTIQUES. – Les initiés. Toutefois, au moyen âge, et à des époques ultérieures, ce terme fut appliqué à des personnalités tels que Böhme le Théosophe, Molinos le Quiétiste, Nicolas de Bâle, etc. qui croyaient à la possibilité d'une communion intérieure et directe avec Dieu, communion analogue à l'inspiration des prophètes.

NABIA. – Clairvoyance, divination ; le plus ancien et le plus considéré des phénomènes mystiques ; Nabia est le nom que donne la bible au don de prophétie ; il est, à juste titre, rangé au nombre des pouvoirs spirituels tels que : divinations, visions clairvoyantes, extases, oracles. Alors qu'enchanteurs, devins, astrologues mêmes sont rigoureusement condamnés dans les livres de Moïse, le don de prophétie, la voyance et nabia y paraissent être des dons du ciel. Autrefois, on les appelait tous Epoptaï, mot grec signifiant voyants, clairvoyants ; ils furent plus tard désignés sous la dénomination [45] de Nebim, "pluriel de Nebo, dieu babylonien de la sagesse". Les cabalistes font une distinction entre voyant et magicien l'un étant passif, l'autre actif. Nebirah est celui qui regarde dans l'avenir, c'est le clairvoyant ; Nebi-poel est celui qui possède des pouvoirs magiques. Nous constatons qu'Elie et Appollonius eurent recours aux mêmes procédés pour s'isoler des influences gênantes du monde extérieur ; ils s'enveloppaient la tête d'un châle de laine, sans doute parce que ce tissu est mauvais conducteur de l'électricité.

 OCCULTISTE. – Celui qui étudie les diverses branches de la science occulte. Le terme est employé par les cabalistes français. (Voir les œuvres d'Eliphas Levi). L'occultisme, embrasse toute la série des phénomènes psychologiques, physiologiques, cosmiques, physiques et spirituels. Il est dérivé du mot occulte caché, secret. Il s'applique par conséquent à l'étude de la Cabale, de l'astrologie, de l'alchimie et de toutes les  sciences secrètes.

DIEUX PAIENS. – Cette expression de Dieux est  faussement comprise par la plus grande partie des lecteurs, comme s'appliquant aux idoles. L'idée qui y est attachée n'est pas celle de quelque chose d'objectif ou d'anthropomorphe. A l'exception des cas où le mot : "dieux" s'applique à des entités planétaires divines (des anges), ou à des esprits désincorporés d'hommes purs, ce mot porte dans l'esprit du mystique, Hotarh Indou, Mage Mazdéen, hiérophante Egyptien, ou disciple des philosophes Grecs – l'idée d'une manifestation visible ou reconnaissable d'une puissance invisible de la nature. Ces diverses puissances occultes sont invoquées sous le nom de divers dieux qui personnifient ces pouvoirs à ce moment- là. C'est ainsi que chacune des innombrables divinités des  Panthéons Indou, Egyptien et Grec, est tout simplement une des forces de "l'Univers Invisible". Lorsque le Brahmane officiant invoque Aditya qui, dans son rôle cosmique est la déesse-soleil, il commande simplement à cette puissance (personnifiée en un dieu) qui, selon lui, "réside dans le Mantra comme Vâch sacrée". Ces dieux-forces sont allégoriquement envisagés comme les Hotars divins du Suprême, tandis que le prêtre, le Brahmane, est le Hotar humain qui officie sur terre, et représentant cette puissance particulière, il devient une sorte d'ambassadeur, investi des pouvoirs de celui qu'il représente.

PITRIS. – On croit généralement que le terme Hindou Pitris s'applique aux esprits de nos ancêtres directs, de personnes désincarnées. De là, l'argument de certains spirites pour qui les fakirs et autres thaumaturges de l'Orient sont des médiums ; les spirites [46] avouent être incapables de produire quelque chose sans le secours des Pitris, dont ils sont les dociles instruments. C'est une erreur à plus d'un point de vue. En premier lieu, les Pitris d'abord ne sont point les ancêtres des hommes actuellement vivants, mais bien ceux du genre humain ou race Adamique ; ce sont les esprits de races humaines qui, sur la vaste échelle de l'évolution descendante, ont précédé nos races d'hommes, et qui, tant au point de vue physique qu'au point  de  vue  spirituel,  étaient  de  beaucoup  supérieurs  à  nos modernes pygmées. Dans le Manava-Dharma-Sastra ils sont appelés les Ancêtres Lunaires.

PYTHIE OU PYTHONISSE. – Webster écarte très rapidement ce mot en disant que c'était le nom donné à la personne qui rendait les oracles dans le temple de Delphes et à toute femme supposée douée de l'esprit de divination – une sorcière – ce qui n'est ni flatteur, ni exact, ni juste. Une pythie, d'après Plutarque, Jamblique, Lamprias et autres, était une sensitive nerveuse ; elle était choisie jeune et pure dans les classes les plus pauvres. Attachée au temple, dans l'enceinte duquel elle était logée à l'écart de tous, et chez elle n'était admis que le prêtre ou voyant. Elle n'avait aucune communication avec le monde extérieur, et sa vie était plus stricte et plus ascétique que celle des nonnes catholiques. Assise sur un trépied de bronze placé au-dessus d'une fissure du sol à travers laquelle montaient des vapeurs enivrantes, ces exhalaisons souterraines pénétraient tout son organisme et produisaient en elle le délire prophétique. Dans cet état anormal, elle rendait des oracles. Elle était quelquefois appelée ventriloqua vates 43, prophétesse ventriloque.

Les anciens plaçaient l'âme astrale de l'homme ψuγχη, ou sa soi- conscience dans le creux de l'estomac. Les Brahmanes partagent cette croyance, avec Platon et d'autres philosophes. Ainsi, nous trouvons dans le quatrième verset du second Hymne Nabhanedishtha ce qui suit : "Ecoutez, ô enfants des dieux (esprits), celui qui parle par son nombril (nâbhâ) car il vous salue dans vos demeures !"

Bien des Sanscritistes reconnaissent que cette croyance est une des plus anciennes parmi les Hindous. Les fakirs modernes, aussi bien que les anciens gymnosophistes s'unissent à leur Atman, et à la Divinité, en restant immobiles, en concentrant toute leur pensée sur leur nombril. Comme dans les phénomènes somnambuliques modernes, le nombril était regardé comme le "cercle du [47] soleil", le siège de la lumière divine interne 44. Le fait que de nombreux somnambules modernes sont capables de lire des lettres, d'entendre, de sentir et de voir par cette partie du corps, doit-il  être considéré comme une simple coïncidence, ou devons-nous en fin de compte admettre que les sages de l'antiquité en savaient un peu plus que nos modernes Académiciens sur les mystères physiologiques et psychologiques ? Dans la Perse moderne, lorsqu'un "magicien" (souvent tout simplement un magnétiseur), est consulté à propos de vols ou d'autres circonstances embarrassantes, il se fait des manipulations sur le creux de l'estomac et se met ainsi en état de clairvoyance. Des Parsis modernes, remarque un traducteur des Rig vedas, croient encore que leurs adeptes ont dans le nombril, une flamme qui dissipe pour eux toutes ténèbres et leur fait découvrir le monde spirituel aussi bien que les choses invisibles ou éloignées. Ils l'appellent la lampe du Deshtour ou grand-prêtre, la lumière du Dikshita (l'initié) qu'ils désignent encore par une foule de noms.

43 V. Panthéon : Myths, p. 31 ; et Aristophane dans Vœstas, 1er, reg. 28.

44 L'oracle d'Apollon se trouvait à Delphes, la ville du δεбΦuς, matrice ou abdomen ; la place du temple était nommée l'omphalos ou nombril. Les symboles sont féminins et lunaires ; nous rappelant que les Arcadiens étaient appelés Proselemis, pré-Hellenes ou antérieurs à la période dans laquelle le culte lunaire Ionien et Olympien fut introduit.

 

SAMOTHRACES. – Désignation des Dieux honorés en Samothrace dans les Mystères. Ils étaient considérés comme identiques avec les Kabires, les Dioscures, et les Corybantes. Leurs noms étaient mystiques et masquaient ceux de Pluton, Cérès ou Proserpine, Bacchus et Æsculape ou Hermès.

SAMANEENS OU CHAMANS. – Nom d'un ordre de Bouddhistes chez les Tartares, spécialement ceux de Sibérie. Il est possible qu'ils soient apparentés aux philosophes connus anciennement sous le nom de Brachmanes que l'on confond parfois avec les Brahmanes 45. Ils sont tous des magiciens, ou plutôt des sensitifs ou des médiums développés artificiellement. Actuellement, ceux qui remplissent les fonctions sacerdotales parmi les Tartares sont fort ignorants et bien inférieurs aux fakirs en fait de connaissances et d'éducation. Les hommes et les femmes peuvent être Chamans. [48]

45 D'après les récits de Strabon et de Megasthenes qui visitèrent Palipothras, il paraîtrait que les sectaires appelés par eux Samanéens, ou prêtres brachmanes étaient tout simplement des bouddhistes. "Les réponses singulièrement subtiles des Samanéens ou philosophes brahmanes, dans leur entre-vue avec le conquérant, sont évidemment empreintes de l'esprit de la doctrine bouddhique", nous dit Upham. Voir "History and Doctrine of Buddhism" et "Chronologie" par Hale (vol. III, p. 238).

 

SOMA. – Ce breuvage sacré des Hindous correspond à l'ambroisie des Grecs ou au nectar que buvaient les dieux de l'Olympe. Une coupe de Kykeon était bue aussi par le myste dans l'initiation Eleusinienne. Celui qui boit de cette liqueur atteint aisément Bradhna, le lieu de splendeur (le ciel). Le Soma connu des Européens n'est pas le breuvage authentique mais un substitut ; seuls les prêtres initiés peuvent goûter au Soma véritable, et les rois et les rajahs eux-mêmes, lorsqu'ils font les sacrifices reçoivent le substitut. Haug avoue dans son Aytareya Brahmanan, que ce n'est point le Soma qu'il a goûté et qu'il a trouvé mauvais, mais bien le jus de la racine du Nyagradha, plante qui croît sur les collines de Pouna. Nous savons positivement que la majorité des prêtres sacrificateurs du Dekkan ont perdu le secret de la composition du véritable Soma. Il ne se trouve ni dans les livres de rituel ni dans la tradition orale. Les vrais sectateurs de la religion Védique primitive sont fort peu nombreux ; ils sont considérés comme les descendants des Rishis, les vrais Agnihôtris, les initiés aux grands Mystères. Le Soma est aussi vénéré dans le Panthéon Hindou, car il est appelé le Soma-Roi. Celui qui en boit est admis à participer au roi céleste, car il en est imprégné, comme les Apôtres Chrétiens et leurs disciples étaient imprégnés du Saint-Esprit et purifiés de leurs péchés. Le Soma fait de l'initié un homme nouveau ; il renaît à une vie nouvelle, il est transformé, et sa nature spirituelle l'emporte sur la nature physique ; il reçoit le pouvoir divin de l'inspiration, et, chez lui, la faculté de clairvoyance est développée désormais au plus haut degré. D'après l'explication exotérique, le soma est une plante, mais c'est aussi un ange. Il met forcément l'esprit intérieur, supérieur, de l'homme, qui est angélique, comme le soma mystique, en relation intime avec son "âme irrationnelle" ou corps astral et, ainsi unis tous les deux par la puissance du breuvage magique, ils s'élèvent au-dessus de la nature physique et participent durant leur vie à la béatitude et aux gloires ineffables du Ciel.

Le Soma des Hindous est ainsi tant au point de vue mystique qu'à d'autres, la même chose que la cène eucharistique pour les Chrétiens. L'idée est la même. Au moyen des prières du sacrifice – les mantras – cette liqueur est censée se transformer, sur-le-champ, en Soma réel, ou en ange, ou même en Brahma lui-même. Quelques missionnaires se sont fort indignés de cette cérémonie, d'autant plus que, généralement parlant, les Brahmanes emploient en remplacement une sorte de liqueur spiritueuse. Mais les Chrétiens croient-ils moins fermement à la transubtantiation du vin banal de la Communion, en sang de Jésus-Christ, parce que ce vin est plus ou moins chargé d'alcool ? L'idée symbolique qui s'y rattache n'est- elle pas la même ? Cela n'empêche point les Missionnaires [49] de dire que l'heure de l'absorption du Soma est le moment propice pour Satan qui se cache alors au fond de la coupe du sacrifice Hindou 46.

46 De leur côté, les païens pourraient bien demander aux missionnaires quelle sorte d'esprit se cache au fond de leur bouteille de bière du sacrifice. Le journal évangélique de New-York l'Indépendant nous informe que, dernièrement, un voyageur Anglais a trouvé en Birmanie une église de la mission Baptiste où l'on employait pour le service de communion, sans doute avec la bénédiction de Dieu, de la bière de Bass à la place de vin. Les circonstances modifieraient, paraît-il, les conditions du culte !

 

THEOSOPHES. – Au moyen âge, c'était le nom sous lequel étaient connus les disciples de Paracelse du XVIème siècle, les prétendus philosophes du feu, Philosophi per ignem. De même que les Platoniciens, ils considéraient l'âme (ψuχή) et l'esprit divin (voŭς) comme une parcelle du grand Archos – une flamme tirée de l'Océan éternel de lumière.

La Société Théosophique à laquelle ces volumes sont dédiés par l'auteur comme une marque d'affectueuse sympathie, a été organisée à New-York en 1875. Le but de ses fondateurs était de faire des expériences pratiques sur les pouvoirs occultes de la Nature, de recueillir et  de répandre parmi les Chrétiens, des enseignements sur les philosophies religieuses de l'Orient. Plus tard, il a été décidé de propager chez les "pauvres païens enténébrés", des preuves des résultats pratiques du Christianisme, qui leur permettent de bien connaître et d'apprécier les deux faces de la médaille, dans les pays où les Missionnaires sont à l'œuvre. Dans ce but, elle a établi des relations avec des associations et des personnalités, dans tout l'Orient, et elle leur fournit des rapports authentiques sur les crimes et les méfaits ecclésiastiques, sur les schismes et les hérésies, sur les controverses et litiges, sur les divergences de doctrine, les critiques et les révisions de la Bible, dont la Presse de l'Europe Chrétienne et de l'Amérique s'occupe constamment. La chrétienté a été longuement et minutieusement tenue au courant du degré de dégradation et d'abrutissement dans lequel le Bouddhisme,  le Brahmanisme et le Confucianisme ont plongé leurs sectateurs abusés, et bien des millions ont été prodigués dans les missions étrangères sur ces faux rapports. La Société Théosophique, voyant tous les jours des exemples de cet état de choses, conséquence d'enseignements, et surtout des exemples chrétiens, a jugé simplement juste et équitable de faire connaître ces faits en Palestine, dans l'Inde, à Ceylan, au Cachemire, en Tartarie, au Tibet, en Chine et au Japon, où elle a partout des correspondants influents. II y aura sans doute aussi beaucoup à dire, sur la conduite des missionnaires, à ceux qui les aident de leur bourse. [50]

THEURGISTES. – De θεος dieu et έργον travail. La première école de théurgie pratique, dans la période chrétienne, fut fondée par Jamblique chez les Platoniciens d'Alexandrie ; mais les prêtres attachés aux temples d'Egypte, d'Assyrie et de Babylone, et qui prenaient une part active aux évocations des dieux durant les Mystères sacrés, étaient désignés par ce nom dès la plus ancienne période archaïque. Leur but était de rendre les esprits visibles aux yeux des mortels. Un théurgiste était un homme versé dans la connaissance ésotérique des sanctuaires de tous les grands peuples. Les Néo-Platoniciens de l'école Jamblique étaient appelés Théurgistes parce qu'ils pratiquaient la dite "magie cérémonielle" et évoquaient les "esprits" des héros, dieux, et daïmonia (entités spirituelles divines). Dans les rares cas où la présence d'un esprit visible et tangible était nécessaire, le théurgiste devait donner à l'apparition une partie de sa chair et de son sang, il avait à accomplir la theopœa, ou la "création de dieux", par un procédé mystérieux bien connu des modernes fakirs et Brahmanes initiés de l'Inde. Voici ce que l'on trouve dans le Livre des Evocations des Pagodes, et qui montre la parfaite identité de rites et de cérémonial de la théurgie brahmanique la plus ancienne avec celle des Platoniciens d'Alexandrie :

"Le Brahmane Grihasta (l'évocateur) devra être dans un état de complète pureté avant de se hasarder à évoquer les Pitris."

Après avoir préparé une lampe, du santal, de l'encens, etc., après avoir tracé les cercles magiques que lui a enseignés le gourou supérieur, afin de tenir à l'écart les mauvais esprits, "il cesse de respirer, et appelle le feu à son aide pour disperser son corps". Il prononce un certain nombre de fois le mot sacré et "son âme s'échappe de son corps, et son corps disparaît, et l'âme de l'esprit évoqué descend dans le double corps et l'anime". Alors, "son âme (Grihasta) rentre dans son corps dont les particules subtiles se sont de nouveau agrégées après avoir formé de leurs émanations un corps aérien pour l'esprit qu'il a évoqué".

Maintenant qu'il a formé pour les Pitris un corps avec les particules les plus essentielles et les plus pures de son propre corps, le grihasta, une fois les cérémonies du sacrifice accomplies, peut "converser avec les âmes des ancêtres et les Pitris, et leur poser des questions sur les mystères de l'Etre et les transformations de l'impérissable".

 "Ensuite, après avoir éteint sa lampe, il doit la rallumer, mettre en liberté les mauvais esprits exclus de ce lieu par les cercles magiques, et quitter le sanctuaire des Pitris" 47. [51]

L'école de Jamblique était distincte de celle de Plotin et de Porphyre, qui étaient très hostiles à la magie cérémonielle et à la théurgie pratique qu'ils tenaient pour dangereuses, quoique ces deux hommes éminents crussent fermement en elles. La Magie théurgique ou bienveillante, et la Goëtique ou nécromancie noire et mauvaise eurent la même réputation prédominante durant le premier siècle de l'ère chrétienne 48. Mais jamais aucun des philosophes pieux et de haute moralité, dont la renommée est venue jusqu'à nous, pure de tout reproche, n'a pratiqué d'autre genre de magie que la théurgique ou bienveillante ainsi que la désigne Bulwer- Lytton. "Quiconque est bien instruit sur la nature des apparences divinement lumineuses (Φέσµατα) connaît aussi pourquoi il est ordonné de s'abstenir de tout volatile (nourriture animale), et cela spécialement à ceux qui ont hâte d'être délivrés des rapports terrestres et d'être mis en relations avec les dieux célestes", dit Porphyre 49.

Tout en refusant de pratiquer lui-même la théurgie, Porphyre, dans sa Vie de Plotin, parle d'un prêtre d'Egypte qui, "à la requête d'un certain ami de Plotin (lequel ami pourrait bien être Porphyre lui-même, remarque Taylor), fit apparaître à Plotin, dans le temple d'Isis à Rome, le daimon familier, ou, en langage moderne, l'Ange gardien de ce philosophe" 50.

L'idée populaire qui a prévalu était que les théurgistes, aussi bien que les magiciens, opéraient des prodiges tels qu'évoquer les âmes ou ombres des héros et des dieux, et faisaient d'autres actes de thaumaturgie, grâce à des pouvoirs surnaturels.

YAJNA. – "Le Yajna", disent les Brahmanes, existe de toute éternité, car il procède de l'Etre-Suprême, le Brahma-Prajapâti dans lequel il était à l'état de sommeil depuis le "non commencement". Il est la clé du Traividia, la science trois fois sacrée, contenue dans les versets du Rig qui enseignent les Yagous ou les mystères des sacrifices. "Le Yajna" existe comme une chose invisible, de tout temps ; il est comme la force latente de l'électricité dans la machine électrique, n'exigeant que le concours de certaines opérations de l'appareil approprié pour se manifester. On suppose qu'il s'étend de l'Ahavaniga ou feu du Sacrifice au ciel, formant un pont ou une échelle, grâce auxquels le sacrificateur peut communiquer avec le monde des dieux et des esprits et même monter vivant jusqu'à leurs demeures 51. [52]

Ce Yajna est encore une des formes de l'Akasa, et le mot mystique qui l'appelle à l'existence, prononcé mentalement par le Prêtre, est le Mot Perdu recevant l'impulsion par la FORCE DE LA VOLONTÉ.

Pour compléter la liste, nous ajouterons maintenant que, dans le cours des chapitres suivants, toutes les fois que nous emploierons le mot Archaïque, nous entendrons les temps antérieurs à Pythagore. Par le mot Ancien nous désignons les temps qui ont précédé la venue de Mahomet, et lorsque nous parlerons du Moyen âge nous voudrons indiquer le temps écoulé de Mahomet à Martin Luther. Il sera seulement nécessaire d'enfreindre cette règle, lorsque, de temps en temps, ayant à parler des peuples d'une antiquité antérieure à Pythagore, nous adopterons l'usage commun en les appelant "Anciens".

47 Book of Brahmanical Evocations, part. III.

48 Bulwer-Lytton. Derniers jours de Pompéi, p. 147.

49 Select Works, p. 159.

50 Idem, p. 92.

51 Aytareya Brahmana. Introduction.

 

 

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Avant de clore ce chapitre initial, nous tenons à présenter quelques mots d'explication au sujet du plan de cet ouvrage. Son but n'est point d'imposer au public les vues personnelles et les théories de l'auteur ; il n'a pas non plus les prétentions d'une œuvre scientifique qui vise à révolutionner certains domaines de la pensée. C'est plutôt un abrégé sommaire des religions, des philosophies et des traditions universelles du genre humain, avec leur exégèse, dans l'esprit de ces doctrines secrètes dont aucune, grâce aux préjugés et à la bigoterie, n'est parvenue à la chrétienté autrement que sous une forme tellement mutilée, qu'il est impossible de les juger sainement. Depuis le temps des malheureux philosophes du moyen âge, les derniers qui aient eu le courage de traiter ces doctrines secrètes dont ils étaient les dépositaires, peu d'hommes ont osé braver la persécution et les préjugés, en enregistrant leur savoir. En thèse générale ces rares fidèles n'ont jamais rien écrit pour le public, mais seulement pour ceux de leur époque et des temps postérieurs qui possédaient la clé de leur langage. La multitude qui ne comprend ni eux ni leur doctrine, s'est habituée à les considérer en masse comme des charlatans ou des rêveurs. De là le mépris si peu mérité dans lequel est graduellement tombée l'étude de la plus noble des sciences, celle de l'homme spirituel.

En entreprenant de faire des recherches au sujet de la prétendue infaillibilité de la Science et de la Théologie Modernes, l'auteur a été forcé, même     au risque de passer pour prolixe, de faire constamment des comparaisons entre les idées, les découvertes et les prétentions de leurs représentants, et celles des philosophes et des instructeurs religieux de l'antiquité. Des choses séparées [53] par de longs siècles ont été ainsi rapprochées, car c'est seulement ainsi que la priorité et l'analogie des découvertes et des dogmes peuvent être déterminées. En discutant les mérites de nos savants contemporains, leurs propres aveux d'échecs dans les recherches expérimentales de mystères impénétrables, de chaînons manquants à leurs théories, leur inaptitude à comprendre les phénomènes naturels et leur ignorance des lois du monde causal, ont établi la base de la présente étude. La Psychologie a été si négligée, et l'Orient est si éloigné, que peu de nos chercheurs iront étudier cette science, là ou seulement elle est comprise ; nous passerons donc particulièrement en revue les spéculations et l'attitude des autorités reconnues, au sujet des phénomènes psychologiques modernes, qui ont commencé à se manifester à Rochester et qui se sont maintenant répandus dans l'univers entier. Nous désirons montrer comment leurs fréquents échecs étaient inévitables et comment ils continueront fatalement à l'être, jusqu'à ce que ces prétendues autorités de l'Occident viennent trouver les Brahmanes et les Lamas de l'Extrême- Orient, pour leur demander humblement de leur apprendre l'alphabet de la véritable science. Nous n'avons formulé contre les savants aucune accusation qui ne soit justifiée par leurs propres publications, et si nos citations des annales de l'antiquité dépouillent quelques-uns d'entre eux de ce que jusqu'ici ils avaient considéré comme des lauriers bien acquis, la faute en est à la Vérité et non pas à nous. Aucun homme digne du titre de philosophe, ne voudrait se parer des honneurs qui appartiennent à un autre.

Profondément intéressé à la titanesque lutte actuellement engagée entre le matérialisme et les aspirations spiritualistes du  genre humain, notre constant effort a été de réunir dans les chapitres suivants, comme autant d'armes dans un arsenal, tous les faits et tous les arguments qui peuvent aider le spiritualisme à triompher. Enfant chétif et informe, le matérialisme d'Aujourd'hui est né du brutal Hier. A moins que sa croissance ne soit arrêtée, il pourrait se rendre maître de nous ! Il est l'enfant bâtard de la Révolution française, une réaction contre des siècles de répression et de bigoterie religieuse. Pour éviter l'écrasement de ces aspirations spirituelles, la destruction de ces espérances, la mort de cette intuition qui nous enseigne l'existence d'un Dieu et d'un au-delà, nous devons montrer nos fausses théologies dans toute leur difformité, et faire la distinction entre la religion divine et les dogmes humains. Notre voix s'élève en faveur de la liberté spirituelle, et nous plaidons pour l'affranchissement de toute tyrannie, que ce soit celle de la SCIENCE ou celle de la THÉOLOGIE.