CHAPITRE VI
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PHENOMENES PSYCHO-PHYSIQUES
Hermes, porteur de mes ordres, prend son bâton avec lequel il ferme les yeux des mortels et réveille les endormis.
Odyssée V.
J'ai vu les anneaux de Samothrace bondir et la limaille d'acier s'agiter dans un plat d'airain aussitôt que l'on plaçait au-dessous la pierre d'aimant, et le fer paraissait s'envoler plein de terreur haineuse.
LUCRECE.
Ce qui distingue spécialement les frères, c'est leur connaissance merveilleuse des ressources de l'art médical. Ils opèrent non par des charmes, mais par des simples.
Ms. Exposé sur l'Origine et les attributs des vrais Rose-croix.
Une des plus grandes vérités qu'ait jamais émises un savant est la remarque faite par le Prof. Cooke, dans sa New Chemistry. "L'histoire de la Science montre, dit-il, que le siècle doit être préparé avant que les vérités scientifiques puissent y prendre racine et croître. Les avertissements stériles de la science ont été stériles, parce que cette semence de la vérité était tombée sur une terre aride ; et aussitôt que la plénitude des temps est venue, le grain a pris racine, et le fruit a mûri… Chaque étudiant est surpris de voir combien est faible la part de vérité nouvelle, que même les plus grands génies ont ajoutée à l'acquis antérieur".
La révolution par laquelle la chimie vient de passer est bien faite pour attirer l'attention des chimistes sur ce fait ; et il ne faudrait pas s'étonner si, dans un espace de temps moins long que celui qu'il a fallu pour l'effectuer, on se mettait à étudier avec impartialité les prétentions des alchimistes à un point de vue rationnel. La distance de l'étroit chenal à franchir et qui sépare la chimie nouvelle de l'alchimie ancienne est à peine plus grande (si elle l'est) que celle qui sépare le dualisme de la loi d'Avogadro.
De même qu'Ampère a été l'introducteur d'Avogadro auprès de la chimie contemporaine, de même Reichenbach aura [235] peut-être eu un jour le mérite d'avoir, avec son OD, aplani les voies à une juste appréciation de Paracelse. Il y a plus de cinquante ans qu'on luttait pour arriver à faire accepter les molécules, comme unités dans les calculs chimiques ; il peut se faire qu'il faille moins de la moitié de ce temps pour faire reconnaître le mérite extraordinaire du philosophe mystique suisse. Le paragraphe monitoire sur les médiums guérisseurs 293 qui sera trouvé ailleurs, aurait pu être écrit par un lecteur de ses œuvres. "Vous devez bien comprendre, dit-il que l'aimant est cet esprit de vie, dans l'homme, que le malade recherche, car tous deux s'unissent au chaos extérieur, et c'est ainsi qu'un homme bien portant est infecté par le malade, en vertu de l'attraction magnétique".
293 D'un journal spirite de Londres.
294 Hemmann. Medico-Surgical Essays, Berlin, 1778.
Les causes premières des maladies qui affligent l'humanité ; les relations secrètes entre la physiologie et la psychologie inutilement torturées par les savants modernes pour en tirer quelque lueur qui servira de base à leurs spéculations ; les spécifiques et les remèdes pour tous les maux du corps humain – tout cela est décrit dans ses volumineux ouvrages. L'électro-magnétisme, la prétendue découverte du Professeur Oersted, avait été utilisé par Paracelse, trois siècles auparavant. On en a la preuve par l'examen critique de son procédé de guérison des maladies. Il n'y a pas lieu de s'étendre sur ses découvertes en chimie, car tous les auteurs loyaux et exempts de préjugés admettent déjà que c'était un des plus grands chimistes de son temps 294. Brierre de Boismont le qualifie de "génie", et il est d'accord avec Deleuze pour reconnaître qu'il a créé une nouvelle époque dans l'histoire de la médecine. Le secret de ses heureuses et magiques guérisons, pour employer l'épithète dont on se sert à son endroit, réside dans son souverain mépris pour les prétendues autorités de son temps. "Cherchant la vérité dit Paracelse, je me dis que, dans le cas où il n'existerait pas de professeurs de médecine dans ce monde, comment ferai-je pour apprendre cet art. Il faudrait l'étudier dans le livre grand ouvert de la nature, écrit par la main de Dieu…. On m'accuse de n'être point entré par la vraie porte. Mais quelle est la véritable porte ? Est-ce celle de Galien, celle d'Avicenne, de Mesne, de Rhasis, ou bien celle de l'honnête nature ? Pour moi, je crois que c'est cette dernière. C'est par cette porte-là que je suis entré ; c'est la lumière de la nature et aucune lampe d'apothicaire qui m'a montré le chemin".
Ce mépris complet des lois établies et des formules scientifiques, cette aspiration de l'argile mortelle à s'unir à l'esprit de la nature, et ce propos de ne chercher que lui pour la santé, l'aide [236] et la lumière de vérité, furent la cause de la haine invétérée des pygmées contemporains pour ce philosophe du feu et alchimiste. Quoi d'étonnant à ce qu'ils l'aient accusé de charlatanisme et même d'ivrognerie. De cette dernière accusation Hemmann l'a bravement et courageusement lavé, et démontré que l'accusation venait d'un certain "Oporinus qui vécut quelque temps avec lui pour apprendre ses secrets ; et que son plan avait échoué ; c'était la source de ces odieuses allégations, de ses disciples et des apothicaires". Il fut le fondateur de l'école du Magnétisme animal, et l'inventeur des propriétés occultes de l'aimant. Il fut flétri sous l'inculpation de sorcellerie par son temps, parce que ses guérisons étaient merveilleuses. Trois siècles plus tard, le baron du Potet a été aussi accusé de sorcellerie et de démonolâtrie par l'Eglise de Rome et de charlatanisme par les Académiciens d'Europe. Mais, comme le disent les philosophes du feu, il n'est pas un chimiste qui veuille condescendre à examiner le "feu vivant" autrement que le font ses collègues. "Tu as oublié ce que tes pères t'ont enseigné à ce sujet, ou plutôt tu ne l'as jamais su… c'est trop fort pour toi" 295.
295 Robert Fludd. Treatise 111.
Un ouvrage sur la philosophie magico-spirite et la science occulte serait incomplet sans une notice particulière sur l'histoire du magnétisme animal, tel que nous le connaissons, depuis que Paracelse frappa par lui de stupeur tous les hommes de science de la dernière moitié du XVIèmesiècle.
Passons rapidement sur son apparition à Paris lorsqu'il y fut importé d'Allemagne par Anton Mesmer. Parcourons avec une attention sérieuse les vieux documents qui moisissent maintenant dans les archives de l'Académie des sciences de cette capitale, car nous y trouverons qu'après avoir repoussé tour à tour toutes les découvertes faites depuis Galilée, les Immortels mirent le comble à leur aveuglement en tournant le dos au magnétisme et au mésmérisme. Ils fermèrent volontairement devant eux les portes qui donnent accès aux grands mystères de la nature qui sont cachés dans les sombres régions du monde psychique comme du monde physique. Le grand dissolvant universel, l'Alkahest était là, tout près d'eux ; ils l'ont laissé passer inaperçu ; et maintenant que près de cent années se sont écoulées, nous lisons l'aveu suivant :
"Il est vrai néanmoins qu'au delà des limites de l'observation directe, notre science (la chimie) n'est point infaillible, et que nos théories et nos systèmes, bien qu'ils puissent tous renfermer quelque noyau de vérité, subissent de fréquents changements, et, souvent, sont révolutionnés de fond en comble" 296. [237]
Pour affirmer aussi dogmatiquement que le mesmérisme et le magnétisme animal ne sont qu'hallucinations, il faut être en mesure de le prouver. Où sont-elles, ces preuves qui, seules, devraient donner de l'autorité à la science ? Mille fois les Académiciens ont eu des occasions de s'assurer de la vérité ; ils les ont toujours invariablement repoussées. C'est en vain que les mesméristes et les guérisseurs ont invoqué le témoignage des sourds, des boiteux, des malades, des mourants, qui ont été guéris et rendus à la vie, par de simples manipulations, et par "imposition des mains apostoliques". "Coïncidence ! Est leur réponse habituelle lorsque le fait est trop évident pour être absolument nié ; "feux follets", "exagération", "charlatanisme", sont les expressions favorites de nos nombreux Thomas modernes. Newton le guérisseur américain bien connu a accompli plus de cures instantanées que bien des médecins renommés de New-York n'ont eu de malades dans leur vie ; Jacob le Zouave a eu le même succès en France. Devons-nous donc considérer les témoignages accumulés des quarante dernières années sur ce sujet, comme des illusions, des compérages d'habiles charlatans, ou pure folie ? Mais le seul fait de supposer une duperie aussi prodigieuse équivaut déjà à s'accuser d'aliénation mentale.
296 Prof. J.-P. Cooke. New Chemistry.
297 Directeur de la Revue Spirite (Note ne figurant pas dans la 1er édition)
Malgré la récente condamnation de Leymarie 297, les railleries des sceptiques et d'une grande majorité des médecins et des savants, l'impopularité du sujet, et, par-dessus tout, les persécutions infatigables du clergé catholique qui combat dans le Mesmérisme l'ennemi traditionnel de la femme, la vérité de ses phénomènes est si évidente et incontestable, que même la magistrature française a été forcée, bien qu'à contrecœur de le reconnaître tacitement. La célèbre clairvoyante, Mme Roger fut accusée d'extorsion d'argent en même temps que son magnétiseur le Dr Fortin. Le 18 mai 1876, elle fut assignée devant le tribunal correctionnel de la Seine. Son témoin était le baron du Potet, le grand maître du Mesmérisme en France depuis cinquante ans ; son avocat, le non moins célèbre Jules Favre. Pour une fois la vérité triompha, et l'accusation fut abandonnée. Cette victoire fut-elle due à l'éloquence extraordinaire du défenseur, ou à la vérité incontestable et absolument irréprochable des faits ? Mais Leymarie, le directeur de la Revue Spirite, avait aussi les faits en sa faveur ; et de plus, le témoignage de plus d'une centaine de personnes respectables, parmi lesquelles figuraient les premiers noms d'Europe. A cela il n'y a qu'une réponse, les magistrats n'ont point osé contester les faits du mesmérisme. Mais la photographie des esprits, les coups frappés, l'écriture, les mouvements, les conversations, [237] et même les matérialisations d'esprits peuvent être simulés ; A peine existe-t-il aujourd'hui un phénomène physique en Europe ou en Amérique, qui ne puisse être imité (avec des appareils) par un habile prestidigitateur. Les merveilles du mesmérisme et les phénomènes subjectifs seuls défient les trompeurs, les sceptiques, la science austère et les médiums malhonnêtes. L'état cataleptique est impossible à feindre. Les spirites qui tiennent à proclamer leurs vérités et à les faire admettre de force par la science cultivent les phénomènes magnétiques. Magnétisez, sur la scène de "l'Egyptian Hall" une bonne somnambule plongée dans le sommeil mesmérique profond ; que son magnétiseur envoie son esprit libéré partout où il plaira au public ; Qu'on éprouve ainsi sa clairvoyance, et sa clair audience ; que l'on plante des épingles dans toutes les parties de son corps, sur lesquelles le magnétiseur a fait des passes ; qu'on lui enfonce des aiguilles dans la peau, au-dessous des paupières ; qu'on la brûle et la lacère avec un instrument pointu. "Ne craignez rien !" disent Regazzoni, du Potet, Teste, Pierrard, Puységur et Dolgorouky, "un sujet magnétisé ou endormi n'est jamais blessé !" Et lorsque vous l'aurez fait, que l'on invite quelqu'un de ces magiciens populaires modernes qui ont soif de réclame, et qui prétendent être assez habiles pour imiter tous les phénomènes spirites à se soumettre aux mêmes épreuves 298.
298 Dans le Bulletin de l'Académie de Médecine, Paris, 1837, vol. I, p. 343 et seq., on trouve le rapport du Dr Oudet qui pour s'assurer de l'état d'insensibilité d'une dame plongée dans le sommeil magnétique, la piqua avec des épingles, introduisit même une longue épingle jusqu'à la tête dans la chair, et lui tint un des doigts au-dessus de la flamme d'une bougie pendant plusieurs secondes. Un cancer fut extrait du sein droit d'une Mme Plaintain. L'opération dura douze minutes ; pendant tout le temps la patiente conversa très tranquillement avec son magnétiseur et n'éprouva jamais la moindre sensation de douleur. (Bulletin de l'Académie de Médecine, tome II, p. 370).
299 Prophecy, Ancient and Modern, par A. Wilder. Journal Phrénologique.
Le discours de M. Jules Favre dans l'affaire Roger, dura, dit-on, une heure et demie, et avait tenu les juges et le public fasciné par son éloquence. Ceux qui comme nous ont entendu cet orateur n'auront pas de peine à le croire ; Mais la déclaration qui termine son plaidoyer était malheureusement prématurée et erronée, en même temps. "Nous sommes en présence de phénomènes que la science admet, sans essayer de les expliquer. Le public peut en rire, mais nos plus illustres docteurs les considèrent avec gravité. La justice ne peut plus ignorer ce que la science a reconnu".
Si cette déclaration entraînante était fondée sur les faits, et si le magnétisme avait été impartialement examiné par un grand nombre, au lieu d'un petit nombre de savants, plus désireux de questionner sérieusement la nature que l'opportunisme, le public n'en rirait jamais. Le public est un enfant docile et soumis, et il [239] va partout où sa bonne le conduit. Il choisit ses idoles et ses fétiches, et il les honore en proportion du bruit qu'ils font, il se retourne ensuite avec un regard de timide flatterie pour voir si la gouvernante, la vieille Madame l'Opinion Publique, est satisfaite.
Lactance, l'ancien père de l'Eglise, disait que pas un sceptique de son temps n'aurait osé soutenir devant un magicien que l'âme ne survit pas au corps, et qu'elle périt avec lui ; "parce que le magicien l'aurait réfuté séance tenante, en évoquant l'âme des morts, en les rendant visibles aux yeux humains, et en leur faisant prédire des événements futurs" 299. Il en fut ainsi des magistrats et des membres du parquet, dans l'affaire de Mme Roger ; le baron Du Potet était là, et ils eurent peur qu'en magnétisant, séance tenante, la somnambule, il ne les forçât, non seulement à croire au phénomène, mais encore à le reconnaître, ce qui eût été bien pis.
Revenons maintenant à la doctrine de Paracelse. Son style incompréhensible, quoique gracieux, doit être lu comme les rouleaux d'Ezechiel, "en dedans et en dehors". Le danger d'émettre des théories hétérodoxes était grand en ce temps-là ; l'Eglise était puissante, et les sorciers étaient brûlés par douzaines. C'est pour cette raison que Paracelse, Agrippa, et Eugène Philalètes se font remarquer par leurs déclarations pieuses, presque autant que par leurs œuvres alchimiques et magiques. Les idées de Paracelse, sur les propriétés occultes de l'aimant, sont expliquées en partie dans son célèbre livre Archidaxarum, dans lequel il décrit la teinture merveilleuse, remède extrait de l'aimant, et nommée Magisterium Magnetis, et en partie dans De Ente Dei et De Ente Astrorum : Lib I. Mais les explications sont toutes données dans un langage inintelligible aux profanes. "Chaque paysan voit, dit-il, qu'un aimant attire le fer, mais un homme sage cherche par lui-même… J'ai découvert que l'aimant, en dehors de ce pouvoir visible d'attirer le fer, en possède un autre caché".
II démontre plus loin que, dans l'homme, réside une "force sidérale", qui est une émanation des astres et des corps célestes, dont est composée la forme spirituelle de l'homme, l'esprit astral. Cette identité d'essence, que nous pourrions nommer l'esprit de la matière cométaire, est toujours en rapport direct avec les astres dont elle est tirée, et il existe ainsi une attraction mutuelle entre les deux car tous deux sont des aimants. La composition identique de la terre et des autres corps planétaires, et du corps terrestre de l'homme était une des idées fondamentales de sa philosophie. "Le corps vient des éléments, l'esprit (astral) vient des astres…L'homme mange et boit ce qu'il tire des éléments pour soutenir [240] son sang et sa chair ; mais c'est des astres que sont tirés l'intellect et les pensées qui alimentent l'esprit". Le spectroscope a démontré la vérité de cette théorie relative à la composition identique de l'homme et des astres ; les physiciens font maintenant des cours sur les attractions magnétiques du soleil et des planètes 300.
300 La théorie d'après laquelle le soleil est un globe incandescent est, pour se servir de l'expression d'un rédacteur de revue, "en train de passer de mode". Il a été calculé que si le soleil dont nous connaissons parfaitement la masse et le diamètre, était un bloc solide de charbon et, si on lui donnait une quantité suffisante d'oxygène pour produire tous les effets dont nous sommes témoins, il serait complètement consumé en moins de cinq mille années. Et cependant, il y a quelques semaines encore, on a soutenu, que dis-je ? l'on soutient encore que le soleil est un réservoir de métaux vaporisés !
Parmi les substances qu'on sait exister dans la composition du corps de l'homme, on a déjà découvert, dans les étoiles, l'hydrogène, le sodium, le calcium, le magnésium, et le fer. Dans toutes les étoiles observées, qui se comptent par centaines, on a trouvé de l'hydrogène, sauf dans deux. Maintenant, si nous nous rappelons combien on a décrié Paracelse et sa théorie de l'homme et des astres composés de substances semblables, combien les astronomes et les physiciens ont tourné en ridicule ses idées sur l'affinité chimique et l'attraction existant entre eux ; et ensuite, si nous constatons que le spectroscope est venu donner raison au moins à l'une de ses assertions, est-il si absurde de prédire qu'un temps viendra où toutes ses théories seront confirmées ?
Et maintenant, une question se présente tout naturellement. Comment Paracelse en est-il arrivé à connaître quelque chose de la composition des étoiles, alors que, jusqu'à une époque très récente, c'est-à-dire la découverte du spectroscope, les éléments des corps célestes étaient complètement inconnus de nos savants académiciens ? Et même aujourd'hui, malgré le téléspectroscope et autres perfectionnements modernes très importants, à part un petit nombre d'éléments et une chromosphère hypothétique, tout est encore un mystère pour eux dans les étoiles. Paracelse aurait-il pu être si sûr de la nature de l'armée stellaire, s'il n'avait point eu des moyens dont la science ne connaît rien ? Et pourtant, quoique ne sachant rien, elle ne veut pas entendre prononcer seulement le nom de ces moyens qui sont la philosophie hermétique et l'alchimie.
Ne perdons pas de vue que Paracelse fut l'inventeur de l'hydrogène et qu'il en connaissait parfaitement toutes les propriétés et la composition longtemps avant que qui que ce soit parmi les académiciens orthodoxes y ait seulement songé ; Qu'il avait étudié l'astrologie et l'astronomie, comme l'ont fait tous les philosophes du feu : Et que, s'il a affirmé que l'homme est en affinité directe avec les astres, il savait fort bien ce qu'il avançait. [241]
Le point suivant que les physiologistes auront à vérifier est sa proposition selon laquelle la nutrition du corps ne s'opère pas seulement par l'estomac, "mais aussi d'une manière imperceptible par la force magnétique qui réside dans toute la nature, et dans laquelle chaque individu puise sa nourriture spécifique". L'homme, dit-il encore, tire non seulement la santé des éléments lorsqu'ils sont en équilibre, mais encore la maladie, lorsque leur équilibre vient à être rompu. Les corps vivants sont sujets aux lois de l'attraction et de l'affinité chimique, ainsi que l'admet la science ; la propriété physique la plus remarquable des tissus organiques, d'après les physiologistes, est la propriété d'imbibition. Quoi de plus naturel, dès lors, que cette théorie de Paracelse, que notre corps absorbant, attractif, et chimique rassemble en lui les influences astrales ou sidérales ? "Le soleil et les étoiles nous attirent à eux et nous, de notre côté nous les attirons". Quelle objection la science peut-elle faire à cela ? Ce que nous exhalons est indiqué dans la découverte faite par le Baron Reichenbach des émanations odiques de l'homme, qui sont identiques aux effluves de l'aimant, des cristaux, et, en fait, de tous les organismes végétaux.
L'unité de l'univers fut affirmée par Paracelse, qui dit que "le corps humain possède l'étoffe primitive (ou matière cosmique)" ; le spectroscope a démontré cette assertion, en faisant voir que les mêmes éléments chimiques qui existent sur la terre et dans le soleil se retrouvent aussi dans tous les astres. Le spectroscope fait encore davantage ; il montre que toutes les étoiles sont des soleils, pareils au nôtre, au point de vue de la constitution 301 ; Et que, comme le dit le professeur Mayer 302, la condition magnétique de la terre change avec chaque variation qui se produit à la surface du soleil, au point de dire qu'elle est soumise aux émanations du soleil. Les étoiles étant des soleils doivent aussi avoir des émanations qui nous affectent à un degré proportionnel.
"Pendant nos rêves", dit Paracelse, "nous sommes comme les plantes qui ont aussi un corps élémentaire et vital, mais qui ne possèdent pas d'esprit. Dans notre sommeil, notre corps astral est libre, et peut, grâce à l'élasticité de sa nature, soit tourner autour de son véhicule endormi, soit s'élever plus haut, et aller converser avec ses parents étoilés, soit même communiquer avec ses frères, à grande distance. Les rêves d'un caractère prophétique, la prescience, et les besoins actuels sont les facultés de l'esprit [242] astral. A notre corps élémentaire plus grossier, ces dons n'ont point été accordés, car, à la mort, il descend dans le sein de la terre, et se réunit aux éléments physiques, tandis que les divers esprits retournent aux étoiles." Les animaux, ajoute-t-il, "ont aussi leurs pressentiments, parce qu'ils ont eux aussi un corps astral".
Van Helmont, qui était disciple de Paracelse, dit la même chose, quoique ses théories sur le magnétisme soient plus largement développées, et encore plus soigneusement élaborées. Le Magnale Magnum au moyen duquel la propriété magnétique occulte permet à une personne d'en affecter mutuellement une autre est attribué par lui à cette sympathie universelle qui existe entre toutes choses dans la nature. La cause produit l'effet, l'effet remonte à la cause et réciproquement. "Le magnétisme, dit-il, est une propriété inconnue, d'une nature céleste, ressemblant beaucoup aux étoiles, et qui n'est nullement arrêtée par aucun obstacle d'espace ou de temps… Chaque être créé possède son pouvoir céleste propre et est étroitement allié avec le ciel. Ce pouvoir magique de l'homme qui agit ainsi extérieurement réside, pour ainsi dire, caché dans l'homme intérieur. Cette sagesse et force magique sommeille ainsi, mais elle est éveillée à l'activité par une simple suggestion, et elle est d'autant plus vivante que l'homme extérieur de chair et de ténèbres est dompté... Je dis que cet effet est provoqué par l'art cabalistique ; il réveille dans l'âme, ce pouvoir magique, quoique naturel, qui y sommeillait" 303.
303 De Magnetica Vulner Curatione, p. 772, 1. c.
Van Helmont et Paracelse s'accordent sur la grande puissance de la volonté, dans l'état d'extase ; ils disent que "l'esprit est répandu partout ; et que l'esprit est le milieu du magnétisme" ; que la primitive magie pure ne consiste pas en pratiques superstitieuses ni en vaines cérémonies, mais dans l'impériale volonté de l'homme. "Ce ne sont point les esprits du ciel et de l'enfer qui sont les maîtres de la nature physique, mais l'âme et l'esprit de l'homme, qui sont dissimulés en lui, comme le feu est caché dans le silex".
La théorie de l'influence sidérale sur l'homme a été professée par tous les philosophes du moyen âge. "Les étoiles sont formées des éléments des corps terrestres", dit Cornélius Agrippa. "Et c'est pourquoi les idées s'attirent réciproquement... Les influences s'exercent seulement avec le concours de l'esprit ; mais cet esprit est répandu partout dans l'univers, et il est en plein accord avec l'esprit de l'homme. Le magicien qui veut acquérir des pouvoirs surnaturels, doit posséder la foi, la charité et l'espérance…
Dans toutes choses, un pouvoir secret est caché, et c'est de là que viennent les pouvoirs miraculeux de la magie". [243]
La théorie moderne du général Pleasanton 304 sur les propriétés de la lumière bleue, concorde singulièrement avec les idées des philosophes du feu. Ses vues sur les électricités positive et négative de l'homme et de la femme, et sur l'attraction et la répulsion de toutes choses dans la nature semblent avoir été copiées sur celles de Robert Fludd, le Grand Maître des Rose-croix d'Angleterre. "Lorsque deux hommes s'approchent l'un de l'autre", dit le philosophe du feu, "leur magnétisme est passif ou actif ; c'est-à-dire positif ou négatif. Si les émanations qu'ils produisent sont rompues ou renvoyées, il en résulte de l'antipathie. Mais si elles passent de l'un à l'autre sans obstacle, il y a, dans ce cas, magnétisme positif, car les rayons procèdent du centre à la circonférence. Dans ce cas, il n'affecte pas seulement les maladies, mais il agit aussi sur les sentiments moraux. Ce magnétisme ou sympathie se retrouve non seulement chez l'homme, mais encore chez les plantes et chez les animaux" 305.
304 Cf. "On the influence of the Blue Ray".
305 Ennemoser. History of Magie.
Examinons maintenant comment, lorsque Mesmer eut importé en France son "baquet", et son système entièrement basé sur la Philosophie et les doctrines de Paracelse, la grande découverte psychologique et physiologique fut traitée par les médecins. Cela démontrera combien l'ignorance, la légèreté, et les préjugés peuvent être manifestés par un corps scientifique, lorsque le sujet heurte ses théories les plus chères. C'est d'autant plus important, que c'est probablement à la négligence du comité de l'Académie de France des sciences en 1784, que sont dues les tendances matérialistes du public ; et certainement les lacunes que ses plus dévoués professeurs reconnaissent exister dans la philosophie atomique. Le comité de 1784 comprenait des hommes éminents tels que Borie, Sallin, d'Arcet et le fameux Guillotin, auxquels vinrent s'ajouter par la suite Franklin, Leroi, Bailly, de Borg et Lavoisier. Borie mourut peu de temps après, et fut remplacé par Magault. Il est impossible de révoquer en doute deux choses, savoir : que le comité commença ses travaux sous l'influence des préjugés très vifs, et uniquement parce qu'il en avait reçu l'ordre péremptoire du roi ; et en second lieu, que sa manière d'observer les faits délicats du mesmérisme fut peu judicieuse et mesquine. Le rapport, rédigé par Bailly, était destiné à donner le coup de grâce à la nouvelle science. Il fut ostensiblement répandu dans les écoles et dans tous les rangs de la société, éveillant des sentiments d'une profonde amertume chez une grande partie de l'aristocratie et de la classe commerciale riche qui avaient patronné Mesmer, et avaient été témoins oculaires de ses cures. Ant. de Jussieu, Académicien [244] du plus haut rang, qui avait étudié à fond la question, avec l'éminent médecin de la Cour, d'Eslon, publia un contre-rapport rédigé avec la plus minutieuse exactitude, dans lequel il préconisait de faire observer soigneusement, par la Faculté de médecine, les effets thérapeutiques du fluide magnétique, et insistait sur la publication immédiate de leurs découvertes et observations. Sa demande fut appuyée par un grand nombre de mémoires, d'ouvrages de polémique, et de livres dogmatiques, développant des faits nouveaux. Les œuvres de Thouret intitulées : Recherches et doutes sur le Magnétisme Animal, dans lesquelles était déployée une vaste érudition, stimulèrent les recherches dans les archives du passé ; et les phénomènes magnétiques chez les nations qui se sont succédé depuis l'antiquité la plus reculée furent placés sous les yeux du public.
306 Du magnétisme animal en France, Paris, 1826.
307 The Conservation of Energy, N.V., 1875.
La doctrine de Mesmer était tout simplement une reprise des doctrines de Paracelse, Van Helmont, Santanelli et Maxwell l'Ecossais ; Et il s'était même rendu coupable de copier des textes de l'ouvrage de Bertrand en les présentant comme ses propres principes 306. Dans le livre de Stewart 307, l'auteur envisage l'univers comme composé d'atomes, avec un agent intermédiaire entre eux faisant l'office de machine, et les lois de l'énergie pour la faire marcher. Le professeur Youmans nomme cela "une doctrine moderne", mais nous trouvons parmi les vingt-sept propositions mises en avant par Mesmer en 1775, juste un siècle auparavant, dans sa Lettre à un médecin étranger, ce qui suit :
- Il existe une influence mutuelle entre les corps célestes, la terre et les corps vivants ;
- Un fluide universellement répandu et continu de façon à ne point admettre de vide, dont la subtilité est au-delà de foute comparaison, et qui, de sa nature, est susceptible de recevoir, de propager et de communiquer foutes les impressions de mouvement, est le médium de cette influence.
Il paraîtrait, d'après cela, que la théorie n'est pas si nouvelle après tout. Le professeur Stewart dit : "Nous pouvons considérer l'univers comme une vaste machine physique" et Mesmer dit :
- Cette action réciproque est assujettie à des lois mécaniques inconnues jusqu'à ce jour.
Le professeur Mayer, réaffirmant la doctrine de Gilbert que la terre est un grand aimant, remarque que les variations mystérieuses dans l'intensité de sa force paraissent être subordonnées [245] aux émanations du soleil, changeant avec les révolutions apparentes quotidiennes et annuelles de ce globe, et vibrant sympathiquement avec les immenses vagues de feu qui s'agitent à sa surface. Il parle de fluctuation constante, de flux et de reflux de l'influence dirigeante de la terre. Voici ce que dit Mesmer :
- De cette action résulte des effets alternants qui peuvent être considérés comme un flux et un reflux ;
- C'est par cette opération (la plus universelle de celles que nous offre la nature) que les relations d'activité se nouent entre les corps célestes, la ferre et ses parties constituantes.
Il y en a encore deux qui seront intéressantes à lire pour nos savants modernes :
- Les propriétés de la matière et des corps organisés dépendent de cette opération ;
- Le corps animal éprouve les effets alternés de cet agent ; et c'est en s'insinuant dans la substance des nerfs, qu'il les affecte immédiatement.
Parmi d'autres ouvrages importants parus entre 1798 et 1824, époque où l'Académie nomma sa seconde Commission pour étudier le magnétisme, les Annales du Magnétisme animal, du baron d'Hénin de Cuvillier, lieutenant général, chevalier de Saint-Louis, membre de l'Académie des Sciences, et correspondant de plusieurs sociétés savantes d'Europe, pourraient être consultées avec avantage. En 1820, le Gouvernement prussien engagea l'Académie de Berlin à offrir un prix de trois cents ducats d'or, pour la meilleure thèse sur le mesmérisme. La Société Royale scientifique de Paris, sous la présidence de S.A.R. le duc d'Angoulême, offrit une médaille d'or pour le même objet. Le marquis de la Place, pair de France, un des quarante de l'Académie des Sciences, etc., publia un livre intitulé : Essai philosophique sur les Probabilités, dans lequel l'éminent savant s'exprime comme suit : "De tous les instruments dont nous pouvons nous servir pour connaître les imperceptibles agents de la nature, les plus sensibles sont les nerfs, particulièrement lorsque des influences exceptionnelles augmentent leur sensibilité… Les phénomènes singuliers qui résultent de cette extrême sensibilité nerveuse de certains individus ont donné naissance à diverses opinions sur l'existence d'un nouvel agent qui a été dénommé magnétisme animal. Nous sommes si loin de connaître tous les agents de la nature et leurs divers modes d'action, qu'il serait peu philosophique de nier des phénomènes tout simplement parce qu'ils sont inexplicables dans l'état actuel de nos connaissances. Il est strictement de notre devoir de les [246] examiner avec une attention d'autant plus scrupuleuse qu'il paraît plus difficile de les admettre".
Les expériences de Mesmer furent beaucoup perfectionnées par le marquis de Puységur qui se passa complètement d'appareils, et opéra des cures remarquables parmi les fermiers de ses propriétés de Busancy. Ces faits ayant été publiés, un grand nombre de personnes instruites expérimentèrent avec succès, et en 1825, M. Foissac proposa à la Faculté de Médecine d'instituer une nouvelle enquête. Un comité spécial composé des Drs Adelon, Parisey, Marc, Eurdin aîné, avec Husson comme rapporteur, unit ses efforts à ceux du savant, pour faire accepter la proposition. Il fit le viril aveu qu'en "science, une décision, quelle qu'elle soit, n'est jamais absolue ni irrévocable", et il nous fournit le moyen d'apprécier la valeur qu'il fallait attacher aux conclusions du comité de Franklin de 1784, en disant que "les expériences sur lesquelles était basé ce jugement paraissaient avoir été conduites sans la présence simultanée et nécessaire de tous les membres de, la Commission, et avec des prédispositions morales qui, suivant les principes du fait qu'ils étaient appelés à examiner, devaient motiver leur échec complet."
Ce qu'ils ont dit du magnétisme en tant que remède secret, a été dit bien des fois par les auteurs les plus respectés sur le spiritisme moderne et notamment : "Il est du devoir de l'Académie de l'étudier, de le soumettre à des épreuves, enfin d'en enlever l'usage et la pratique à des personnes tout à fait étrangères à l'art qui abusent des moyens qu'il fournit et en font un objet de lucre et de spéculation".
Ce rapport provoqua de longs débats, mais en mai 1826, l'Académie nomma une commission qui comprenait les illustres noms suivants : Leroux, Bourdois de la Motte, Double, Magendie, Guersant, Husson, Thillaye, Marc, Itard, Fouquier et Guénau de Mussy. Elle commença sur- le-champ ses travaux, qu'elle continua pendant cinq années, communiquant à l'Académie, par l'entremise de M. Husson, le résultat de ses observations. Le rapport renferme les comptes rendus de phénomènes classés en trente- quatre paragraphes différents, mais comme ce travail n'est pas spécialement consacré à la science du magnétisme, nous nous contenterons de quelques courts extraits. Il affirme que ni le contact des mains, ni les frictions, ni les passes, ne sont invariablement nécessaires, puisque dans plusieurs occasions, la volonté, la fixité du regard avaient suffi pour produire les phénomènes magnétiques, même à l'insu de la personne magnétisée. "Des phénomènes thérapeutiques bien attestés" dépendent du magnétisme seul, et ne peuvent être reproduits sans lui. L'état de somnambulisme existe et "occasionne le développement de nouvelles facultés qui ont reçu la [247] dénomination de clairvoyance, intuition, prévision interne". Le sommeil (magnétique) a e été provoqué dans des circonstances où les sujets ne pouvaient voir, et étaient parfaitement ignorants des moyens employés pour l'occasionner. Le magnétiseur, s'étant une fois rendu maître de son sujet, peut le mettre complètement en état de somnambulisme, l'en tirer sans qu'il le sache, étant même hors de sa vue, à une certaine distance et à travers des portes fermées". Les sens extérieurs du dormeur paraissent être entièrement paralysés, et une nouvelle série de sens semble être mise en action. "Le plus souvent, le somnambule reste complètement étranger au fruit extérieur et inattendu fait à ses oreilles, tel que le son de vases en cuivre frappés avec violence, la chute d'un objet lourd, etc… On peut lui faire respirer de l'acide chlorhydrique ou de l'ammoniaque sans l'incommoder, et même sans qu'il le soupçonne". La commission pouvait "chatouiller ses pieds, ses narines, et les angles des paupières avec les barbes d'une plume, pincer la peau de façon à y provoquer des ecchymoses, le piquer sous les ongles avec des épingles enfoncées à une certaine profondeur sans causer la moindre souffrance et sans qu'il fît le plus léger signe qui indiquât le moins du monde qu'il en eût conscience. En un mot, nous avons vu une personne qui a été insensible à une des plus pénibles opérations de la chirurgie et dont l'attitude, le pouls ou la respiration ne manifestaient pas la plus légère émotion".
Voilà pour ce qui concerne les sens extérieurs ; maintenant voyons ce qu'ils ont à dire au sujet des sens internes qui peuvent justement être considérés comme démontrant une différence marquée entre l'homme et le protoplasme de mouton. "Pendant qu'ils sont dans cet état de somnambulisme", dit le comité, "les sujets magnétisés que nous avons observés conservent l'exercice des facultés qu'ils ont à l'état de veille. Leur mémoire paraît même être plus fidèle et plus étendue… Nous avons vu deux somnambules distinguer les yeux fermés les objets placés devant eux ; ils ont dit, sans les toucher, la couleur et la valeur des cartes ; ils ont lu des mots tracés à la main, ou quelques lignes d'un livre ouvert au hasard. Ce phénomène a eu lieu, même lorsque les paupières étaient closes au moyen des doigts. Nous avons rencontré chez deux somnambules la faculté de prévoir des actes plus ou moins compliqués de l'organisme. L'un d'eux annonça plusieurs jours et même plusieurs mois à l'avance, le jour, l'heure et la minute où des attaques d'épilepsie devaient se produire et récidiver ; un autre prédit le moment de la guérison. Leurs prévisions se réalisèrent avec une exactitude remarquable".
La commission dit "qu'elle a recueilli et communiqué des faits suffisamment importants pour induire à penser que l'Académie doit encourager les recherches sur le magnétisme comme une très [248] curieuse branche de l'histoire psychologique et naturelle". La commission conclut en disant que les faits sont si extraordinaires, qu'elle peut à peine s'imaginer que l'Académie admettra leur réalité, mais elle affirme qu'elle a été constamment animée de sentiments honnêtes et guidée par des motifs d'un ordre élevé, "l'amour de la science et la nécessité de justifier les espérances que l'Académie avait conçues de son zèle et de son dévouement".
Ses craintes furent complètement justifiées par la conduite d'au moins un de ses membres qui s'était absenté au moment des expériences, et qui, nous dit M. Husson, "ne jugea point convenable de signer le rapport". Ce fut Magendie, le physiologiste qui, malgré la constatation faite au rapport officiel, qu'il n'avait pas été "présent aux expériences", n'hésita point à consacrer quatre pages de son fameux ouvrage sur la physiologie humaine à la question du mesmérisme. Et, après avoir fait un résumé sommaire des phénomènes allégués, sans les admettre aussi pleinement que l'érudition et les acquis scientifiques de ses collègues de la Commission semblaient l'exiger, il dit : "Le respect de soi-même et la dignité de la profession veulent qu'on traite ces choses avec prudence. Il (le médecin bien informé) se souviendra combien il est facile de voir le mystère dégénérer en charlatanisme et combien la profession est apte à se déshonorer même en apparence lorsqu'elle est appuyée par des praticiens respectables." Aucun mot dans le contexte ne révèle au lecteur qu'il avait été nommé par l'Académie pour faire partie de la Commission de 1826 ; qu'il avait été absent de ces réunions ce qui lui avait fait manquer l'occasion d'apprendre la vérité au sujet des phénomènes magnétiques, et qu'il prononçait son jugement ex-parte. "Le respect de soi-même et la dignité de la profession" exigeaient sans doute le silence !
Trente-huit ans plus tard, un savant anglais, dont la spécialité est l'étude de la physique et dont la réputation est encore plus grande que celle de Magendie, s'abaissa par une conduite tout aussi déloyale. Lorsque lui fut offerte l'occasion d'étudier les phénomènes spirites et d'aider à retirer cette étude des mains d'investigateurs ignorants ou malhonnêtes, le professeur Tyndall esquiva le sujet ; Mais dans ses Frayments of Science, il se rendit coupable des appréciations peu chevaleresques que nous avons citées ailleurs.
Mais nous avons tort : il fit une seule tentative, et cela lui suffit. Il nous dit, dans ses Fragments, qu'il se plaça une fois sous une table pour voir comment les coups étaient frappés, et qu'il en sortit avec une indignation telle contre l'humanité qu'il n'en avait jamais éprouvé de pareille ! Israel Putnam, se traînant à quatre pattes pour surprendre et tuer la louve dans son repaire, nous fournit en partie un parallèle pour faire apprécier le courage du [249] chimiste tâtonnant dans le noir pour savoir l'horrible vérité ; mais Putnam tua sa louve, tandis que Tyndall fut dévoré par la sienne. "Sub mensâ desperado" devrait être la devise de ses armoiries.
Parlant du rapport de la Commission de 1824, le Dr Alphonse Teste, un distingué savant contemporain, dit qu'il fit grande impression sur l'Académie, mais sans entraîner beaucoup de conviction. "Nul ne pourrait mettre en doute la véracité des Commissaires, dont la bonne foi aussi bien que le grand savoir étaient incontestables, mais on les soupçonna d'avoir été dupés. Il y a en effet certaines vérités fâcheuses qui compromettent ceux qui y ont foi, et ceux surtout qui sont assez candides pour l'avouer publiquement." Que cela est vrai ! C'est ce qu'attestent les annales de l'histoire, dès les premiers temps jusqu'à ce jour. Lorsque le professeur Robert Hare annonça les résultats préliminaires de ses investigations sur le spiritisme, et bien qu'il fût un des plus éminents chimistes et physiciens de son temps, on le considéra néanmoins comme une dupe. Lorsqu'il prouva qu'il ne l'était pas, on l'accusa de gâtisme ; les professeurs du collège d'Harvard désavouèrent "son adhésion insensée à cette gigantesque mystification."
Lorsque ce savant commença ses investigations en 1853, il annonça qu'il "se sentait appelé, par devoir pour ses semblables, à user de toute son influence pour arrêter la marée de la folie populaire qui montait rapidement en dépit de la raison et de la science, en faveur de la grossière illusion nommée spiritisme."Bien que, d'après sa propre déclaration, "il partageât l'opinion de Faraday sur la théorie des tables tournantes", il eut la vraie grandeur d'âme qui caractérise les princes de la science, d'étudier la question à fond et de proclamer ensuite la vérité. Il nous montre comment il en fut récompensé par ses collègues. Dans une conférence donnée à New-York, en septembre 1854, il dit que "pendant plus d'un demi-siècle il s'est constamment occupé de recherches scientifiques, que son exactitude et sa précision n'ont jamais été mises en doute, jusqu'au moment où il est devenu spirite ; Et que son intégrité, comme homme, n'avait jamais été attaquée, jusqu'au jour où les professeurs de Harvard fulminèrent leur rapport contre ce qu'il savait être vrai et qu'eux ne savaient pas être faux."
Quelle douleur exprimée en peu de mots ! Un vieillard de soixante- seize ans, un savant d'un demi-siècle, abandonné pour avoir dit la vérité ! Et voici que Mr A.-R. Wallace, qui jusqu'ici avait été estimé parmi les plus illustres des savants britanniques, ayant proclamé sa croyance au spiritisme et au magnétisme, n'excite plus que la compassion. Le professeur Wagner, de Saint-Petersbourg, dont la réputation comme zoologiste est éminente, [250] subit à son tour la peine de sa naïveté exceptionnelle dans la manière outrageante dont il est traité par les savants russes ?
Il y a savants et savants ; et si les sciences occultes, dans l'exemple du spiritisme moderne, souffrent de la malice d'une classe, elles ont eu, dans tous les temps, leurs défenseurs parmi ceux dont les noms ont jeté un éclat sur la science elle-même. Au premier rang figure Isaac Newton, "le flambeau de la science", qui croyait pleinement au magnétisme, tel que l'enseignait Paracelse, Van Helmont et les philosophes de feu en général.
Personne n'osera contester que sa doctrine de l'espace et de l'attraction universelle ne soit purement une théorie du magnétisme. Si ses propres paroles ont une signification, elles veulent dire qu'il fonde toutes ses spéculations sur "l'âme du monde", le grand agent magnétique universel, qu'il nomme le divin sensorium 308. "Ici, dit-il, la question roule sur un esprit subtil qui pénètre toutes choses, même les corps les plus durs, et qui est caché dans leur substance. Par la force et l'activité de cet esprit, les corps s'attirent mutuellement et adhèrent ensemble lorsqu'ils sont mis en contact. C'est par lui que les corps électriques agissent de loin comme de près, s'attirent ou se repoussent ; c'est par cet esprit aussi que la lumière se répand, qu'elle est réfractée et réfléchie et qu'elle réchauffe les corps. Tous les sens sont excités par cet esprit et c'est par lui que les animaux remuent leurs membres. Mais ces choses ne peuvent être expliquées en peu de mots, et nous n'avons pas encore assez d'expérience pour déterminer pleinement les lois en vertu desquelles cet esprit universel agit".
Il y a deux sortes de magnétisation ; la première est purement animale et l'autre est transcendante, dépendant de la volonté et du savoir du magnétiseur, aussi bien que du degré de spiritualité du sujet et de son aptitude à recevoir les impressions de la lumière astrale. Nous devons d'abord nous assurer que la clairvoyance dépend bien plus de la première que de la seconde. Le sujet le plus positif est forcé de se soumettre à la puissance d'un adepte comme Du Potet. Si sa vue est convenablement dirigée par le magnétiseur, magicien ou esprit, la lumière devra livrer à notre examen ses archives les plus secrètes ; car si elle est un livre toujours fermé pour ceux qui "voient et ne perçoivent pas", il est, d'autre part, toujours ouvert pour ceux qui veulent le voir ouvert. Ce livre contient un enregistrement intégral de tout ce qui a été, est, ou sera. Les moindres actes de notre vie y sont imprimés et mêmes nos pensées demeurent photographiées sur ses tablettes éternelles. C'est le livre que nous voyons ouvrir par l'Ange, dans [251] l'Apocalypse, "lequel est le Livre de vie, et c'est sur lui que les morts seront jugés suivant leurs œuvres." En un mot, c'est la MÉMOIRE DE DIEU !
308 Fundamental Principes of Nattiral Philosophy.
"Les oracles affirment que l'impression des pensées, des caractères, des hommes, et autres visions divines, apparaissent dans Æther… Les choses qui n'en ont point y prennent une forme", dit un ancien fragment des Oracles Chaldéens de Zoroastre 309.
Ainsi, la sagesse, la prophétie et la science anciennes et modernes concourent à confirmer les assertions des cabalistes. C'est sur les indestructibles tablettes de la lumière astrale qu'est marquée l'empreinte de chaque pensée que nous formons, de chaque acte que nous accomplissons ; c'est là que les événements futurs – effets de causes depuis longtemps oubliées – sont déjà tracés comme, un tableau vivant, pour l'œil du voyant ou du prophète. La mémoire – désespoir des matérialistes, énigme du psychologue, sphinx de la science – est, pour l'étudiant des anciennes philosophies, tout simplement un nom pour exprimer la puissance inconsciemment exercée par l'homme qui la partage avec beaucoup d'animaux inférieurs, pour regarder, avec la vue interne dans la lumière astrale, et y voir l'image des sensations et des événements passés. Au lieu de chercher des ganglions cérébraux, pour y retrouver des "micrographies des vivants et des morts, des scènes que nous avons visitées, et des événements auxquels nous avons été mêlés" 310, les anciens allaient au vaste dépôt où ces archives de la vie de tout homme, aussi bien que chaque pulsation du cosmos visible, sont conservés pour toute l'éternité !
309 Simpl. in Phys., 143 ; "The Chaldean Oracles", Cory.
310 Draper. Conflict between Religion and Science.
L'éclair de mémoire qui, d'après la tradition, montre à l'homme qui se noie, les scènes depuis longtemps oubliées de sa vie mortelle – comme un paysage se révèle au voyageur à la lueur intermittente des éclairs – est tout simplement un coup d'œil rapide que l'âme en lutte jette dans les silencieuses galeries où son histoire est peinte en couleurs impérissables.
Le fait bien connu – confirmé par l'expérience personnelle de neuf personnes sur dix – que nous reconnaissons souvent comme familiers des scènes, des paysages, ou des conversations, que nous voyons ou entendons pour la première fois, et parfois dans des contrées que nous n'avions jamais visitées, est un effet des même causes. Ceux qui croient à la réincarnation invoquent ce fait comme une preuve additionnelle d'une existence antérieure dans d'autres corps. Ils attribuent cette reconnaissance d'hommes, de pays et de choses, que nous n'avons jamais vus, à des éclairs [252] de mémoire d'expériences antérieures de l'âme dans son existence antérieure. Mais les hommes de l'antiquité ainsi que les philosophes du moyen âge soutiennent énergiquement une opinion contraire.
Ils affirment que, bien que ce phénomène psychologique soit un des plus puissants arguments en faveur de la survivance et de la préexistence de l'âme, comme cette dernière est douée d'une mémoire individuelle, autre que celle de notre cerveau physique, ce n'est point là une preuve de la réincarnation. Ainsi que l'exprime très bien Eliphas Lévi, "la nature ferme la porte après chaque chose qui passe et pousse la vie en avant" dans des formes plus parfaites. La chrysalide devient papillon ; mais celui-ci ne se transforme jamais de nouveau en larve. Dans le calme des heures nocturnes, lorsque nos sens corporels sont emprisonnés dans les fers du sommeil, et que notre corps élémentaire repose, la forme astrale devient libre. Elle se glisse alors hors de sa prison terrestre, et, suivant l'expression de Paracelse elle "fraye avec le monde extérieur", et voyage à travers les mondes visibles et invisibles. "Dans le sommeil, dit-il, le corps astral (âme) est libre de ses mouvements ; il prend alors son essor vers ses ancêtres, et lie conversation avec les étoiles." Les rêves, les signes, la prescience, les pronostics, et les pressentiments sont des impressions laissées par notre esprit astral dans notre cerveau, qui les reçoit plus ou moins distinctement, suivant la quantité de sang dont il est pourvu pendant les heures du sommeil. Plus le corps est épuisé, plus l'homme spirituel est libre, et plus vivaces sont les impressions de notre mémoire d'âme. Après un sommeil lourd et robuste, sans rêves et ininterrompu, en se réveillant et en reprenant conscience, on peut ne se souvenir de rien. Mais les impressions de scènes et de paysages que le corps astral a vus dans ses pérégrinations sont toujours là, quoique latentes, sous la pression de la matière. Elles peuvent se réveiller à un moment donné et, durant ces éclairs de la mémoire intime de l'homme, il s'opère un échange instantané d'énergies entre les univers visibles et les mondes invisibles. Un courant s'établit entre les micrographies des ganglions cérébraux et les galeries photo-scénographiques de la lumière astrale. Et celui qui sait qu'il n'a jamais visité dans son corps, ni vu le paysage ou la personne qu'il reconnaît, peut affirmer néanmoins qu'il les a vus et qu'il les connaît, car cette connaissance s'est faite pendant qu'il voyageait en "esprit". A cela, les physiologistes n'ont qu'une seule objection à opposer. Ils répondront que dans le sommeil naturel, parfait et profond, "la moitié de notre nature, qui est volitive se trouve à l'état inerte", et par conséquent hors d'état de voyager ; d'autant plus qu'ils considèrent l'existence de quelque chose comme un corps individuel astral [253] ou âme, comme à peine mieux qu'un mythe poétique. Blumenbach affirme que dans l'état de sommeil, tout rapport, toute relation entre le mental et le corps sont interrompus ; assertion démentie par le Dr Richardson F.R.S., qui rappelle honnêtement au savant allemand que "les limites précises et les connexions de l'esprit et du corps étant inconnues", ce qu'il avance dépasse évidemment ce qu'il peut savoir. Cet aveu joint à celui du physiologiste français Fournier, et à celui plus récent encore du Dr Allechin, éminent médecin de Londres, qui reconnaît franchement, dans une allocution aux étudiants, que "de toutes les recherches scientifiques qui touchent pratiquement aux intérêts de la société, il n'en est point qui repose sur des bases aussi incertaines et aussi peu sûres que la médecine", nous donne un certain droit à opposer les hypothèses des savants de l'antiquité à celles des savants modernes.
Nul homme, si matériel et grossier qu'il puisse être, ne peut éviter de mener une existence double ; l'une dans le monde visible, l'autre dans l'invisible. Le principe de vie qui anime son enveloppe physique se trouve surtout dans son corps astral ; et tandis que les parties les plus animales reposent, les parties plus spirituelles ne connaissent ni limites, ni obstacles. Nous savons très bien que beaucoup de gens instruits, aussi bien que des ignorants s'élèveront contre cette nouvelle théorie de distribution du principe de vie. Ils aimeraient mieux rester dans la bienheureuse ignorance et continuer à avouer que personne ne sait ni ne peut prétendre dire d'où vient ce mystérieux agent, et où il va, que de prêter un moment d'attention à ce qu'ils considèrent comme des théories antiques et surannées. Quelques-uns, se plaçant sur le terrain adopté par la théologie, objecteront que les animaux n'ont point d'âme immortelle, et, par conséquent, ne peuvent pas avoir d'esprit astral ; car, les théologiens de même que les laïques, vivent sous l'impression erronée que l'âme et l'esprit sont une seule et même chose. Mais si nous étudions Platon et les autres philosophes de l'antiquité, nous n'avons pas de peine à comprendre que, tandis que "l'âme irrationnelle", par laquelle Platon désigne notre corps astral, ou la partie la plus éthérée de notre être, ne peut avoir, tout au plus, qu'une continuité d'existence plus ou moins prolongée au-delà du tombeau ; le divin esprit, appelé à tort âme par l'Eglise, est immortel par essence même. (Tout lettré hébraïsant comprendra et appréciera très aisément la différence qui existe entre les deux mots ruah et nephesph). Si le principe de vie est quelque chose d'autre que l'esprit astral, et sans rapport avec lui, comment se fait-il que l'intensité des pouvoirs de clairvoyance dépende tellement de la prostration corporelle du sujet ? Plus la transe est profonde, plus les signes de vie [254] donnés par le corps sont faibles, plus les perceptions spirituelles deviennent claires, et plus les visions de l'âme sont puissantes. L'âme, délivrée du fardeau des sens corporels, montre alors un degré d'activité et de puissance bien supérieure à celui qu'elle pourrait déployer dans un corps fort et sain. Brierre de Boismont fournit des exemples répétés de ce fait. Les organes de la vue, de l'odorat, du goût, de l'ouïe et du toucher deviennent beaucoup plus aigus, chez un sujet magnétisé privé de la possibilité de les exercer corporellement, qu'ils ne le sont à l'état normal.
Ces seuls faits, une fois démontrés, se posent comme une preuve indiscutable de la continuité de la vie individuelle, au moins pendant une certaine période, après que le corps a été abandonné par nous, par usure ou par accident. Mais quoique durant son court séjour sur la terre, notre âme puisse être comparée à une lumière cachée sous un boisseau, elle brille pourtant, avec plus ou moins d'éclat, et attire à elle les influences des esprits apparentés ; et lorsqu'une pensée, bonne ou mauvaise, est engendrée dans notre cerveau, elle lui attire des impulsions semblables aussi irrésistiblement que l'aimant attire la limaille de fer. Cette attraction est proportionnée aussi à l'intensité avec laquelle l'impulsion de pensée se fait sentir dans l'éther ; et ainsi, l'on peut comprendre comment un homme s'impose à son époque avec tant de force, que l'influence est transmise – par les courants d'énergie sans cesse échangés entre les deux mondes, visible, et invisible – d'âge en âge, jusqu'à ce qu'elle affecte une grande partie du genre humain.
Il serait difficile de dire jusqu'à quel point les auteurs de Unseen Universe (l'Univers invisible) se sont laissés aller à penser dans cette direction ; mais on peut conclure qu'ils n'ont pas dit tout ce qu'ils auraient pu dire, en lisant le passage suivant :
"Qu'on l'envisage comme l'on voudra, les propriétés de l'éther sont, sans aucun doute, d'un ordre bien plus élevé dans le champ de la nature, que celles de la matière pondérable. Or, comme même les grands prêtres de la science trouvent encore ces dernières bien au-dessus de leur compréhension, sauf dans des cas particuliers, nombreux, mais de minime importance, et souvent isolés, il ne nous siérait point de pousser plus loin nos spéculations. Il est suffisant pour le but que nous avons en vue, de savoir, d'après ce que l'éther fait, qu'il est capable d'infiniment plus de choses que l'on ne s'est encore hasardé à le dire."
Une des plus intéressantes découvertes des temps modernes est celle de la faculté, qui permet à une certaine catégorie de personnes sensitives de recevoir, d'un objet quelconque placé dans leurs mains ou appliqué sur leur front, des impressions sur le [255] caractère ou l'aspect de l'individu ou de l'objet, avec lequel il a été antérieurement en contact. Ainsi, un manuscrit, un tableau, un vêtement, un bijou – quelle qu'en soit l'antiquité, montre au sujet une image vivace de l'écrivain, du peintre ou de la personne qui en a été porteur, même quand il aurait vécu du temps de Ptolémée ou d'Enoch. Bien plus, un fragment d'un édifice ancien rappellera son histoire, et même les scènes qui se sont passées dans son enceinte, ou dans son voisinage. Un morceau de minerai provoquera la vision d'âme de l'époque où il était en voie de formation. Cette faculté est appelée par celui qui l'a découverte – M. Buchanan de Louisville, Kentucky – psychométrie. C'est à lui que le monde est redevable de cette importante addition aux sciences psychologiques ; et c'est à lui, peut-être, quand le scepticisme aura été terrassé par une telle accumulation de faits, que la postérité devra élever une statue. En annonçant au public sa grande découverte, le professeur Buchanan, s'en tenant au pouvoir que présente la psychométrie de dessiner le caractère de l'homme, dit : "L'influence mentale et physiologique accordée à l'écriture paraît être indestructible, car les plus anciens spécimens que nous avons examinés donnaient leurs impressions avec une force et une netteté peu affaiblies par le temps. D'anciens manuscrits, exigeant un antiquaire pour en déchiffrer les étranges caractères, étaient facilement interprétés par la puissance psychométrique... La faculté de conserver l'empreinte du mental n'est point limitée à l'écriture. Les dessins, les tableaux, tout ce sur quoi la pensée, la volonté ou le contact d'un homme s'est fixé vient s'enchaîner intimement à cette pensée, à cette vie, de façon à les rappeler au mental d'un autre, lorsqu'il y a contact."
Sans pouvoir apprécier exactement, au début de sa grande découverte, toute la portée de ses paroles prophétiques, le professeur ajoute "Cette découverte, dans son application aux arts et à l'histoire, ouvrira une mine, de savoir intéressant." 311
L'existence de cette faculté fut expérimentée pour la première fois en 1841. Elle a été vérifiée depuis par mille psychomètres, dans différentes parties du monde. Elle prouve que tout événement dans la nature – malgré son peu d'importance – laisse son empreinte indélébile sur la nature physique ; et comme il n'y a pas eu une perturbation moléculaire appréciable, la seule déduction possible est que ces images ont été produites par cette force universelle – l'Ether ou lumière astrale. [256]
Dans son charmant livre intitulé The soul of Things (L'âme des choses) le professeur Denton (géologue) 312 entre, avec grands détails, dans la discussion de cette question. Il donne une multitude d'exemples du pouvoir psychométrique, que Mrs. Denton possède à un degré très marqué. Un fragment de la maison de Cicéron à Tusculum, lui permit de décrire, sans avoir la moindre connaissance de la nature de l'objet qu'on plaçait sur son front, non seulement l'emplacement du grand orateur romain, mais encore ce qui se rapportait au précédent propriétaire de la maison, Cornélius Sulla Felix, habituellement connu comme Sulla le dictateur. Un fragment de marbre de l'ancienne Eglise Chrétienne de Smyrne fit apparaître devant elle l'assemblée des fidèles et les prêtres officiant. Des fragments apportés de Ninive, de Chine, de Jérusalem, de Grèce, du mont Ararat et d'autres endroits, lui représentèrent des scènes de la vie de personnages divers dont les cendres ont disparu depuis des milliers d'années. Dans bien des cas, M. Denton vérifia ces renseignements, annales historiques en main. Mieux que cela, un morceau de squelette ou de dent de quelque animal antédiluvien permit à la voyante d'apercevoir la créature, telle qu'elle était de son vivant, et même de vivre pendant quelques instants, de sa vie, et d'éprouver ses sensations. Devant l'enquête du psychomètre, les replis les plus cachés du domaine de la nature dévoilent leurs secrets ; et les événements des époques les plus reculées rivalisent d'éclat, d'impression avec les circonstances passagères d'hier.
311 J.R. Buchanan M.D. Outlines of Lectures on the Neurological System of Anthropology.
312 W. et Elisabeth M.F. Denton. The soul of Things or Psychometric Researches and Discoveries. Boston, 1873.
L'auteur dit dans le même ouvrage : "Pas une feuille ne tremble, pas un insecte ne rampe, pas une vague ne se meut, sans que chacun de ces mouvements ne soit enregistré par mille scribes fidèles, dans des écrits infaillibles et indélébiles. Et cela est vrai de tous temps. Dès l'aurore de ce globe naissant, lorsqu'un rideau de vapeurs flottait encore autour de son berceau, jusqu'à ce jour, la nature n'a cessé de photographier toute chose. Quelle galerie de tableaux que la sienne !
Il nous semble impossible d'imaginer que les scènes qui ont eu lieu dans l'ancienne Thèbes ou dans quelque temple des temps préhistoriques ne soient photographiées que sur la substance de certains atomes. Les images des événements sont incrustées dans ce milieu universel, pénétrant tout, et conservant tout, que les philosophes nomment "l'Ame du Monde", et que M. Denton qualifie "d'Ame des Choses". Le psychomètre, en appliquant un fragment d'une substance à son front, met son soi intérieur en relation avec l'âme intime de l'objet qu'il manie. Il est maintenant [257] admis que l'Æther universel interpénètre toutes choses dans la nature, même les plus denses. On commence à admettre aussi qu'il conserve les images de toutes les choses qui surviennent. Lorsque le psychomètre examine son spécimen, il est mis en contact avec le courant de lumière astrale qui est en relation avec ce spécimen, et qui conserve les tableaux des scènes associées à son histoire. Ces scènes, d'après Denton, défilent devant ses yeux avec la vitesse de la lumière ; l'une après l'autre elles s'amoncellent l'une sur l'autre si rapidement, que c'est seulement par un acte énergique de la volonté qu'il en retient une dans le champ de sa vision, assez longtemps pour pouvoir la décrire.
Le psychomètre est clairvoyant ; cela veut dire qu'il voit avec l'œil intérieur. A moins que sa force de volonté ne soit très puissante, à moins qu'il ne se soit pleinement entraîné à ce genre particulier de phénomène, et que sa connaissance des aptitudes de sa vue ne soit profonde, ses perceptions des lieux, des personnes et des événements doivent être nécessairement très confuses. Mais dans le cas de magnétisation, dans lequel cette même faculté de clairvoyance est développée, l'opérateur, dont la volonté domine le sujet, peut forcer celui-ci à concentrer son attention sur un tableau spécial, assez longtemps pour en observer tous les plus minutieux détails. De plus, sous la direction d'un magnétiseur expérimenté, le voyant dépasse le psychomètre naturel, dans la prévision des événements futurs qui se présentent à lui plus distincts et plus clairs. Si l'on objecte l'impossibilité de percevoir "ce qui n'existe pas", nous poserons cette question : Pourquoi est-il plus impossible de voir ce qui sera que de rappeler la vue de ce qui est passé et n'est plus ? D'après la doctrine des Cabalistes, l'avenir existe dans la lumière astrale à l'état d'embryon, comme le présent existait dans le même état dans le passé. Tandis que l'homme est libre d'agir comme il lui plaît, la façon dont il usera de sa liberté était connue d'avance, et de tout temps ; non point, sur le terrain du fatalisme ou de la destinée, mais simplement en vertu du principe de l'harmonie universelle immuable ; de la même façon qu'on peut savoir à l'avance que, lorsqu'une note musicale est frappée, ses vibrations ne se changeront pas en celles d'une autre note. De plus, l'éternité ne peut avoir ni passé, ni futur, mais seulement le présent ; de même que l'espace illimité, dans le sens strict du mot, ne peut avoir d'endroits rapprochés ou éloignés. Nos conceptions limitées au champ étroit de notre expérience cherchent à déterminer, sinon une fin, du moins un commencement au temps et à l'espace ; mais rien de tout cela n'existe en réalité ; car s'il en était autrement, le temps ne serait pas éternel ni l'espace illimité. Le passé n'existe pas plus que l'avenir, ainsi que nous l'avons dit ; ce qui survit, c'est notre [258] mémoire : et nos souvenirs ne sont que les aperçus que nous saisissons de ce passé dans les courants de la lumière astrale, de même que le psychomètre les saisit dans les émanations astrales de l'objet qu'il tient.
Le professeur Hitchcock, parlant des influences de la lumière sur les corps et de la formation d'images sur ceux-ci, grâce à elle, dit : "Il semble que cette influence photographique pénètre toute la nature, sans que nous puissions dire où elle s'arrête. La seule chose que nous sachions, c'est qu'elle peut imprimer nos traits sur le monde qui nous entoure, en reproduire les modifications que la passion leur fait subir et remplir ainsi la nature de daguerréotypes de toutes nos actions... il peut se faire aussi qu'il y ait des procédés par lesquels la nature plus habile que n'importe quel photographe, tire et fixe ces portraits de façon que des sens plus perçants que les nôtres les aperçoivent comme s'ils se reproduisaient sur une grande toile tendue sur l'univers matériel. Peut-être, aussi, ne s'effacent-ils jamais de la toile et deviennent-ils les échantillons de la grande galerie de tableaux de l'éternité." 313
313 Religion of Geology.
Ce "peut-être" du professeur Hitchcock a été transformé, depuis, par la démonstration de la psychométrie, en triomphante certitude. Ceux qui comprennent ces facultés psychologiques et clairvoyantes critiqueront sans doute la notion du professeur Hitchcock, et diront que des sens plus perçants que les nôtres sont nécessaires pour voir ces tableaux sur sa toile cosmique supposée et soutiendront qu'il aurait dû borner ses restrictions aux sens externes du corps. L'esprit humain, faisant partie de l'Esprit immortel Divin, n'apprécie ni passé, ni avenir, mais voit toutes choses comme dans le présent. Les daguerréotypes dont il est parlé ci-dessus sont imprimés sur la lumière astrale où, nous l'avons déjà dit – et d'accord avec les enseignements hermétiques dont la première partie est déjà acceptée et démontrée par la science – est enregistré tout ce qui a été, ce qui est et ce qui sera.
Dernièrement, quelques-uns de nos érudits ont prêté une attention particulière à une question jusqu'à présent stigmatisée comme "superstitieuse". Ils ont commencé à émettre des opinions au sujet des mondes hypothétiques et invisibles. Les auteurs de Unseen Universe ont été les premiers à prendre courageusement la direction, et déjà ils ont trouvé un partisan dans le professeur Fiske, dont les idées sont consignées dans l'ouvrage intitulé le Unseen World. Evidemment les savants tâtent le terrain douteux du matérialisme, et, le sentant trembler sous leurs pieds, ils se préparent à rendre moins déshonorante leur capitulation, en cas de [259] défaite. Jevons confirme ce que dit Babbage et tous les deux croient fermement que chaque pensée, déplaçant les particules du cerveau et les mettant en mouvement, les répand dans l'univers, et ils pensent que "chaque parcelle de matière existante doit être un registre de tout ce qui est arrivé 314." D'autre part, le Dr Thomas Young, dans ses conférences sur la philosophie naturelle, nous engage très fortement "à spéculer librement sur la possibilité de mondes indépendants ; quelques-uns existant dans différentes parties, d'autres s'interpénétrant les uns les autres, invisibles et inconnus, dans le même espace, et d'autres encore, auxquels l'espace n'est peut-être pas un mode nécessaire d'existence". 315
314 Principes of Science, vol. II, p. 455.
315 Principes of Science, vol. II, p. 455.
Si les savants, partant d'un point de vue strictement scientifique, tel que la possibilité de la transmission de l'énergie au monde invisible et le principe de la continuité se permettent de telles spéculations, pourquoi refuserait-on aux occultistes et aux spirites le même privilège ? D'après la science, les impressions produites sur une surface de métal poli sont imprimées et peuvent être conservées pendant un temps indéfini ; et Draper démontre le fait très poétiquement. "Une ombre", dit-il, "ne tombe jamais sur un mur sans y laisser une trace permanente, trace qu'on pourrait rendre visible en recourant à des procédés convenables. Les portraits de nos amis ou les paysages restent invisibles sur la plaque sensible, mais ils y apparaissent aussitôt qu'on la met dans un révélateur. Un spectre est invisible sur une surface métallique ou polie jusqu'à ce que notre nécromancie le fasse venir dans le monde visible. Sur les murs de nos appartements les plus privés, là où nous croyons que tout regard indiscret est exclu et que notre retraite ne peut être profanée, existe le vestige de toutes nos actions, des silhouettes de tout ce que nous avons fait". 316
Si une empreinte indélébile peut ainsi être produite sur la matière inorganique, si rien n'est perdu ou ne sort complètement de l'existence dans l'univers, pourquoi cette levée de boucliers contre les auteurs de Unseen Universe ? Sur quoi s'appuient les savants pour repousser l'hypothèse d'après laquelle "la pensée conçue pour affecter la matière d'un autre univers en même temps que celle du nôtre peut expliquer ainsi un -état à venir ?" 317
316 J -W. Draper. Conflict between Religion and Science, p. 132-133.
317 Unseen Universe, p. 159.
A notre avis, si la psychométrie est une des plus importantes preuves de l'indestructibilité de la matière, retenant éternellement les empreintes du monde extérieur, la possession de cette faculté par notre vue interne en est encore une plus grande de l'immortalité de l'esprit individuel de l'homme. Capable de discerner les [260] événements qui ont eu lieu il y a des centaines de milliers d'années, pourquoi n'appliquerait-il pas la même faculté à un avenir perdu dans l'éternité, dans laquelle il ne peut y avoir ni passé, ni futur, mais seulement un présent sans limites ?
Malgré les aveux de stupéfiante ignorance sur certaines choses faits par les savants eux-mêmes, ceux-ci persistent à nier l'existence de cette force spirituelle mystérieuse qui se trouve hors de la portée des lois physiques ordinaires. Ils espèrent encore pouvoir appliquer aux êtres vivants les mêmes lois qui, selon eux, régissent la matière inerte. Et ayant découvert ce que les Cabalistes appellent les "purgations grossières" de l'éther – la lumière, la chaleur, l'électricité et le mouvement – ils se sont réjouis de leur bonne fortune, ont compté les vibrations qui produisent les couleurs du spectre et, fiers de leurs exploits, ils refusent de regarder plus loin. Plusieurs hommes de science ont plus ou moins médité sur cette essence protéenne et, incapables de la mesurer avec leurs photomètres, ils l'ont dénommée "un intermédiaire hypothétique d'une grande élasticité et d'une extrême ténuité qui est supposé remplir tout l'espace, sans en excepter l'intérieur des corps solides" et "être le moyen de transmission de la lumière et de la chaleur" (Dictionnaire). D'autres, que nous nommerons les "feux follets" de la science – ses pseudo-rejetons – l'ont examinée également et ils ont même pris la peine, nous disent-ils, de la regarder avec de "puissants microscopes". Mais n'y apercevant ni esprit ni fantôme, et n'ayant non plus rien découvert dans ses vagues traîtresses qui eût un caractère plus scientifique, ils lui ont tourné le dos en traitant tous ceux qui croient à l'immortalité, en général, et les spirites, en particulier, de "fous insensés", de "visionnaires lunatiques" 318, sur un ton plaintif parfaitement adapté à leur piteux échec.
Voici ce que disent les auteurs de Unseen Universe :
"Nous avons chassé hors du monde objectif l'opération de ce mystère, nommé Vie. L'erreur commise consiste à imaginer que, par ce procédé, on se débarrasse complètement d'une chose ainsi rejetée, et qu'elle disparaît entièrement de l'univers. Or, il n'en est point ainsi. Elle ne disparaît que du petit cercle de lumière, qu'on peut appeler l'univers de la perception scientifique. Appelez cela la trinité du mystère : le mystère de la matière, le mystère de la vie, et le mystère de Dieu et ces trois sont Un." 319
318 F -R. Marvin. Lecture on Mediomania.
319 Unseen Universe, p. 84 et suivantes.
320 Unseen Universe, p. 89.
Partant du principe que "l'univers visible doit certainement finir, en tant qu'énergie transformable et probablement en tant [261] que matière ; partant aussi du principe de la continuité… qui, de son côté, exige la continuation de l'univers...", les auteurs de ce remarquable ouvrage se voient forcés de croire "qu'il existe quelque chose au-delà de ce qui est visible 320… et que le système visible ne constitue pas tout l'univers, mais n'en est peut-être qu'une faible partie". De plus, regardant en arrière aussi bien qu'en avant, à l'origine de cet univers visible, les auteurs soutiennent que, "si cet univers visible est tout ce qui existe, dans ce cas, sa première brusque manifestation est aussi bien une solution de continuité que sa destruction finale". (Art. 85) Par conséquent, comme cette rupture est en conflit avec la loi admise de la continuité, les auteurs arrivent à la conclusion suivante :
"N'est-il pas naturel d'imaginer qu'un univers de cette nature, que nous avons toute raison de croire exister et qui est uni par des liens d'énergie avec l'univers visible, est aussi capable d'en recevoir de l'énergie ?… Ne pouvons-nous considérer l'Ether ou le médium, comme n'étant pas simplement un pont 321 entre un ordre de choses et un autre, mais plutôt comme formant une espèce de ciment, grâce auquel les divers ordres de l'univers sont liés entre eux et ne font plus qu'un seul ? En somme, ce que nous nommons Ether peut n'être point un simple milieu, mais un milieu avec, en plus, l'invisible ordre de choses, de sorte que, lorsque les mouvements de l'univers visible sont transmis dans l'Ether, une partie en est portée comme sur un pont dans l'univers invisible où l'on s'en sert et où on les met en réserve. Mais quoi ! Est- il même nécessaire de retenir cette figure d'un pont ? Pourquoi ne pas dire tout de suite que lorsque l'énergie est transférée de la matière dans l'Ether elle l'est du visible à l'invisible ; Et que lorsqu'elle passe de l'Ether dans la matière c'est de l'invisible qu'elle entre dans le visible ?" (Unseen Universe, art. 198)
Précisément ; et si la Science voulait faire quelques pas de plus dans cette direction et sonder plus sérieusement "le milieu hypothétique", qui sait si l'abîme infranchissable de Tyndall, entre les processus physiques du cerveau et la conscience ne pourrait pas être franchi – au moins intellectuellement – avec une surprenante facilité et en sécurité ? [262]
321 Que dites-vous de cela ! Des savants éminents du XIXème siècle confirment la sagesse de la fable scandinave citée dans le chapitre précédent. Il y a plusieurs milliers d'années l'idée d'un pont entre les univers visible et invisible a été exprimée allégoriquement par les "païens" ignorants dans "le chant de Völuspa des Eddas" et la "vision de Vala, la prophétesse". Qu'est-ce en effet que le pont de Bifrost, le radieux arc-en-ciel qui conduit les dieux à leur rendez-vous près de la fontaine Urdar, sinon la même idée que celle offerte à l'examen du penseur par les auteurs de Unseen Universe ?
Déjà, en 1856, un homme considéré alors comme un savant, le Dr Jobard de Paris, avait certainement les mêmes idées que les auteurs de Unseen Universe au sujet de l'éther, lorsqu'il étonna la Presse et le monde scientifique par la déclaration suivante : "J'ai fait une découverte qui m'effraye : Il y a deux sortes d'électricités ; l'une brutale et aveugle, est produite par les métaux et les acides ;" (La purgation grossière). "l'autre est intelligente et CLAIRVOYANTE !… L'électricité s'est dédoublée dans les mains de Galvani, Nobili et Matteuci. La force brutale du courant a suivi Jacobi, Bonelli et Moncal, tandis que la force intelligente s'est rangée du côté de Bois-Robert, Thilorier et du chevalier Duplanty. La boule électrique ou électricité globulaire contient une pensée qui n'obéit point à Newton ni à Mariotte, et ne suit que ses propres impulsions. Nous avons, dans les Annales de l'Académie, des milliers de preuves de L'INTELLIGENCE de l'étincelle électrique. Mais je m'aperçois que je deviens indiscret. Un pas de plus et j'allais vous dévoiler la clé qui nous permettra de contempler l'esprit universel." 322
322 L'Ami des sciences, mars 2, 1856, p. 67.
Ce qui précède, ajouté aux étonnantes confessions de la science et à ce que nous venons de citer de l'Unseen Universe, jette un jour nouveau sur la sagesse des âges depuis longtemps disparus. Dans un des chapitres précédents nous avons fait allusion à une citation de la traduction des Anciens Fragments par Cory dans laquelle on voit qu'un des Oracles Chaldéens exprime exactement la même idée sur l'éther et dans un langage qui ressemble à celui des auteurs d'Unseen Universe. Il dit que toutes choses dérivent de l'æther et que toutes y retourneront ; que les images de toutes choses y sont imprimées de façon indélébile, et qu'il est l'entrepôt des germes et des restes de toutes les formes visibles et même des idées. On dirait que cette circonstance corrobore singulièrement notre assertion que quelles que soient les découvertes que l'on fasse aujourd'hui, elles ont été devancées de plusieurs milliers d'années, par nos "candides ancêtres."
Au point où nous sommes parvenus, l'attitude prise par les matérialistes à l'égard des phénomènes psychiques étant parfaitement définie nous pouvons affirmer sans crainte que si la clé du problème était posée au seuil de "l'abîme", pas un de nos Tyndalls daignerait se baisser pour la ramasser.
Combien timides paraîtraient à certains Cabalistes ces vains efforts pour résoudre le GRAND MYSTÈRE de l'éther universel ; Quoique bien en avance sur tout ce que les philosophes contemporains ont proposé, les théories mises en avant par les intelligents [263] observateurs de l'Unseen Universe étaient déjà une science familière pour les maîtres de la philosophie hermétique. Pour eux l'éther n'était pas un simple pont reliant les côtés visibles de l'univers, mais en traversant son arche, leur pied hardi suivait la route qui conduit aux portes mystérieuses, que nos penseurs modernes ne veulent ou ne peuvent pas ouvrir.
Plus les recherches des explorateurs modernes sont profondes et plus ils se trouvent en présence des découvertes des anciens. Elie de Beaumont, l'éminent géologue français, ose-t-il risquer une allusion à la circulation terrestre, relativement à quelques éléments de la croûte de la terre, il se trouve devancé par les anciens philosophes. Si nous demandons aux technologistes distingués quelles sont les plus récentes découvertes, au sujet de l'origine des dépôts métallifères, nous voyons l'un d'eux, M. Sterry Hunt, en nous prouvant comment l'eau est le dissolvant universel, énoncer la doctrine professée et enseignée par Thalès il y a plus de deux douzaines de siècles, à savoir que l'eau est le principe de toutes choses. Puis, le même professeur, s'appuyant sur l'autorité de de Beaumont, nous expose la circulation terrestre et les phénomènes chimiques et physiques du monde matériel. Tout en lisant avec plaisir qu'il "n'est point disposé à admettre que, dans les procédés chimiques et physiques, réside tout le secret de la vie organique", nous notons avec encore plus de satisfaction la loyale confession suivante : "A bien des égards, nous pourrions comparer les phénomènes du monde organique à ceux du règne minéral ; et nous apprenons en même temps que ces deux domaines sont tellement connexes et dépendants l'un de l'autre, que nous commençons à entrevoir une certaine vérité dans les connaissances de ces philosophes de l'antiquité, qui étendaient au monde minéral la notion d'une force vitale, ce qui les amenait à parler de la terre comme d'un grand organisme vivant, et à considérer les divers changements dans son air, ses eaux et ses gouffres rocheux, comme autant de processus appartenant à la vie de notre planète."
Toute chose en ce monde doit avoir un commencement. Les savants ont poussé dernièrement les choses si loin, en matière de préjugé, qu'il est étonnant que l'on ait fait cette concession à la philosophie de l'antiquité. Les pauvres, honnêtes éléments primordiaux sont depuis longtemps exilés, et nos ambitieux hommes de science luttent à l'envi pour décider qui ajoutera un élément de plus à la couvée fraîche éclose des soixante-trois (ou plus) corps simples. En attendant, une véritable guerre se livre en chimie au sujet du vocabulaire. On nous conteste le droit de nommer ces substances des "éléments chimiques", parce qu'elles ne sont pas des "principes primordiaux, ou des essences indépendantes dont [264] est formé l'univers" 323. Ces idées associées au mot élément étaient assez bonnes pour "l'ancienne philosophie de la Grèce" mais la science moderne les repousse ; car, comme le dit M. Cooke, ce sont des "termes maladroits", et la science expérimentale "ne veut rien avoir à faire avec aucune espèce d'essences sinon celles que nous pouvons voir, sentir ou goûter." Elle ne veut connaître que celles qu'on peut mettre sous les yeux, sous le nez ou dans la bouche ! Elle abandonne les autres aux métaphysiciens.
Aussi, quand Van Helmont nous dit que "bien qu'il soit possible de convertir artificiellement en eau une portion homogène de la terre élémentaire – tout en niant que la nature seule puisse le faire car nul agent naturel n'a le pouvoir de transformer un élément en un autre" ; Lorsqu'il donne pour raison que les éléments restent toujours les mêmes, nous devons croire qu'il est, sinon un ignorant, tout au moins un disciple attardé de la "philosophie surannée de l'ancienne Grèce". Ayant vécu et étant morts dans la bienheureuse ignorance simples futurs, qu'auraient bien pu faire des soixante-trois corps lui ou son maître Paracelse ? Rien, naturellement, que des spéculations métaphysiques folles, présentées dans l'inintelligible jargon commun à tous les alchimistes de l'antiquité et du moyen âge. Néanmoins, en comparant les notes, nous trouvons ce qui suit dans le plus récent ouvrage sur la chimie moderne : "L'étude de la chimie a révélé une classe extraordinaire de substances, d'aucune desquelles on n'a pu extraire par un procédé chimique quelconque une deuxième substance pesant moins qu'elle. Il n'est point de processus chimique par lequel nous puisions tirer du fer, une substance pesant moins que le métal qui a servi à la produire. En un mot, du fer nous ne pouvons extraire que du fer 324." Il apparaît en outre, suivant le professeur Cooke, qu' "il y a soixante-quinze ans, on ne savait pas qu'il y eût une différence" entre les substances élémentaires et les substances composées, car dans l'antiquité les alchimistes n'avaient jamais conçu que "le poids est la mesure de la matière, et que, mesuré de la sorte, aucune matière ne se perd, mais au contraire, ils croyaient que dans des expériences 325 de ce genre, les substances employées subissaient une transformation mystérieuse... En un mot "on a gaspillé des siècles en vaines tentatives, pour transformer en or les métaux plus vils".
323 Cooke. New Chemistry, p, 113.
324 Cooke. New Chemistry, p. 110-111.
Le professeur Cooke, si compétent en matière de chimie moderne, est- il aussi informé sur ce que savaient ou ne savaient pas les alchimistes ? Est-il certain de comprendre le sens du [265] jargon des alchimistes ? Nous ne le sommes pas. Mais comparons ses idées exprimées ci-dessus avec de simples phrases écrites en anglais clair, quoique ancien, et tirées des traductions de Van Helmont et de Paracelse. Nous apprenons, par leurs propres indications, que l'Alkahest provoque les transformations suivantes :
"1° L'alkahest ne détruit jamais les vertus séminales des corps qu'il a dissous ; Ainsi, par son action l'or est réduit en un sel d'or, l'antimoine en un sel d'antimoine, etc., ayant les mêmes vertus séminales, ou caractères, que la matière concrète originale ; 2° Le sujet exposé à son action est converti en ses trois principes, sel, soufre et mercure, et après, en sel seulement, qui devient volatil ensuite et se transforme, à la longue, entièrement en eau claire ; 3° Tout ce qu'il dissout peut être rendu volatil au bain de sable chaud ; et si, après avoir volatilisé le dissolvant, il en est extrait par distillation, le corps reste pur, sous forme d'eau insipide, mais toujours en quantité égale à son soi originel."
Plus loin, nous constatons que Van Helmont, l'ancien, affirme que ce sel dissout les corps les plus réfractaires, en substances ayant les mêmes vertus séminales, "d'un même poids que la matière dissoute" ; et il ajoute : "Ce sel, lorsqu'il a été distillé plusieurs fois (ce que Paracelse indique par l'expression : sal circulatum), perd toute sa fixité, et finit à la longue par devenir une eau insipide, égale en quantité au sel duquel elle a été formée." 326
325 Ibid., p. 106.
326 De Secretis Adeptorum. Werdenfelt ; Philalète ; Van Helmont ; Paracelse.
L'objection que pourrait faire le professeur Cooke, aux expressions hermétiques, en faveur de la science moderne, pourraient également s'appliquer aux écritures hiératiques égyptiennes, à savoir qu'elles masquent ce qu'elles veulent cacher. S'il voulait profiter des travaux du passé, il devrait s'adresser à un cryptographe, et non à un satirique. Paracelse, comme tous les autres, a épuisé son génie à des transpositions de lettres et à des abréviations de mots et de phrases. Par exemple lorsqu'il écrit sutratur il veut dire tartre et par mutrin il veut dire nitrum, et ainsi de suite. Les prétendues explications de la signification de l'alkahest sont sans fin. Quelques-uns s'imaginaient que c'était un sel alcalin de tartre ; d'autres qu'il désignait l'Algeist, mot allemand, qui veut dire tout esprit ou spiritueux. Paracelse appelait habituellement sel "le centre de l'eau, dans laquelle les métaux doivent périr". Cela a suscité les plus absurdes suppositions et quelques personnes, comme Glauber, ont pensé que l'alkahest était l'esprit du sel. C'est être bien téméraire que d'affirmer que Paracelse et ses collègues ignoraient la nature des corps élémentaires et des corps composés ; [266] ils n'étaient peut-être pas désignés les mêmes noms qui sont de mode aujourd'hui, mais qu'ils les ont connus c'est un fait démontré par les résultats obtenus. Qu'importe le nom sous lequel Paracelse a désigné le gaz qui se dégage lorsque le fer est dissous dans l'acide sulfurique, puisqu'il est reconnu, même par nos princes de la science, comme l'inventeur de l'hydrogène ? 327 Son mérite est le même ; et quoique Van Helmont ait dissimulé sous le nom de "vertus séminales", sa connaissance du fait que des substances élémentaires ont leurs propriétés originales, que leur combinaison avec d'autres ne modifie que temporairement – et ne détruit jamais – il n'en est pas moins le plus grand chimiste de son temps, pouvant marcher de pair avec les savants modernes. Il affirmait que l'aurum potabile pouvait être obtenu avec l'alkahest, en convertissant la substance entière de l'or en sel, qui conserve ses vertus séminales et est soluble dans l'eau. Lorsque les chimistes apprendront ce qu'il entendait par aurum potabile, alkahest, sel et vertus séminales – ce qu'il entendait réellement, et non point ce qu'il prétendait vouloir dire ; ni ce que l'on a pensé qu'il entendait – alors, mais alors seulement, ils pourront avec sécurité, prendre ces airs dédaigneux qu'ils ont pour les philosophes du feu, et les anciens maîtres, dont ils écoutaient respectueusement les enseignements mystiques. Une chose est claire, en tout cas. Dans sa forme simplement exotérique, le langage de Van Helmont montre qu'il comprend la solubilité des substances métalliques dans l'eau, dont Sterry Hunt fait la base de sa théorie, des dépôts métallifères. Quels termes inventeraient nos savants contemporains pour dissimuler, tout en la révélant à moitié, leur audacieuse proposition, que le "seul Dieu de l'humanité est la matière périssable de son cerveau", si dans les caves de la Cour d'appel ou de la cathédrale, il y avait une chambre de torture, où le premier juge ou cardinal venu pourrait les envoyer à son gré.
327 Chemistry, par Youmans, p. 169 ; et Inorganic Chemistry, de W.-B. Kemshead, F.R.A.S.
328 Origin of Metalliferous Deposits.
Le professeur Sterry Hunt dit, dans une de ses conférences 328 : "Les alchimistes cherchaient en vain un dissolvant universel ; mais nous savons aujourd'hui que l'eau aidée en certains cas, par la chaleur, la pression, ou l'addition de certaines substances largement répandues, telles que l'acide carbonique, les carbonates et les sulfures alcalins, dissout les corps les plus insolubles ; de sorte qu'elle, pourrait, après tout, être considérée comme l'alkahest, ou le dissolvant universel tant cherché".
Cela ressemble fort à une paraphrase de Van Helmont ou de Paracelse lui-même ! Ils connaissaient aussi bien que les chimistes [267] modernes les propriétés dissolvantes de l'eau, et qui plus est, ils ne s'en cachaient pas ; ce qui prouve que, pour eux, ce n'était pas leur solvant universel. Beaucoup de commentaires et de critiques de leurs ouvrages existent encore et il n'y a guère d'ouvrage sur la question où on ne trouve au moins une de leurs propositions, dont ils n'ont jamais cherché à faire un mystère. Voici ce que nous lisons dans un ancien livre sur les alchimistes – une satire en plus – de 1820, écrite au commencement du siècle, c'est-à-dire, à une époque où les nouvelles théories sur la puissance chimique de l'eau étaient à peine à l'état d'embryon.
"Une chose contribuera peut-être à jeter un certain jour sur la question, c'est que Van Helmont, aussi bien que Paracelse considéraient l'eau comme l'instrument (l'agent) universel de la chimie – et de la philosophie naturelle ; et la terre, comme la base immuable de toutes choses – que le feu était considéré comme la cause suffisante de toutes choses – que les empreintes séminales étaient comprises dans le mécanisme de la terre – que l'eau, en dissolvant cette terre, et, en fermentant avec elle à l'aide du feu produit toutes choses ; et que de là proviennent les règnes animal, végétal et minéral 329."
Les alchimistes comprennent parfaitement le pouvoir universel de l'eau. Dans les œuvres de Paracelse, de Van Helmont, de Philalèthes, de Pantatem, de Tachenius, et même de Boyle, "la grande caractéristique de l'alkahest de dissoudre et de modifier tous les corps sublunaires, l'eau seule exceptée", est très explicitement exprimée. Faut-il croire que Van Helmont, dont le caractère privé était irréprochable, et dont le grand savoir était universellement, reconnu, ait solennellement déclaré qu'il était en possession du secret, si ce n'était que vantardise 330 ?
329 John Bumpus. Alchemy and the Alkahest, 85, J.S.F., édition de 1820.
330 Voir les ouvrages de Boyle.
Dans un discours prononcé dernièrement à Nashville (Tennessee), le professeur Huxley pose une règle relative à la validité du témoignage humain comme base de l'histoire et de la science, que nous sommes tous prêts à appliquer au cas présent. "Il est impossible, dit-il, que notre vie pratique ne soit pas plus ou moins influencée par les idées que nous nous faisons sur l'histoire passée des choses. L'une d'elles est le témoignage humain sous ses différentes formes, toutes les attestations des témoins oculaires, la transmission par la bouche même de ceux qui ont assisté aux événements, le témoignage de ceux qui ont consigné leurs impressions par l'écrit ou l'imprimé... En lisant les Commentaires de César, dans tous les passages où il raconte ses batailles avec les Gaulois, on se fie, dans une certaine mesure à ses dires. On accepte [268] son témoignage. On est convaincu que César n'aurait pas fait ces déclarations, s'il n'était pas persuadé de leur exactitude."
Eh bien, nous ne saurions logiquement admettre que la règle philosophique de M. Huxley soit appliquée d'une manière partiale à César. Ou ce personnage était naturellement véridique, ou naturellement menteur ; Et puisque M. Huxley a réglé ce point à sa propre satisfaction, en ce qui concerne les faits militaires historiques, nous prétendons que César est aussi un témoin compétent et digne de foi, pour les augures, les devins et les faits psychologiques. Il en est de même d'Hérodote et des autres autorités antiques qui, à moins d'être, par leur nature même, dignes de foi, ne devraient pas inspirer confiance, même pour les affaires civiles ou militaires. Falsus in uno, falsus in omnibus. Et, par conséquent, si nous pouvons nous fier à eux, au sujet des choses physiques, nous devons aussi le faire pour les choses spirituelles ; car suivant le professeur Huxley la nature humaine était la même dans les temps anciens qu'elle l'est de nos jours. Les hommes d'intellect et de conscience d'alors ne mentaient pas pour le plaisir de tromper ou de mystifier la postérité.
La probabilité que de tels hommes aient dénaturé les faits étant ainsi nettement écartés par un homme de science, nous ne voyons pas la nécessité de discuter ce point quant à Van Helmont et son illustre, mais malheureux maître, le tant décrié Paracelse. Deleuze tout en signalant dans les œuvres de Van Helmont beaucoup d'idées mythiques et illusoires – peut-être uniquement parce qu'il ne les comprenait pas – lui reconnaît néanmoins une vaste science, un "jugement pénétrant", et il dit en même temps qu'il a donné au monde de "grandes vérités". "Il fut le premier, ajoute-t-il, à donner le nom de gaz aux fluides éthérés. Sans lui, il est probable que l'acier n'eut pas donné une nouvelle impulsion à la science. 331" Quelle doctrine des probabilités faut-il appliquer pour nous rendre compte que des expérimentateurs capables de résoudre et de recombiner des substances chimiques, ainsi qu'on admet qu'ils ont fait, aient ignoré la nature des corps élémentaires, leurs énergies de combinaison, et le ou les dissolvants qui les désagrègent quand on le veut ?
331 Deleuze. De l'opinion de Van Helmont sur la cause, la nature et les effets du magnétisme. Anim., vol. I, p. 45 et vol. II, p. 198.
Ce serait tout différent si ce n'était que des théoriciens, et notre argument perdrait de sa force ; mais les découvertes chimiques qui leur sont reconnues à regret, de l'aveu même de leurs plus cruels ennemis, nous donnent le droit de tenir un langage beaucoup plus énergique que celui que nous avons employé, dans la crainte d'être taxés de partialité. Et comme cet ouvrage est du [269] reste basé sur l'idée qu'il existe une nature plus élevée chez l'homme, et que ses facultés morales et intellectuelles devraient être appréciées psychologiquement, nous n'hésitons pas à affirmer que, puisque Van Helmont a "solennellement" déclaré qu'il connaissait le secret de l'alkahest, aucun critique moderne n'a le droit de le traiter de menteur ou de visionnaire, avant de savoir quelque chose de plus certain sur la nature de ce menstruum universel allégué.
"Les faits sont têtus", remarque M. A.-R. Wallace, dans sa préface de Miracles and Modern Spiritualism. 332 C'est pour cela que, comme les faits doivent être nos plus puissants alliés, nous apporterons tous ceux que les "miracles" de l'antiquité et des temps modernes nous fourniront. Les auteurs de Unseen Universe ont démontré scientifiquement la possibilité de certains prétendus phénomènes psychologiques, au moyen de l'éther universel. Wallace a prouvé que le catalogue entier des allégations contraires, y compris les sophismes de Hume, sont indéfendables en face de la stricte logique. M. Crookes a offert au monde des sceptiques ses propres expériences qui durèrent plus de trois ans avant qu'il ne fût convaincu par la preuve la plus indiscutable, celle de ses propres sens. On pourrait dresser une liste de savants, qui ont témoigné dans ce sens. Et Camille Flammarion, le réputé astronome français, auteur de beaucoup d'ouvrages qui, aux yeux des sceptiques, le feront classer parmi les "dupes", avec Wallace, Crookes et Hare, confirme nos paroles dans le passage suivant :
332 A -R. Wallace. An Answer to the Arguments of Hume, Lecky, etc., against miracles.
"Je n'hésite pas à affirmer ma conviction basée sur un examen personnel de la question, que tout savant qui déclare impossibles les phénomènes dénommés magnétiques, somnambuliques, médiumniques et autres inexpliqués par la science, parle sans savoir ce dont il parle ; tout homme habitué aux observations scientifiques, s'il n'est pas prévenu par une opinion préconçue, et si sa lucidité mentale n'est pas obscurcie par une illusion contraire, malheureusement trop commune dans le monde de la science, qui consiste à imaginer que toutes les lois de la nature nous sont déjà connues, et que tout ce qui dépasse les limites de nos formules actuelles est impossible, un tel homme est en droit d'exiger une certitude radicale et absolue de la réalité des faits auxquels il est fait allusion."
Dans Notes of an Enquiry into the Phenomena called spiritual, à la page 101, M. Crookes cite M. Sergeant Cox qui, après avoir donné à cette force inconnue le nom de psychique, l'explique en [270] ces termes : "Comme l'organisme est lui-même dans sa structure mue et dirigé par une force qui est ou qui n'est pas contrôlée par l'âme, l'esprit, ou le mental, qui constitue l'être individuel que nous appelons "l'homme", on est de même en droit de conclure que la force qui est la cause des mouvements, en dehors des limites du corps, est la même que celle qui produit le mouvement en dedans de ces mêmes limites. Et comme la force extérieure est souvent dirigée par l'intelligence, c'est une conclusion également raisonnable que l'intelligence directrice de cette force extérieure est la même que celle qui dirige la force intérieurement".
Pour mieux comprendre cette théorie, nous la diviserons en quatre propositions, pour montrer ce que croit M. Sergeant Cox :
- Que la force qui produit les phénomènes physiques provient du médium (et par conséquent est engendrée en lui).
- Que l'intelligence, qui dirige la force pour la production des phénomènes (a), peut quelquefois être différente de celle du médium ; mais la "preuve" de ce fait est "insuffisante", et par conséquent (b) il est probable que l'intelligence dirigeante est celle du médium lui-même. M. Cox appelle cela une "conclusion raisonnable".
- Que la force qui fait mouvoir la table est identique à celle qui fait mouvoir le corps du médium lui-même.
- Il combat énergiquement la théorie ou plutôt l'affirmation spirite, que les "esprits des morts sont les seuls agents de la production de tous les phénomènes".
Avant de poursuivre notre analyse de ces idées, nous devons rappeler au lecteur que nous nous trouvons placé entre les deux extrêmes, représentés par deux partis – les croyants et les incroyants à cette intervention d'esprits humains. Aucun des deux ne paraît en mesure de trancher la question posée par M. Cox : car, tandis que les spirites se montrent tellement gobeurs dans leurs crédulité, qu'ils en sont arrivés à croire que tout bruit et tout mouvement dans une séance est produit par des êtres humains désincarnés, leurs antagonistes nient dogmatiquement que rien ne peut être produit par des "esprits", parce qu'il n'y en a pas. Par conséquent ni les uns ni les autres ne se trouvent en situation d'examiner la question sans parti pris.
S'ils considèrent la force "qui produit le mouvement dans le corps", et celle qui "occasionne les mouvements en dehors des limites du corps" comme étant de même essence, ils peuvent être dans le vrai. Mais là s'arrête l'identité de ces deux forces. Le principe de vie qui anime le corps de M. Cox est de la même [271] nature évidemment que celui de son médium ; et cependant il n'est pas le médium, pas plus que celui-ci n'est M. Cox.
Cette force que, pour plaire à M. Cox et à M. Crookes, nous pouvons tout aussi bien nommer psychique qu'autrement, procède par et non point du médium individuel. Si elle procédait de lui, elle serait engendrée en lui, et nous sommes prêts à montrer qu'il ne peut pas plus en être ainsi, dans les cas de lévitation des corps humains, de déplacement de meubles ou autres objets, sans contact, que dans les cas où cette force fait preuve de raison et d'intelligence. C'est un fait bien connu des médiums et des spirites que, plus le médium est passif meilleure est la manifestation ; Et, chacun des phénomènes en question exige une volonté consciente pré-déterminée. Dans les cas de lévitation, il nous faudra admettre que cette force autogénérée soulèverait la masse inerte, la dirigerait en l'air, et la redescendrait, en évitant les obstacles, et par conséquent, en faisant preuve d'intelligence, tout en agissant d'une façon automatique, le médium restant tout le temps passif. S'il en était ainsi, le médium serait un magicien conscient, et toute prétention à n'être qu'un instrument passif entre les mains d'intelligences invisibles serait inutile. Autant soutenir qu'une quantité suffisante de vapeur pour remplir une chaudière sans la faire éclater la ferait s'élever dans les airs ; ou qu'une bouteille de Leyde, chargée d'électricité, pourrait triompher de l'inertie de cette bouteille ou autre absurdité mécanique. Toutes les analogies semblent indiquer que la force qui agit en présence du médium sur des objets extérieurs provient d'une source qui est derrière le médium lui-même. Nous pourrions la comparer à l'hydrogène qui a raison de l'inertie du ballon. Le gaz, sous la direction d'une intelligence, s'accumule dans le récipient en volume suffisant pour vaincre l'attraction de la masse d'ensemble. C'est d'après le même principe que cette force fait mouvoir les meubles et accomplit d'autres manifestations : et bien qu'identique, dans son essence, avec l'esprit astral du médium, cela ne peut être uniquement son esprit, parce que celui-ci demeure dans une sorte de torpeur cataleptique lorsque la médiumnité est authentique. Donc la première des assertions de M. Cox paraît fondée sur une hypothèse mécaniquement insoutenable. Comme de juste, notre argumentation part de l'hypothèse que le cas de lévitation est un fait bien observé. La théorie de la force psychique pour être parfaite, doit pouvoir expliquer tous les "mouvements visibles… des substances solides", et la lévitation en fait partie.
Quant au second point, nous nions que "la preuve soit insuffisante" que la force qui produit les phénomènes est quelquefois dirigée par d'autres intelligences que le mental du "psychique". Au contraire, il y a une telle abondance de témoignages pour [272] montrer que l'intelligence du médium, dans la majorité des cas, n'a rien à voir avec les phénomènes, que nous ne pouvons laisser l'assertion de M. Cox sans la relever.
Nous envisageons sa troisième proposition comme également illogique ; car, si le corps du médium n'est pas le générateur, mais simplement le canal de la force qui produit les phénomènes – question sur laquelle les recherches de M. Cox ne jettent aucune lumière – il ne s'ensuit pas que, parce que "l'âme, l'esprit ou le mental" du médium dirigent son organisme, ce soit "l'âme, l'esprit ou le mental" du médium qui soulève une chaise, ou frappe des coups correspondant aux lettres de l'alphabet.
Quant à la quatrième proposition, savoir que "les esprits des morts sont les seuls agents dans la production de tous les phénomènes", nous n'avons pas besoin de nous en occuper pour le moment, parce que nous traitons longuement, dans d'autres chapitres, la nature des esprits qui produisent les manifestations médiumniques.
Les philosophes, et en particulier ceux qui étaient initiés aux Mystères, soutenaient que l'âme astrale est le duplicata impalpable de la forme extérieure grossière, que nous appelons le corps. C'est le périsprit d'Allan Kardec, et la forme spirituelle des spirites. Au-dessus de ce double interne, et l'illuminant comme un chaud rayon de soleil éclaire la terre, dans laquelle il fait fructifier le germe, dont il appelle à la vie spirituelle les qualités latentes qui y dorment, plane l'esprit divin. Le périsprit astral est contenu et confiné dans le corps physique, comme l'éther dans un flacon, ou le magnétisme dans le fer aimanté. C'est un centre et un moteur de force alimenté par les réserves universelles de force, et mis en mouvement par les mêmes lois générales qui emplissent la nature, et produisent tous les phénomènes cosmiques. Son activité inhérente occasionne les incessantes opérations physiques de l'organisme animal, et comme résultat final, sa destruction par usure et son propre départ. Il est le prisonnier, et non point l'habitant volontaire du corps. Il a un penchant si marqué pour la force extérieure universelle, qu'après avoir usé son enveloppe, il en sort pour aller vers elle. Plus l'enveloppe corporelle qui l'enserre est robuste, grossière et matérielle, et plus longue la durée de l'emprisonnement. Quelques personnes naissent avec des organisations si exceptionnelles, que la barrière qui empêche toute communication avec le monde de la lumière astrale, peut être facilement levée pour eux, si bien que leurs âmes peuvent voir ce monde, et même y passer, et en revenir. Celles qui le font consciemment et à volonté sont appelées magiciens, hiérophantes, voyants, adeptes ; celles qui le font, soit par le fluide d'un magnétiseur, soit par les "esprits", sont des "médiums". L'âme astrale, une fois [273] la barrière ouverte, est si puissamment attirée par l'aimant astral universel, que, quelquefois, elle entraîne avec elle son enveloppe, qu'elle tient ainsi suspendue en l'air, jusqu'à ce que le poids de la matière l'emporte de nouveau, et que le corps redescende sur la terre.
Chaque manifestation objective, qu'elle consiste dans le mouvement d'un membre ou dans celui de quelque corps inorganique, exige deux conditions : volonté et force – plus la matière, ou ce qui rend visible à nos yeux l'objet mû de la sorte ; Et ces trois facteurs sont tous des forces convertibles, et constituent la corrélation des forces des savants. Elles sont à leur tour dirigées, ou plutôt adombrées par l'intelligence Divine, que ces hommes ignorent si soigneusement, mais sans laquelle le plus léger mouvement du plus humble vermisseau ne pourrait avoir lieu. Le plus simple comme le plus commun de tous les phénomènes – le bruissement des feuilles qui tremblent au léger contact de la brise – exige un constant exercice de ces facultés. Les savants peuvent bien les nommer lois cosmiques, immuables et fixes. Mais au-delà de ces lois, il nous faut chercher la cause intelligente qui, les ayant créées et mises en action, leur a infusé l'essence de sa propre conscience. Que nous la nommions Cause première, volonté universelle, ou Dieu, elle doit toujours produire de l'intelligence.
Et maintenant, qu'il nous soit permis de demander comment une volonté peut se manifester à la fois d'une façon intelligente et inconsciente ? Il est difficile, sinon impossible, de concevoir l'intellection séparée de la conscience. Par conscience, nous n'entendons pas nécessairement une conscience physique ou corporelle. La conscience est une qualité du principe qui sent, ou, en d'autres termes, de l'âme ; Et souvent celle-ci déploie une grande activité, même quand le corps sommeille, ou lorsqu'il est paralysé. Lorsque nous levons machinalement le bras, nous pouvons croire que nous le faisons inconsciemment, parce que nos sens superficiels ne peuvent apprécier l'intervalle entre le projet et son exécution. Toute latente qu'elle soit pour nous, notre volonté vigilante a émis une force, et mis la matière en mouvement. Il n'y a rien dans la nature du plus banal des phénomènes médiumniques pour rendre plausible la théorie de M. Cox. Si l'intelligence manifestée par cette force n'est pas une preuve qu'elle appartient à un esprit désincarné, elle démontre encore moins qu'elle est sortie inconsciemment du médium ; M. Crookes lui- même nous parle de cas où l'intelligence n'aurait pu venir de personne dans la pièce, comme dans l'exemple où le mot however, caché par son doigt, et qu'il ignorait lui-même, fut correctement écrit par la planchette 333. Il n'y a pas [274] d'explication : la seule hypothèse admissible, si nous excluons l'intervention du pouvoir d'un esprit, est que la faculté de clairvoyance était mise en jeu. Mais les savants n'admettent pas la clairvoyance ; et si, pour échapper à la désagréable alternative d'attribuer les phénomènes à une cause spirite, ils nous accordent la clairvoyance, il leur faut soit accepter l'explication cabalistique de cette faculté, soit réussir ce que jusqu'à présent on n'a pu faire, présenter une théorie nouvelle qui cadre avec ces faits.
333 Crookes. Researches, p. 96.
De plus, si pour les besoins de l'argumentation, on admettait que, dan§ le cas de M. Crookes, le mot however a pu être lu grâce à la clairvoyance, que dira-t-on des communications médiumniques ayant un caractère prophétique ? Y a-t-il une théorie de l'impulsion médiumnique, qui explique l'aptitude à prédire des événements qui échappent aux connaissances possibles tant de celui qui parle, que de celui qui écoute ?
M. Cox devra essayer encore.
Ainsi que nous l'avons déjà dit, la force psychique moderne, et les fluides oraculaires de l'antiquité, terrestres ou sidéraux, sont identiques, en essence – simplement une force aveugle. Tel est l'air. Et tandis que, dans un dialogue, les ondes sonores produites par la conversation des interlocuteurs affectent le même air, cela n'implique aucun doute sur la présence de deux personnes qui conversent. Est-il raisonnable de dire que, lorsqu'un agent commun est employé par un médium et un "esprit", pour communiquer, il ne doit y avoir qu'une seule intelligence à manifester. Comme l'air est nécessaire pour l'échange mutuel des sons, de même certains courants de lumière astrale, ou éther, dirigés par une Intelligence, sont nécessaires pour la production des phénomènes dits spirites. Mettez deux interlocuteurs dans une machine pneumatique vide d'air, et, s'ils pouvaient y vivre, leurs paroles resteraient des pensées inarticulées, car il n'y aurait point d'air en vibration, et, par conséquent, pas d'ondes pour arriver à leurs oreilles. Mettez le médium le plus doué dans une atmosphère isolante, comme celle qu'un puissant magnétiseur familiarisé avec les propriétés de l'agent magique peut créer autour de lui, et aucune manifestation n'aura lieu, jusqu'à ce qu'une intelligence opposée, plus puissante que la volonté du magnétiseur, domine cette dernière, et mette fin à l'inertie astrale.
Les anciens distinguaient parfaitement entre une force aveugle agissant spontanément, et cette même force dirigée par une intelligence.
Plutarque, prêtre d'Apollon, en parlant des vapeurs oraculaires, qui n'étaient qu'un gaz souterrain imprégné de propriétés magnétiques enivrantes montre que leur nature était double, lorsqu'il leur adresse ces paroles : "Qui es-tu ? sans un Dieu qui [275] t'a créé et qui te donne l'existence ? Sans un daïmon (esprit) qui, agissant aux ordres de Dieu, te dirige et te gouverne ? Tu ne peux rien, et tu n'es rien qu'un vain souffle". Ainsi, sans l'âme ou l'intelligence qui l'habite, la force psychique ne serait qu'un "vain souffle."
Aristote soutient que ce gaz ou émanation astrale s'échappant de l'intérieur de la terre est la seule cause suffisante, opérant du dedans au dehors, pour vivifier toute plante ou être vivant, sur la croûte extérieure. Répondant aux négateurs sceptiques de son siècle, Cicéron animé d'une juste indignation s'écrie : "Et que peut-il y avoir de plus divin que les émanations de la terre qui affectent l'âme humaine pour lui faire prédire l'avenir ? La main du temps pourrait-elle dissiper cette vertu ? Croyez- vous parler d'un vin ou d'une viande salée 334". Est-ce que nos modernes ont la prétention d'être plus sages que Cicéron pour affirmer que cette force s'est évaporée et que les sources prophétiques sont taries ?
334 De Divinatio livre I chap. 3.
Tous les prophètes de l'antiquité – sensitifs inspirés – émettaient disait-on leurs prédictions dans les mêmes conditions, soit sous l'influence d'une impulsion directe de l'émanation astrale, soit sous l'action d'une vapeur humide s'exhalant de la terre. C'est cette matière astrale qui sert d'enveloppe temporaire aux âmes qui se forment dans cette lumière. Cornélius Agrippa exprime les mêmes idées quant à la nature de ces fantômes en disant qu'elle est humide. "In spirito turbido HUMIDOQUE 335".
Les prophéties sont faites de deux manières – consciemment par des magiciens capables de lire dans la lumière astrale ; ou inconsciemment, par ceux qui agissent par ce qu'on nomme inspiration. C'est à cette dernière catégorie qu'appartiennent les prophètes Bibliques et les modernes voyants entransés. Platon était si familier avec ce fait, qu'il dit de ces prophètes : "Personne dans la jouissance de ses sens n'arrive à la vérité prophétique et à l'inspiration… sauf dans un état de démence à la suite de maladie ou de possession…" (par quelque daïmon ou esprit) 336. "Quelques personnes les appellent prophètes ; elles ignorent que ce ne sont que des portes voix et qu'ils ne doivent point être qualifiés de prophètes, mais seulement de transmetteurs de visions et de prophéties", ajoute-t-il.
Dans la suite de son argumentation, M. Cox dit : "Les spirites les plus ardents admettent, en pratique, l'existence de la force psychique, sous le nom très peu approprié de magnétisme (avec [276] lequel, elle n'a pas le moindre rapport), car ils affirment que les esprits des morts ne sont capables de faire ce qu'on leur attribue, qu'en utilisant le magnétisme (c'est-à-dire la force psychique) des médiums 337.
335 De Occulta Philosoph, p. 355.
336 Platon. Timée, vol. II, p. 563.
337 Crookes. Researches, etc., p. 101.
Il y a encore ici un malentendu, conséquence de la diversité de noms donnés à ce qu'il est facile de démontrer n'être qu'un seul et unique composé impondérable. De ce que l'électricité n'est devenue une science qu'au XVIIIème siècle, personne ne se hasardera à dire que cette force n'a
pas existé depuis la création ; bien plus, nous sommes en mesure de prouver que même les anciens Hébreux la connaissaient. Toutefois, si la science exacte n'en a pas fait la découverte avant 1819 en montrant la relation intime qui existe entre le magnétisme et l'électricité, cela n'empêche en aucune façon ces deux agents d'être identiques. Si l'on peut communiquer à une barre de fer des propriétés magnétiques en faisant passer un courant d'électricité voltaïque sur un conducteur placé d'une certaine façon près de cette barre, pourquoi ne pas accepter, à titre de théorie provisoire, qu'un médium puisse être aussi un conducteur, et rien de plus, pendant une séance ? Est-il antiscientifique de dire que l'intelligence de la "force psychique" qui attire des courants d'électricité des vagues de l'éther, et employant le médium comme conducteur, développe et fait agir le magnétisme latent, dont l'atmosphère de la chambre de séance est saturée, pour produire les effets désirés ? Le mot magnétisme en vaut un autre, tant que la science ne nous aura pas fourni quelque chose de plus qu'un agent purement hypothétique, doué de propriétés conjecturales.
M. Sergeant Cox dit que : "La différence entre les défenseurs de la force psychique et les spirites consiste en ce que nous prétendons qu'il n'y a encore que des preuves insuffisantes de l'existence de tout autre agent dirigeant que l'intelligence du médium, et aucune preuve quelconque de l'action des "esprits" des morts". 338
Nous sommes pleinement d'accord avec M. Cox quant à l'absence de preuves que cette action est celle des esprits des morts ; mais pour le reste, nous trouvons que c'est une extraordinaire déduction tirée d'une "richesse de faits" selon l'expression de M. Crookes qui remarque : "En consultant mes notes, je trouve…une surabondance de preuves, une masse si écrasante de témoignages… que je pourrais en remplir plusieurs numéros de la Quarterly Review". 339 [277]
Voici quelques-uns des faits d'une "force probante écrasante" : 1° Mise en mouvement de corps lourds, avec contact, mais sans aucune impulsion mécanique ; 2° Phénomènes de percussion et autres sons ; 3° Modification du poids de corps ; 4° Mouvements de substances pesantes à distance du médium ; 5° Elévation en l'air, sans contact avec personne, de tables et de chaises ; 6° LÉVITATION D'ETRES HUMAINS 340 ; 7° Apparitions lumineuses. M. Crookes dit : "Dans les conditions les plus strictes, j'ai vu un solide lumineux de la grosseur, et à peu près de la forme d'un œuf de dinde, flotter sans bruit dans la chambre, parfois à une hauteur à laquelle aucun des assistants n'aurait pu atteindre sur la pointe des pieds, et puis descendant doucement jusqu'à terre. Il fut visible pendant dix minutes et avant de s'évanouir il frappa trois coups sur la table avec un bruit que fait un corps solide et dur". 341 Peut-être l'œuf était-il de même nature que le chat météorique de Babinet, classé dans les ouvrages d'Arago avec d'autres phénomènes naturels) ; 8° Apparition de mains, soit lumineuses par elles-mêmes, soit visibles à la lumière ordinaire ; 9° "Ecriture directe" par ces mêmes mains lumineuses, détachées, et évidemment douées d'intelligence (force psychique ?) ; 10° "Des formes et des visages de fantômes". Dans cet exemple, la force psychique vient d'un "coin de la salle", sous la "forme d'un fantôme", elle prend dans sa main un accordéon, et se met alors à parcourir la pièce, comme en glissant, et en jouant de l'instrument, Home, le médium, étant tout le temps en vue de tous. 342 Tout ce qui précède, M. Crookes l'a vu et expérimenté dans sa propre maison, en s'assurant scientifiquement de l'authenticité du phénomène, et il en a fait un rapport à la Royal Society de Londres. Quel accueil lui fit-on, pour avoir ainsi découvert des phénomènes d'un caractère nouveau et important ? Que le lecteur consulte son livre pour avoir la réponse.
338 Crookes. Researches, etc., p. 101.
339 Ibidem, p. 83.
340 En 1854, M. Foucault, éminent médecin et membre de l'Institut de France, un des adversaires de de Gasparin, repoussant même la possibilité de pareilles manifestations, écrivait les mémorables paroles qui suivent : "Le jour où j'arriverai à faire mouvoir un fétu de paille, par la seule et unique action de ma volonté, ce jour-là, j'en serai terrifié". Voilà une parole significative. A peu près la même année, M. Babinet, l'astronome, répétait à satiété dans la Revue des Deux-Mondes, la phrase suivante : "L'élévation d'un corps en l'air, sans contact, est aussi impossible que le mouvement perpétuel, parce que le jour où cela pourrait se faire, le monde s'écroulerait". Heureusement que nous ne voyons pas encore le moindre indice de ce prétendu écroulement, et pourtant des corps sont lévités.
341 Ibidem, p. 91.
342 Ibidem, p. 86-97.
En outre de ces tours joués à la crédulité humaine par la "force psychique", M. Crookes rend compte d'une autre classe de [278] phénomènes, qu'il appelle des "cas spéciaux", et qui paraissent (?) indiquer l'action d'une intelligence extérieure.
"Je me trouvais, dit-il, avec Miss Fox, alors qu'elle écrivait automatiquement un message à une personne présente, pendant qu'un autre message, sur un autre sujet, était donné alphabétiquement au moyen de "coups frappés", et, durant tout ce temps, elle parlait tranquillement avec une troisième personne, de choses tout à fait différentes des deux autres… Pendant une séance avec M. Home, une petite latte, se déplaça sur la table vers moi, en pleine lumière, et me transmit un message en frappant sur ma main ; je répétais les lettres de l'alphabet, et le morceau de bois touchait ma main, lorsque j'énonçais la bonne lettre… Nous étions éloignés des mains de M. Home". La même latte, à la demande de M. Crookes, lui transmit un message télégraphique, à l'aide de l'alphabet Morse, de la même façon (avec cette particularité que l'alphabet Morse était tout à fait inconnu des assistants, et mal connu de M. Crookes lui-même), et, ajoute- t-il, je fus convaincu qu'un excellent opérateur Morse se trouvait à l'autre bout de la ligne, OU QU'IL FUT". 343 Serait-il impertinent de suggérer à M. Cox de rechercher l'opérateur dans son domaine privé : "la Région psychique ?" Mais cette même planchette fit encore plus et mieux. En pleine lumière du salon de M. Crookes, on lui demande message… "un crayon et quelques feuilles de papier avaient été posés au centre de la table ; Un instant après, le crayon se dresse droit sur sa pointe, et, après avoir avancé par saccades vers le papier, il tombe ; Il se relève et retombe encore... Après trois tentatives infructueuses, une petite latte de bois" (l'opérateur Morse) "qui se trouvait sur la table glisse vers le crayon et s'élève de quelques pouces au-dessus de la table ; le crayon se relève de nouveau, et s'appuyant sur la latte, ils font tous deux un effort pour écrire sur le papier. Il échoue et ils font un nouvel effort conjugué. A la troisième tentative, la latte renonce et ; le crayon reste comme il était tombé sur le papier, et un message alphabétique nous dit : "Nous avons essayé de faire ce que vous nous avez demandé, mais notre pouvoir est épuisé. 344" Le mot notre indiquant les efforts intelligents de la latte et de son ami le crayon, donne à entendre qu'il y avait là deux forces psychiques à l'œuvre.
Dans tout cela y a-t-il une preuve que l'agent dirigeant était "l'intelligence du médium" ? N'y avait-il pas au contraire toute indication que les mouvements de ces objets étaient guidés par des esprits "des morts", ou tout au moins par d'autres entités [279] intelligentes invisibles ? Certes, le mot magnétisme est aussi peu explicatif dans le cas présent que celui de force psychique ; néanmoins le premier a plus de raison d'être que le second, ne fût-ce que parce que le magnétisme transcendant ou mesmérisme produit des phénomènes identiques, quant aux effets, à ceux du spiritisme. Le phénomène du cercle enchanté du baron Du Potet et de Regazzoni est aussi contraire aux lois admises de la physiologie, que la lévitation d'une table, sans contact, l'est aux lois de la philosophie naturelle. De même que les hommes forts ont souvent été incapables de soulever une petite table, ne pesant que quelques kilos, et l'ont brisée dans leurs efforts, de même une douzaine d'expérimentateurs, parmi lesquels, parfois, figuraient des académiciens, ont été absolument incapables de franchir la ligne tracée à la craie sur le sol, par Du Potet. Dans un cas, un général russe, bien connu pour son scepticisme, persista jusqu'à tomber sur le sol, en proie à de violentes convulsions. Dans ce cas, le fluide qui opposait une pareille résistance était-il la force psychique de M. Cox, qui dote les tables d'un poids extraordinaire et surnaturel ? S'ils provoquent les mêmes effets physiologiques et psychologiques, il y a de bonnes raisons de croire qu'ils sont plus ou moins identiques. Nous ne croyons pas que notre déduction puisse être rejetée raisonnablement. D'ailleurs, le fait, fût-il nié, cela ne l'empêcherait pas d'exister. Il fut un temps où toutes les Académies de la Chrétienté s'étaient mises d'accord pour nier l'existence de montagnes dans la Lune et où, si quelqu'un avait eu la témérité d'avancer que la vie existait dans les régions supérieures de l'atmosphère, aussi bien que dans les profondeurs insondables de l'océan, il aurait été traité de fou ou d'ignorant.
"Le Diable l'affirme – ce doit être un mensonge !" Se plaisait à dire le pieux abbé Almiguana, dans une discussion avec une "table spirite." Nous serons bientôt autorisés à paraphraser sa proposition en disant : "Les savants le nient, cela doit donc être vrai."
343 Crookes. Researches, p. 94.
344 Ibidem, p. 94.