CHAPITRE V
—
MYSTERES DE LA CABALE
"Apprends à tout connaître, mais demeure, toi-même, ignoré."
Maxime Gnostique.
"Il existe un Dieu suprême au-dessus de tous les dieux, plus divin que les mortels,
Dont la forme n'est pas celle des hommes, encore moins sa nature ;
Mais les frivoles mortels s'imaginent que les dieux sont engendrés comme eux,
Avec des sensations, une voix et des membres corporels humains."
XENOPHANE : Clem. Al. Strom, V. 14, § 110.
"TYCHIADES. – Peux-tu me donner la raison, Philoclès, pourquoi la plupart des hommes sont enclins à mentir, et qu'ils aiment non seulement raconter des fictions en parlant d'eux-mêmes, mais prêtent une sérieuse attention aux autres qui le font ?
"PHILOCLES. – Les raisons sont nombreuses, Tychiadês, qui obligent les uns à mentir, parce qu'ils voient qu'ils peuvent en tirer profit."
LUCIEN, Philopseudès.
"LE SPARTIATE. – Est-ce à toi, ou à Dieu que je dois me confesser ?
"LE PRETRE. – C'est à Dieu.
"LE SPARTIATE. – Alors, homme retire-toi !"
PLUTARQUE, Notables dictons Lacédémoniens.
Fixons notre attention, maintenant, sur quelques-uns des plus importants Mystères de la Cabale, et étudions leurs rapports avec les mythes philosophiques des diverses nations.
Dans la plus ancienne Cabale orientale, la Divinité est représentée par trois circonférences dans une, voilée par une exhalation chaotique ou de la fumée. Dans la préface du Zohar, les trois cercles primordiaux sont transformés en TROIS TETES, au-dessus desquelles est représentée une exhalation ou un nuage de fumée, ni blanc ni noir, mais incolore et circonscrit dans un cercle. C'est [238] l'Essence inconnue 498. L'origine de l'image juive se trouve peut-être dans le Pimandre d'Hermès, le Logos égyptien, qui apparaît dans un nuage humide, duquel s'échappe une colonne de fumée 499. Dans le Zohar, le Dieu suprême est, ainsi que nous l'avons fait voir dans le chapitre précédent, et comme c'est le cas pour les philosophies hindoue et bouddhique, une pure abstraction dont ces philosophies nient l'existence objective. Il est Hockma, la "SAGESSE SUPREME, qui ne peut être comprise par l'intelligence" et qui se trouve à l'intérieur et à l'extérieur du CRANE de la LONGUE FACE 500 (Sephira) la plus élevée des trois "Têtes". C'est "le Aïn Soph illimité et infini" le Néant (Nulle-Chose).
498 Rosenroth, Kabbala Denudata ; préface du Zohar, II, p. 242.
499 Voyez Egypte de Champollion, p. 141.
500 Idrah Rabbah, VI p. 58.
"Les "trois Têtes" superposées ont évidemment été copiées sur les trois triangles mystiques des hindous qui, eux aussi, sont superposés. "La "tête" supérieure contient la Trinité en Chaos, de laquelle jaillit la trinité manifestée. Aïn Soph, l'à-jamais non révélé, qui est illimité et inconditionné, ne peut pas créer, et par conséquent ce serait une grande erreur, à notre avis, de lui attribuer une "pensée créatrice" ainsi que le font généralement les interprètes.
Dans toute cosmogonie, cette Essence suprême est passive ; si elle est illimitée, infinie et inconditionnée, elle ne peut avoir ni pensée, ni idée. Elle n'agit pas suivant le résultat de la volition, mais par obéissance à sa nature propre, et en vertu de la fatalité de la loi dont elle est elle-même l'incorporation. Ainsi, pour les cabalistes hébreux, Aïn-Soph est non- existant ןיא, car il est incompréhensible pour notre intelligence limitée, et ne peut, par conséquent, exister pour notre mental. Sa première émanation fut Sephira, la couronne רתכ. Lorsque le moment fut venu pour une période active, une expansion de cette essence Divine se produisit alors du dedans au dehors, obéissant à la loi éternelle et immuable ; et ce fut de cette lumière éternelle et infinie (qui, pour nous, est les ténèbres) qu'émana une substance spirituelle 501. Ce fut la Première Sephira, qui contenait en elle- même les autres neuf תוריפס Séphiroth, ou intelligences. Dans leur totalité et leur unité, elles représentent l'Homme Archétype, l'Adam Kadmon, le πρωτόγονος, lequel est encore double ou bisexuel dans son individualité ou son unité, le Didymos grec, car il est le prototype de l'humanité entière. C'est ainsi que nous obtenons trois trinités, contenues chacune dans une "tête". Dans la première "tête", ou face, (la Trimurti hindoue, à trois faces) nous trouvons Séphira, le premier androgyne, au sommet du triangle supérieur, émanant Hokhmah, [239] ou la Sagesse, un pouvoir masculin et actif – nommé également Iah, הי – et Binah, הניב, ou l'Intelligence, un pouvoir féminin et passif, représenté aussi par le nom de Jéhovah הוהי. Ces trois constituent la première trinité ou "face" des Sephiroth. Cette triade a émané Hesed, דסה, ou Pitié, pouvoir actif masculin appelé aussi El, dont a émané Geburah, הרובג, ou Justice, appelé aussi Eloha, pouvoir passif féminin ; de l'union de ces deux derniers fut produit Tiphereth תראפת, Beauté, Clémence, le Soleil Spirituel connu sous le nom divin Elohim ; et la seconde triade, "face" ou "tête" fut formée. Ces dernières Sephiroth émanant, à leur tour, le pouvoir masculin Netzah, הצנ, Fermeté ou Jehovah Sabaoth qui a émis le pouvoir passif féminin Hod, דוה Splendeur, ou Elohim Sabaoth ; ces deux ont produit Yesod, דוסי, Fondation, qui est le puissant vivant, El Hay, donnant ainsi naissance à la troisième trinité ou "tête". La dixième Séphira est plutôt une duade, et on la représente sur les diagrammes par le cercle inférieur. C'est Malkuth ou le Royaume, תוכלמ et Shekinah הניכש, qu'on appelle aussi Adonai et Cherabim parmi les armées angéliques. La première "Tête" est appelée le Monde Intellectuel ; la seconde "Tête" est le Monde Sensible, ou des Perceptions, et la troisième est le Monde Matériel ou Physique.
"Avant d'avoir donné une forme à l'univers, dit la Cabale, avant d'avoir produit une forme quelconque, Il était seul, sans forme ni ressemblance avec quoi que ce soit. Qui donc pourrait le comprendre, tel qu'il était avant la création, puisqu'il n'avait pas de forme ? Il est, par conséquent, défendu de le représenter par une forme quelconque, par une similitude, voire même par son nom sacré, par une seule lettre, ou par un seul point 502. L'Ancien des Anciens, l'Inconnu de l'Inconnu, a une forme, et cependant n'en a aucune. Il a une forme par laquelle l'univers est conservé, et cependant il n'a aucune forme, parce qu'il est impossible de le concevoir et cependant il n'a aucune forme [en Séphira, sa première émanation] il fit émaner de lui neuf lumières resplendissantes 503."
501 Idrah Zutah, II
502 Zohar, II, p. 42 b, A. éd., 1714.
503 Ibid., III, p. 288 a. (Idrah Zutah ch. §§ 41-43).
504 Ego surn qui sum (Exode, 111, 14).
505 Works of Win. Jones, III, pp. 66-67, Londres 1799.
506 Voyez Institutes of Manu traduits par Sir William Jones.
507 Champollion, op. cit., p. 141.
508 Nous n'ignorons pas que quelques Cabalistes chrétiens traduisent le terme Aïn-Soph par "Couronne" et l'identifient avec Séphira : qu'ils appellent Aïn-Soph "une émanation de Dieu" enfermant "Aïn-Soph" comme une unité dans les dix Séphiroth. Ils renversent aussi, bien à tort, l'ordre des deux premières émanations de Séphira, Chochma et Binah. Les plus grands Cabalistes ont toujours considéré Chochma (la Sagesse), comme une intelligence mâle et active, Jah [HB], et l'ont placé au-dessous du numéro 2 sur le côté droit du triangle, dont le sommet est la Couronne, tandis que Binah (l'Intelligence) ou [HB], est au-dessous du numéro 3 sur le côté gauche. Mais celui-ci, étant représenté sous son nom divin, comme Jéhovah [HB], ne présente tout naturellement le Dieu d'Israël que comme une troisième émanation, c'est-à-dire comme un principe féminin, et passif. Par conséquent, lorsque vint le moment, pour les Talmudistes, de transformer leurs multiples divinités en un Dieu vivant, ils eurent recours à leurs points massorétiques et combinèrent la transformation de Jéhovah en Adonaï, "le Seigneur". Cela, à la suite de la persécution des Cabalistes du moyen âge par l'Eglise, obligea quelques-uns d'entre eux à changer leur sephira femelle en mâle et vice versa, afin d'échapper à l'accusation de manquer de respect et de blasphème envers Jéhovah, dont le nom, par consentement mutuel et secret, fut, de plus, accepté comme un substitut de Jah, ou du nom mystérieux de IAO. Seuls, les Initiés en eurent connaissance, mais cela donna lieu, plus tard, à une grande confusion parmi les non-initiés. Il serait avantageux, si nous en avions le temps, de reproduire quelques-uns des nombreux passages des plus anciennes autorités juives, tels que Rabbi Akiba, et le Zohar, qui viennent corroborer notre affirmation. Chochma- Sagesse est partout considéré comme un principe mâle, et Binah-Jehovah un pouvoir féminin. Les ouvrages d'Irénée, de Théodoret et d'Epiphane, qui fourmillent d'accusations contre les Gnostiques et les "hérétiques", nous montrent, à maintes reprises, Simon le magicien et Cérinthe présentant Binah comme l'Esprit divin, féminin, qui inspirait Simon. Binah, c'est Sophia, et la Sophia des Gnostiques n'est certes pas un pouvoir masculin, mais bien tout simplement la Sagesse féminine ou l'Intelligence. (Voyez tous les anciens "Arbor Kabbalistica", ou "Arbre des Sephiroth.) Eliphas Lévi, dans son Dogme et Rituel de la Haute Magie, vol. I, p. 23 et 231, lace Chochma sur le numéro 2, et en qualité de Séphira mâle sur la droite de l'arbre. Dans la Kabala les trois Séphiroth mâles – Chochma, Chesed, Netsah – sont connus sous le nom du Pilier de la Pitié ; et les trois féminins sur la gauche, c'est-à-dire : Binah, Geburah, Hod, sont appelées le Pilier du jugement, tandis que les quatre Séphiroth du centre – Kether, Tiphereth, Yesod, Malkhuth – sont appelés le Pilier du Milieu.
Et maintenant occupons-nous de la Cosmogonie ésotérique hindoue, et de la définition de "Celui qui est et cependant n'est pas".
"De celui qui est 504, de ce Principe immortel qui existe dans notre esprit, mais que nos sens ne peuvent percevoir est né Purusha, le mâle- femelle divin, qui devint Narayana, ou l'esprit Divin qui se meut sur les eaux." 505. [240]
Svayambhu, l'essence inconnue des Brahmanes, est identique à Aïn Soph, l'essence inconnue des Cabalistes. Comme pour ceux-ci, le nom ineffable ne devait pas être prononcé par les Hindous, sous peine de mort. Dans la trinité primitive hindoue, qu'on a tout lieu de considérer comme pré-Védique, le germe qui féconde le principe-maternel, l'œuf du monde, ou la matrice universelle, est appelé Nara, l'Esprit, ou le Saint-Esprit, qui émane de l'essence primordiale. Ainsi que Séphira, c'est la plus ancienne émanation, appelée le point primordial et la Tête Blanche, car c'est le point lumineux divin qui apparaît dans les ténèbres insondables et illimitées. Dans Manou, c'est "NARA", ou l'Esprit de Dieu, qui se meut sur Ayana [le Chaos, ou le lieu du mouvement] et est appelé NARAYANA, ou celui qui se meut sur les eaux" 506. Nous lisons dans l'égyptien Hermès : "Au commencement du temps il n'existait que le chaos." Mais lorsque le "Verbum", sortant du néant comme une "fumée incolore", fit son apparition, alors "ce Verbum se mit à se mouvoir sur le principe humide" 507. Et nous lisons dans la Genèse [I, 2.] "il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme [chaos] et l'Esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux". Dans la Cabale, l'émanation du principe primordial, passif (Sephira), en se séparant en deux parties, active et passive, émet Chochma- Sagesse, et Binah-Jéhovah, et s'unissant avec ces deux acolytes, qui viennent compléter la trinité, elle devient le Créateur de l'Univers abstrait ; le monde physique est la production de puissances ultérieures et encore plus matérielles 508. Dans la Cosmogonie hindoue, Svayambhu produit Nara et Nari, son émanation bisexuelle, et les séparant en deux moitiés, mâle et femelle, celles-ci fécondent l'œuf mondial, [241] dans lequel se développe Brahmâ, ou plutôt Viraj, le Créateur. "Le point de départ de la mythologie Egyptienne, dit Champollion, est une trinité... savoir Kneph, Neith et Phtah ; et Ammon, le mâle, le père ; Muth, femelle, la mère ; et Khonsu, le fils."
Les dix Séphiroth sont des copies des dix Prâdjapatis créés par Viraj, et appelés les "Seigneurs de tous les êtres", qui correspondent aux Patriarches bibliques.
Justin martyr explique quelques-unes des "hérésies" de l'époque, mais d'une façon peu satisfaisante. Il montre, néanmoins, la parfaite identité de toutes les religions mondiales à leur point de départ. Le premier début commence invariablement par la divinité passive et inconnue, qui émane un certain pouvoir (ou vertu) actif, "rationnel", qui est appelé quelquefois la SAGESSE, d'autres fois le FILS, et très souvent aussi Dieu, Ange, Seigneur et LOGOS 509. Ce dernier nom est quelquefois attribué à la première émanation ; mais, dans plusieurs systèmes, il procède du premier rayon double ou androgyne, émané au début par l'invisible. Philon le Juif décrit cette sagesse comme mâle et femelle 510. Mais, bien que sa première manifestation ait eu un commencement, car elle procède de Olam 511, (Aiôn, le temps) le plus élevé des Æons, lorsqu'elle émana des Pères elle demeurait en lui avant toutes les créations, car elle fait partie de lui 512. C'est pourquoi Philon le juif appelle Adam Kadmon "le Mental" (l'Ennoïa de Bythos dans le système gnostique). "Que le mental porte le nom d'Adam" 513.
Strictement parlant, il est difficile de considérer le Livre de la Genèse juif autrement que comme une parcelle du tronc de l'arbre mondial de la Et, ainsi que le démontre Mackensie, dans le Royal Masonic Cyclopedia, "il existe une analogie entre ces trois Piliers et les trois Piliers de la Sagesse, la Force et la Beauté, dans une Loge Maçonnique, tandis que le Aïn-Soph est représenté sous la forme de l'Etoile flamboyante, ou lumière mystique de l'Orient", p. 407. comosgonie universelle, traduite en allégories orientales. Un cycle succédant à un autre, et une nation apparaissant [242] après l'autre sur la scène du monde, pour jouer son rôle infime dans le drame majestueux de la vie humaine, chaque peuple nouveau évolue sa propre religion des traditions ancestrales, en lui imprimant une couleur locale, et la marquant de sa caractéristique individuelle. Tandis que chacune de ces religions possède ses traits distinctifs, au moyen desquels, faute d'autres vestiges archaïques, il est possible d'estimer l'état physique et psychologique de ses créateurs, elles conservent toutes une ressemblance commune avec le prototype unique. Ce culte originel n'est rien autre que la "Religion- Sagesse" primitive. Les Ecritures des Israélites ne constituent nullement une exception. Leur histoire nationale – si tant est qu'ils puissent revendiquer une autonomie quelconque, avant leur retour de Babylone, où ils n'étaient, rien de plus que des tribus errantes de parias hindous, ne peut remonter un jour plus loin que l'époque de Moise ; et si ce prêtre ex- égyptien doit, par suite d'une nécessité théologique, se transformer en Patriarche hébreu, nous insisterons pour que la nation juive ait été retirée des roseaux du lac Moëris, en même temps que ce souriant enfant. Leur prétendu père, Abraham, appartient à la mythologie universelle. Il est fort probable qu'il n'est rien autre qu'un des innombrables prête-noms de Zeruan (Saturne) le roi de l'Age d'Or, qu'on nomme aussi l'Ancien (l'emblème du Temps) 514.
509 Justin martyr : Cum Trypho, p 284.
510 [De fuga et inventane, IX, 52.]
511 Division indicatrice du temps.
512 Sanchoniâton appelle le temps le plus âgé des Æons, Protogonos, le "premier né".
513 Philon le juif : Caïn et sa naissance, p. XVII.
514 Azræl, l'ange de la mort, est aussi Israël. Ab-ram signifie le père de l'élévation, le père haut placé, car Saturne est la planète la plus haute ou la plus éloignée.
515 Genèse, XIII, 2.
516 Saturne est généralement représenté comme un vieillard tenant à la main une faux.
Il est maintenant prouvé par les Assyriologues que, dans les anciens livres chaldéens, Abraham est appelé Zeru-an, ou Zer-ban, ce qui signifie un homme riche en or et en argent, un prince puissant 515. On l'appelle aussi Zarouan et Zarman, un homme âgé et diminué 516.
L'ancienne légende babylonienne mit que Xisuthrus (le Hasisadra des tablettes, ou Xisuthros) fit voile vers l'Arménie, et que son fils Sim devint roi puissant. Pline dit que Sim était appelé Zeruan ; et Sim est Shem. Son nom s'écrit, en hébreu מש, Shem, un signe. Les ethnologistes affirment que l'Assyrie était la patrie de Shem, et que l'Egypte est celle de Cham. Dans le dixième chapitre de la Genèse, Shem est représenté comme le père des enfants d'Eber, ou Elam (Olam ou Eilam) et d'Ashur (Assur ou Assyrie).
les "Nephelim", ou hommes déchus, les Giborim, hommes puissants dont parle la Genèse (VI, 4) venaient de Olam, "hommes de Shem". Il n'est pas jusqu'à Ophir, qu'il faut évidemment chercher dans l'Inde du temps de Hiram, qui ne soit représenté comme un descendant de Shem. Les annales ont [243] été confondues, à dessein, pour les faire cadrer avec la Bible Mosaïque. Mais la Genèse, du premier verset jusqu'au dernier, n'a rien à faire avec le "peuple élu", elle appartient à l'histoire mondiale. Son appropriation par les auteurs juifs à l'époque de la prétendue restauration des livres sacrés des juifs, par Ezra, ne prouve rien du tout, et jusqu'à aujourd'hui on a toujours cherché à l'étayer en la prétendant révélation divine. Ce n'est qu'une collection de légendes universelles de l'humanité universelle. Bunsen rapporte que, "dans la tribu chaldéenne en relation immédiate avec Abraham, nous trouvons des réminiscences de dates dénaturées et mal interprétées, comme s'il s'agissait de généalogies d'individus ou de l'indication d'une époque. Les souvenirs tribaux abrahamiques remontent, au moins, à trois mille ans au delà du grand-père de Jacob" 517.
Eupolémus dit qu'Abraham naquit à Camarina, ou Uria, une ville de prophètes, et qu'il inventa l'astronomie 518. Josèphe réclame la même chose pour Terah, père d'Abraham. La tour de Babel fut construite tant par les descendants directs de Shem que par ceux "maudits de Cham et Chanaan car, à ce moment-là, ces peuples n'en faisaient "qu'un", et "la terre entière ne parlait qu'une seule langue" ; Babel n'était qu'une tour astrologique et ses bâtisseurs des astrologues et des adeptes de la Religion-Sagesse primitive, ou ce que nous nommons la Doctrine Secrète.
La Sibylle de Bérose dit : Avant la construction de la Tour, Zeru-an, Titan et Yapetosthe gouvernaient la terre. Zeru-an désirait s'approprier le pouvoir suprême, mais ses deux frères lui résistèrent, lorsque leur sueur, Astlik, intervint et les mit d'accord. Ils convinrent que Zeru-an règnerait, mais que ses enfants mâles seraient mis à mort ; et de puissants Titans furent nommés pour exécuter la sentence 519. Sar, (le Cercle Saros) est le dieu babylonien du ciel. Il est aussi Assaros ou Asshur (le fils de Shem) et Zero – Zero-ana, le chakra, ou la roue, le temps illimité. Par conséquent, comme la première mesure de Zoroastre, en fondant sa nouvelle religion, fut de changer les divinités les plus sacrées du Véda sanscrit, en noms d'esprits mauvais, dans les Écritures du Zend, et d'en rejeter une partie, nous ne trouvons pas dans l'Avesta, trace du Chakra – le cercle symbolique du firmament.
517 Bunsen, Egypt's Place in Universal History, vol. 5, p. 85.
518 Eusèbe, Præp. evang., IX ; cf. Cory Anc. Frag, p 57, éd. 1832.
519 [Berosi fragm., p. 59, éd. J.W. Richter, Lepzig 1825.]
Elam, un autre des fils de Shem, est Olam םלוע, et a rapport avec un ordre ou un cycle d'événements. Dans l'Ecclésiaste III, 11, on le traduit par "monde" ; dans Ezéchiel XXVI, 20, par "autrefois" ; dans la Genèse III, 22, on se sert de ce mot comme : éternellement" ; et au chapitre IX, 16, comme "perpétuelle". [244] Enfin au chapitre VI, 4, de la Genèse, le mot est bien défini par les paroles suivantes : "Les géants (Nephelim, hommes déchus ou Titans) étaient sur la terre en ce temps-là." Le mot est synonyme de Æon, αιων. Aux Proverbes VIII, 23, il est représenté par : "J'ai été émané d'Olam, de Rosh" (la Sagesse). Dans cette phrase, le sage roi- cabaliste se réfère à un des Mystères de l'esprit humain – la couronne immortelle de l'homme trinitaire. Tandis qu'elle devrait se lire comme ci- dessus et être interprétée cabalistiquement avec la signification que le Je (c'est-à-dire mon Ego, éternel, immortel) l'entité spirituelle est émanée de l'éternité illimitée et sans nom, par la sagesse créatrice du Dieu inconnu, elle devient dans la traduction canonique, ce qui suit : "Le Seigneur m'a possédé au début de sa voie ; avant ses œuvres de jadis", un non-sens inintelligible, sans l'interprétation cabalistique. Lorsqu'on fait dire à Salomon que le JE existait "dès le commencement... lorsqu'il [le Dieu suprême] n'avait encore fait ni la terre... ni le premier atome de poussière du monde... j'étais là", et "lorsqu'il posa les fondements de la terre... j'étais à l'œuvre auprès de lui, jouant sans cesse en sa présence", que peut vouloir dire le Cabaliste, par ce JE, sinon son propre esprit divin, cette goutte provenant de l'éternelle fontaine de la Lumière et de la Sagesse – l'esprit universel de la Divinité ?
Le rayon de gloire émis par Aïn-Soph, de la plus élevée des trois têtes cabalistiques, par laquelle "toutes choses resplendissent de lumière", le rayon qui sort par l'Adam-Primus, est l'esprit individuel de chaque créature humaine. "Je faisais tous les jours ses délices [à Aïn-Soph], jouant sans cesse en sa présence... et trouvant mon bonheur parmi les fils des hommes", ajoute Salomon dans le même chapitre des Proverbes. [30-31] L'esprit immortel trouve son bonheur parmi les fils des hommes lesquels, sans cet esprit, ne seraient que des dualités (corps physiques et âme astrale, ou ce principe de vie qui anime même les êtres les plus inférieurs du règne animal). Nous avons vu, toutefois, que la doctrine enseigne que cet esprit ne peut pas s'unir à l'homme chez lequel la matière et les penchants grossiers de son âme animale contribuent à le refouler hors de lui. Par conséquent Salomon, qui parle ici sous l'inspiration de son propre esprit, lequel a pris possession de lui pour le moment, prononce les paroles de sagesse suivantes : "Et maintenant, mon fils, écoute-moi (l'homme double) heureux ceux qui observent mes voies !... Heureux l'homme qui m'écoute, qui veille chaque jour à mes portes... Car celui qui me trouve a trouvé la vie et il obtient la faveur du Seigneur... Mais celui qui pèche contre moi nuit à son âme... et aime la mort." (Proverbes VIII, 32-36). [245]
Ce chapitre, tel qu'il est interprété, par certains théologiens, comme d'ailleurs tout le reste, doit s'appliquer au Christ, le "Fils de Dieu", qui dit à maintes reprises, que celui qui le suit aura la vie éternelle et vaincra la mort. Mais même dans sa traduction dénaturée, il est possible de prouver que ce passage se rapporte à tout autre chose qu'au prétendu Sauveur. Si on l'acceptait dans ce sens, la théologie chrétienne se verrait obligée de retourner bon gré, mal gré, à l'Averroïsme et au Bouddhisme ; c'est-à-dire à la doctrine des émanations, car Salomon dit : "J'ai été émané" de Olam et de Rosh, tous les deux faisant partie de la Divinité ; par conséquent, le Christ ne serait pas ce que prétend leur doctrine, Dieu lui-même, mais seulement une émanation de celui-ci, comme le Christos des gnostiques. Voilà le sens de la personnification de l'Æon gnostique, mot qui représente les cycles ou les périodes déterminées de l'éternité, en même temps qu'il est une représentation d'une hiérarchie d'êtres célestes – des esprits. C'est pourquoi le Christ porte quelquefois le nom de "Æon éternel". Mais le terme "éternel" est faux en ce qui concerne les Æons. Eternel est ce qui n'a ni commencement ni fin ; mais on doit dire des "Emanations", ou Æons, que bien qu'ayant vécu absorbées dans l'essence divine de toute éternité, une fois émanées individuellement, elles ont eu un commencement. Elles sont, par conséquent, sans fin dans cette vie spirituelle, mais non point éternelles.
Ces émanations sans fin de la Cause Première, qui furent, toutes, transformées par l'imagination populaire en dieux, esprits, anges et démons distincts, étaient si peu considérées comme immortelles, qu'on leur a attribué, à toutes, une durée d'existence limitée. Et cette croyance, commune à tous les peuples de l'antiquité, aussi bien aux Mages de la Chaldée qu'aux Egyptiens, et qu'on rencontre encore aujourd'hui chez les Brahmanistes et les Bouddhistes, prouve surabondamment le monothéisme des anciens systèmes religieux. Cette doctrine nomme la période d'existence de toutes les divinités inférieures, "un jour de Parabrahma". Après un cycle de quatre milliards, trois cent vingt millions d'années humaines – ainsi le dit la tradition – la trinité elle-même, avec toutes les divinités inférieures, sera anéantie, de même que l'univers et cessera d'exister. Puis, un autre univers surgira graduellement du pralaya (dissolution) et les hommes sur terre seront capables de concevoir SVAYAMBHU tel qu'il est. Seule, cette Cause première continuera à exister indéfiniment, dans toute sa gloire, remplissant l'espace infini. Quelle meilleure preuve pourrions-nous donner du sentiment de profonde vénération que les "païens" professaient pour l'unique cause Suprême et- éternelle de toutes choses visibles et invisibles ?
C'est à cette source, encore, que les cabalistes ont puisé des [246] doctrines analogues. Si les Chrétiens ont interprété la Genèse à leur façon, acceptant son texte au pied de la lettre, ils ont obligé les masses ignorantes à croire que le monde a été créé de rien ; s'ils lui ont attribué un commencement, ce n'est certes pas aux Tanaïm, les seuls interprètes de la signification occulte des textes Bibliques, qu'il faut s'en prendre. Pas plus que les autres philosophes, ils n'ont cru aux créations spontanées, limitées ou ex-nihilo. La Cabale a survécu pour faire voir que leur philosophie était précisément celle des modernes Bouddhistes du Népal, les Swâbhâvikas. Ils croyaient à l'éternité et à l'indestructibilité de la matière, et par conséquent à de nombreuses créations et de destructions de mondes bien antérieurs au nôtre. "Il y eut de vieux mondes qui périrent 520." "Nous voyons, par-là, que le Très-Saint, béni soit Son nom, avait successivement créé et détruit plusieurs mondes, avant de créer le monde actuel ; et lorsqu'il créa ce monde, il dit : "Celui-ci me plaît, les autres ne me plaisaient point 521."Ils croyaient, en outre, encore comme les Swâbhâvikas, qu'on taxe aujourd'hui d'athées, que toute chose procède (est créée) de sa propre nature, et qu'une fois que l'impulsion a été donnée par la Force Créatrice inhérente à la "Substance auto-créée, ou Sephira, tout évolue de lui-même, d'après le moule que lui fournit le prototype spirituel qui le précède dans l'échelle de la création infinie. "Le point indivisible, qui n'a pas de limite, et ne peut être compris [car il est absolu] se développa du dedans au dehors, et détermina une clarté qui servit de vêtement (de voile) au point indivisible... Celui-là, aussi, se développa du dedans au dehors... Ainsi toute chose eut son origine par une agitation constante, ascensionnelle, et c'est ainsi que le monde a finalement été édifié 522."
520 Zohar III, p 292 b, Quist éd. (Idrah Zutah, X, §§ 21 et sq.).
521 Bereshith Rabba, Partha, IX.
522 Zohar, I, fol. 20 a.
523 "Le S sanscrit", dit Max Muller, "est représenté par h en Zend. C'est ainsi que le nom géographique "hapta hendu", qu'on rencontre dans l'Avesta, devient intelligible, si nous traduisons le Zend h en S sanscrit. Car "Sapta Sindhu, ou les sept rivières, est l'ancien nom Védique pour l'Inde elle-même." (Chips, vol. I, pp. 82-83). "L'Avesta est l'esprit même des Védas", la signification ésotérique partiellement interprétée.
524 Ce que l'on comprend généralement dans le système de l'Avesta par mille ans, signifie, dans la doctrine ésotérique, un cycle d'une durée connue seulement des Initiés, et qui aurait un sens allégorique.
Dans les livres zoroastriens postérieurs, après que Darius eut restauré le culte d'Ormazd en y ajoutant le magisme plus pur de la Sagesse Secrète primitive – נסתרה-תומכח [Hokhmah-Nistharah], dont, il était lui-même un des hiérophantes, ainsi que nous le dit l'inscription, nous voyons reparaître le Zeru-ana, ou le temps illimité, représenté chez les Brahmanes par le chakra, ou le cercle, que nous voyons figurer sur le doigt levé des principales divinités. Nous ferons voir, plus loin, sa relation avec les nombres mystiques de Pythagore – le premier et le dernier – qui est un zéro (O), et avec le plus grand des Dieux-des-Mystères IAO. L'identité de ce seul symbole, dans toutes les anciennes religions, suffit pour prouver [247] leur origine commune dans une Croyance primitive 523. Le terme "temps illimité", qui ne peut s'appliquer qu'à l'UNIQUE qui n'a ni commencement ni fin, est appelé par les Zoroastriens Zeruana-Akarene, parce qu'il a existé de tous temps. "Sa Gloire", disent-ils, est trop sublime, sa lumière est trop brillante pour que l'intelligence humaine ou que des yeux mortels puissent la saisir et la voir. Son émanation primitive est la lumière éternelle, laquelle, ayant été cachée jusqu'alors dans les ténèbres, fut appelée à se manifester, et c'est ainsi que fut formé Ormazd "le Roi de Vie". Il est le premier-né du temps sans limites, mais de même que son antitype ou idée spirituelle préexistante, il a vécu dans les ténèbres primitives de toute éternité. Son Logos fut le créateur du monde purement intellectuel. Après un délai de trois grands cycles 524 il créa le monde matériel en six périodes. Les six Amshaspands, ou hommes spirituels primitifs, qu'Ormazd créa à sa propre image sont les médiateurs entre lui et ce monde. Mithras est une émanation du Logos et le chef des vingt-huit Yazatas, qui sont les anges tutélaires de la partie spirituelle de l'humanité, les âmes des hommes. Le nombre des Ferouers est infini. Ceux-ci sont les idées, ou plutôt les conceptions idéales des choses qui ont été conçues dans la pensée d'Ormazd, ou Ahuramazda avant qu'il ne voulût qu'elles prennent une forme concrète. Ce sont ce qu'Aristote nomme les "privations" des formes et des substances. La religion de Zarathustra, ainsi qu'il est toujours dénommé dans l'Avesta, est une de celles auxquelles les Juifs ont fait les plus larges emprunts. Dans un des Yashts, Ahuramazda, le Suprême, donne au voyant, comme un de ses noms sacrés, Ahmi, "Je suis" ; dans un autre il est, ahmi yat ahmi, "Je suis ce que je suis" ; ce que Jéhovah est censé avoir dit à Moïse.
La Cosmogonie adoptée dans la Cabale rabbinique, avec un changement de termes, fut adoptée par le grand corps des Gnostiques, avec quelques théories additionnelles de Manès, le semi-Mage et semi- Platonicien. Les véritables doctrines de Basilide, de Valentin et de Marcion ne peuvent être correctement appréciées en lisant les ouvrages des Pères de l'Eglise entachés de parti-pris et de calomnies ; on les trouvera plutôt dans ce qui reste des ouvrages des sectaires de Bardesane, connus sous l'appellation de Nazaréens. Il est presque impossible, aujourd'hui que tous leurs livres et leurs [248] manuscrits ont été détruits, de déterminer la part qui est due à chacune de ces sectes dans leurs opinions dissidentes. Mais il existe encore aujourd'hui certains hommes qui ont conservé des livres et des traditions directes des Ophites, bien qu'ils ne se soucient aucunement de les communiquer au monde en général. La vérité est restée cachée depuis plus de mille ans parmi les sectes ignorées du Mont Liban et de la Palestine. Et leur diagramme de la théorie Ophite diffère de la description donnée par Origène 525, et par conséquent aussi du diagramme de Matter 526.
525 [Contra Celsum, VI, XXIV et seq.]
526 J. Matter, Histoire critique du Gnosticisme, pl. III ; texte vol. II, pp. 406-408, éd. 1843-44.
527 Zohar III, p. 288. A Amst., éd. 1714 (Idrah Zutah II, § 78).
La trinité chrétienne a été édifiée en partie sur le modèle de la trinité cabalistique ! "L'ANCIEN, dont le nom soit sanctifié, a trois têtes qui n'en font qu'une seule" 527. Tria capita exculpta sunt, unum intra alterum et alterum supra alterum. La première tête est la Sagesse Occulte (Sapientia abscondita). Sous cette tête se trouve l'ANCIEN [la Monade de Pythagore] le mystère le plus secret ; c'est une tête qui n'en est pas une [caput quod non est caput] ; nul ne peut savoir ce qu'il y a dans cette tête. Aucune intelligence n'est capable de comprendre cette Sagesse 528, ce Senior Sanctissimus est entouré des trois têtes. Il est la LUMIERE éternelle de cette sagesse ; et la sagesse est la source de laquelle toutes les manifestations ont pris naissance. Ces trois têtes, renfermées dans une TETE [qui n'en est pas une] ; et ces trois sont inclinées sur [adombrent] la FACE-COURTE [le Fils] et par elles toutes choses resplendissent de lumière". 529 "Aïn-Soph émet un rayon de El ou Al [le plus haut Dieu de la Trinité] et la lumière suit le rayon et entre, et, en passant il sort par Adam Primus [Kadmon] qui demeure caché jusqu'à ce que le plan des dispositions [statum dispositionis] soit achevé ; il passe au travers de lui depuis la tête, jusqu'aux pieds ; et dans lui [dans l'Adam caché] est la forme d'UN HOMME" 530.
"Quiconque voudrait se faire une idée de l'Unité sacrée qu'il contemple une flamme qui surgit d'un charbon ardent ou d'une lampe allumée. Il verra, en premier lieu, une lumière double – une blanche et éclatante et l'autre noire ou bleue ; la lumière blanche est au-dessus, et s'élève en une flamme droite, tandis que la lumière bleue, ou lumière obscure, reste au-dessous et paraît [249] former le siège de la première, et, cependant toutes les deux sont si étroitement liées qu'elles ne font qu'une seule flamme. Toutefois, le siège constitué par la lumière bleue, ou obscure, est encore réuni avec la matière combustible qui est au-dessous d'elle. La lumière blanche ne change jamais de couleur, elle est toujours blanche ; mais on observe plusieurs teintes dans la lumière inférieure, tandis que la lumière inférieure prend deux directions ; par en haut elle est en contact avec la lumière blanche, et par en bas elle l'est avec la matière en combustion. Or, celle-ci se consume constamment, et monte sans cesse vers la lumière supérieure, et de cette manière tout se transforme en une seule unité 531."
528 Ibidem, sect. II, §§ 59-63.
529 Ibidem, II, § 63 ; VII, § 6, 177-87.
530 Jam vero quoniam hoc in loco recondita est illa plane non utuntur, et tantum de parte lucis ejus participant quae demittitur et ingreditur intra filium Aïn-Soph protensum e Persona [HB] [Al-Dieu] deorum : intratque et perrumpit et transit per Adam primum occultum usque in statum dispositionis, transitque per eum a capite usque ad pedes ejus : et in eo est figura hominis (Kabbala Denudata, II, p. 246).
531 Zohar, I, p. 51 a.
Telles étaient les anciennes notions de la Trinité dans l'Unité, en tant qu'abstraction. L'homme qui est le microcosme du macrocosme, ou de l'homme archétype céleste, l'Adam Kadmon, est, à son tour, une trinité, car il est : corps, âme et esprit.
"Tout ce qui a été créé par "l'Ancien des Anciens" ne peut vivre et exister que par un mâle et une femelle", dit le Zohar 532. Seul, Celui auquel nul ne peut dire, "Tu", car il est l'Esprit de la TETE BLANCHE, dans laquelle sont réunies les "TROIS TETES, n'est pas créé. Du feu subtil, sur un des côtés de la Tête Blanche, et de "l'air subtil" sur l'autre côté, émane Shekinah, son voile, (le Saint-Esprit féminisé). "Cet air", dit Idra Rabba "est le plus occulte [occultissimus] attribut de l'Ancien des Jours 533. Le plus Ancien des Plus Anciens est le Caché des Cachés 534. Il est toutes choses, et Il est Lui-même caché de toutes parts 535. Le cranium de la TETE BLANCHE n'a pas de commencement, mais sa fin a une réflexion brillante et une rondeur qui est notre univers." 536.
"Ils considèrent, dit Klenker, le premier-né comme mari et femme, en ce que sa lumière contient en elle-même toutes les autres, et que son Esprit de vie, ou souffle de vie, contient en lui-même tous les autres esprits de vie" 537. La Shekinah cabalistique correspond à la Sophia Ophite. Pour parler correctement, l'Adam Kadmon est le Bythos ; mais, dans cette théorie des émanations, où tout est calculé pour jeter la perplexité et de mettre un obstacle à toute question, il est la Source de la Lumière, le premier "homme primitif", et, en même temps Ennoïa, la Pensée de Bythos, la Profondeur, car il est Pymandre. [250]
Les Gnostiques, de même que les Nazaréens, faisant une allégorie de la personnification, disaient que les Premier et Second hommes aimèrent la beauté de Sophia (Sephira) la première femme, et ainsi, le Père et le Fils fécondèrent la "Femme" céleste et des ténèbres primordiales ils procréèrent la lumière visible (Séphira est la Lumière Invisible ou Spirituelle), "qu'ils nommèrent le CHRISTUS OINT, ou le Roi Messie" 538. Ce Christus est l'Adam d'Argile avant la chute, adombré par l'esprit d'Adonaï, son père, et de Shékinah Adonaï, sa mère ; car l'Adam Primus est Adon, Adonaï, ou Adonis. L'existence primordiale se manifeste par sa Sagesse, et donne naissance au LOGOS Intelligible (toute la création visible) Cette Sagesse était vénérée par les Ophites sous la forme d'un serpent. Autant que nous puissions en juger, la première et la seconde vie sont les deux Adams, ou le premier et le second homme. Le premier contient Eva, ou l'Eve spirituelle non encore née, et celle-ci est contenue dans l'Adam Primus, car elle fait partie de lui, puisqu'il est androgyne. L'Eve d'argile qu'on désignera dans la Genèse par "la Mère de tous les vivants" est contenue dans le Second Adam. Or, dès sa première manifestation, le SEIGNEUR MANO, la Sagesse Inintelligible, disparaît de la scène ; elle ne se manifestera que sous la forme de Shékinah, la GRACE ; car la CORONA est "la Lumière la plus cachée de toutes les Lumières" et, par conséquent, elle est la substance même des ténèbres 539.
532 Zohar, livre III, p. 290.
533 Idra Rabba, § 541-542.
534 Ibidem, III, p. 36.
535 Ibidem, p. 171.
536 Idrah Zutah, II, § 51.
537 Nat. und Urspr. d. Emanationslehre b. d. Kabbalisten, p. 2.
538 Irénée, p. 637.
539 Idrah Ziztah, IX, § 355 ; Kabbala Denudata, II, p. 364 ; cf. Monade de Pythagore.
Shekinah, dans la Cabale, est la neuvième émanation de Séphira, qui renferme en elle-même la totalité des dix Séphiroth. Elle appartient à la troisième triade, et elle est conçue en même temps que Malkuth, ou le "Royaume", dont elle est la contrepartie féminine. D'autre part, elle est considérée comme plus élevée qu'aucunes d'elles ; car elle est la "Gloire Divine", le "voile"ou le "vêtement" de Aïn-soph. Partout où elle est mentionnée dans le Targum, les Juifs disent qu'elle est la gloire de Jéhovah, qui demeurait dans le tabernacle, se manifestant sous la forme d'une nuée visible : la "Gloire" planait au-dessus du Siège de Grâce dans le Sanctum Sanctorum.
Dans le système des Nazaréens ou de Bardesane, qu'on pourrait appeler la Cabale dans la Cabale, l'Ancien des Jours – Antiquus Altus, qui est le Père du Démiurge de l'Univers, est surnommé la Troisième Vie, ou Abatur ; et il est le Père de Fetahil, Architecte de l'Univers visible, qu'il appelle à l'existence par le pouvoir de ses Génies, sur l'ordre du "Suprême" ; Abatur correspondant au "Père" de Jésus dans la théologie chrétienne postérieure. Ces deux Vies supérieures sont donc la couronne dans laquelle [251] réside le plus grand Ferho. "Avant qu'une créature quelconque ne soit venue à l'existence, le Seigneur Ferho existait déjà" 540. Celui-ci est la Première Vie, sans formes et invisible, dans laquelle existe l'Esprit de VIE vivant, la MISERICORDE Suprême. Les deux ne font qu'UN, de toute éternité, car ce sont la Lumière et la CAUSE de la Lumière. Ils correspondent par conséquent, à la Sagesse cachée cabalistique, et à la Shékinah cachée, le Saint-Esprit. "Cette lumière, qui se manifeste, est le vêtement du Caché Céleste dit l'Idrah Zutah. Et "l'homme céleste" est l'Adam supérieur. "Nul ne connaît ses voies, sauf Macroprosopus" (La longue face) – le dieu supérieur actif 541. "Je ne serai pas lu, comme je suis écrit ; dans ce monde, mon nom sera écrit Jéhovah et lu Adonaï" 542 disent les rabbins avec parfaite raison. Adonaï est l'Adam Kadmon ; il est à la fois le PERE et la MERE. Par cette double médiation, l'Esprit de "l'Ancien des Anciens" descend sur le Microprosopus (la courte face) ou l'Adam de l'Eden. Et le "Seigneur Dieu lui souffla dans les narines le souffle de vie".
Lorsque la femme se sépare de son androgyne et devient une individualité distincte, la même chose se répète. Le Père et le Fils (les deux Adams) s'éprennent, tous deux, de sa beauté ; puis viennent l'allégorie de la tentation et la chute. C'est le cas dans la Cabale, comme dans la théorie Ophite, dans laquelle Ophis et Ophiomorphos sont, tous deux, des émanations représentées sous l'emblème de serpents, celui-là représentant l'Eternité, la Sagesse et l'Esprit, (comme dans le culte de l'Aspic du Magisme Chaldéen, et la Doctrine-Sagesse des anciens temps), et celui-ci par l'Astuce, l'Envie et la Matière. L'esprit et la matière sont, tous deux, des serpents ; et Adam Kadmon devient l'Ophis qui se tente lui-même – homme et femme – de manger du fruit de "l'Arbre du Bien et du Mal", afin de leur enseigner les mystères de la sagesse spirituelle. La Lumière tente les Ténèbres, et les Ténèbres attirent la Lumière, car les Ténèbres sont la matière et "la Lumière Suprême ne luit pas dans ses Ténèbres". Avec la connaissance vient la tentation de l'Ophiomorphos, et c'est lui qui a gain de cause. Le dualisme de toute religion existante est démontré par la chute. "J'ai reçu un homme du Seigneur", s'écrie Eve à la naissance du Dualisme, Caïn et Abel – le bien et le mal. "Et l'Adam connut Hua, sa femme (astu) et elle devint grosse et enfanta Kin, et dit יהוה ֿ את איש קניתי : Kanithi aish ath Yahveh. – J'ai gagné ou obtenu un mari, voire même Yahveh – Ish, Aish – – l' "homme". "Cum arbore peccati Deus creavit seculum." [252]
Comparons, maintenant, cette doctrine avec celle des gnostiques juifs, les Nazaréens, ainsi qu'avec d'autres philosophies.
540 Codex Nazaraeus, I, p. 145.
541 Codex Nazaraeus, I, p. 145.
542 Idrah Rabbah, VIII, p. 107-109. Auszüge aus dem Sohar, p. 11 (Berlin 1857).
L'ISH AMON, le pleroma, ou le cercle sans limites dans lequel toutes les formes sont renfermées, est la PENSEE de la puissance divine ; elle agit en SILENCE, et soudain la lumière est engendrée par les ténèbres ; c'est ce qu'on nomme la SECONDE vie : et celle-ci produit, ou génère la TROISIEME. Cette troisième lumière est "le PERE de toutes choses vivantes", de même que EUA est "la mère de tous les vivants". Il est le Créateur qui appelle à la vie la matière inerte, au moyen de son esprit vivifiant et, par conséquent, il est surnommé l'ancien du monde. Abatur est le Père qui crée le premier Adam, lequel, à son tour, crée le second. Abatur ouvre une porte et marche vers les flots obscurs (le chaos) et s'y mire ; et les ténèbres reflètent Sa propre image... et voici ! Un FILS est né – le Logos ou Démiurge ; Fetahil, qui est le constructeur du monde matériel, est appelé à l'existence. D'après le dogme gnostique, celui-ci est le Metatron, l'Archange Gabriel, ou le messager de vie ; ou, comme le prétend l'allégorie biblique, c'est l'Adam Kadmon androgyne, le FILS, lequel, avec l'esprit de son Père, produit l'OINT, ou Adam avant la chute.
Lorsque Svayambhu, "le Seigneur qui existe par lui-même", est poussé à se manifester, il est ainsi décrit dans les livres sacrés hindous :
"Ayant été poussé à produire divers êtres de sa propre substance divine, il manifesta premièrement les eaux qui développèrent en elles une semence productive.
La semence devint un germe, brillant comme l'or, resplendissant comme l'astre aux mille rayons ; et dans cet œuf il naquit lui-même, sous forme de BRAHMA, le grand Principe de toutes choses."
(Manou, livre I, slokas 8 et 9)
Le Kneph égyptien, ou Chnuphis, la Sagesse Divine, représentée par un serpent, émet un neuf par la bouche, et de cet œuf sort Phtha. Dans ce cas, Phtha représente le germe universel, de même que Brahman, lequel est neutre 543 ; autrement [comme Brahmâ] il est simplement un des noms de la Divinité. Celui-là (Brahman) a servi de modèle pour les TROIS VIES des Nazaréens, et les "faces" cabalistiques, les PHARTZUPHIM qui, à leur tour, furent prises comme modèles par Irénée et ses partisans, pour édifier la Trinité chrétienne. L'œuf était la matière primitive qui constituait les matériaux pour l'édification de l'univers visible ; il renfermait, de même que le Plérome gnostique, la Shékinah cabalistique, [253] l'homme et la femme, l'esprit et la vie, "dont la lumière renferme toutes les autres lumières", ou esprits de vie. Cette première manifestation était symbolisée par un serpent, lequel, au début, est la Sagesse divine, mais se souille lorsqu'il tombe dans la génération. Phtha est l'Homme céleste, l'Adam Kadmon égyptien, ou le Christ, qui, en union avec le Saint-Esprit féminin le ZOE, produit les cinq éléments, l'air, l'eau, le feu, la terre et l'éther ; celui-ci n'étant qu'une copie servile de l'Adi Bouddhique et ses cinq Dhyâni Bouddhas, ainsi que nous l'avons montré dans le chapitre précédent. Le Swayambhuva-Nara hindou émane hors de lui le principe- mère, renfermé dans sa propre essence divine – Nari, la Vierge immortelle – qui, lorsqu'elle est fécondée par son esprit, devient Tanmâtra, la mère des cinq éléments : l'air, l'eau, le feu, la terre et l'éther. C'est ainsi qu'on constate que toutes les cosmogonies procèdent de la cosmogonie hindoue.
Knorr von Rosenroth, en étudiant l'interprétation de la Cabale, maintient que, "dans son état primitif (de sagesse secrète) le Dieu Infini Lui-même doit être considéré comme le "Père" (de la nouvelle alliance). Mais l'Infini ayant fait pénétrer la Lumière par un canal dans "l'Adam primitif" ou le Messie, et cette lumière s'étant unie à ce dernier, on peut lui appliquer le nom de FILS. Et l'influence transmise par lui [le Fils] aux parties inférieures [de l'univers] peut être attribuée au personnage du Saint- Esprit" 544. Sophia-Achamoth, la VIE semi-spirituelle, semi-matérielle, qui vivifie la matière inerte dans les profondeurs du chaos, est le Saint-Esprit des gnostiques, et le Spiritus (féminin) des Nazaréens. Celle-ci, ne l'oublions pas, est la sœur du Christos, l'émanation parfaite, et tous deux sont les enfants ou les émanations de Sophia, la fille purement spirituelle et intellectuelle de Bythos, l'Abîme. Car Sophia l'aînée est Shekinah, la Face de Dieu, "la Shekina de Dieu, qui est son image" 545.
543 Il est le germe universel et spirituel de toutes choses.
544 Ad Kabb. Chr., p. 6.
545 Idrah Rabbah, XLIV, § 1122.
"Le Fils Zeus-Belus, ou Sol-Mithra, est l'image du Père, l'émanation de la Lumière Suprême", dit Movers. "Il passait pour être le Créateur" 546.
"Les philosophes prétendent que le premier air est l'anima mundi. Mais le vêtement (Shékinah) est plus élevé que le premier air, puisqu'il est en contact plus intime avec Aïn-Soph, le sans limite" 547. Par conséquent Sophia est Shékinah et Sophia-Achamoth est l'anima mundi, la lumière astrale des cabalistes, qui renferme les germes spirituels et matériels de tout ce qui est. Car [254] Sophia-Achamoth, de même qu'Eve, dont elle est le prototype, est "la mère de tous les vivants".
Il y a trois trinités dans la théorie des Nazaréens, de même que dans la philosophie hindoue, aussi bien de la période ante-Védique et Védique primitive. Alors que nous constatons comment les quelques traducteurs de la Cabale, du Codex Nazaréen et d'autres œuvres abstraites, pataugent lamentablement dans un panthéon interminable de noms, incapables de se mettre d'accord pour constituer un système qui permette leur classification, car une hypothèse contredit et renverse l'autre, nous ne pouvons que nous étonner de tant de peine, qui pourrait être si facilement évitée. Mais même aujourd'hui, que la traduction et jusqu'à la lecture du sanscrit est devenu si facile, comme point de comparaison, ils ne s'imagineraient jamais qu'il fut possible que toutes les philosophies, soit Sémitique, Chamitique, ou Touranienne, comme on l'appelle, pourraient avoir leur clé dans les ouvrages sacrés des hindous. Et cependant les faits existent et les faits ne sont pas aisément écartés. Ainsi, tandis que nous voyons que la Trimurti hindoue est manifestée d'une manière triple comme :
546 Die Phönizier, vol. I, pp. 265-550-553.
547 Sabbats Denudata, vol. II, p. 236.
Nara (ou ParaPourouha), |
Agni, |
Brahma, |
le Père, |
Nâri (Mahâmâyâ), |
Vayou, |
Vishnou, |
la Mère, |
Viraj (Brahmâ), |
Surya, |
Siva, |
le Fils. |
et que la Trinité égyptienne se présente comme suit :
Kneph (ou Amen), |
Osiris, |
Râ (Horus), |
le Père, |
Maut (ou Mut), |
Isis, |
Isis, |
la Mère, |
Khonsu, |
Horus, |
Malouli, |
le Fils 548. |
nous trouvons que la théorie des Nazaréens est la suivante :
Ferho (Ish- Amon), |
Mano, |
Abatur, |
le Père, |
Chaos (l'eau obscure), |
Spiritus (féminine), |
Netubto, |
la Mère, |
Fetahil, |
Lehdoïo, |
Seigneur Jourdain, |
le Fils. |
548 Champollion, Egypte ancienne, pp. 245-46.
La première est la trinité occulte ou non manifestée, une simple abstraction. L'autre, la trinité active, ou révélée dans les résultats de la création, qui procède de la première, son prototype spirituel. La troisième est l'image mutilée des deux autres, cristallisée sous forme de dogmes humains, variant suivant l'exubérance de l'imagination matérialiste de chaque nation.
Le Suprême Seigneur de splendeur et de lumière, lumineux et resplendissant, avant qui aucun autre n'existait, est appelé Corona (la couronne) ; Seigneur Ferho, la vie non révélée qui existait dans celui-là de toute éternité ; et le Seigneur Jourdain – l'esprit, l'eau [255] vivifiante de la grâce 549. Il est celui par lequel, seul, nous sommes sauvés ; et c'est ainsi qu'il correspond à la Shékinah, le vêtement spirituel de Aïn-Soph, ou le Saint-Esprit. Ces trois constituent la Trinité in abscondito. La seconde trinité est composée des trois vies. La première est la représentation du Seigneur Ferho, duquel il a procédé ; et le second Ferho est le roi de Lumière – MANO (Rex Lucis). Il est la lumière et la vie céleste, et il est plus âgé que l'Architecte du ciel et de la terre 550. La seconde vie est Ish Amon (le Plerome) le vase d'élection, qui renferme la pensée visible du Iordanus Maximus – le type (ou sa réflexion intelligible), le prototype de l'eau vivifiante, qui est le "Jourdain spirituel" 551. La troisième vie, qui est le produit des deux autres, est ABATUR (de Ab le Progéniteur, le Père). Celui-ci est le mystérieux et décrépit "Ancien des Anciens", "l'Ancien Senem sui obtegentem et grandœvum mundi". Cette dernière troisième Vie, est le Père du Démiurge Fétahil, le créateur du monde, que les Ophites nomment Ilda-Baoth 552, bien que Fétahil soit le Fils unique, la réflexion du Père Abatur, qui l'engendre en se mirant dans "l'eau obscure" 553 ; mais le Seigneur Mano, "le Seigneur Sublime, le Seigneur de tous les génies", est plus élevé que le Père, dans ce Codex cabalistique – l'un étant purement spirituel et l'autre matériel. C'est ainsi, par exemple, que tandis que le "Fils Unique" d'Abatur est le génie Fétahil, le Créateur du Monde physique, le Seigneur Mano, le "Seigneur de Celsitude", qui est le fils de Celui qui est "le Père de tous ceux qui prêchent l'Evangile" enfante aussi un "fils unique", le Seigneur Lehdaïo, un "Seigneur juste". Il est le Christos, l'Oint qui répand la "grâce" du Jourdain Invisible, l'Esprit de la Couronne Suprême.
Dans l'Arcanum, "au cours de l'assemblée de splendeur, allumée par MANO, à laquelle les étincelles de splendeur doivent leur origine", les génies qui habitent dans la lumière "se levèrent, ils allèrent au Jourdain visible, à l'eau courante... et là ils s'assemblèrent en conseil... et ils évoquèrent le Fils Unique d'une image impérissable, qui ne peut être conçu par réflexion, Lehdaio, le Seigneur Juste, qui vient de Lehdoio, le Seigneur Juste, que la vie avait produit par sa parole" 554.
549 Codex Nazaraeus, vol. II, p. 47-57.
550 Ibid., vol. I, p. 145.
551 Ibid., vol. II, p. 211.
552 Ibid., vol. I, p. 309.
553 Sophia Achamoth engendre aussi son fils Ilda-baoth, le Démiurge, en regardant dans le Chaos, ou la matière, et en venant en contact avec celle-ci.
554 Codex. Nazar. II, pp. 107-09. Voir Dunlap, Sod., p. 60
555 Apocalypse, IV, 5.
556 Ezéchiel ; Daniel.
Mano est le chef des sept Æons, qui sont : Mano (Rex Lucis) Ayar- Ziwa, Ignis Vivus, Lux, Vita, Aqua Viva (l'eau vive du baptême, le génie du Jourdain), et Ipsa Vita, le chef des six génies, qui [256] constituent avec lui le sept mystique. Le Mano Nazaréen est, tout bonnement, la copie du Premier Manou hindou – l'émanation du Manou Swayambhuva – duquel évoluent à la suite, les six autres Manous, types des races humaines subséquentes. Nous les retrouvons tous représentés par l'apôtre cabaliste Jean, dans les "sept lampes ardentes brûlant devant le trône, qui sont les sept esprits de Dieu" 555, et dans les sept anges portant les sept coupes. Nous reconnaissons, de plus, dans Fétahil, l'original de la doctrine chrétienne.
Il est dit dans l'Apocalypse de Joannes Theologos : "Et après m'être retourné, je vis... sept chandeliers, et au milieu des sept chandeliers, quelqu'un qui ressemblait au Fils de l'homme... Sa tête et ses cheveux étaient blancs comme de la laine blanche, comme de la neige ; ses yeux étaient comme une flamme de feu... ses pieds étaient semblables à de l'airain ardent, comme s'il eût été embrasé dans une fournaise." (I, 13, 14, 15.) Jean ne fait que répéter ici, le fait est bien connu, les paroles de Daniel et d'Ezéchiel. "L'Ancien des Jours... les cheveux de sa tête étaient comme de la laine pure..." etc. Et "comme une figure d'homme... placé au- dessus du trône... comme du feu, et qui rayonnait tout autour 556". Le feu étant "la Gloire du Seigneur". Fétahil est le Fils de l'homme, la Troisième Vie, et sa partie supérieure est représentée blanche comme la neige, tandis que lorsqu'il se tient debout près du trône du feu vivant il apparaît comme une flamme.
Toutes ces visions "apocalyptiques" sont basées sur la description de la "tête blanche" du Zohar, dans laquelle la trinité cabalistique est réunie. La tête blanche, "qui cache l'esprit dans son crâne", et qui est environnée de feu subtil. "La forme d'un homme" est celle d'Adam Kadmon, par lequel passe le fil de lumière, représenté par le feu. Fétahil est le Vir Novissimus (l'homme le plus nouveau), le fils d'Abatur 557, celui-ci étant "l'homme"ou la troisième vie 558, aujourd'hui la troisième personne de la trinité. Jean voit "quelqu'un qui ressemblait à un fils d'homme", qui tenait en sa main sept étoiles, debout, entre "sept chandeliers d'or" (Apocalypse, I). Fétahil se "tient en haut", suivant la volonté de son père, "le plus élevé des Æons, qui tient sept sceptres", et sept génies, qui représentent, astronomiquement parlant, les sept planètes ou étoiles. Il se tient "resplendissant dans le vêtement du Seigneur, rendu lumineux par l'action des génies 559", Il est le Fils de son Père, la Vie, et de sa mère, l'Esprit ou la Lumière 560 [257] . Dans l'Evangile selon saint Jean, le Logos est représenté comme celui dans lequel "était la vie, et la vie était la lumière des hommes" (I, 4). Fétahil est le Démiurge, et son père créa, par son entremise, l'univers visible de la matière 561. Dans l'Epître de Paul aux Ephésiens (III, 9) il est dit que Dieu "a créé toutes choses par Jésus". Dans le Codex, la VIE-génératrice dit : "Lève-toi, marche, notre fils premier-né, ordonné pour toutes les créatures 562." "De même que le Père m'a envoyé", dit le Christ, "Dieu a envoyé son Fils Unique dans le monde afin que nous vivions par lui 563." Finalement, ayant terminé son œuvre sur la terre, Fétahil remonte vers son père Abatur. "Et qui, relicto quem procreaverat mundo, ad Abatur suum patrem contendit 564. "Mon père m'a envoyé... je vais vers mon père", dit aussi Jésus.
Faisant abstraction des querelles théologiques du christianisme qui cherchent à confondre le Créateur juif du premier chapitre de la Genèse, avec le "Père" du Nouveau Testament, Jésus dit à plusieurs reprises au sujet de son Père, "qu'Il est dans le secret". II n'aurait certainement pas dénommé ainsi le "Seigneur Dieu" omniprésent, des livres Mosaïques, qui Se fit voir à Moïse et aux Patriarches, et alla jusqu'à Se laisser contempler par tous les Anciens d'Israël 565. Lorsqu'on fait dire à Jésus, parlant du Temple de Jérusalem, qu'il était la "Maison de son Père", il n'entend parler en aucune manière de l'édifice physique, qu'il prétend pouvoir détruire et reconstruire en trois jours, mais bien du Temple de Salomon le sage cabaliste, qui dit dans ses Proverbes que chaque homme est le temple de Dieu, ou de son esprit divin. Cette désignation du "Père qui est dans le secret", est employée aussi bien dans la Cabale, que dans le Codex Nazaraeus, et ailleurs. Nul n'a contemplé la sagesse cachée dans le "Cranium" et nul n'a vu "l'Abîme" (Bythos). Simon le Magicien prêchait "Un Père inconnu de tous" 566.
557 Codex Nazaraeus, vol. II, p. 127.
558 La première duade androgyne, étant considérée comme une unité dans toutes ces computations secrètes, est, par conséquent, le Saint-Esprit.
559 Codex Nazaraeus, vol. III, p. 59.
560 Ibidem, vol. I, p. 285.
561 Ibidem, vol. I, p. 309.
562 Ibidem, vol. I, p. 287. Voyez Sod the son of the Man, p. 101.
563 Epître de saint Jean, I, 57 ; IV, 9.
564 Codex Nazaraeus, vol. II, p. 123.
Nous trouvons une trace encore bien plus ancienne de ce terme le "Dieu secret". Dans la Cabale, le "Fils" du Père secret qui demeure dans la lumière et la gloire, est "l'Oint", le Seir-Anpin, qui réunit en lui toutes les Séphiroth ; il est le Christos, ou l'Homme Céleste. C'est par le Christ que le Pneuma, ou le Saint-Esprit, crée "toutes choses" (Ephésiens, III, 9) et produit les quatre éléments l'air, l'eau, le feu et la terre. Cette affirmation est incontestable, [258] car nous constatons que c'est sur ce fait qu'Irénée fonde son meilleur argument pour la nécessité d'avoir quatre Evangiles. Il ne peut y en avoir ni plus ni moins que quatre, s'écrie-t-il. "Car, puisqu'il y a quatre parties du monde et quatre vents généraux (καθολὶκὰ πνεὺµστα)... il est juste qu'elle (l'Eglise) ait quatre piliers. Il est, donc, manifeste que le Verbe, le créateur de tout, Celui qui est assis au-dessus des Chérubim... ainsi que le dit David, en appelant sa venue. "O toi, qui es assis entre les Chérubins, apparais !" Car les Chérubins ont aussi quatre faces, et leurs faces sont les symboles de l'œuvre du Fils de Dieu 567."
565 "Moïse monta avec Aaron, Nadab et Abihu, et soixante-dix anciens d'Israël. Ils virent le Dieu d'Israël". Exode, XXIV, 9, 10
566 Irénée, Homélies de saint Clément, I, XXII, p. 118.
567 Adv. Hœrs, III, XI, § 8.
Nous ne nous arrêterons pas pour discuter tout au long la sainteté toute spéciale des Chérubins à quatre faces, bien que nous puissions peut-être démontrer que leur origine se trouve dans toutes les anciennes pagodes de l'Inde, dans les vâhans (ou véhicules) de leurs dieux principaux ; nous pourrions également attribuer le respect qu'on leur doit, à la sagesse cabalistique, bien que l'Eglise s'en défende de toutes ses forces. Mais nous ne pouvons résister à la tentation de rappeler à nos lecteurs qu'ils n'auront aucune difficulté pour connaître la signification attribuée à ces Chérubins s'ils veulent bien prendre la peine de consulter la Cabale. "Lorsque les âmes vont quitter leur demeure", dit le Zohar, se tenant à la doctrine de la pré-existence des âmes dans le monde des émanations, "chaque âme paraît séparément devant le Saint Roi, vêtue d'une forme sublime, sous les traits avec lesquels elle paraîtra dans ce monde. C'est de cette forme sublime que procède l'image." (Zohar, III, p. 104). Il poursuit, alors, en disant que les types ou formes de ces faces sont au nombre de quatre – celles de l'ange ou homme, du lion, du taureau et de l'aigle." Nous ne serions nullement étonnés, si, en outre, Irénée n'eût donné plus de poids à son argument en faveur des quatre Evangiles, en citant le panthéon tout entier des dieux hindous à quatre bras.
En faisant allusion aux quatre animaux, qu'on nomme maintenant Chérubim, comme types des quatre êtres symboliques, qui, dans ses visions, supportent le trône de Jéhovah, Ezéchiel n'eut pas à chercher bien loin ses modèles. Les génies protecteurs chaldéo-babyloniens lui étaient familiers ; le Sed, Alaph ou Kirub (Cherubim) le taureau à la figure humaine ; le Nirgal, le lion à face humaine ; Oustour le Sphinx-homme ; et le Nathga, à tête d'aigle. La religion des maîtres – les babyloniens et assyriens idolâtres – fut transportée presque totalement dans les Ecritures révélées des Juifs en captivité et de celles-ci dans le Christianisme. [259]
Nous voyons déjà Ezéchiel interpellé par la ressemblance de la Gloire du Seigneur, "comme Fils de l'Homme". Ce titre particulier revient à travers tout le livre de ce prophète, et il est aussi cabalistique que le "rouleau du livre" que la "Gloire" lui fait manger. Il est écrit en dehors et en dedans ; et sa signification est absolument la même que celle de l'Apocalypse. Nous sommes par conséquent étonnés que tant d'insistance ait été mise sur cette appellation particulière, qu'on dit s'être appliquée a lui-même par Jésus lorsqu'un prophète est ainsi interpellé dans la langue symbolique ou cabalistique. C'est aussi extraordinaire de voir Irénée se complaisant dans des descriptions graphiques de Jésus en le représentant comme le "créateur de toutes choses, assis sur un Cherub 568, si ce n'est qu'il ne l'identifie avec la Shékina, dont la place usuelle est parmi les Cheroubs du Siège de Pitié. Nous savons également que Chérubin et Séraphin sont les titres du "Vieux Serpent" (le Diable orthodoxe), les Séraphins étant les serpents flamboyants du symbolisme cabalistique. Les dix émanations d'Adam Kadmon, nommées les Séphiroth, ont des emblèmes et des titres qui correspondent à chacun d'eux. Ainsi, par exemple, les deux derniers sont, la Victoire, ou Jéhovah-Sabaoth, dont le symbole est la colonne de droite de Salomon, la Colonne Jachim ; tandis que GLOIRE est la colonne de gauche, ou Boaz, dont le nom est "l'Ancien Serpent", et aussi "Séraphim et Chérubim" 569.
568 [Fragm., LIII-LIV.]
569 Voyez les Gnostics de King.
570 Ezéchiel, I, 5-7.
"Le Fils de l'Homme" est un terme qui ne pourrait être employé que par un cabaliste. Exception faite, ainsi que nous l'avons dit, il n'est employé dans l'Ancien Testament que par un seul prophète – Ezéchiel le cabaliste. Dans leurs relations mutuelles et mystérieuses, les Æons ou Sephiroth, sont représentés dans la Cabale par un grand nombre de cercles, et quelquefois par la figure d'un HOMME, qui est formé symboliquement par ces mêmes cercles. Cet homme est Seir-Anpin, et les 243 nombres dont sa figure est formée ont rapport aux différents ordres de la hiérarchie céleste. L'idée originelle de cette figure, ou plutôt le modèle, a probablement été emprunté au Brahmâ hindou, et les différentes castes représentaient les différentes parties de son corps ; c'est l'opinion de King dans ses Gnostics. Dans un des plus beaux et des plus grandioses temples-cavernes à Ellora, dédié à Visvakarma, fils de Brahmâ, on trouve une représentation de ce dieu et de ses attributs. Pour celui qui est au courant de la description d'Ezéchiel "de la ressemblance des quatre animaux" dont chacun avait quatre faces et des mains d'hommes sous les ailes, etc. 570 cette statue d'Ellora doit paraître absolument biblique. [260] Brahmâ est surnommé le père de "l'homme" de même que Jupiter et les autres dieux suprêmes.
C'est dans les représentations Bouddhiques du mont Méru, appelé par les Birmans Myé-nmo, et par les Siamois Sineru, que nous retrouvons un des originaux de l'Adam-Kadmon, Seir-Anpin, "l'homme céleste" et de tous les Æons, les Sephiroth, les Pouvoirs, les Dominations, les Trônes, les Vertus et les Dignités de la Cabale. La clé de voûte de l'arche qui relie les deux colonnes, est représentée par un croissant. C'est ici qu'habite la Sagesse Suprême d'Adi Bouddha la Divinité Suprême et Invisible. Au- dessous de ce point central le plus élevé se trouve le cercle de l'émanation directe de l'Inconnu – le cercle de Brahmâ, pour quelques hindous, et, suivant d'autres, le premier avatar de Bouddha. Cela correspond à l'Adam Kadmon et aux dix Séphiroth. Neuf de ces émanations sont contenues dans la dixième, et on les représente, parfois, par des pagodes, dont chacune porte un nom qui exprime un des principaux attributs de la Divinité manifestée. Puis, au-dessous, se placent les sept degrés ou sphères célestes, chaque sphère étant entourée d'une mer. Celles-ci sont les demeures célestes des devatas, ou dieux, chacun perdant un peu de sa sainteté et de sa pureté, à mesure qu'il se rapproche de la terre. Ensuite vient Mérou, lui- même, constitué par des cercles innombrables contenus dans trois plus grands, qui représentent la trinité de l'homme ; et pour celui qui connaît la valeur numérique des lettres dans les noms bibliques comme celui de la "Grande Bête" ou celui de Mithras µὶθρας αβρξας, et d'autres, il est facile d'établir l'identité des dieux du Mérou avec les émanations ou Sephiroth des cabalistes. De même les génies des Nazaréens, avec leurs missions spéciales, se retrouvent dans ce plus ancien des mythes, comme étant une représentation parfaite du symbolisme de la "doctrine secrète" ainsi qu'elle était enseignée dans les temps archaïques.
King donne quelques allusions – bien que trop insuffisantes pour enseigner quoi que ce soit d'utile, car elles se fondent sur les calculs de l'Evêque Newton 571 – pour déchiffrer les mystères dans la valeur des lettres. Néanmoins, nous voyons que ce célèbre archéologue qui a consacré beaucoup de son temps et de sa peine à étudier les joyaux gnostiques, corrobore notre assertion. Il montre que la théorie tout entière vient des hindous, et il fait voir que la Durgâ, ou contrepartie féminine de chaque dieu asiatique, est ce que les cabalistes nomment la Vertu active 572 dans la hiérarchie [261] céleste, terme que les Pères Chrétiens adoptèrent et répétèrent, sans s'en rendre bien compte, et dont la signification fut complètement dénaturée par la théologie ultérieure. Mais revenons à Mérou.
571 Gnostics and their Remains.
572 "Bien que cette science soit généralement considérée comme étant particulière aux Talmudistes juifs, il est impossible de douter que l'idée vient d'une source étrangère, et cela des Chaldéens, les fondateurs de l'art magique" dit King, dans ses Gnostics. Les titres Iao et Abraxas, etc., au lieu d'être des inventions des Gnostiques étaient sans contredit des noms sacrés, empruntés aux plus anciennes formules de l'Orient. Pline doit y faire allusion lorsqu'il mentionne les vertus attribuées par les Mages aux améthystes gravées des noms du soleil et de la lune, noms, qui ne sont exprimés ni en latin ni en grec. Dans le "Soleil Éternel", l' "Abraxas", l' "Adonaï" de ces joyaux nous reconnaissons les mêmes amulettes ridiculisées par le Pline philosophique (Gnostics, pp. 79-80), Virtutes (miracles) termes employés par Irénée.
L'ensemble est entouré de Mahâ-Samudra ou grande mer – la lumière astrale et l'éther des cabalistes et des savants ; et à l'intérieur des cercles intérieurs, apparaît "la forme d'un homme". C'est l'Achamoth des Nazaréens, l'unité double, ou l'homme androgyne ; l'incarnation divine, et la représentation parfaite de Seir-Anpin (la courte face), le fils de Arikh- Anpin (la longue face) 573. Cette ressemblance est représentée aujourd'hui dans beaucoup de lamaseries par Gautama-Bouddha, le dernier des avatars incarnés. Plus bas encore, au-dessous du Mérou, se trouve la demeure du grand Nâga, appelé Raja Naga, le roi-serpent – le serpent de la Genèse, l'Ophis des Gnostiques – et la déesse de la terre, Bhumây Nari, ou Yami, qui accompagne le grand dragon, car c'est Eve "la mère de tous les vivants". Plus bas encore se trouve la huitième sphère, les régions infernales. Les régions supérieures de Brahmâ sont entourées du soleil, de la lune et des planètes, les sept stellaires des Nazaréens, et tels qu'ils sont décrits dans le Codex.
"Les sept Dæmons-imposteurs, qui trompent les fils d'Adam. Le nom de l'un d'eux est Sol ; d'un autre Spiritus Venereus, Astro ; le troisième est Nebu, Mercure, un faux Messie ;... le nom du quatrième est Sin Luna ; le cinquième est Khiyun, Saturne ; le sixième, Bel Zeus ; le septième, Nerig Mars" 574. Ensuite viennent "Sept vies procréées", sept bons Stellaires, "qui proviennent de Cabar Zio, et ce sont ces êtres lumineux qui brillent dans leur propre forme et splendeur qui se répand de là-haut... Le trône est dûment placé pour le Seigneur de la Splendeur, à la porte de la MAISON DE LA VIE, où il y a TROIS demeures" 575.
Les demeures de la Trimurti, la trinité hindoue, sont placées sous la clé de voûte – le croissant d'or, dans la représentation du Mérou. "Sous ses pieds [du dieu d'Israël], c'était comme un ouvrage de saphir transparent" (Exode, XXIV, 10). Le ciel de Brahmâ est situé au-dessous du croissant, tout pavé de saphirs. Le paradis d'Indra resplendit de mille soleils ; celui de Siva (Saturne) est au Nord-Est ; son trône est fait de Lapis-Lazuli et le sol du ciel [262] est en or bruni. "Lorsqu'il s'assied sur son trône il resplendit de flammes jusqu'aux lombes." Pendant la foire, à Hardwar, où il est plus que jamais le Mahâdeva, le dieu suprême, on reconnaît un à un les attributs et les emblèmes consacrés au "Seigneur Dieu" judaïque, dans ceux de Siva. La pierre de Binlang 576, consacrée à cette divinité hindoue, est une pierre brute, comme celle de Bethel, consacrée par le patriarche Jacob, et qu'il éleva "comme un pilier" ; de même que celle-ci le Binlang est oint. Nous croyons inutile de rappeler que le linga, l'emblème consacré à Siva, dont les temples sont construits pour en représenter la forme, est identique quant à la forme, signification et objet, aux "piliers" élevés par les divers patriarches, pour signaler leur adoration du Seigneur Dieu. On pourrait, de fait, promener une de ces pierres patriarcales dans les processions de Siva à Calcutta, sans que son origine hébraïque soit suspectée. On représente parfois les quatre bras de Siva munis d'appendices en forme d'ailes ; il a trois yeux et un quatrième dans le croissant, qu'il a obtenu en barattant l'océan, de même que Pâncha Mukha Siva a quatre têtes.
573 Ainsi nommées pour distinguer la face courte, qui est extérieure, "de l'Ancien sacré et vénérable" (Idra Rabba, III, 36 ; v. 54). Seir-Anpin est "l'image du Père". "Celui qui m'a vu, a vu le Père" (Jean, XIV, 9).
574 Codex Nazaraeus, vol. I, p. 55.
575 Codex Nazaraeus, vol. III, p. 61.
Nous reconnaissons dans ce dieu, la description donnée, par Ezéchiel dans son premier chapitre de la vision, dans laquelle il voit "une ressemblance humaine" dans les quatre créatures vivantes qui avaient "quatre faces, quatre ailes", une paire de "pieds droits... qui étincelaient comme de l'airain poli... et les quatre roues étaient remplies d'yeux tout autour". C'est le trône de Siva que le prophète décrit en disant : "... il y avait quelque chose de semblable à une pierre de saphir en forme de trône... je vis encore comme la couleur de l'ambre [or], comme du feu qui rayonnait tout autour... depuis ses reins jusqu'en haut et depuis ses reins jusqu'en bas, je vis comme du feu." (Ezéchiel, 1, 27.) "Ses pieds étaient semblables à de l'airain ardent, comme s'il eût été embrasé dans une fournaise." (Apocalypse, I, 15.) "Quant à la figure de leurs faces... la face du premier était une face de chérubin, la face du second, une face de lion, celle du troisième, une face de bœuf et celle du quatrième, une face d'aigle." (Ezéchiel, 1. 10. X, 14.) Nous retrouvons cette représentation quadruple dans les deux chérubins d'or à chaque extrémité de l'arche ; ces quatre faces symboliques ont, en outre, été adoptées par la suite, une par chacun des évangélistes, comme on peut s'en rendre compte par les représentations de Matthieu, Marc, Luc et Jean 577 placées comme entête de leurs Evangiles respectifs de la Vulgate Romaine et des Bibles Grecques.
576 Cette pierre, de nature spongieuse se trouve à Narada, et il est rare de la rencontrer ailleurs.
577 Saint Jean a un aigle à ses côtés ; saint Luc un taureau ; saint Marc un lion ; et saint Matthieu un ange – le quaternaire cabalistique du Tarot Egyptien.
[263]
Sanchoniaton nous dit que le grand dieu des Phéniciens, Taautus ayant fait l'image d'Ouranus, représenta aussi les attitudes des dieux Cronus et Dagon, et les caractères sacrés des éléments. "Il dessina aussi pour Cronus l'emblème de son pouvoir royal, ayant quatre yeux par-devant, et par derrière, deux de ceux-ci fermés comme pendant le sommeil ; et sur les épaules quatre ailes, deux déployées comme dans le vol, et deux en position de repos. Et le symbole était que Cronus pendant son sommeil veillait, et reposait tout en étant éveillé. De la même manière, en ce qui concerne les ailes qu'il volait en se reposant et pourtant se reposait en vol."
L'identité de Saturne et de Siva est encore plus démontrée, si nous considérons l'emblème de celui-ci, le damaru qui est un sablier, afin de montrer le progrès du temps, représenté par ce dieu dans sa capacité de destructeur. Le taureau Nandi, le vehan de Siva, l'emblème le plus sacré de ce dieu, est reproduit dans le bœuf Apis des Egyptiens, et dans le taureau créé par Ormazd et tué par Ahriman. La religion de Zoroastre toute basée sur la "doctrine secrète", était pratiquée par le peuple d'Eritène ; c'était la religion des Perses lorsqu'ils subjuguèrent les Assyriens. De là, il est aisé de suivre la trace de l'introduction de cet emblème de VIE représentée par le Taureau dans chaque système religieux. Le collège des Mages l'adopta avec le changement de dynastie 578 ; Daniel est représenté comme Rabbi, chef des astrologues et des Mages babyloniens 579 ; par conséquent nous voyons réapparaître les taureaux assyriens et les attributs de Siva sous une forme à peine modifiée dans les chérubins des Juifs talmudistes, de la même manière que nous retrouvons le bœuf Apis et les sphinx, ou chérubins, sur l'Arche Mosaïque ; nous le retrouvons, de même, après plusieurs milliers d'années en compagnie de saint Luc, un des Evangélistes chrétiens.
Quiconque a habité l'Inde assez longtemps pour connaître, même superficiellement, les divinités indigènes, doit reconnaître la ressemblance entre Jéhovah et d'autres dieux en plus de Siva. Les Talmudistes ont toujours eu une grande vénération pour Siva, sous la forme de Saturne. Les cabalistes d'Alexandrie le tenaient en grande révérence comme l'inspirateur direct de la loi et des prophètes ; un des noms de Saturne était Israël, et nous ferons voir, par la suite, son identité jusqu'à un certain point avec Abram, identité à laquelle Movers 580 et d'autres ont déjà fait allusion. Ne nous étonnons donc pas si Valentinus, Basilide et les Gnostiques Ophites plaçaient la demeure de leur Ilda-Baoth, destructeur en [264] même temps que créateur, dans la planète Saturne ; car c'était lui qui dictait la loi dans le désert et parlait par les prophètes. Si nous désirons de plus amples preuves, nous les trouvons dans la Bible canonique elle-même. Dans "Amos" le "Seigneur" répand les flots de sa colère sur le peuple d'Israël. Il refuse leurs holocaustes et n'écoute point leurs prières, mais il demande à Amos : "M'avez-vous fait des sacrifices et des offrandes pendant les quarante années du désert, maison d'Israël ?" Mais vous avez emporté la tente de votre roi Moloch, et Chiun vos idoles, l'étoile de votre Dieu." (V. 25 – et non – 26.) Et qui sont Moloch et Chiun, sinon Ball, Saturne, Siva, et Chiun, Kivan, le même Saturne, dont les Israélites avaient façonné l'étoile ? Il n'y a pas à dire, toutes ces divinités sont les mêmes.
578 [Cf. Cory, Anc. Fragm., p. 13, éd. 1832.] Voyez Matter à ce sujet, Hist. crit. de Gnosticisme.
579 Voir le Livre de Daniel, V, II.
Il en est de même pour les nombreux Logoï, tandis que le Sosiosh Zoroastrien est modelé sur le dixième Avatar Brahmanique et le cinquième Bouddha des partisans de Gautama ; et nous voyons que celui-là après avoir été incorporé, corps et biens, dans le système cabalistique du Messie- Roi, reflété dans l'apôtre Gabriel des Nazaréens et l'Æbel-Zivo, le Légatus envoyé sur la terre par le Seigneur de Celsitude et de Lumière ; tous – Hindou et Persan, Bouddhiste et Juif, le Christos des Gnostiques et le Logos de Philon le Juif – tous sont confondus dans le "Verbe fait chair" du quatrième Evangile. Le Christianisme réunit tous ces systèmes raccommodés et arrangés à cette occasion. Prenons par exemple l'Avesta, nous y trouvons le système double si notoire dans la doctrine chrétienne. La lutte entre Ahriman 581, les Ténèbres, et Ormazd, la Lumière, s'est perpétuée sans fin dans le monde depuis le commencement des temps. Lorsque le pire a lieu et qu'Ahriman semble avoir conquis le monde et corrompu l'humanité entière, alors apparaît le Sauveur des hommes, Sosiosh. Il vient sur un coursier blanc et suivi par une armée de bons génies, également montés sur des chevaux blancs 582. Et nous voyons cela, fidèlement reproduit dans l'Apocalypse : "Puis je vis le ciel ouvert, et voici, parut un cheval blanc. Celui qui le montait s'appelle fidèle et véritable... Les armées qui sont dans le ciel le suivaient sur des chevaux blancs." (Apocalypse, XIX, II, 14.). Sosiosh, lui-même, n'est qu'une permutation ultérieure persane du Vichnou hindou. [265] On voit encore aujourd'hui dans le temple de Rama l'image de ce Dieu, le représentant comme le Sauveur, le "Préservateur" (l'esprit préservant de Dieu). L'image le représente dans sa dixième incarnation – celle de l'Avatar Kalki qui est encore à venir – sous la forme d'un guerrier armé, monté sur un cheval blanc. Il brandit au-dessus de sa tête le glaive [de la] destruction, et tient un disque de l'autre main, fait d'anneaux enroulés les uns dans les autres, emblème de la révolution des cycles très longs 583, car Vichnou doit apparaître ainsi à la fin du Kaliyuga qui correspond à la fin du monde de nos Adventistes. "De sa bouche sortait une épée aiguë... sur sa tête étaient plusieurs diadèmes." (Apocalypse, XIX, 12-15). On représente souvent Vichnou avec plusieurs couronnes superposées. "Et je vis un ange qui se tenait dans le soleil."(id. 17). Le cheval blanc est le cheval du soleil 584. Sosiosh, le Sauveur Persan est également né d'une vierge, et à la fin des temps il doit revenir comme un Rédempteur pour sauver le monde, mais il sera précédé de deux prophètes qui annonceront sa venue 585. Voilà pourquoi les Juifs qui ont eu Moïse et Elie, attendent maintenant la venue de leur messie. "Puis vient alors, la résurrection générale, quand les bons seront immédiatement transférés dans ce séjour bienheureux – la terre régénérée ; et Ahriman et ses anges (les démons) 586, et les méchants seront purifiés en se plongeant dans un lac de métal fondu... Tous jouiront alors de la félicité éternelle, et guidés par Sosiosh, ils chanteront éternellement les louanges de l'Eternel." 587.
580 [Die Phönizier, vol. I, pp. 396 et seq.]
581 Ahriman, la création de Zoroastre, est ainsi nommée par haine des Arias ou Aryas, les Brahmanes contre lesquels les Zoroastriens s'étaient révoltés. Zoroastre, bien qu'un Arya lui-même (un noble, un sage), comme dans le cas des Dévas qu'il rabaissa de dieux à la position de diables, n'hésita pas de donner à ce type d'esprits du mal, le nom de ses ennemis les Aryas-Brahmanes. Toute la lutte entre Ahura-Mazda et Ahriman, n'est que l'allégorie de la grande guerre religieuse et politique entre le Brahmanisme et le Zoroastrianisme.
582 Nork, Bibl. Mythol., II, 146.
583 Le Rév. M. Maurice estime que cela se réfère également aux cycles.
584 Dunker, Geschichte der Alterthums, II, p. 368.
585 Voir la traduction du Zend Avesta, dans les Gnostics du King.
586 Les devas ou diables des Iraniens contrastent avec les dévas ou divinités de l'Inde.
587 J.F. Kleucker, Zend. Avesta Bundahish, § XXXI.
La description ci-dessus est une répétition parfaite de Vichnou dans son dixième avatar, car, alors, il précipitera les méchants dans les demeures infernales, où, après s'être purifiés, ils seront pardonnés – même les diables qui se révoltèrent contre Brahmâ, et qui furent précipités par Siva dans le gouffre sans fond, et les "bienheureux" iront séjourner avec les dieux au-dessus du mont Mérou 588.
Maintenant que nous avons fait voir la ressemblance entre les notions du Logos, du Métatron et du Médiateur, telles que nous les trouvons dans la Cabale et le Codex des Nazaréens et des Gnostiques Chrétiens, le lecteur est préparé à apprécier l'audace [266] des formules Patristiques pour réduire une simple figure métaphysique à une forme concrète, et la faire apparaître comme si le doigt de la prophétie avait signalé Jésus comme le Messie attendu, depuis des siècles innombrables. Un théomythos qui devait symboliser les temps à venir, vers la fin du grand cycle, où la "bonne nouvelle" céleste proclamerait la fraternité universelle, et la religion commune de l'humanité entière le jour de la régénération – fut complètement dénaturé en le présentant comme un fait accompli.
"Pourquoi dis-tu que je suis bon ? Nul n'est bon sinon Dieu seul", dit Jésus (Matth. XIX, 17). Est-ce là le langage d'un Dieu ? de la seconde personne de la Trinité qui est égale à la première ? Et si ce Messie, ou Saint-Esprit des Trinités Gnostiques et Païennes était venu en personne, que voulait-il dire en établissant une distinction entre lui, le "Fils de l'Homme" et le Saint-Esprit ? "Et quiconque parlera contre le Fils de l'homme, il lui sera pardonné ; mais à celui qui blasphèmera contre le Saint-Esprit il ne sera point pardonné 589" dit-il. Comment, alors, expliquer l'étonnante identité de ce langage avec celui des préceptes, énoncés bien des siècles auparavant par les Cabalistes et les initiés "païens" ? Voici quelques exemples, pris parmi beaucoup d'autres.
"Aucun des dieux, aucun homme ou seigneur, n'est bon, sinon Dieu seul", dit Hermès 590.
"Il est impossible d'être un homme bon, Dieu seul possède ce privilège", répète Platon, avec une légère variante 591.
Six siècles avant le Christ, Confucius, le philosophe chinois, disait que sa doctrine était simple et aisément compréhensible (Lûn-yû. Chap. 5, § 15). A quoi un de ses disciples ajoutait : "La doctrine de notre Maître consiste à faire preuve d'une correction de cœur invariable, et en faisant à autrui ce que nous voudrions qu'ils nous fassent 592."
"Jésus de Nazareth, cet homme à qui Dieu a rendu témoignage devant vous par les miracles 593", s'écrie Pierre, longtemps après la scène du Calvaire. "Il y eut un homme, envoyé de Dieu : son nom était Jean 594" dit le quatrième Evangile, mettant ainsi Jean-Baptiste sur un pied d'égalité avec Jésus. Dans un des actes les plus solennels de sa vie lorsqu'il baptisa le Christ, Jean-Baptiste ne croit nullement baptiser un Dieu, puisqu'il se sert du mot homme. "C'est celui dont j'ai dit : Après moi vient un homme 595." [267] Jésus dit, en parlant de lui-même : "Mais maintenant vous cherchez à me faire mourir, moi, un homme, qui vous ai dit la vérité que j'ai entendue de Dieu 596." Jusqu'à l'aveugle de Jérusalem guéri par le grand thaumaturge, rempli de gratitude et d'admiration pour son bienfaiteur, en faisant le récit du miracle n'appelle pas Jésus Dieu, mais il dit simplement : "Un homme appelé Jésus a fait de la boue" 597.
588 Origène maintenait fermement que la doctrine du châtiment éternel était erronée. Il prétendait qu'à la seconde venue du Christ même les diables qui figurent au nombre des damnés seraient pardonnés. La damnation éternelle est une invention chrétienne ultérieure. [De principiis, I, V ; II, X ; III, VI.]
589 Saint Luc, XII, 10.
590 Hermès Trismégiste, VI, 55.
591 Platon, Protagoras, § 84.
592 Pauthier, La Chine, 11, 375.
593 Actes, II, 22.
594 Jean, I, 6.
595 Ibidem, 30.
596 Jean, VIII, 40.
597 Ibidem, IX, 11.
598 Priestley, History of Early Christianity, p. 2, Sect. 2.
599 Mahomet naquit en l'an 571 de notre ère.
Ce n'est pas faute d'exemples que nous en restons là, mais simplement parce que ce que nous venons de dire a été dit et répété bien souvent avant nous. Mais il n'y a pas de mal plus incurable que le fanatisme aveugle et irraisonné. Peu d'hommes ont le courage d'écrire, comme le Dr Priestley : "On ne voit rien de divin attribué au Christ, avant Justin martyr (ap. J. C.
14) qui de philosophe qu'il était, devint chrétien 598."
Mahomet parut près de six cents ans 599 après le soi-disant déicide. Le monde gréco-romain était encore sous le coup des dissensions religieuses, s'opposant à tous les édits impériaux antérieurs et la christianisation forcée. Tandis que le Concile de Trente discutait au sujet de la Vulgate, l'unité de Dieu l'emporta sur la trinité et bientôt les Mahométans furent plus nombreux que les Chrétiens. Pourquoi ? Parce que leur prophète ne chercha jamais à se faire passer pour Allah. Autrement, nous le disons sans crainte, il n'eût pas vécu pour voir triompher sa religion. Le Mahométisme a fait jusqu'à ce jour, et fait encore plus de prosélytes que le Christianisme. Le Bouddha Siddhârtha vint comme un simple mortel, des siècles avant le Christ, son éthique religieuse dépasse encore aujourd'hui en beauté morale, tout ce qu'avaient rêvé les Tertullien et les Augustin.
On ne trouve le véritable esprit du Christianisme, que dans le Bouddhisme ; il se révèle partiellement dans les autres religions "païennes". Le Bouddha ne s'est jamais fait passer pour un dieu, et ses disciples ne l'ont pas, non plus, déifié. On sait qu'aujourd'hui le nombre des bouddhistes dépasse de beaucoup celui des chrétiens ; on les calcule à environ 500.000.000. Tandis que les cas de conversions sont fort rares parmi les Bouddhistes, les Brahmanistes, les Mahométans et les Juifs, nous pouvons en conclure combien sont stériles les efforts des missionnaires, et comment l'athéisme et le matérialisme mettent leurs ulcères gangreneux au cœur même du Christianisme qu'ils rongent plus profondément de jour en jour. Il n'y a pas d'athées parmi les populations païennes, [268] et les quelques Bouddhistes et Brahmanistes infectés de matérialisme sont ceux qui habitent les grandes villes peuplées d'Européens, et cela seulement dans les classes éduquées. L'Evêque Kidder dit avec raison : "Si un sage avait à choisir sa religion d'après ceux qui la professent, il est à présumer que le Christianisme serait la dernière qu'il choisirait !
Dans un judicieux petit opuscule, dû à la plume du populaire conférencier J.-M. Peebles, M. D. l'auteur cite le London Athenceun, dont un des articles relate le bien-être des habitants de Yarkand et de Kashgar "qui paraissent vertueux et heureux". "Juste ciel", s'écrie avec ferveur le loyal auteur, qui était lui-même autrefois un pasteur universaliste, "plût à Dieu d'éloigner les missionnaires Chrétiens de l'heureuse et païenne Tartarie 600 !
600 J.M. Peebles, Jesus-Man, Myth. or God, etc., 1870, note p. 86.
Depuis les premiers temps du christianisme lorsque Paul reprochait à l'Eglise de Corinthe un crime "qui n'est même pas mentionné chez les Gentils – et qui consiste à avoir des relations avec la femme de son père" ; et de se rendre coupables de débauches et d'ivrognerie sous prétexte d'assister à la "Sainte Cène"(I Corinthiens, V, 1), la profession du nom du Christ a été plutôt un prétexte que la preuve de sentiments religieux. Toutefois la véritable interprétation de ce verset est la suivante : "On entend dire qu'il y a généralement parmi vous de l'impudicité et une telle impudicité qu'elle ne se rencontre pas même chez les païens ; c'est au point que l'un de vous a la femme de son père ou l'a épousée." On croirait que l'influence persane a dicté ce langage. Cette pratique n'existait "nulle part dans aucune nation", sauf en Perse, où elle passait pour fort méritoire. De là les récits juifs d'Abraham épousant sa sœur, Nahor, sa nièce, Amram la sœur de son père et Judah la veuve de son fils, dont les enfants étaient légitimes. Les tribus aryennes ne voulaient que des mariages endogames, tandis que les Tartares et toutes les nations barbares voulaient que les unions fussent exogames.
Un seul des apôtres de Jésus méritait véritablement ce titre, et celui-là c'était Paul. Malgré la défiguration que firent subir à ses Epîtres les mains dogmatiques, avant de les admettre au Canon de l'Eglise, sa conception de la sublime et divine figure du philosophe qui mourut pour son idée se retrouve dans tous ses discours aux diverses nations des Gentils. Seulement, celui qui voudrait le bien comprendre, devra étudier le Logos de Philon le Juif, en réfléchissant de temps en temps, au Sabda (logos) hindou de l'école Mîmânsâ. [269]
Quant aux autres apôtres dont les noms figurent à l'entête des Evangiles – nous ne pouvons certes pas croire à leur véracité, lorsque nous les voyons attribuer à leur Maître des miracles entourés de circonstances relatées, sinon dans les plus anciens livres de l'Inde, du moins dans ceux qui précédèrent l'époque du christianisme, suivant la phraséologie même des traditions. Lequel d'entre nous, aux jours de son aveugle et simple crédulité, n'a pas été frappé par le touchant récit, donné dans les Evangiles selon Marc et Luc, de la résurrection de la fille de Jaire ? Lequel de nous a douté de son originalité ? Et cependant, cette histoire elle-même est copiée, d'un bout à l'autre, dans le Hari-vansha, et fait partie des miracles attribués à Christna 601. Nous la donnons d'après la version française :
"Le Roi Angashuna fit célébrer en grande pompe les fiançailles de sa fille, la belle Kalavatti, avec le jeune fils de Vamadeva, le puissant Roi d'Antarvédi, nommé Govinda.
Mais, pendant que Kalavatti jouait sous les bosquets avec ses compagnes, elle fut mordue par un serpent et mourut. Antharveda déchira ses vêtements, couvrit sa tête de cendres, et maudit le jour où il était né !
Tout à coup, une grande rumeur s'éleva dans le palais, et on entendit les cris, mille fois répétés de : Pashya pitaram ; pashya gurum ! Le Père, le Maître ! Puis Christna s'approcha en souriant, s'appuyant sur le bras d'Arjouna...
... Maître ! s'écria Angashuna, se jetant à ses pieds, et les mouillant de ses larmes ! Vois, ma pauvre fille ! et il lui montrait le corps de Kalavatti, étendu sur une natte...
Pourquoi pleures-tu ? répliqua Christna de sa douce voix. Ne vois-tu point qu'elle dort ? Ecoute le bruit de sa respiration, tel le soupir de la brise nocturne qui frémit dans les feuilles des arbres. Vois, ses joues reprennent leur couleur, ses yeux, dont les paupières tremblent comme si elles allaient s'ouvrir ; ses lèvres tressaillent comme si elles allaient parler ; je te dis qu'elle dort ; et vois, elle remue, Kalavatti ! lève-toi et marche !
A peine Christna avait-il parlé, que la respiration, la chaleur, le mouvement et la vie revinrent petit à petit, dans le cadavre, et la jeune fille, obéissant à l'ordre du demi-dieu, se leva de sa couche et retourna vers ses compagnes. Mais la foule émerveillée s'écria : Celui-ci est un dieu, puisque, pour lui, la mort n'est pas plus que le sommeil 602". [270]
601 Le personnage appelé Christna par Mme Blavatsky n'est autre que le Krishma de la Bhaghavad Gîtâ (N.D.E.).
602 Traduit par Jacolliot du Hari-vansha : Christna et le Christ, pp. 300-01.
Toutes ces paraboles sont imposées aux chrétiens, additionnées de dogmes, lesquels, dans leur caractères extraordinaire, laissent loin derrière elles les conceptions les plus abracadabrantes du paganisme. Afin de croire à un Dieu les Chrétiens ont cru nécessaire de le tuer, afin d'avoir, eux- mêmes, la vie !
Et maintenant, l'Eglise traite le suprême, l'inconnu, le Père de la grâce et de la pitié, et sa hiérarchie céleste comme autant d'étoiles théâtrales et de surnuméraires salariés. Six siècles avant l'ère chrétienne, Xénophon avait disposé de cet anthropomorphisme dans une satire immortelle conservée et présentée par Clément d'Alexandrie :
"Il y a un Dieu suprême par-dessus tous les dieux, plus divin que les mortels ;
Dont la forme n'est pas celle de l'homme, et encore moins sa nature ; Mais les mortels orgueilleux s'imaginent que les dieux sont engendrés comme eux,
Avec les mêmes sensations, la même voix, les mêmes membres corporels ; De sorte que si les lions et les bœufs avaient des mains pour travailler comme les hommes,
Et sculpter ou peindre l'image de leur Dieu,
Les chevaux alors peindraient leur dieu comme un cheval, et les bœufs comme un bœuf,
Chaque espèce dotant son Dieu de sa propre nature et forme 603."
Ecoutez ce que dit Vyasa, le poète panthéiste de l'Inde, qui d'après les preuves réunies par les savants, a dû vivre, ainsi que le dit Jacolliot, il y a quelque quinze mille ans, au sujet de la Mâyâ, l'illusion des sens :
"Les dogmes religieux ne servent qu'à obscurcir l'intelligence de l'homme... Le culte des Divinités, sous l'allégorie desquelles se cache le respect des lois naturelles, éloigne la vérité au profit des plus basses superstitions."
(Vyasa-Maya) 604.
603 Clément, Strom, V, 14, § 110. Traduction publiée dans Supernatural Religion, vol. I,. 76.
604 [La Genèse de l'humanité, p. 339, Paris 1873.]
Il était donné au Christianisme de nous dépeindre le Dieu Tout- Puissant d'après le modèle de l'abstraction cabalistique de "l'ancien des Jours". D'après les vieilles fresques sur les plafonds des cathédrales ; d'après les Missels catholiques et d'autres icônes et images, nous le voyons aujourd'hui représenté par le pinceau, artistique de Gustave Doré. L'imposante majesté de Celui qu'aucun païen n'avait osé portraiturer sous une forme concrète, figure dans notre siècle, dans la Bible Illustrée de Gustave Doré. Marchant sur [271] les nuées qui flottent dans l'espace, les ténèbres et le chaos derrière lui, et le monde sous ses pieds, nous voyons un majestueux vieillard, ramenant de sa main gauche ses robes qui traînent autour de lui et la droite levée dans un geste de commandement. Il vient de prononcer le Verbe et un flot de Lumière – la Shékinah – s'échappe de sa personne altière. Cette conception poétique, en tant que composition, fait honneur à l'artiste, mais honore-t-elle Dieu ? Le chaos derrière Lui, vaut mieux que la figure elle-même, car là, du moins, nous voyons un mystère solennel. Quant à nous, nous lui préférons le silence des anciens païens. Avec une telle représentation grossière, anthropomorphe et, à notre avis, sacrilège de la Cause Première, faut-il s'étonner de l'extravagance iconographique des représentations du Christ Chrétien, des apôtres et des saints putatifs ? Pour les catholiques, saint Pierre devient tout naturellement le concierge du Ciel, assis à la porte du royaume céleste et faisant office de contrôleur des billets vers la Trinité !
Pendant un conflit religieux qui eut lieu dernièrement dans une des provinces Hispano-Américaines, on trouva sur les cadavres de quelques victimes, des passeports signés par l'Evêque du diocèse, et adressés à saint Pierre, en l'enjoignant "d'admettre le porteur en qualité de véritable fils de l'Eglise." On reconnut, par la suite, que ces curieux documents avaient été reçus par ses paroissiens du prélat catholique, juste avant d'aller au combat à l'instigation de leurs prêtres.
Dans leur désir immodéré de prouver l'authenticité du Nouveau Testament, les meilleurs, les plus savants du clergé protestant, ne tombent que trop souvent dans de regrettables pièges. Nous pouvons à peine croire qu'un commentateur aussi éclairé que le chanoine Westcott, ait ignoré les écritures talmudistes et purement cabalistiques. Comment se fait-il qu'il cite avec une parfaite assurance, comme présentant "une analogie frappante avec l'Evangile selon saint Jean" des passages entiers de l'ouvrage Le Pasteur d'Hermas, qui sont des phrases complètes empruntées à la littérature cabalistique ? "Le point de vue d'Hermas au sujet de l'œuvre et de la nature du Christ n'est pas moins en harmonie avec la doctrine apostolique, et il offre une analogie frappante avec l'Evangile selon saint Jean... Il [Jésus] est un "Rocher plus haut que les montagnes, capable de soutenir le monde entier, ancien et cependant avec une porte nouvelle... Il est plus vieux que la création, de sorte qu'il prit conseil du Père au sujet de la création qu'il fit... Personne ne peut arriver jusqu'à lui, sinon par son Fils 605." [272]
Or – ainsi que l'auteur de Supernatural Religion le prouve fort bien – tandis qu'il n'y a rien dans ceci, qui ressemble à une corroboration de la doctrine enseignée dans le quatrième Evangile, il ne dit pas que presque tout ce qui a été avancé par le pseudo Hermas, par rapport à sa conversation parabolique avec le "Seigneur", est une simple citation, avec de nombreuses variantes, du Zohar et d'autres ouvrages cabalistiques. Comparons-les afin de ne laisser aucun doute dans l'esprit du lecteur.
"Dieu, dit Hermas 606, planta une vigne, c'est-à-dire qu'Il créa le peuple et le donna à Son Fils ; et le Fils... lava, lui-même, leurs péchés, etc." ; c'est-à-dire, que le Fils les lava dans son sang, en commémoration de quoi les chrétiens boivent du vin dans la communion. Dans la Cabale, nous voyons que l'Ancien des Anciens, ou la longue Face planta un vignoble qui représente l'humanité ; et une vigne qui signifie la Vie. Nous voyons, par conséquent, que l'Esprit du "Messie-Roi" lave ses vêtements dans le vin d'en haut, dès la création du monde 607. Adam, ou A-Dam, c'est le "sang". La vie de la chair est dans le sang (nephesh – l'âme), (Lévitique, XVII). Et Adam-Kadmon est le Fils Unique. Noé, aussi, plante un vignoble – la serre chaude allégorique de l'humanité future. Nous le voyons reproduit dans le Codex des Nazaréens, comme la conséquence de l'adoption de cette même allégorie. Sept vignes sont procréées, qui naissent de Kabar Ziva, et Ferho (ou Parcha) Raba les arrose 608. Lorsque les Bienheureux remonteront parmi les créatures de Lumière, ils verront Iavar- Zivo, Seigneur de la VIE, et la Première VIGNE ! 609. Ces métaphores cabalistiques se répètent tout naturellement dans l'Evangile de saint Jean (XV, 1) : "Je suis le vrai cep et mon Père est le vigneron." Dans la Genèse (XLIX), on fait dire à Jacob mourant : "Le sceptre ne s'éloignera point de Juda [le jeune lion] ni le bâton souverain d'entre ses pieds, jusqu'à ce que vienne Shiloh... Il attache à la vigne son âne et au meilleur cep le petit de son ânesse ; il lave dans le vin son vêtement et dans le sang des raisins son manteau." Shiloh c'est le "Messie-Roi" de même que dans Ephraïm, Shiloh devait être la capitale et l'emplacement du sanctuaire. Dans le Targum d'Onkelos, le Babylonien, les paroles de Jacob se lisent : "Jusqu'à ce que vienne le Messie Roi". La prophétie n'a été accomplie ni dans le sens chrétien ni dans le cabalistico-juif. Le sceptre a été retiré [273] à Juda, que le Messie soit déjà venu ou qu'il doive encore venir, à moins que nous ne croyions, avec les cabalistes, que Moise était le premier Messie, qui transféra son âme à Josué-Jésus 610.
605 Cet ouvrage Le Pasteur d'Hermas n'existe plus aujourd'hui, mais paraît seulement dans la Stichométrie de Nicéphora ; on le considère aujourd'hui comme apocryphe. Mais du temps d'Irénée on l'accueillait comme une Ecriture Sainte (voir Sup. Religion, vol. I, p. 257) par les Pères qui le tenaient pour une inspiration divine, et qu'on lisait publiquement dans les églises (Irénée, Adv. Haer. IV, 20). Lorsque Tertullien devint un montaniste il le rejeta, après avoir affirmé son origine divine (Tertullien, De Orat., chap XVI).
606 [Hermas, Similitude, V, § 6.]
607 Zohar, comm. sur la Genèse, XI, 10.
608 Codex Nazaraeus, vol. III, p. 60-61.
609 Ibidem, vol. II, p. 281 ; vol. III, p. 59.
610 Rappelons au lecteur, à ce sujet, que Josué et Jésus sont un seul et même nom. Dans les Bibles slaves on fit Jessus (ou Jesus) Navin, pour Jésus.
611 Idrah Rabbah, vol. III, § 41 ; le Zohar.
612 Khabbala Denudata, vol. II, p. 230 ; Book of the Babylonian Companions, p. 35.
Hermas dit : "Et il me montra un grand rocher blanc au centre de la plaine, qui était sorti de la plaine, et le rocher était plus élevé que les montagnes, de forme rectangulaire, de façon à pouvoir contenir le monde entier ; mais le rocher était vieux, avec une porte taillée dans son flanc et l'entaille dans le rocher me parut récente." Et voici ce que nous lisons dans le Zohar : "Le blanc du crâne de Sa Tête [du plus sacré des Anciens in abscondito] s'étend jusqu'à 40.000 mondes supérieurs 611. Lorsque Seir [la première réflexion et l'image de son Père, l'Ancien des Anciens] descendra dans Iezirah [le troisième monde] par le mystère des soixante-dix noms de Métatron, il ouvrira une nouvelle porte... Le Spiritus Decisorius taillera et divisera le vêtement [Shekinah] en deux 612... Une lumière blanche s'élèvera pendant quarante jours de la pierre cubique sacrée du Temple, à la venue du Messie Roi. Elle s'étendra jusqu'à entourer le monde entier... A ce moment, le Messie-Roi daignera se révéler, et on le verra sortir de la porte du jardin d'Odan (Eden). Il se révèlera dans le pays de Galil 613, lorsqu'il aura "donné satisfaction pour les péchés d'Israël, il les mènera par la nouvelle porte jusqu'au siège du jugement" 614. Le trône est préparé pour le Seigneur de Splendeur, au Portail de la Maison de la Vie 615."
Le commentateur introduit, plus loin, la citation suivante : "Ce rocher est cette porte sont le Fils de Dieu. "Comment se fait-il, Seigneur", dis-je, que le rocher soit vieux et la porte nouvelle ? – Ecoute, dit-Il, et comprends, ô homme ignorant. Le Fils de Dieu est plus vieux que toute sa création, par conséquent il était le conseiller de son Père dans Son œuvre de la création ; c'est pour cela qu'Il est vieux 616."
Or, ces deux assertions ne sont pas seulement purement cabalistiques sans qu'une expression y soit changée, mais aussi Brahmanique et Païenne. Vidi virum excellentem caeli terraeque conditore natu majorera... J'ai vu le plus excellent (supérieur) HOMME qui est le plus âgé, par sa naissance, que le créateur du ciel et de la terre", dit le Codex cabalistique 617. Le Dionysus Eleusinien, [274] dont le nom particulier était Iacchos (laccho, Iahoh) 618 – le Dieu dont on attendait la libération des âmes – était considéré plus vieux que le Démiurge.
Pendant les mystères des Anthesteria, à Limnœ (les lacs) les Mystœ, après l'usuel baptême par la purification de l'eau, passaient par une autre porte, particulièrement employée à cet effet, et qu'on nommait "la porte de Dionysos" et porte des "purifiés".
Les cabalistes sont informés, dans le Zohar, que l'architecte, le Démiurge, dit au Seigneur : "Faisons un homme à notre image 619". Dans le texte original du premier chapitre de la Genèse, il est dit : "Et les Elohim [traduit par le Dieu Suprême] qui sont les dieux ou pouvoirs les plus élevés dirent : Faisons l'homme à notre [?] image, d'après notre ressemblance."
613 Zohar Ex., p. 11.
614 Midrash Hashirim, Rabbi Akaba, Midrash Koheleth, vol. II, p. 45.
615 Codex Nazaraeus, vol. III, p. 60.
616 On the Canon, p. 178 et suiv.
617 Ottomasticon de Norberg. vol. II, p. 57 ; Sod the Son of the Man.
618 Preller, vol. 1, p. 484 ; K.-O. Muller, History of Greek Literature, p. 238 ; Movers, p. 553.
619 Zohar, vol. I, fol. 25.
Dans les Védas, Brahma prend conseil de Parabrahman, au sujet de la meilleure manière pour procéder à la création du monde.
Dans une citation de Hermas le chanoine Westcott nous le fait voir demandant : "Et pourquoi, Seigneur, la porte est-elle neuve ? Parce que, répondit-il, il se manifesta le dernier jour de la dispensation ; c'est pour cela que la porte fut nouvellement faite, de sorte que ceux qui sont sauvés puissent entrer par elle, dans le Royaume de Dieu 620". Deux choses sont à retenir dans ce passage. En premier lieu, il attribue au "Seigneur" une fausse allégation de la même nature que celle mise en évidence par l'Apôtre Jean, et qui par la suite causa tant d'ennuis à tous les chrétiens orthodoxes qui acceptèrent, au pied de la lettre, les allégories apostoliques. Jésus, comme Messie, ne se manifesta pas à la fin des temps ; car ceux-ci sont encore à venir, malgré toutes les prophéties d'inspiration divine, qui devaient attester sa venue immédiate et qui ont été suivies d'espoirs déçus. La croyance que la "fin des temps" était venue était fort naturelle, du moment qu'on admettait la venue du Messie-Roi. En second lieu il est curieux que la prophétie ait été acceptée, puisque sa réalisation approximative est en contradiction directe avec Marc, qui fait dire catégoriquement à Jésus, que ni les anges dans le ciel, ni le Fils lui-même n'en connaissaient le jour ou l'heure 621. Nous pourrions ajouter que, comme cette croyance avait, sans aucun doute, pris naissance dans l'Apocalypse, ce devrait être une preuve suffisante, qu'elle appartenait aux calculs particuliers des cabalistes et des sanctuaires païens. D'après leurs calculs et suivant la computation occulte, un cycle devait se terminer vers la fin du premier siècle. [275] On peut le considérer également comme une preuve concluante que l'Evangile selon saint Marc, de même que celui attribué à Jean et l'Apocalypse furent écrits par des hommes qui n'étaient pas suffisamment au courant les uns des autres. Le Logos fut d'une manière définie appelé petra (rocher) par Philon le Juif ; ce mot, ainsi que nous l'avons fait voir, autre part, se traduit par "interprète" en langage Chaldéen et Phénicien. Justin Martyr, dans tous ses ouvrages, lui donne le nom "d'ange" et il établit une différence marquée entre le Logos et le Dieu Créateur. "Le Verbe de Dieu c'est Son Fils... et on le nomme aussi Ange et Apôtre, car il déclare [interprète] tout ce que nous devrions savoir et il a été envoyé pour déclarer tout ce qui est révélé" 622.
620 Simil, vol. IX, p. 12 ; Supernatural Religion, vol. I, p. 257.
621 Marc, XIII, 32.
622 Apolog, vol. I, p. 63.
623 Idrah Rabbah, X, p. 177.
624 Codex Nazaraeus, vol. I, p. 23.
625 Philon le Juif dit que le Logos est l'interprète du plus haut Dieu, et argue, "qu'il doit être le Dieu de nous autres êtres imparfaits" (Leg. Alleg., III, § 73). Suivant lui, l'homme ne fut pas créé à l'image du Dieu Suprême, le Père de tous les êtres, mais à celle du second Dieu, qui est son Verbe – Logos. (Philon le Juif, Fragments ; ex. Euseb, Praepar. Evang., VII, 13.)
626 Codex Nazaraeus, p. 57.
627 Hundert und eine Frage, p. XVII ; Dunlap, Sod the Son of the Man, p. 87. L'auteur qui cite Nork, dit que certaines parties du Midrashim et du Targum d'Onkelos, sont antérieures au Nouveau Testament.
"L'Adan Inférieur est distribué dans ses propres voies, en trente-deux côtés de voies, et cependant nul ne le connaît, sauf Seir. Mais nul de connaît l'ADAN SUPERIEUR, ni Ses voies, sauf cette longue Face" – le Dieu Suprême 623. Seir est le "génie" des Nazaréens, qui est appelé Æbel Zivo et Gabriel Legatus – aussi "Apôtre Gabriel" 624. Les Nazaréens maintenaient avec les cabalistes que même le Messie à venir ne connaissait pas "l'Adan Supérieur", la Divinité cachée ; nul excepté le Dieu Suprême ; montrant ainsi, qu'au-dessus de la Divinité Intelligible Suprême, il y en a encore une plus secrète et non révélée. Seir-Anpin est le troisième Dieu, tandis que le "Logos", d'après Philon le Juif, est le second 625. Nous en avons la preuve distincte dans le Codex. Le faux Messie dira : "Je suis Deus, le fils de Deus ; mon père m'a envoyé... Je suis le premier Légat, je suis Æbel Zivo, je viens d'en haut ! Mais méfiez-vous de lui ; car il n'est pas Æbel Zivo. Æbel Zivo ne permettra pas qu'on le voie dans ce siècle 626". De là la croyance chez quelques Gnostiques, que ce ne fut pas Æbel Zivo (l'Archange Gabriel) qui "adombra" Marie, mais Ilda-Baoth, qui façonna le corps matériel de Jésus ; Christos ne s'étant uni à lui qu'au moment du baptême dans le Jourdain.
Devons-nous douter de l'affirmation de Nork que "le Bérishith Rabbah, la partie la plus ancienne de Midrash Rabboth, n'était connu des Pères de l'Eglise que dans la traduction grecque ?" 627. [276]
Mais si d'une part, ils étaient suffisamment au courant des différents systèmes religieux de leurs voisins pour leur permettre d'échafauder une nouvelle religion prétendue différente de toutes les autres, leur ignorance de l'Ancien Testament, sans parler des questions plus embarrassantes de la métaphysique grecque, nous paraît aujourd'hui déplorable. "Ainsi, par exemple, dans Matthieu XXVIII, 9, et suivants, le passage de Zacharie, XI, 12, 13 est attribué à Jérémie" dit l'auteur de Supernatural Religion. "Dans Marc, I, 2, une citation de Malachie, III, 1, est attribuée à Esaïe. Dans la première aux Corinthiens, II, 9, un passage mentionné comme tiré des Saintes Ecritures, qui ne se trouve nulle part dans l'Ancien Testament, mais qui est tiré, ainsi que l'affirment Origène et saint Jérôme, d'un ouvrage apocryphe, la Révélation d'Elie 628, est aussi mentionné par la prétendue Epître de Clément aux Corinthiens (XVI, 8). On peut juger, de la créance qu'il faut accorder aux Pères de l'Eglise dans leurs expositions des diverses hérésies par le cas d'Epiphane, qui prit la Tétrade sacrée de Pythagore, nommée Kol-Arbas dans la Gnose valentinienne, pour un chef hérétique 629. Que devons-nous penser des bévues involontaires, et des falsifications délibérées des enseignements de ceux dont les doctrines différaient des leurs ; la canonisation de l'Aura-Placida (douce brise) mythologique, en une paire de martyres chrétiennes sainte Aura et sainte Placide 630 ; la déification d'un javelot et d'un manteau sous les noms de saints Longinus et Amphibolus 631 ; et les citations patristiques des prophètes, qui ne se trouvent dans aucun des prophètes ; on est en droit de se demander avec effarement si la prétendue religion du Christ a jamais été autre chose qu'un rêve incohérent depuis le jour de la mort du Grand Maître.
628 Apocalypsis Eliæ dans Origène, Comment. in Matthæum, tome X, p. 465.
629 Traitant de Ptolémée et d'Héracléon l'auteur du Supernatural Religion s'exprime comme suit : "L'inexactitude des Pères va de pair avec leur manque de jugement critique", puis il met en relief la bévue particulièrement ridicule commise par Epiphane en commun avec Hippolyte, le pseudo Tertullien et Philostrius. "Confondant un passage d'Irénée (Adv. Haer, I, 14), au sujet de la Tétrade Sacrée (Kol-Arbas) de la Gnose valentinienne, Hippolyte suppose qu'il veut parler d'un autre chef hérétique". II traite alors la Tétrade comme un chef nommé Colarbasus et, après avoir discuté les doctrines de Secundus, de Ptolémée et d'Héracléon, il se fait fort (§ 5) de démontrer quelles étaient les opinions professées par Marcus et Colarbasus, ces deux, à son avis étant les successeurs de l'école de Valentin (cf. Bunsen, Hippolytus und seine Zeit, p 54 et suiv., 1852).
630 Voir Godf Higgius, Anacalypsis, 11, p 85.
631 Inman, Ancient Pagan and Modern Christian Symbolism, p. 84.
Nous constatons l'acharnement des saints Pères de l'Eglise dans la persécution des prétendues "hérésies" 632, au point [277] qu'ils ne se gênent pas pour dire les plus grossiers mensonges, ou inventer des récits de toutes pièces, afin de convaincre les ignorants par des arguments qui autrement auraient manqué de poids. Si la bévue au sujet de la Tétrade n'avait été que la simple conséquence d'une erreur non préméditée d'Hippolyte, les explications d'Epiphane et d'autres qui tombèrent dans la même absurde erreur auraient moins un caractère d'innocence. Lorsque Hippolyte dénonce sérieusement la grande hérésie de la Tétrade, Kol-Arbas, en disant que le chef gnostique imaginaire s'appelle "Colarbasus qui prétend expliquer la religion au moyen de mesures et de nombres" 633, nous ne pouvons que sourire. Mais lorsque Epiphane, avec grande indignation, renchérit sur ce thème "qui est l'Hérésie XV" et, prétendant être parfaitement au courant du sujet ajoute : "Un certain Héracleon suit les pas de Colarbasus : ce que constitue l'Hérésie XVI 634" il s'expose à ce qu'on l'accuse de falsification délibérée.
Si ce Chrétien zélé, se glorifie sans rougir d'avoir "fait exiler, par ses informations, soixante-dix femmes de rang, par les séductions de quelques-unes desquelles il avait été entraîné à faire partie de leur secte", il nous fournit un excellent critère pour le juger. C. W. King remarque, fort à propos, à ce sujet, qu'on peut avec raison soupçonner que ce digne apostat se sauva, dans ce cas, du sort réservé à ses compagnons en religion, en dénonçant ses complices, à l'ouverture même de la persécution 635.
C'est ainsi, qu'un à un, périrent les Gnostiques, les seuls qui héritèrent de quelques bribes de la vérité non adultérée du Christianisme primitif. Tout était confusion et désordre dans ces premiers siècles, jusqu'à ce que finalement tous ces dogmes contradictoires furent imposés au monde chrétien et tout examen prohibé. Pendant de longs siècles ce fut un sacrilège punissable par des peines les plus sévères, voire même la mort, que de chercher à comprendre ce que l'Eglise avait, si à propos, élevé au rang de mystère divin. Depuis lors les critiques bibliques ont pris sur eux de "remettre de l'ordre dans la maison" et les rôles ont été renversés. Les créanciers païens accourent maintenant de toutes parts pour réclamer leur dû et on commence à soupçonner la théologie chrétienne de banqueroute totale. Tel est le triste résultat du fanatisme des sectes "orthodoxes" lesquelles, pour nous servir d'une expression de l'auteur du The Decline and Fall of the Roman Empire, ne furent jamais comme les Gnostiques "les plus polies, les plus [278] savantes et qui méritaient le mieux le nom de Chrétiennes". Et si tous ne "sentaient pas l'ail", ainsi que le dit Renan, aucun de ces saints Chrétiens n'auraient hésité à verser le sang de ses voisins, si les opinions de ceux-ci ne s'accordaient pas avec les siennes.
632 "Cette absurde erreur", ajoute l'auteur de Supernatural Religion, Vol. II, p. 218, "prouve combien peu ces auteurs connaissaient les Gnostiques au sujet desquels ils écrivaient, et combien aussi les uns suivaient les autres avec ignorance."
633 Ref. Omn. Haer., IV, § 13.
634 Epiph., Hær, XXXIV, § 1, p 262 (cité dans Supernatural Religion). Voir Die Colarbasus Gnosis
de Volkmar dans le Zeitschr. Hist. Theol. de Niedner.
635 Gnostics and their Remains, p. 182 et suiv., note 3.
De cette manière tous nos philosophes furent emportés par les masses ignorantes et superstitieuses. Les Philalèthes, les amants de la vérité, et leur école éclectique, périrent ; et là où la jeune Hypatie enseigna les plus sublimes doctrines philosophiques ; là où Ammonius Saccas expliqua que "tout ce que le Christ avait en vue était de rétablir et de restaurer dans son intégrité primitive, la sagesse des anciens – de mettre une limite au domaine grandissant de la superstition... et de détruire les erreurs qui s'étaient implantées dans les religions populaires 636", là, délirèrent abondamment les πολλοι du Christianisme. Plus de préceptes de la bouche du "Philosophe instruit par Dieu", mais, en revanche, d'autres préceptes exposés par l'incarnation de la plus cruelle et diabolique superstition.
"Si ton père", écrit saint Jérôme, "se couche en travers de ta porte, si ta mère découvre, à tes yeux, le sein qui t'a nourri, foule aux pieds le corps inanimé de ton père ; foule aux pieds le sein de ta mère, et, sans une larme dans les yeux, cours vers le Seigneur qui t'appelle !!" 637.
636 Mosheim, An Eccles. Hist., Dublin 1767.
637 [Epistola, XIV ; Ad Heliodorum Monachum, § 2.]
Cette phrase égale, si elle ne rivalise pas avec cette autre, prononcée dans le même esprit. Elle émane d'un autre père de l'Eglise primitive, l'éloquent Tertullien, qui voudrait voir tous les "philosophes", brûlant dans le feu de l'Enfer. "Combien grandiose sera cette scène ! combien j'en rirai ! combien m'en réjouirai-je ! Quel sera mon triomphe lorsque je verrai tant de rois illustres, qu'on dit avoir atteint le ciel, gémissant avec Jupiter, leur dieu, dans les sombres régions de l'Enfer ! C'est alors que les soldats qui ont persécuté le nom du Christ brûleront dans un feu plus cruel que celui qu'ils ont allumé pour le supplice des saints" 638.
Ces expressions malveillantes donnent une idée de l'esprit du christianisme jusqu'à nos jours. Mais en font-elle de même pour les enseignements du Christ ? Nullement. Ainsi que le dit Eliphas Lévi. "Le Dieu au nom duquel nous foulerions aux pieds le sein de notre mère, nous le verrons dans l'avenir, un enfer largement ouvert à ses pieds, et un glaive exterminateur à la main... Moloch ne faisait brûler les enfants que quelques instants ; il était réservé aux disciples, d'un dieu qu'on prétend être mort sur la croix pour la rédemption de l'humanité, de créer un nouveau Moloch, dont le bûcher est éternel !" [279]
Cet esprit de véritable amour chrétien a si bien traversé dix-neuf siècles, qu'il fait rage aujourd'hui en Amérique ; nous en avons la preuve dans le cas du féroce revivaliste Moody qui s'écrie : "J'ai un fils, et Dieu seul sait combien je l'aime ; mais j'aimerais mieux que ses yeux adorés fussent arrachés de leur orbite que de le voir grandir et descendre au tombeau sans Christ et sans espérance !!"
A cela, un journal américain de Chicago répond fort à propos "C'est là l'esprit de l'Inquisition qu'on prétend être mort. Si Moody, dans son zèle, était capable d'arracher les yeux de son fils adoré, jusqu'à quel excès n'irait-il pas avec les fils des autres, pour lesquels il professe moins d'amour ? C'est l'esprit de Loyola qui baragouine au XIXème siècle, et que seul le bras de la loi empêche de nouveau d'allumer le bûcher, et de préparer les instruments de torture."
638 Tertullien, Despectœ, ch. XXX.