THÉOSOPHISTES ET MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ THÉOSOPHIQUE

 

Question – Il me semble que cela s'applique aux membres de l'extérieur ; mais ceux qui poursuivent l'étude ésotérique de la Théosophie sont-ils de vrais théosophistes ?

Réponse – Pas nécessairement, jusqu'à ce qu'ils [31] en aient donné la preuve. Ils sont entrés dans le groupe intérieur et se sont engagés à suivre aussi strictement que possible les règles du Corps occulte. C'est là une entreprise difficile, attendu que la première de toutes les règles est l'entier renoncement à sa propre personnalité, c'est-à-dire qu'un membre engagé doit devenir un altruiste complet, ne plus jamais songer à lui-même et oublier sa vanité et son orgueil, pour ne songer qu'à faire du bien à tous les hommes. Pour que les enseignements ésotériques lui soient profitables, il faut qu'il mène une vie d'abstinence en toutes choses et d'une stricte moralité, en faisant son devoir envers tous les hommes. Le petit nombre de vrais théosophistes que contient la Société Théosophique se trouve parmi ceux-là. Cela ne veut pas dire qu'en dehors du cercle intérieur et aussi de la T. , il n'y ait pas de théosophistes, car il y en a et plus qu'on ne le suppose, et certainement beaucoup plus qu'il ne s'en trouve parmi les membres exotériques de la Société.

Question – Alors, à quoi bon se joindre à la Société Théosophique ?

Quel motif peut-on avoir pour le faire ?

Réponse – Pas d'autre que d'obtenir comme enseignement les vraies doctrines de la RELIGION SAGESSE, et, si l'on se conforme au programme, de bénéficier du puissant secours donné par la sympathie mutuelle. L'union fait la force ; quand des efforts sont faits en commun, [32] harmonieusement et simultanément, ils produisent des merveilles. C'est là le secret du succès de toutes les associations et de toutes les communautés, depuis que l'humanité existe.

Question – Mais un homme dont l'intelligence serait bien équilibrée, qui n'aurait qu'un seul but en vue, qui serait doué d'une énergie indomptable, qui serait capable d'une grande persévérance, ne pourrait-il pas devenir, en travaillant seul, un Occultiste et même un Adepte ?

Réponse – La chose n'est pas impossible ; mais il y a dix mille chances d'échouer pour une de réussir. Entre beaucoup de raisons pour qu'il en soit ainsi, il faut d'abord tenir compte du fait qu'il n'existe de nos jours aucun livre d'Occultisme ou de Théurgie, qui expose en langage, courant les secrets des Alchimistes, ces Théosophes du Moyen âge. Tous les ouvrages qui traitent de cette matière sont écrits en langage symbolique, en paraboles, et comme il y a des siècles que la clef de ces symboles a été perdue, en Occident, il serait difficile au lecteur de saisir le vrai sens de ce qu'il lit, ce qui l'expose au grand danger de tomber dans la magie noire ou de devenir médium. Celui qui n'a pas pour maître un Initié agira beaucoup plus sagement en laissant ces choses-là de côté. Regardez autour de vous avec attention ; pendant que les deux tiers des civilisés tiennent pour ridicule la seule idée qu'il puisse y avoir quelque chose  dans la Théosophie, l'Occultisme, le Spiritisme ou la [33] Kabbale, l'autre tiers est composé des éléments les plus hétérogènes ; dans la quantité, il y en a qui croient aux choses mystiques et même aux choses surnaturelles (!), mais chacun y croit à sa manière.

 D'autres s'élancent isolément dans l'étude de la Kabbale, du Psychisme, du Mesmérisme, du Spiritisme, ou de quelque autre forme de Mysticisme. Au résultat, il n'y a pas deux hommes qui soient d'accord sur les principes fondamentaux de l'Occultisme, bien qu'il y en ait un grand nombre qui réclament pour eux-mêmes l'ultima thule de la  Connaissance et voudraient faire croire aux profanes qu'ils sont des adeptes totalement développés. Non seulement, en Occident, on ne peut trouver une Connaissance scientifique de l'Occultisme, pas même de l'Astrologie, la seule branche qui ait des lois et un système définis, mais personne même n'y a l'idée de ce qu'est le véritable Occultisme. Les uns limitent la Sagesse antique à la Kabbale et au Zohar juif, que chacun interprète à sa façon, suivant la lettre morte des méthodes rabbiniques. D'autres considèrent Swedenborg et Boehme comme les représentants de la plus haute sagesse, tandis que d'autres encore croient trouver dans le Mesmérisme le grand secret de l'ancienne magie. Tous ceux qui mettent en pratique ces théories- là ne tardent guère à être entraînés par ignorance dans la magie noire. Heureux ceux qui peuvent y échapper, car ils [34] n'ont pas de critérium leur permettant de distinguer le vrai du faux.

Question – Faut-il comprendre que le groupe intérieur de la Société Théosophique reçoit ses enseignements de vrais Initiés ou de Maîtres de la Sagesse Esotérique ?

Réponse – Pas directement. La présence personnelle de tels maîtres n'est pas indispensable. Il suffit qu'ils donnent des instructions à quelques- uns de ceux qui ont étudié directement, pendant des années, auprès d'eux et qui ont voué leur vie entière à leur service. Ceux-ci peuvent faire part, de ce qu'ils ont appris aux personnes qui ne se sont pas trouvées dans la même situation qu'eux. Il vaut mieux une portion de la Science vraie qu'une masse de savoir indigeste et mal compris ; une once d'or vaut mieux que mille kilos de poussière.

Question – Mais comment reconnaître si c'est une once d'or vrai, ou si c'est du faux métal ?

Réponse – On connaît un arbre à ses fruits, un système par ses résultats. Lorsque nos critiques seront capables de nous montrer, dans le cours des siècles, un homme qui, en étudiant tout seul, soit parvenu au degré d'Adeptat d'un Ammonius Saccas ou même d'un Plotin, ou soit devenu un théurge de la force de Jamblique, ou soit parvenu à opérer des phénomènes comme ceux qu'on attribue au comte de Saint-Germain, sans aucun maître pour le guider et tout cela sans qu'il soit [35] un médium, un homme qui se trompe lui-même ou un charlatan – alors nous confesserons que nous nous sommes trompés.

Mais jusque-là les théosophistes préfèreront s'en tenir à la loi naturelle et démontrée de la tradition de la Science Sacrée. Il y a des mystiques ayant fait de grandes découvertes dans la chimie et dans les sciences physiques et qui se sont avancés jusqu'au bord de l'Alchimie et de l'Occultisme ; d'autres qui, par leur seul génie, ont découvert des portions, sinon la totalité de l'alphabet de la "Langue du Mystère", et peuvent par suite lire correctement des manuscrits hébreux ; d'autres encore qui, étant voyants naturels, ont eu des éclairs merveilleux sur les secrets de  la Nature. Mais ce sont tous des spécialistes. L'un est un inventeur théorique, l'autre un Kabbaliste juif, c'est-à-dire un sectaire, un troisième sera un Swedenborg moderne, niant tout ce qui est en dehors de sa croyance et de sa religion particulière. Aucun d'eux ne peut se vanter d'avoir produit, par ses connaissances, un bien universel ou même national, ou même un bien à lui-même. A l'exception de quelques guérisseurs que les Facultés de Médecine traitent de charlatans, aucun d'eux n'a rendu service à l'Humanité par sa science, ni même à un certain nombre d'hommes. Où sont les Chaldéens des anciens temps qui opéraient des cures merveilleuses, "non par des charmes, mais par des simples" ? Où est l'Apollonius  [36] de Tyane capable de guérir toutes les maladies et de ressusciter les morts, dans n'importe quelles circonstances et n'importe quel pays ? Nous connaissons quelques guérisseurs en Europe, mais les autres ne se trouvent qu'en Asie, où le secret des Yoguis "de vivre dans la mort" est encore connu de nos jours.

Question – Le but de la Théosophie est-il de produire des adeptes en l'art de guérir ?

Réponse – Ses buts sont nombreux ; mais les plus importants sont ceux par lesquels on pourra parvenir à soulager la souffrance humaine, sous toutes ses formes, physiques aussi bien que morales, et nous croyons que la guérison des souffrances morales est beaucoup plus importante que celle des souffrances physiques. La Théosophie a pour tâche de développer le sens moral ; il faut qu'elle purifie l'âme, pour parvenir à fortifier le corps physique, dont les maladies, à part les cas d'accident, sont toujours héréditaires. Ce n'est pas en étudiant l'Occultisme pour des buts égoïstes, pour la satisfaction de son ambition personnelle, de son orgueil, de sa vanité, qu'on acquerra jamais l'aptitude à venir en aide à l'humanité souffrante. Ce n'est pas non plus en étudiant une seule branche de la philosophie ésotérique qu'un homme devient un Occultiste – mais en les étudiant toutes.

Question – Ceux qui étudient les sciences ésotériques sont-ils donc les seuls à qui on vienne en [37] aide pour leur faire atteindre le but de la Théosophie ?

Réponse – Pas du tout. Chaque membre de la Société Théosophique a droit à des instructions générales, s'il en sent le besoin ; mais il en est peu qui ambitionnent le rôle de "membres travailleurs", et la plupart préfèrent rester simplement des frelons de la Théosophie. Qu'on sache donc que les recherches particulières sont encouragées dans la Société Théosophique, pourvu qu'elles ne franchissent pas les limites séparant l'exotérisme de l'ésotérisme, la magie aveugle de la magie consciente.