SECTION XI
—
L'HEXAGONE AVEC LE POINT CENTRAL OU LA SEPTIEME CLEF
Discutant sur la vertu qui réside dans les noms (Baalshem), Molitor pense qu'il est impossible de nier que la Cabale – en dépit de ses abus actuels – repose sur une base scientifique très profonde et, ajoute-t-il, si l'on prétend que devant le Nom de jesus tout autre nom doit se courber, pourquoi le tetragramme n'aurailtil pas le meme pouvoir 194?
194 Tradition, chap. des "nombres".
C'est logique et plein de bon sens. En effet, si Pythagore considérait l'hexagone formé de deux triangles entre-croisés comme le symbole de la création, si les Egyptiens le considéraient comme celui de l'union du feu et de l'eau (ou de la génération), si les Esséniens voyaient en lui le Sceau de Salomon, les Juifs, le Bouclier de David, les Hindous, le Signe de Vishnou (jusqu'à présent) et si, même en Russie et en Pologne, le double triangle est regardé comme un talisman puissant – un usage aussi largement répandu indique qu'il renferme quelque chose. Il va évidemment de soi qu'un symbole aussi ancien et aussi universellement vénéré, ne devrait pas être mis purement et simplement de côté, pour être ridiculisé par ceux qui n'ont aucune idée de ses vertus on de sa véritable signification Occulte. Tout d'abord le signe connu n'est lui-même qu'un substitut de celui qu'emploient les Initiés. Dans un ouvrage Tantrika, du British Museum, on appelle une terrible malédiction sur la tête de celui qui dévoilerait au profane le véritable hexagone Occulte, connu sous les noms de "Signe de Vishnou", "Sceau de Salomon", etc.
La grande puissance de l'hexagone – avec son signe mystique central de T ou la Svastika, un septénaire – est bien expliquée dans la septième clef de Things Concealed, car il y est dit :
La septième clef est le hiéroglyphe du septénaire sacré, de la royauté du clergé [l'Initié], du triomphe et du vrai résultat par la lutte. C'est le pouvoir magique dans toute sa force, le vrai "Royaume Saint". Dans la Philosophie Hermétique, c'est la quintessence qui résulte de l'union des deux forces du grand Agent Magique (Akasha, Lumière Astrale)... C'est aussi Jakin et Boaz, liés par la volonté de l'Adepte et vaincus par son omnipotence. [V 119]
En Magie, la puissance de cette clef est absolue. Toutes les religions ont consacré ce signe dans leurs rites.
Pour le moment, nous ne pouvons que jeter un rapide coup d'œil sur la longue série des œuvres antédiluviennes, sous leurs formes post-diluvienne et fragmentaire, souvent défigurées. Bien que toutes ces œuvres constituent l'héritage laissé par la Quatrième Race – aujourd'hui ensevelie dans les profondeurs insondées de l'Océan – il ne faut pourtant pas les rejeter. Ainsi que nous l'avons montré, il n'existait qu'une seule Science à l'aube de l'humanité, et elle était entièrement divine. Si l'humanité en abusa lorsqu'elle atteignit l'âge adulte – particulièrement les dernières Sous- Races de la Quatrième Race-Racine – ce fut la faute et le péché des praticiens qui profanèrent le savoir divin et non la faute de ceux qui restèrent fidèles à ses dogmes originaux. Parce que l'Eglise Catholique Moderne, fidèle à son intolérance traditionnelle, trouve aujourd'hui bon de considérer l'Occultiste et même les innocents Spirites et Francs-Maçons, comme des descendants "des Kischouphs, des Hamites, des Kasdim, des Céphènes, des Ophites et des Khartoumim" – tous "sectateurs de Satan", – il ne s'ensuit nullement qu'ils le soient. La Religion d'Etat ou Religion Nationale de chaque pays s'est toujours et de tout temps débarrassée facilement des écoles rivales, en faisant profession de croire qu'elles constituaient de dangereuses hérésies – l'antique Religion d'Etat Catholique Romaine aussi bien que la moderne.
Cet anathème n'a pas eu toutefois pour résultat de rendre le public plus éclairé en ce qui concerne les Mystères des Sciences Occultes. A certains égards, le monde ne se trouve que mieux de cette ignorance. Les secrets de la Nature sont généralement à deux tranchants et entre les mains de ceux qui n'en sont pas dignes, ils ont des chances d'être plutôt meurtriers. Qui donc, à notre époque moderne, se fait une idée du sens réel de certains caractères et signes – les talismans – et de la puissance qu'ils renferment en vue de résultats bienfaisants ou malfaisants ? Des fragments des Runes et de l'écriture des Kischouphs, que l'on trouve disséminés dans les antiques bibliothèques médiévales, des copies des lettres et des caractères Ephésiens et Milésiens, le trois fois fameux Livre de Thoth et les terribles traités (qui existent encore) de Targes, le Chaldéen et de son disciple Tarchon, l'Etrusque – qui florissaient bien avant la guerre de Troie – constituent autant d'appellations vides de sens aux yeux du savant moderne (bien qu'on les rencontre dans la littérature classique.). Qui donc, au dix- neuvième siècle, croit à l'art de provoquer et de diriger les coups de foudre, que décrivent des traités comme ceux de Targes ? Pourtant, ce même art est décrit dans la littérature brahmanique, et Targes a copié [V 120] ses "coups de foudre" sur les Astra 195, ces terribles engins de destruction que connaissaient les Aryens du Mahâbhârata. Un arsenal entier de bombes à la dynamite pâlirait en présence de cet art – s'il venait jamais à être compris par les Occidentaux. C'est dans un antique fragment traduit à son intention que feu Lord Bulwer Lytton a puisé son idée du Vril. Il est vraiment fort heureux qu'en présence des vertus et de la philanthropie qui embellissent notre époque de guerres iniques, d'anarchistes et de dynamiteurs, les secrets que renfermaient les livres découverts dans la tombe de Numa aient été brûlés, mais la science de Circé et de Médée n'est pas perdue. On peut la découvrir dans l'apparent baragouin des Soûtras Tantrika, dans le Koukou-ma des Bhoûtânis et des Dougpas du Sikhim et "Bonnets Rouges" du Tibet, ainsi que dans la Sorcellerie des Moula Kouroumbas des Nîlgiris. Fort heureusement en dehors, des grands praticiens de la Voie de Gauche et des Adeptes de celle de Droite – entre les mains desquels les redoutables secrets et leur véritable sens sont en sûreté – les gens qui comprennent les évocations "noires" sont très rares. Autrement les Dougpas de l'Occident, comme ceux de l'Orient, auraient tôt fait de se débarrasser de leurs ennemis. Le nom de ces derniers est lésion, car les descendants directs des sorciers antédiluviens haïssent tous ceux qui ne sont pas avec eux, parce qu'ils en concluent qu'ils sont contre eux.
Quant au "Petit Albert" – bien que ce petit volume mi-ésotérique soit lui-même devenu une relique littéraire – et au "Grand Albert" ou au "Dragon Rouge", avec les innombrables copies anciennes qui subsistent encore, tristes restes des mythiques Mère Shipton et des Merlins – nous voulons dire les faux Merlins – tout cela ne représente que des imitations vulgarisées des œuvres originales de mêmes noms. Ainsi le "Petit Albert" est l'imitation déformée du grand ouvrage qu'écrivit en Latin l'Evêque Adalbert, un Occultiste du VIIIème siècle, condamné par le second Concile Romain. Son ouvrage fut imprimé de nouveau plusieurs siècles après, sous le titre de Alberti Parvî Lucii Libellus de Mirabilibus Naturae Arcanis 196. Les sévérités de l'Eglise Romaine ont toujours été spasmodiques. Alors que l'on apprend cette condamnation, qui, ainsi que nous le prouverons, plaça, durant de longs siècles, l'Eglise dans une situation très embarrassante, par rapport aux Sept Archanges, les Vertus ou Trônes de Dieu, on ne peut être qu'étonné en constatant que les Jésuites n'ont pas détruit les Archives de l'Histoire de France, avec [V 121] leurs innombrables chroniques et annales, pas plus que celles de l'Escural d'Espagne. L'histoire et les chroniques de France s'étendent longuement sur un inestimable talisman qu'un Pape offrit à Charlemagne. C'était un petit volume traitant de Magie – ou plutôt de Sorcellerie – et rempli de figures cabalistiques, de signes, de phrases mystérieuses et d'invocations aux étoiles et aux planètes. C'étaient des talismans contre les ennemis du Roi (les ennemis de Charlemagne), talismans qui furent d'un grand secours, nous dit le chroniqueur, puisque "tous [les ennemis] moururent de mort violente". Ce petit volume, Enchiridium Leonis Papoe, a disparu et l'édition est fort heureusement épuisée. On peut aussi vaguement retrouver l'Alphabet de Thoth dans le moderne Tarot que l'on peut se procurer chez presque tous les libraires de Paris. Quant à les comprendre ou à les utiliser, les nombreux diseurs de bonne aventure de Paris, dont c'est le gagne-pain, sont de tristes spécimens de tentatives infructueuses pour déchiffrer – je ne parle même pas d'interpréter correctement – le symbolisme des Tarots, sans s'être préalablement livré à l'étude philosophique de la Science. Les véritables Tarots, avec leur symbolisme complet, ne se trouvent que sur les cylindres de Babylone que tout le monde peut inspecter et étudier au British Museum et ailleurs. Tout le monde peut voir ces losanges antédiluviens, ou cylindres tournants, de Chaldée, couverts de signes sacrés, mais les secrets de ces "roues" de divination ou, comme les appelle de Mirville, ces "globes tournants d'Hécate" ne doivent pas être dévoilés pendant quelque temps encore. En attendant, il y les "tables tournantes" des médiums modernes pour les enfants, et la Cabalepour les forts. C'est une fiche de consolation.
195 C'est une sorte d'arc et de flèche magiques calculés de façon à détruire en un moment des armées entières ; il en est fait mention dans le Ramâyana dans les Pouranas et ailleurs.
196 [Le Petit Livre d'Albertus Parvus Lucius concernant les Merveilles Cachées de la Nature.]
On est très enclin à employer des termes que l'on ne comprend pas et à prononcer des jugements sur des preuves de prima facie. La différence entre la Magie Blanche et la Magie Noire est très difficile à bien comprendre, puisqu'il faut les juger toutes deux d'après les motifs qui les inspirent et dont dépendent les effets définitifs et non pas les effets immédiats qu'elles produisent, bien que ceux-ci puissent ne se manifester qu'après des années. "Entre la [Magie] de la main droite et celle de la main gauche il n'y a que l'épaisseur d'un fil d'araignée", dit un proverbe oriental. Tenons-nous en à sa sagesse et attendons d'en avoir appris davantage. Nous aurons à revenir plus longuement sur les rapports qui existe entre la Cabaleet la Goupta Vidyâ et à traiter encore de divers systèmes ésotériques et numériques, mais il faut d'abord suivre la lignée des Adeptes durant les époques post-chrétiennes.
[Cette Section est une grande partie de la seconde moitié de la Section III dans le manuscrit de 1886. Note de l'Editeur.]