SECTION XII
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DEVOIR DU VERITABLE OCCULTISTE ENVERS LES RELIGIONS
Ayant terminé ce que nous avions à dire des Initiés pré-chrétiens et de leurs Mystères – bien qu'il y ait encore à parler de ces derniers – il nous faut consacrer quelques mots aux Adeptes post-chrétiens, sans tenir compte de leurs croyances et de leurs doctrines personnelles et de la place qu'ils occupent dans l'Histoire, tant sacrée que profane. Notre tâche consiste à analyser cet adeptat avec ses pouvoirs thaumaturgiques, ou psychologiques, comme on dit maintenant ; à rendre à chacun de ces Adeptes ce qui lui est dû, en étudiant d'abord les documents historiques qui le concernent et qui sont parvenus jusqu'à nous, puis les lois de la probabilité en ce qui concerne ces pouvoirs.
Qu'il soit d'abord permis à l'auteur de justifier en quelques mots ce qu'il va falloir dire. Il serait injuste de considérer ces pages comme un défi lancé à la religion Chrétienne ou comme la preuve d'un manque de respect envers elle – encore moins comme témoignant du désir de blesser les sentiments de quelqu'un. Le Théosophe ne croit ni aux miracles Divins ni aux miracles Sataniques. Après qu'un temps aussi long s'est écoulé, il ne peut obtenir que des preuves prima facie et les juger d'après les résultats déclarés. Il n'y a pour lui ni Saint, ni Sorcier, ni Prophète, ni Divin, mais seulement des Adeptes, ou des hommes passés maîtres dans l'art de provoquer des faits de caractère phénoménal et qu'il faut juger d'après leurs paroles et leurs actes. La seule distinction qu'il lui soit maintenant possible d'établir dépend des résultats obtenus – sur la preuve de leur caractère bienfaisant ou malfaisant, en tant qu'ils affectent ceux en faveur de qui, ou contre qui, les pouvoirs de l'Adepte furent employés. Quant aux distinctions qui sont établies si arbitrairement entre les faiseurs de "miracles" de telle ou telle religion, par leurs adhérents et leurs défenseurs, l'Occultiste ne peut ni ne doit s'en occuper. Le Chrétien auquel sa religion ordonne de considérer Pierre et Paul comme des Saints, comme de glorieux Apôtres divinement inspirés et de tenir Simon et Apollonius pour des Sorciers et des Nécromanciens, assistés par de supposées Puissances du Mal dont ils servaient les projets - a parfaitement raison de le faire s'il est un sincère Chrétien [V 123] orthodoxe. Mais l'Occultiste qui veut servir la vérité et rien que la vérité, a également raison de repousser une opinion aussi partiale. Celui qui étudie l'Occultisme ne doit appartenir à aucune religion ni à aucune secte spéciales, mais il est tenu de manifester extérieurement du respect pour toutes les religions et toutes les croyances, s'il tient à devenir un Adepte de la Bonne Loi. Il ne doit être enchaîné ni par les préjugés, ni par les opinions sectaires de qui que ce soit ; il doit se faire des opinions personnelles et arriver à ses propres conclusions, en s'appuyant sur les preuves que lui fournit la Science à l'étude de laquelle il s'est voué. Si l'Occultiste est Bouddhiste, par exemple, tout en considérant Gautama Bouddha comme le plus grand des Adeptes et comme l'incarnation de l'amour dépouillé d'égoïsme, de la charité infinie et de la bonté morale, il aura la même opinion de Jésus – qu'Il proclamera être une nouvelle incarnation de toutes les vertus divines. Il vénérera la mémoire du grand Martyr, même s'il refuse de reconnaître en lui l'incarnation sur la terre de l'unique Divinité Suprême et le "véritable Dieu des Dieux" dans le Ciel. Il chérira l'homme idéal pour ses vertus personnelles et non pour ce que prétendent, en son nom, de fanatiques rêveurs des premiers âges ou bien les astucieux calculs de l'Eglise et de la Théologie. Il croira même à la plupart des "miracles affirmés" en se bornant à les expliquer par les règles de sa propre Science et à l'aide de ses facultés psychiques de discernement. Refusant à ces faits le nom de "miracles" – au sens théologique d'un événement "contraire aux lois établies de la Nature" – il ne les en considérera pas moins comme des déviations des lois connues (jusqu'à présent) par la Science, ce qui est bien différent. De plus, l'Occultiste, se basant sur les preuves prima facie que donnent les Evangiles – que celles- ci soient établies ou non – classera la plupart de ces faits dans la Magie bienfaisante et divine, tout en ayant le droit de considérer comme allégoriques, ou comme pernicieux pour la vraie foi, s'ils étaient pris au pied de la lettre, les faits tels que celui de rejeter les démons dans un troupeau de porcs 197. Telle est l'opinion qu'aurait un véritable occultiste impartial et, à ce point de vue, les Musulmans fanatiques, qui considèrent Jésus de Nazareth comme un grand Prophète et Lui témoignent du respect, donnent eux-mêmes une salutaire leçon de charité aux Chrétiens, qui enseignent et admettent que "la tolérance religieuse est impie et absurde 198" et qui ne font jamais allusion au prophète de l'Islam sans le qualifier de "faux prophète". C'est donc en se basant sur les principes de l'Occultisme que nous allons maintenant étudier Pierre et Simon, Paul et Apollonius. [V 124]
197 Matthieu, VII, 30-34.
C'est pour de bonnes raisons que nous avons choisi ces quatre Adeptes pour les faire figurer dans ces pages. Dans l'Adeptat post-Chrétien, ils furent les premiers – ainsi qu'en témoignent les ouvrages profanes et sacrés – à faire vibrer la note des "miracles", c'est-à-dire des phénomènes psychiques et physiques. Seules la bigoterie et l'intolérance théologiques pouvaient si méchamment et si arbitrairement séparer deux parties harmonieuses en deux manifestations distinctes de Magie Divine et de Magie Satanique, en oeuvres "divines" et "antidivines".
198 Dogmatic Theology, III, 345.