SECTION XXXV

SYMBOLISME DU SOLEIL ET DES ETOILES

 

Et le Ciel était visible dans Sept Cercles et les planètes apparaissaient avec tous leurs signes, sous la forme d'étoiles et les étoiles étaient divisées et dénombrées avec les Chefs qui s'y trouvaient et le cours de leur évolution grâce à l'action de l'Esprit divin 1.

Ici Esprit veut dire Pneuma, la Divinité collective, manifestée dans ses "Constructeurs" ou, suivant l'expression de l'Eglise, "les Sept Esprits de la Présence", les mediantibus angelis dont saint Thomas d'Aquin dit que "Dieu n'œuvre jamais que par leur entremise".

Ces sept "chefs" ou Anges médiateurs étaient les Dieux Kabires des Anciens. C'était si évident que l'Eglise fut obligée, à la fois d'admettre le fait et d'en donner une explication et une théorie dont la maladresse et les sophismes évidents les rendaient incapables de faire impression. On invite le monde à croire qu'alors que les Anges Planétaires de l'Eglise sont des Etres divins, sont les véritables "Séraphins" 2, ces mêmes anges, avec des noms et des planètes identiques, étaient et sont encore "faux" – en tant que Dieux des Anciens. Ce ne sont que des simulateurs ; les  artificieuses copies des Véritables Anges, exécutées d'avance grâce à l'habileté et à la puissance de Lucifer et des Anges déchus. Que sont donc les Kabires ? [VI 4]

 Kabires, en tant que nom, est dérivé de   Habir,ךיבח

grand, et aussi  de Vénus, cette Déesse étant appelée jusqu'à présent Kabar, comme l'est aussi son étoile. Les Kabires étaient l'objet d'un culte à Hébron, la ville des Anakim ou anakas (rois, princes). Ce sont les plus hauts Esprits Planétaires, les "plus grands Dieux" et "les puissants". Varron, suivant l'exemple d'Orphée, appelle ces Dieux ευ̉δυνατοὶ [bonnes forces]. "Puissances divines". Le mot Kabirim, lorsqu'il s'applique à des hommes et les mots Héber, Ghéber (par rapport à Nemrod ou aux "géants" de la Genèse, VI) et Kabir, sont tous dérivés du "Mot mystérieux" – l'Ineffable et "l'Imprononçable". Aussi que ce sont eux qui représentent tsaba la "légion du ciel". Cependant l'Eglise qui s'incline devant l'ange Anael (le régent de Vénus) 3, rattache la planète Vénus à Lucifer, chef des rebelles sous Satan – que le prophète Isaïe apostrophe si poétiquement en ces termes : "ô Lucifer, fils du matin 4". Tous les Dieux de Mystères étaient des Kabires. Comme ces "sept licteurs" se rapportent directement à la Doctrine Secrète, leur statut réel a la plus grande importance.

1 Hermès, IV. 6.

2 De Saraph ףרש "igné, brûlant", pluriel (voyez Isaïe, VI, 2-6). Ils sont considérés comme les serviteurs personnels du Tout-puissant, "ses messagers", anges ou métatrons. Dans l'Apocalypse ce sont les "sept lampes qui brûlent", placées devant le trône.

3 Vénus, pour les Chaldéens et les Egyptiens, était l'épouse de Protée et est considérée comme la mère des Kabires, fils de Phta ou Emepth – la lumière divine ou le Soleil. Les anges correspondent aux étoiles dans l'ordre suivant : le Soleil, la Lune, Mars, Vénus, Mercure, Jupiter et Saturne ; Michel, Gabriel, Samael, Anael, Raphaèl, Zacharie et Orifiel ; c'est dans la religion et le Cabalisme Chrétien ; astrologiquement et ésotériquement, les places des "régents" sont différentes, de même que dans la Cabale juive ou plutôt la véritable Cabale Chaldéenne.

4 Loc. cit. XIV, 12.

 

Suidas définit les Kabires comme les Dieux qui commandent à tous les autres dæmons (Esprit), καβείρους δαίµονας [Kabeirons daimonas]. Macrobe les présente comme :

Les Pénates et divinités tutélaires, par lesquelles nous vivons, nous apprenons et nous savons (Saturne, I, III, ch. IV).

Les téraphims, par lesquels les Hébreux consultaient les oracles des Urim et des Thummim, étaient les hiéroglyphes symboliques des Kabires. Néanmoins, les bons Pères ont fait de Kabir le synonyme de diable et de daïmon (esprit), un démon.

A Hébron, les Mystères des Kabires (Païens et Juifs) étaient présidés par les sept Dieux Planétaires, entre autres par Jupiter et Saturne sous leurs noms de mystères et ils sont désignés comme les άξιόχερσος [axioehersos] et άξιόχερσα [axiochersa] et par Euripide comme les άξιοχρεως ὸ θεὸς [le [VI 5]  dieu  le  plus  remarquable].  Greuzer  montre  en  outre  que,  tant  en Phénicie  qu'en  Egypte,  les  Kabires  furent  toujours  les  sept  planètes connues  dans  l'antiquité  et  qui,  avec  leur  Père  le  Soleil  –  mentionné ailleurs comme leur "frère aîné" composaient une puissance ogdoade 5 ; les huit puissances supérieures, en qualité de [Paredoi] ou assesseurs solaires, exécutaient autour de lui la danse circulaire sacrée, symbole de la rotation des planètes autour du Soleil. De plus Jéhovah et Saturne ne font qu'un.

Il est donc tout naturel de voir un auteur français,  d'Anselme, appliquer ces mêmes termes de άξιόχερσος et de άξιόχερσα à Jéhovah et à son verbe et cette application est correcte. En effet, si la "danse circulaire" prescrite par les Amazones pour les Mystères – et qui est la "danse circulaire" des planètes, caractérisée comme "le mouvement de l'Esprit divin porté sur les vagues du grand Abîme" – peut être qualifiée aujourd'hui "d'infernale" et de "lascive" lorsqu'elle est exécutée par les Païens, les mêmes épithètes devront alors être appliquées à la danse de David 6 et à la danse des filles de Shiloh 7, ainsi qu'aux bonds des prophètes de Baal 8 ; tout cela était identique et appartenait au culte Sabéen. La danse du roi David, durant laquelle il se découvrit sur une voie publique en présence de ses servantes, en disant :

Je jouerai (j'agirai lascivement) devant le Seigneur    הוהי

[Jehovah] et je serai encore plus vil que cela.

était assurément plus répréhensible que toutes les "danses circulaires" des Mystères, ou même que la moderne Râsa Mandala de l'Inde 9, qui est la même chose. Ce fut David qui introduisit le culte de Jéhovah en Judée, après un long séjour au milieu des Tyriens et des Philistins, chez qui ces rites étaient communs.

5 Cela prouve une fois de plus que les anciens connaissaient sept planètes. en plus du Soleil, car autrement quelle serait la huitième ? La septième, ainsi que deux autres, était comme nous l'avons dit, des planètes de "mystère", qu'il s'agisse d'Uranus ou de toute autre.

6 Sam., VI. 20-2.

7 Juges, XXI. 21 et seq,

8 Rois, XVIII. 26.

9 Cette danse – la Râsa Mandala, exécutée par les Gopis ou bergères de Krishna, le Dieu Soleil, est exécutée jusqu'à présent en Inde dans le Bâdjputâna, et c'est incontestablement la même danse symbolique théo-astronomique des planètes et des signes du Zodiaque, qui était dansée des milliers d'années avant notre ère.

 

David ignorait Moïse et s'il introduisit le culte de Jéhovah, ce ne fut pas sous son caractère monothéiste, mais  simplement  [VI 6]  comme  le  culte  de  l'un des nombreux dieux (Kabiriens) des nations  voisines, comme une divinité tutélaire qui lui était propre, תיתו et à laquelle il avait donné la préférence – qu'il avait choisie parmi "tous les autres dieux (Kabiri) 10"

et qui était l'un des "associés", Chabir, du Soleil. Les Shakers exécutent la "danse circulaire" jusqu'à présent, lorsqu'ils tournoient pour que le Saint- Esprit les mette en mouvement. Dans l'Inde, c'est Nârâyana qui est "celui qui se meut sur les eaux" ; or Nârâyana, c'est Vishnou sous la forme secondaire et Vishnou a pour Avatar, Krishna, en l'honneur duquel la "danse circulaire" est encore exécutée par les Nautch-girls (danseuses) des temples ; lui, représentant le Dieu-Soleil et elles les planètes symbolisées par les Gopis.

Que le lecteur se reporte aux œuvres de de Mirville, écrivain Catholique Romain, ou à Monumental Christianity du Dr Lundy, pasteur Protestant, s'il veut apprécier jusqu'à un certain point la subtilité casuistique de leurs raisonnements. Aucune personne, ignorant les versions occultes, ne peut manquer d'être impressionnée par les preuves mises en avant pour établir l'habileté et la persévérance avec lesquelles "Satan a travaillé durant de longs millénaires pour tenter une humanité" qui n'avait pas la bénédiction d'une Eglise infaillible, afin d'arriver à se faire reconnaître, lui, comme "l'Unique Dieu Vivant" et ses démons comme de saints Anges. Le lecteur doit faire preuve de patience et étudier avec attention ce que dit l'auteur pour le compte de son Eglise. Afin de les mieux comparer à la version des Occultistes, il est bon de citer ici quelques points, textuellement.

Saint Pierre nous dit : "Puisse le divin Lucifer se lever  dans  vos cœurs 11". [Or, le Soleil, c'est le Christ]... "J'enverrai mon Fils, du Soleil", dit l'Eternel par la voix des traditions prophétiques, et la prophétie étant devenue histoire, les Evangélistes répétèrent à leur tour : "Le Soleil se levant d'en haut nous a Visités 12". [VI 7]

10 Isis Dévoilée, III. 62.

11 II. Epitre, I. 19. Le texte anglais dit : "Jusqu'à ce que l'étoile du jour se lève dans votre cœur", légère altération qui n'a pas d'importance – car Lucifer, c'est le jour aussi bien que l'étoile du "matin" – et cela choque moins les oreilles pieuses. Il y a un certain nombre de telles altérations dans les Bibles Protestantes.

 12 La traduction anglaise change encore le mot "Soleil" en "jour naissant". Les Catholiques Romains sont décidément plus braves et plus sincères que les théologiens protestants. Des Esprits, IV. 34, 38.

13 Ainsi parlaient, aux temps jadis, les Egyptiens et les Sabéens, dont les dieux manifestés, Osiris et Bel, avaient pour symbole le Soleil. Mais ils avaient une divinité supérieure.

 

Or, Dieu dit, par l'entremise de Malachie, que le Soleil se lèvera pour ceux qui craignent son nom. Ce que voulait dire Malachie par "Soleil de Justice", les Cabalistes seuls peuvent le dire, mais ce que les théologiens grecs et même protestants entendaient par ce terme est naturellement le Christ, auquel il serait métaphoriquement fait allusion. Seulement comme la phrase : "J'enverrai mon Fils du Soleil", est empruntée textuellement à un Livre Sibyllin, il devient très difficile de comprendre comment on pourrait l'attribuer à une prophétie ayant trait au Sauveur Chrétien, ou la classer avec de telles prophéties, à moins toutefois d'identifier ce dernier avec Apollon. Virgile aussi dit : "Voici venir le règne de la Vierge et d'Apollon" et, jusqu'à présent, Apollon, ou Appolyon, est  considéré comme une forme de Satan et comme signifiant l'Antéchrist. Si la promesse Sibylline : "Il enverra son Fils du Soleil" se rapporte au Christ, il s'ensuit que le Christ et Apollon ne font qu'un – et dans ce cas pourquoi appeler ce dernier un démon ? – ou bien que la prophétie n'a aucun rapport avec le Sauveur Chrétien et, dans ce cas, pourquoi se l'approprie-t-on ?

Mais de Mirville va plus loin. Il montre saint Denis l'Aréopagite nous affirmant que : Le Soleil est la signification spéciale et  la  statue  de Dieu 13... C'est par la porte Orientale que la gloire du Seigneur pénétra dans les temples [des Juifs et des Chrétiens, cette gloire divine étant la lumière du Soleil]... "Nous construisons nos églises face à l'orient, dit à son tour saint Ambroise, car durant les Mystères nous commençons par renoncer à celui qui est à l'occident."

"Celui qui est à l'Occident", c'est Typhon, le dieu Egyptien des ténèbres – car ils considéraient l'Occident comme la "Porte Typhonique de la Mort". Ayant ainsi emprunté Osiris aux Egyptiens, les Pères de l'Eglise se préoccupèrent fort peu de se servir de son frère Typhon. Puis :

 Le prophète Baruch 14 parle des étoiles qui se réjouissent dans leurs vaisseaux et leurs citadelles (Chap. III) et l'Ecclésiaste applique les mêmes termes au soleil, qui est représenté comme [VI 8] "l'admirable vaisseau du Très- Haut" et la "citadelle du Seigneur" Фυλακη 15.

En tout cas, la chose ne fait point de doute, car l'auteur sacré dit que c'est un Esprit qui gouverne la course du soleil. Ecoutez ce qu'il dit (dans l'Ecclésiaste, I, 5) : "Le Soleil aussi se lève – et son esprit éclairant tout sur sa route circulaire (gyrat gyrans) retourne suivant ses circuits 16" [voyez Douay].

De Mirville semble citer des textes repoussés par les Protestants ou inconnus d'eux, car dans leur Bible il n'existe pas un quarante-troisième chapitre de l'Ecclésiaste 17 ; en outre, ce n'est pas le soleil qui s'y meut "en circuits" mais le vent. C'est une question à régler entre l'Eglise Romaine et l'Eglise Protestante. Ce que nous signalons c'est le puissant élément de Sabéisme ou d'Héliolâtrie qui existe dans le Christianisme.

Un Concile Œcuménique ayant mis, d'autorité, un terme à l'Astrolâtrie Chrétienne en déclarant qu'il n'existait pas d'Ames sidérales dans le soleil, la lune ou les planètes, saint Thomas prit sur lui de trancher la question. Le "docteur angélique" déclara que ces expressions ne voulaient pas dire une "âme", mais simplement une Intelligence, non pas résidant dans le soleil ou les étoiles, mais les assistant ; "une  intelligence  dirigeante  et guidante" 18.

 14 Exilé de la Bible Protestante, mais conservé dans les Apocryphes que d'après l'Article VI de l'Eglise d'Angleterre "elle lit pour en tirer des exemples de vie et des instructions sur les manières d'être" (?), mais non pas pour établir une doctrine.

15 Cornelius a Lapide, V. 248.

16 Ecclésiaste, XLIII. Les citations précédentes sont empruntées au chapitre de de Mirville intitulé : "De la théologie Solaire, Chrétienne et Juive", IV. 35-38.

17 Ce 43ème chapitre est celui de la Sagesse de Sirach de la Septante.

18 L'Eglise a néanmoins conservé les "rites des étoiles" des Initiés Païens dans ses rites les plus sacrés. Dans les Mystères Mithraïques pré-chrétiens, le candidat qui surmontait avec succès les "douze Tortures" qui précédaient l'Initiation finale, recevait un petit gâteau rond, ou biscuit, fait de pain sans levain, symbolisant, dans une de ses significations, le disque solaire et reconnu comme étant la manne (pain céleste)... Un agneau, ou même un taureau, était égorgé et le candidat devait être aspergé avec son sang, comme dans le cas de l'initiation de l'Empereur Julien. Les sept règles ou mystères qui sont représentées dans l'Apocalypse (Ch. 6) sous la forme de sept sceaux qui sont brisés successivement, étaient alors remis au nouvellement né.

19 Cf. Stromates, Livre V, chap. VI, p. 241.

20 S. T. Coleridge dit avec raison : "Instinctivement, la raison a toujours indiqué aux hommes le but final des diverses sciences..." Il est hors de doute qu'une astrologie d'un genre quelconque constituera la dernière conquête de l'astronomie ; il doit exister des rapports chimiques entre les planètes... : la différence qui existe entre leurs tailles, comparée à celle qui existe entre leurs distances, ne saurait s'expliquer autrement. Nous pouvons ajouter : entre les planètes et notre terre, avec son humanité.

 

Là-dessus, l'auteur, réconforté par l'explication, cite Clément d'Alexandrie et rappelle au lecteur l'opinion de ce philosophe, le rapport qui existe "entre les sept branches du chandelier – les sept étoiles de l'Apocalypse" et le soleil :

Les   six   branches   fixées   au   chandelier   central,   dit Clément, ont des lampes, mais le soleil, placé au milieu des errants (πλκνητω̃ν) déverse ses rayons sur eux tous ; ce chandelier d'or cache encore un autre mystère ; c'est le signe du Christ, non seulement par la forme, mais parce qu'il  répand  sa  lumière  [VI 9]  par  l'entremise  des  sept esprits primitivement créés et qui sont les Sept Yeux du Seigneur 19.

En conséquence, plaide de Mirville, les principales planètes sont, pour les sept esprits primordiaux, suivant saint Clément, ce que le chandelier- soleil est pour le Christ Lui-même, savoir – leurs vaisseaux,  leurs Φυλαχαὶ.

C'est assez clair assurément, bien que l'on ne parvienne pas à voir en quoi cette explication aide à éclairer la situation. Le chandelier à sept branches des Israélites, de même que les "errants" des Grecs, avaient une signification bien plus naturelle et surtout un sens purement astrologique. En fait, depuis les Mages et les Chaldéens jusqu'aux Zadkiels dont on se moque tant, tous les ouvrages astrologiques diront à leurs lecteurs que le Soleil placé au milieu des planètes, avec Saturne, Jupiter et Mars d'un côté et Vénus, Mercure et la Lune de l'autre – la ligne des planètes traversant toute la Terre – a toujours signifié ce que nous dit Hermès, c'est-à-dire le fil de la destinée, ou ce dont l'action (l'influence) est appelée la destinée 20. Mais, en fait de symbole, nous préférons le Soleil à un chandelier. On peut comprendre comment ce dernier en vint à représenter le soleil et les planètes, mais personne ne saurait admirer le choix du symbole. Il y a de la poésie et de la grandeur dans le soleil, lorsqu'on en fait le symbole de "l'Œil d'Ormuzd", ou d'Osiris et qu'on le considère comme le Vâhan (véhicule) de la Divinité la plus haute. Mais on n'arrivera jamais à comprendre qu'une gloire spéciale puisse être attribuée au Christ en lui affectant la partie centrale d'un chandelier 21 dans une synagogue juive, en guise de siège d'honneur mystique.

Il y a donc positivement deux soleils ; un soleil qui est adoré et un soleil qui adore. L'Apocalypse le prouve.

On découvre le Verbe au chapitre VII, dans l'ange qui s'élève au lever du Soleil, portant le sceau du Dieu vivant... Tandis que des commentateurs diffèrent d'avis au sujet de la personnalité de cet ange, saint Ambroise et beaucoup d'autres théologiens [VI 10] voient en lui le Christ lui-même... Il est le Soleil qui est adoré. Mais au chapitre XIX, nous trouvons un ange qui se tient dans le Soleil, invitant toutes les nations à s'assembler pour le grand souper de l'Agneau. Cette fois, il s'agit, littéralement et simplement, de l'Ange du Soleil  – que l'on ne peut confondre avec le "Verbe", puisque le prophète le distingue du Verbe, Roi des Rois et Seigneur des Seigneurs... Il semble que l'ange qui se trouve  dans le Soleil soit un ange qui adore. Quel peut  être  ce dernier ? Que pourrait-il être si ce n'est l'Etoile du Matin, l'ange gardien du Verbe, son férouer ou ange de la face, de même que le Verbe est l'Ange de la Face (présence) de son Père, son principal attribut, sa principale force, comme l'implique son nom même (Michel), le puissant recteur glorifié par l'Eglise, le Rector potens qui vaincra l'Anté-christ, le Vice-Verbe en un mot qui représente son maître et semble ne faire qu'un avec lui 22.

Oui, Michel est le prétendu vainqueur d'Ormuzd, d'Osiris, d'Apollon, de Krishna, de Mithra, etc., bref de tous les Dieux Solaires connus et inconnus, que l'on traite aujourd'hui de démons, de "Satan". Néanmoins le "Vainqueur" n'a pas dédaigné de revêtir les dépouilles des ennemis vaincus – leurs personnalités, leurs attributs et même leurs noms – pour devenir l'alter ego de ces démons.

21 "Le Christ est donc représenté, dit l'auteur (p. 40), par la partie centrale du chandelier."

22 De Mirville, IV. 41, 42.

 

Ainsi le Dieu Soleil est ici Honover ou l'Eternel. Le prince en est Ormuzd, puisqu'il est le premier des sept Amschaspends [les copies diaboliques des sept anges originels] (caput angelorum) ; l'agneau (hamal), le Berger du Zodiaque et l'antagoniste du serpent. Mais le Soleil (l'Œil d'Ormuzd) a aussi son recteur, Korshid ou le mitraton, qui est le férouer de la face d'Ormuzd, son Ized, ou étoile du matin. Les Mazdéens avaient un triple Soleil... Pour nous, ce Korshid-Mitraton est le premier des génies psychopompes et le guide du soleil, l'immolateur du Taureau [ou agneau], terrestre, dont les blessures sont léchées par le serpent [sur le fameux monument mithraïque] 23.

23 De Mirville, IV. 42.

 

Saint Paul, en parlant de ceux qui gouvernent ce monde, les Cosmocratores, n'a fait que répéter ce qui avait été dit par tous les philosophes primitifs des dix siècles qui précédèrent l'ère chrétienne, seulement il fut à peine compris et ses paroles furent souvent volontairement mal interprétées. Damascius répète les enseignements des auteurs païens, lorsqu'il explique [VI 11]

Qu'il y a sept séries de cosmocratores ou de forces cosmiques, qui sont doubles : les plus élevées chargées de soutenir et de gouverner le monde supérieur ; les moins élevées chargées d'en faire autant pour le monde inférieur [le nôtre].

Il ne dit pourtant que ce que les anciens enseignaient. Jamblique mentionne ce dogme de la dualité de toutes les planètes et corps célestes, des dieux et des daïmons (esprits). Lui aussi divise les Archontes en deux classes – la plus spirituelle et la moins spirituelle ; cette dernière plus rattachée à la matière, plus enveloppée par elle, comme possédant une forme, tandis que les membres de la première sont sans corps (aroûpa). Mais qu'ont donc à faire avec ceci Satan et les anges ? Simplement, peut- être, afin de pouvoir expliquer l'identité du dogme Zoroastrien et du dogme Chrétien, ainsi que de Mithra, Ormuzd et Ahriman, avec le Père, le Fils et le Démon du Christianisme. Et en parlant de "dogme Zoroastrien" nous entendons par là l'enseignement exotérique. Comment expliquer que les mêmes rapports existent entre Mithra et Ormuzd et entre  l'Archange Michel et le Christ ?

Ahura Mazda dit au saint Zaratoushta : "Lorsque j'ai créé [émané] Mithra... Je l'ai créé pour qu'il fût invoqué et adoré autant que moi."

Dans l'intérêt de réformes nécessaires, les Zoroastriens Aryens transformèrent les Dévas, les brillants Dieux des Indes, en devs ou démons. Leur Karma voulut que les Chrétiens, à leur tour, vinssent venger les Hindous sur ce point. Or Ormuzd et Mithra sont devenus les devs du Christ et de Michel, la doublure et l'aspect sombres du Sauveur et de l'Ange. L'heure du Karma de la théologie chrétienne sonnera à son tour. Déjà les Protestants ont commencé le premier chapitre de la religion qui cherchera à transformer les "Sept Esprits" et la légion, des Catholiques Romains, en démons et en idoles. Chaque religion a son Karma comme l'a chaque individu. Ce qui est dû aux conceptions humaines et qui se fonde sur l'abaissement de ceux de nos frères qui ne sont pas de notre avis, doit avoir son temps. "Il n'y a pas de religion plus haute que la Vérité."

Les Zoroastriens, les Mazdéens et les Perses ont emprunté à l'Inde leurs conceptions ; les Juifs ont emprunté à la Perse leur théorie des anges ; les Chrétiens ont emprunté aux Juifs.

De là vient la dernière interprétation de la théologie Chrétienne – au grand déplaisir de la Synagogue forcée de partager le chandelier symbolique avec l'ennemi héréditaire – interprétation d'après laquelle le chandelier à sept branches [VI 12] représente les sept Eglises d'Asie et les sept planètes qui sont les anges de ces Eglises. De là découle aussi la conviction que les Juifs Mosaïques, inventeurs de ce symbole pour leur tabernacle, étaient une sorte de Sabéens, qui mêlèrent ensemble leurs planètes et les esprits de celles-ci et les appelèrent – mais bien plus tard – Jéhovah. En ceci nous avons le témoignage de Clément d'Alexandrie, de saint Jérôme et d'autres.

 Et Clément en qualité d'Initié aux Mystères – dans lesquels le secret du système héliocentrique était enseigné plusieurs milliers d'années avant Galilée et Copernic – le prouve en expliquant que Par ces divers symboles, liés aux phénomènes (sidéraux) la totalité de toutes les créatures qui relient le ciel à la terre est figurée... Le chandelier représente  le mouvement des sept luminaires et décrit leur révolution astrale. A droite et à gauche du candélabre, étaient projetées les six branches dont chacune avait sa lampe, parce que le Soleil, placé comme un candélabre  au milieu des autres planètes, leur distribue la lumière 24... Quant aux chérubins, qui ont douze ailes entre les deux, ils nous représentent le monde sensible dans les douze signes du zodiaque 25.

Et pourtant, en présence de toutes ces preuves, le soleil, la lune, les planètes, nous sont tous représentés comme diaboliques avant l'apparition du Christ et comme divins seulement après. Tout le monde connaît ce vers Orphique : "C'est Zeus, c'est Adas, c'est le Soleil, c'est  Bacchus" ; ces noms ayant été tous synonymes pour les poètes et les auteurs classiques. Ainsi, pour Démocrite, "la Divinité n'est qu'une âme dans un feu orbiculaire" et ce feu, c'est le Fils. Pour Jamblique, le Soleil était "l'image de l'intelligence divine" ; pour Platon, "un Etre vivant immortel". De là l'oracle de Claros, auquel on demandait de dire qui était le Jéhovah des Juifs et qui répondit : "C'est le Soleil". Nous pouvons ajouter ces mots du Psaume XIX 4 :

Dans le Soleil il plaça un tabernacle pour lui-même 26... sa sortie se fait en partant d'une extrémité du ciel et sa course s'achève à l'autre extrémité, et rien ne se dérobe à sa chaleur. [VI 13]

24 En dépit de ceci, écrit durant la toute première période chrétienne par le Néo-platonicien renégat, l'Eglise persiste jusqu'à présent dans son erreur volontaire. Impuissante contre Galilée, elle cherche maintenant à mettre en doute jusqu'au système héliocentrique !

25 Stromates, V, VI.

26 On lit dans la Bible anglaise : "En eux (les Cieux) il a établi un tabernacle pour le soleil", ce qui est incorrect et n'a pas de sens, en raison du verset qui suit car il y a des choses "dérobées à sa chaleur", si le dernier mot doit s'appliquer au Soleil.

 

 Jéhovah est donc le Soleil et, par suite, le Christ de l'Eglise Romaine l'est aussi. On comprend maintenant la critique à laquelle se livre Dupuis à propos de ce verset, comme aussi le désespoir de l'abbé Foucher. "Rien, s'écrie-t-il, n'est plus favorable au Sabéisme que ce texte de la Vulgate !" Et si défigurés que puissent être les mots et le sens, dans la Bibleanglaise autorisée, la Vulgate et la Version des Septante donne toutes deux le texte original correct et le traduisent par : "Dans le soleil, il établit sa résidence", mais la Vulgate considère la "chaleur" comme provenant directement de Dieu et non du soleil seul, puisque c'est Dieu qui jaillit du soleil, qui y habite et qui accomplit le parcours circulaire : in sole posuit... et ipse exultavit. On constatera par là que les Protestants avaient raison en accusant saint Justin d'avoir dit :

Dieu nous a permis d'adorer le Soleil.

Et ceci en dépit des excuses boiteuses d'après lesquelles il aurait voulu dire, réellement, que :

Dieu a permis qu'on l'adorât en, ou dans le Soleil. ce qui revient au même.

On constatera par ce qui précède, que tandis que les Païens ne localisaient dans le soleil et les planètes que les puissances inférieures de la Nature, les Esprits représentants, pour ainsi dire, d'Apollon, Bacchus, Osiris et autres dieux solaires, les Chrétiens, dans leur haine de la Philosophie, approprient les localités sidérales et les limitent aujourd'hui à l'usage de leur divinité anthropomorphe et de ses anges – nouvelles transformations des très anciens dieux. Il fallait faire quelque chose pour se débarrasser des anciens locataires et on les ravala au rang de "démons", de méchants diables.

[Cette Section contient la majeure portion de la première partie de la Section V du manuscrit de 1886. Note de l'Editeur.]