SECTION XXXVI
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CULTE SIDERAL PAÏEN OU ASTROLOGIE
Un des Téraphim du père d'Abraham, Térah, le "faiseur d'images" et les Dieux Kabires, se rattachent directement à l'antique culte Sabéen, ou Astrolâtrie. Kyun, ou le Dieu Kyvan, adoré par les Juifs dans le désert, n'est autre que Saturne et Shiva, appelé plus tard Jéhovah. L'astrologie existait avant l'astronomie et le titre d'Astronomus était porté par le plus élevé des hiérophantes en Egypte 27. Un des noms du Jéhovah juif "Sabaoth", ou le "Seigneur des Légions" (tsabaoth), appartient aux Chaldéens Sabéens ou (Tsabéens) et a pour racine le mot tsab, signifiant un "chariot", un "vaisseau" et "une armée", de sorte que Sabaoth veut littéralement dire l'armée du vaisseau, l'équipage, ou la légion navale ; le ciel étant métaphoriquement mentionné dans la doctrine comme "l'océan supérieur".
Dans son intéressant ouvrage, The God of Moses 28, Lacour explique ainsi tous ces différents termes :
Les armées célestes, ou légions du ciel, signifient non seulement la totalité des constellations célestes, mais aussi les Aléim dont elles dépendent : les aléitzbaout sont les forces ou âmes des constellations, les puissances qui maintiennent et guident les planètes dans cet ordre et dans ce cortège... le Jaé-va-Tzbaout signifie Lui, le chef suprême de ces corps célestes.
27 Lorsque le hiérophante obtenait son dernier grade, Il sortait de la retraite sacrée appelée Mannéras et recevait le Tau d'or, la Croix Egyptienne, qui était ultérieurement placée sur sa poitrine et enterrée avec lui.
28 Le Dieu de Moïse (N.d.T.).
Dans sa collectivité, en sa qualité de principal "Ordre d'Esprits" et non pas comme l'Esprit en chef.
Les Sabéens n'ayant adoré dans les images gravées que les légions célestes, les anges et les dieux auxquels les planètes servaient de demeure, n'ont, en réalité, jamais adoré les étoiles. Platon nous apprend en effet que, parmi les étoiles et les constellations, les planètes seules avaient droit au titre [VI 15] de theoi (Dieux) car ce nom dérivait du verbe θεϊν, courir ou circuler. Seldenus nous dit aussi qu'on les appelait également :
θεοί βουλαιοί (Dieux Conseillers) ραβδοφόροι (licteurs), attendu qu'elles (les planètes) assistaient an consistoire du Soleil, solis consistoris adstantes.
Le savant Kircher dit :
Les sceptres dont étaient armés les sept anges qui présidaient, fournissent l'explication de ces noms de Rhabdophores et de licteurs qu'on leur donnait.
Cela, réduit à sa plus simple expression et à son sens populaire, constitue bien entendu un culte de fétiches. Pourtant l'Astrolâtrie Esotérique n'était pas du tout le culte d'idoles, puisque, sous les noms de "Conseillers" et de "Licteurs", assistant au "consistoire du Soleil", on ne désignait pas les planètes dans leurs corps matériels, mais leurs Régents ou "Ames" (Esprits). Si la prière "Notre Père qui êtes aux Cieux" ou "Saint – un tel – qui êtes au Ciel" ne constitue pas une invocation idolâtre, il s'ensuit que "Notre Père qui êtes en Mercure", ou "Notre Dame qui êtes en Vénus", "Reine des Cieux", etc., ne l'est pas davantage, car c'est absolument la même chose, le nom ne changeant rien au fait. Le mot "aux Cieux" employé dans les prières chrétiennes, ne peut signifier rien d'abstrait. Une demeure – que ce soit celle de Dieu d'Anges ou de Saints (tous étant des individualités et des êtres anthropomorphes) – doit nécessairement indiquer une localité, un point déterminé de ces "cieux" ; par conséquent, il importe fort peu, au point de vue du culte, que l'endroit soit considéré comme le "ciel" en général, c'est-à-dire nulle part en particulier, ou connue étant situé dans le Soleil, la Lune ou Jupiter.
C'est employer un argument futile que de déclarer qu'il y avait :
Deux divinités et deux hiérarchies distinctes on tsabas dans le ciel, pour le monde antique et pour notre époque moderne..., l'une, le Dieu vivant et sa légion et l'autre Satan, Lucifer avec ses conseillers et ses licteurs, ou les anges déchus.
Nos adversaires prétendent que c'est ce dernier que Platon et toute l'antiquité adoraient et que les deux tiers de l'humanité adorent jusqu'à présent. "Toute la question est de savoir comment distinguer les deux entre eux". [VI 16]
Les Chrétiens Protestants n'arrivent pas à découvrir une mention des anges dans le Pentateuque, nous pouvons donc les laisser de côté. Les Catholiques Romains et les Cabalistes découvrent cette mention ; les premiers parce qu'ils ont accepté l'angélologie juive, sans se douter que les "Légions tsabéennes" étaient des colons et des résidents venus de chez les Gentils sur le territoire de la Judée ; les seconds parce qu'ils acceptaient l'ensemble de La Doctrine Secrète, dont ils conservaient le noyau pour eux en en laissant l'écorce aux étourdis.
Cornelius a Lapide signale et établit la signification du mot tsaba dans le premier verset du Chapitre II de la Genèseet il le fait correctement, guidé, comme il le fut probablement, par de savants Cabalistes. Les Protestants ont certainement tort dans leur contestation, car les anges sont mentionnés dans le Pentateuque sous le mot tsaba, qui veut dire "légions" d'anges. Dans la Vulgate, le mot est traduit par ornatus, qui signifie "l'armée sidérale" et aussi l'ornement du firmament – cabalistiquement. Les érudits bibliques de l'Eglise Protestante et les savants matérialistes, qui n'arrivèrent pas à découvrir les "anges" mentionnés par Moïse, ont donc commis une sérieuse erreur. Le verset dit, en effet :
Ainsi furent terminés le ciel et la terre et toute leur légion, le mot "légion" signifiant "l'armée des étoiles et des anges" et il semble que les deux derniers mots soient des termes interchangeables dans la phraséologie de l'Eglise. A Lapide est cité comme une autorité à ce sujet : il dit que Tsaba ne veut pas dire l'un ou l'autre, mais "l'un et l'autre", ou, à la fois, siderum ac angelorum.
Si les Catholiques Romains ont raison sur ce point, il en est de même des Occultistes lorsqu'ils déclarent que les anges auxquels l'Eglise de Rome voue un culte ne sont autre que leurs "Sept Planètes", les Dhyân Chohans de la Philosophie Esotérique Bouddhiste, ou les Koumâras, "les fils-nés-du-mental de Brahma", connus sous le nom patronymique de Vaidhâtra. L'identité entre les Koumâras, les Constructeurs ou Dhyân Chohans cosmiques et les Sept Anges des Etoiles, sera constatée, sans la moindre différence, si l'on étudie leurs biographies respectives et, surtout, les caractéristiques de leurs chefs, Sanat-Koumâra (Sanat-Soujâta) et Michel Archange. Avec les Kabirim (Planètes), nom qu'on leur donnait en Chaldée, ils étaient tous des "Puissances [VI 17] divines" (Forces). Fuérot dit que le nom de Kabiri était employé pour désigner les sept fils de קייצ voulant dire Pater Sadie, Caïn ou Jupiter, ou encore pour désigner Jéhovah. Il y a sept Koumâras – quatre exotériques et trois secrets – et les noms de ces derniers se trouvent dans le Sânkya Bhâshya, par Gaudapâdâchârya 29. Ce sont tous des "Dieux Vierges", qui demeurent éternellement purs et innocents et se refusent à procréer. Sous leur aspect primitif, ces Sept "fils" de Dieu, Aryens "nés du mental", ne sont pas les régents des planètes, mais résident bien au-delà de la région planétaire. Mais le même mystérieux transfert d'un rôle à un autre, ou d'une dignité à une autre, se retrouve dans le système Chrétien des Anges. Les "Sept Esprits de la Présence" servent perpétuellement Dieu et pourtant nous les retrouvons, sous les noms de Michel, Gabriel, Raphaël, etc., comme "Régents d'Etoiles" ou comme les divinités qui animent les sept planètes. Il suffit de dire que l'Archange Michel est appelé "l'invincible combattant vierge" parce qu'il "refusa de créer 30", ce qui le rattache en même temps à Sanat Soujâta et au Koumâra qui est le Dieu de la Guerre.
Ce qui précède a besoin d'être démontré à l'aide de quelques citations. Commentant les "Sept Chandeliers d'Or" de saint Jean, Cornelius a Lapide dit :
Les sept lumières se rapportent aux sept branches du chandelier, par lesquelles étaient représentées les sept [principales] planètes, dans les temples de Moïse et de Salomon... ou, mieux encore, se rapportent aux sept principaux Esprits, chargés de veiller au salut des hommes et des églises.
Saint Jérôme s'exprime ainsi :
En vérité, le chandelier aux sept branches était le type du monde et de ses planètes.
Saint Thomas d'Aquin, le grand docteur catholique Romain, écrit :
Je ne me souviens pas d'avoir jamais rencontré, dans les ouvrages des saints ou des philosophes, la négation du fait que les planètes sont guidées par des êtres spirituels... Il me semble que l'on peut démontrer que les corps célestes sont dirigés par [VI 18] une intelligence ; soit directement par Dieu, soit par l'entremise des anges. Cependant, cette dernière opinion me semble cadrer infiniment mieux avec l'affirmation que saint Denis dit être sans exception, que toutes choses sur terre sont gouvernées par Dieu, au moyen d'intermédiaires 31.
29 Les trois noms secrets sont : "Sana, Sanat-Soujàta et Kapila", tandis que les quatre Dieux exotériques sont appelés : Sanat-Koumâra, Sananda, Sanaka, et Sanâtana.
30 Un autre Koumâra, le "Dieu de la Guerre", est appelé, dans le système hindou, "l'éternel célibataire" – "le guerrier vierge". C'est le Saint Michel Aryen.
31 Nous donnons l'original : "Cœlestia corpora moveri a spirituali creatura, a nemine Sanctorum vel philosophorum, negatum, legisse memini. (Opusc. X, art. III)... Mihi autem videtur, quod Demonstrative probari posset, quod ab aliquo intellectu corpora cœlestia moveantur, vel a Deo immediate, vel a mediantibus angelis. Sed quod mediantibus angelis ea moveat, congruit reum ordine, quem Dyonisius infaillibilem asserit, ut inferiora a Deo per Media secundum cursum communem administrentur" (Opusc., II, art. II), et s'il en est ainsi et si Dieu ne se mêle jamais des lois de la Nature, établies une fois pour toutes, les abandonnant à ses administrateurs, pourquoi estimerait-on idolâtre le fait que les "païens" les appelaient des Dieux ?
Que le lecteur se remémore maintenant ce que les Païens disaient de cela. Tous les auteurs classiques et les philosophes qui ont traité cette question, répètent avec Hermès Trismégiste que les sept Recteurs – les planètes, y compris le Soleil – étaient les associés ou les collaborateurs du Tout Inconnu, représenté par le Démiurge chargé de contenir le Cosmos – notre monde planétaire – à l'intérieur de sept cercles. Plutarque les montre comme représentant "le cercle des mondes célestes". Enfin Denys de Thrace et le savant Clément d'Alexandrie décrivent tous deux les Recteurs comme représentés, dans les temples égyptiens, sous la forme de roues mystérieuses, ou de sphères, toujours en mouvement, ce qui faisait affirmer aux Initiés que le problème du mouvement perpétuel avait été résolu par les roues célestes, dans les Sanctuaires de l'Initiation 32. Cette doctrine d'Hermès était, avant lui, celle de Pythagore et d'Orphée. Proclus l'appelle [VI 19] la doctrine "donnée par Dieu". Jamblique en parle avec le plus grand respect. Philostrate dit à ses lecteurs que toute la cour sidérale du ciel babylonien était représentée dans les temples, (…) par des globes de saphir portant, en or, les images de leurs dieux respectifs.
Les temples de la Perse étaient surtout fameux pour ces représentations. Si nous en croyons Cedrenus L'Empereur Héraclius, lors de son entrée dans la ville de Bazaeum, fut frappé d'admiration par l'immense construction élevée pour le Roi Chosroës et qui représentait le firmament nocturne avec les planètes et toutes leurs révolutions, ainsi que les anges qui les présidaient 33.
32 Dans un des ouvrages de des Mousseaux sur la Démonologie (Œuvres des Démons, si nous ne nous trompons pas sur l'affirmation de l'Abbé Huc) on retrouve le récit suivant que l'auteur certifie avoir entendu à maintes reprises de la bouche même de l'abbé. Dans une lamaserie du Tibet, le missionnaire découvrit ce qui suit :
C'est une simple toile, à laquelle n'était pas adapté, le moindre appareil mécanique, ainsi que le visiteur peut s'en assurer en l'examinant à loisir. Elle représente un paysage éclairé, par la lune, mais la lune n'est pas du tout immobile et morte ; bien au contraire, car, suivant l'abbé, on aurait cru que notre lune elle-même, on dit moins son double vivant, éclairait le tableau. Chaque phase, chaque aspect, chaque mouvement de notre satellite, était produit dans son fac-similé, dans les mouvements et les progrès de la lune sur le tableau sacré. "Vous voyez, dans le tableau, cette planète monter sous forme de croissant, ou, dans son plein, briller avec éclat, passer derrière les nuages, se montrer ou se coucher, d'une façon correspondant de la manière la plus extraordinaire avec le véritable astre. C'est, en un mot, une reproduction parfaite et resplendissante de la pâle reine des nuits, à laquelle tant de gens payaient fin tribut d'adoration aux temps jadis". Nous tenons de sources des plus sûres et de nombreux témoins oculaires, que des "machines de ce genre – non pas des peintures sur toile – existent dans certains temples du Tibet, ainsi que des "roues sidérales" représentant les planètes et que l'on conserve dans le même but – astrologique et magique. Le récit de Hue, tiré du volume de des Mousseaux, a été reproduit dans Isis Dévoilée (I. p. 441).
33 Cedrenus, [La Byzantine] p. 338. Quelles fussent roues par un mouvement d'horlogerie ou par une, force magique, de telles machines – des sphères célestes complètes avec les planètes en mouvement – se rencontraient dans les Sanctuaires et il en existe jusqu'à présent au Jupon, dans un temple souterrain secret des anciens Mikados, ainsi que dans deux autres endroits.
C'est sur des "sphères" de ce genre que Pythagore étudia l'Astronomie dans les adyta arcana des temples dans lesquels il avait accès. Et c'est là, qu'au moment de l'Initiation, l'éternel mouvement de rotation de ces sphères – "les roues mystérieuses", comme elles sont appelées par Clément et Denys, tandis que Plutarque les appelle des "mondes-roues" – lui démontra le bien-fondé de ce qui lui avait été divulgué, c'est-à-dire du système héliocentrique, le grand secret des Sanctuaires. Toutes les découvertes de l'astronomie moderne, de même que tous les secrets qui pourront lui être révélés dans l'avenir, étaient renfermés dans les observatoires secrets et dans les Salles d'Initiation des temples des Indes et de l'Egypte antique. C'est dans ces temples que le Chaldéen se livra à ses calculs, ne révélant au monde profane que juste ce qu'il était apte à recevoir.
On pourrait nous dire et on nous dira sans doute qu'Uranus était inconnu des anciens et qu'ils étaient obligés de compter le Soleil parmi les planètes et d'en faire le chef. Qu'en sait-on ? Uranus est un nom moderne, mais une chose est certaine, c'est que les anciens avaient une planète, "une planète de mystère", dont ils ne prononçaient jamais le nom et avec laquelle le plus haut Astronome, le Hiérophante, [VI 20] pouvait seul "causer familièrement". Mais cette septième planète n'était pas le soleil, mais bien le Divin Hiérophante caché, que l'on représentait comme ayant une couronne et comme embrassant dans sa roue "soixante-dix-sept roues plus petites". Dans le système secret archaïque des Hindous, le soleil est le Logos visible "Soûrya" ; au-dessus de lui il y en a un autre, l'Homme divin ou céleste – qui, après avoir établi le système du monde de la matière sur l'archétype de l'Univers Invisible, ou Macrocosme, dirigeait, pendant les Mystères, la céleste Râsa Mandala, alors qu'on en parlait comme :
donnant, avec son pied droit à Tyam on Bhoûmi [la Terre], l'impulsion qui lui fait accomplir une double révolution.
Que dit encore Hermès ? Lorsqu'il explique la Cosmologie Egyptienne, il s'écrie :
Ecoute, ô mon fils... le Pouvoir a aussi formé sept agents qui renferment dans leurs cercles le monde matériel et dont l'action est appelée destinée... Quand tout fut soumis à l'homme, les Sept, désireux de favoriser l'intelligence humaine, lui communiquèrent leurs pouvoirs. Mais dès que l'homme connut leur véritable essence et sa propre nature, il désira pénétrer dans les cercles et au-delà, et briser ainsi leur circonférence, en usurpant le pouvoir de celui qui domine le Feu [Soleil] lui-même ; après quoi, ayant dérobé une des Roues du Soleil du feu sacré, il tomba en esclavage 34.
Ce n'est pas de Prométhée qu'il est ici question. Prométhée est un symbole et une personnification de toute l'humanité, par rapport à un événement qui se produisit durant son enfance, pour ainsi dire – le "Baptême par le Feu" – et qui est un mystère au milieu du grand Mystère Prométhéen, que l'on ne peut à présent mentionner que dans ses grandes lignes. En raison de l'extraordinaire développement de l'intellect humain et du développement, à notre époque, du cinquième principe (Manas) en l'homme, ses rapides progrès ont paralysé les perceptions spirituelles. C'est aux dépens de la sagesse que vit généralement l'intellect et, dans son état actuel, l'humanité n'est nullement préparée à comprendre le terrible drame de la désobéissance humaine aux lois de la Nature et la Chute qui en résulte. On ne peut qu'y faire allusion, à sa place.
34 Egypte Moderne, de Champollion, p. 42.