PREMIÈRE PARTIE

SCIENCE

"L'INFAILLIBILITE" DE LA SCIENCE MODERNE

 

[57]

 

 

CHAPITRE PREMIER

DE VIEILLES CHOSES SOUS DES NOMS NOUVEAUX

 

"Ego sum qui sum".

 Axiome de Philosophie Hermétique.

Nous avons commencé notre recherche au point où la conjecture moderne replie ses ailes infidèles. Et, pour nous, nous avions les éléments communs de science que les sages d'aujourd'hui méprisent  comme d'extravagantes chimères, ou dont ils désespèrent d'explorer les mystères insondables.

 BULWER-LYTTON, Zanoni.

 

Il existe quelque part, dans ce vaste univers, un vieux Livre – un livre tellement vieux que nos modernes antiquaires pourraient examiner ses pages un temps infini et cependant ne pas s'accorder tout à fait quant à la nature du support sur lequel il est écrit. C'est le seul exemplaire original existant actuellement. Le plus ancien document hébreu sur la science occulte – le Siphra Dzeniouta – a été compilé d'après ce livre et ce fut à une époque où on le considérait déjà comme une relique littéraire. Une de ses illustrations représente la Divine Essence émanant d'Adam 52 comme un arc lumineux en train de former un cercle. Après avoir atteint le plus haut point de la circonférence, la Gloire ineffable se courbe pour revenir vers la terre et amène dans son tourbillon un type supérieur d'humanité. Plus elle approche de notre planète plus l'Emanation devient ombreuse, si bien qu'en touchant le sol, elle est aussi noire que la nuit.

 52 Adam est ici employé dans le sens du mot grec Anthropos

 

D'après les philosophes hermétistes de tous les temps (et leur conviction serait basée sur une expérience de soixante-dix mille ans) 53, la matière, en raison du péché, devient, au cours des temps, plus grossière et plus dense que lors de la formation de l'homme ; au commencement, le corps humain était d'une [58] nature semi-éthérée et, avant la chute, l'homme communiquait librement avec les univers maintenant invisibles. Mais, depuis, la matière est devenue la formidable barrière entre nous et le monde des esprits. Les plus vieilles traditions ésotériques enseignent aussi qu'avant l'Adam mystique, de nombreuses races d'êtres humains ont vécu et sont mortes, chacune faisant place à une autre. Ces types antérieurs étaient-ils plus parfaits ? L'un d'eux appartenait-il à cette race ailée d'hommes mentionnée par Platon dans Le Phèdre ? La solution de ce problème est du domaine de la science. Les cavernes de France et les reliques de l'âge de pierre fournissent un point de départ.

53 Les traditions des Cabalistes orientaux prétendent que leur science est plus ancienne encore. Les savants modernes peuvent en douter et rejeter cette prétention. Mais ils ne peuvent point démontrer qu'elle est fausse.

 

En cours de cycle, les yeux de l'homme s'ouvrirent de plus en plus jusqu'au moment où il vint à connaître "le bien et le mal" autant que les Elohim eux-mêmes. Ayant atteint son apogée, le cycle commença sa courbe descendante. Lorsque l'arc atteignit un certain point qui le plaçait parallèlement à la ligne fixe de notre plan terrestre, l'homme fut pourvu par la nature "de vêtements de peau" et le Seigneur Dieu "les revêtit".

Cette croyance à la préexistence d'une race beaucoup plus spirituelle que celle à laquelle nous appartenons maintenant, peut être suivie en remontant les traditions les plus anciennes de presque chaque peuple. Dans l'ancien manuscrit Quiché, publié par Brasseur de Bourbourg – le Popol Vuh – les premiers hommes sont désignés comme appartenant à une race douée de la raison et de la parole, dont la vue était illimitée, connaissant, d'emblée, toutes choses. D'après Philon le Juif, l'air est rempli d'une multitude d'esprits, dont certains sont affranchis du mal et immortels, d'autres pernicieux et mortels. "Nous descendons des enfants d'EL et nous devons redevenir les enfants d'EL". La déclaration du gnostique anonyme qui a écrit l'Evangile selon saint Jean est claire : "A tous ceux qui L'ont reçu, c'est-à-dire à tous ceux qui pratiquent la doctrine ésotérique de Jésus, Il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu." Cette déclaration désigne  la  même  croyance.  "Ne savez-vous point que vous êtes des Dieux ?"s'écrie le Maître. Platon décrit admirablement dans Le Phèdre, l'état antérieur de l'homme et ce qu'il redeviendra : avant et après la "perte de ses ailes "" quand "il vivait parmi les dieux et qu'il était lui-même un dieu dans le monde aérien". Depuis les temps les plus reculés, les philosophies religieuses ont envisagé que l'Univers entier était rempli d'êtres divins et spirituels de diverses races. De l'une d'elles, dans le cours des âges, sortit Adam, l'homme primitif.

Les Kalmoucks et quelques tribus de Sibérie décrivent aussi dans leurs légendes des créations antérieures à notre race présente. Ces êtres, disent- ils, étaient doués de connaissances presque [59] sans limites et, dans leur audace, ils allèrent jusqu'à la menace de se révolter contre le grand Esprit, leur chef. Pour les punir de leur présomption et les humilier, il les enferma dans des corps et, de cette façon, enferma leurs sens. Ils ne peuvent s'évader que par un long repentir, la purification et le développement. Suivant eux, leurs Shamans jouissent, à l'occasion, des pouvoirs divins possédés autrefois par tous les êtres humains.

 La Bibliothèque Astor, de New-York, s'est récemment enrichie du fac- similé d'un Traité Egyptien de médecine écrit au XVIème siècle avant Jésus-Christ (ou, plus précisément, en 1552), ce qui, selon la chronologie communément adoptée, est l'époque où Moïse avait juste 21 ans. L'original est  écrit  sur  l'écorce  intérieure  d'un  Cyperus  papyrus  et  le  professeur

Schenk, de Leipzig, l'a déclaré non seulement authentique mais encore le plus parfait qu'on ait jamais vu. Il consiste en une simple feuille de papyrus jaune foncé, de la plus belle qualité, 30 centimètres de large sur plus de 20 mètres de long et formant un rouleau divisé en 110 pages, toutes soigneusement numérotées. Il a été acheté en Egypte en 1872-1873 par l'archéologue Ebers "d'un riche arabe de Luxor". La New-York Tribune, commentant ce fait, s'exprime ainsi : "ce papyrus porte en lui-même la preuve qu'il est un des six Livres Hermétiques sur la Médecine mentionnés par Clément d'Alexandrie."

L'éditeur dit en outre : "Au temps de Jamblique, en 363 après J.-C., les prêtres Egyptiens montraient quarante-deux livres qu'ils attribuaient à Hermès (Thuti). Parmi ces livres, au dire de cet auteur, trente-six contenaient l'histoire de toutes les connaissances humaines : les six derniers traitaient de l'anatomie, de la pathologie, des affections des yeux, des instruments de chirurgie, et des médicaments 54. Le papyrus d'Ebers est, incontestablement, l'un de ces anciens ouvrages hermétiques."

54 Clément d'Alexandrie assure que, de son temps, les prêtres Egyptiens possédaient quarante-deux livres canoniques.

 

Si un rayon de lumière aussi éclatant a été projeté sur la science ancienne des Egyptiens par la rencontre fortuite (?) d'un archéologue allemand avec un riche Arabe de Luxor, comment pouvons-nous savoir quel rayon de soleil peut se glisser dans les cryptes sombres de l'histoire, grâce à quelque rencontre également fortuite entre quelque autre Egyptien fortuné et quelque autre étudiant entreprenant de l'antiquité !

Les découvertes de la science moderne ne sont point en désaccord avec les plus anciennes traditions qui attribuent une incroyable antiquité à notre race. Ces dernières années, la géologie, qui jusqu'alors n'avait pu trouver trace de l'homme antérieurement à la période tertiaire, a découvert avec preuves irréfutables à l'appui, [60] que l'existence de la race humaine est antérieure à la dernière glaciation d'Europe, c'est-à-dire remontent à plus de 250.000 ans. C'est une rude pilule à avaler, pour la Théologie Patristique, mais c'est un fait accepté par les anciens philosophes.

De plus, des outils fossiles ont été retrouvés en même temps que des restes humains qui prouvent que l'homme chassait à ces époques reculées et savait faire du feu. Mais le dernier pas dans cette recherche de l'origine de la race n'a point encore été fait. La science s'arrête court en attendant de nouvelles preuves. Malheureusement, l'anthropologie et la psychologie ne possèdent pas de Cuvier ; les géologues et les archéologues  sont incapables de reconstruire, d'après les fragments découverts, jusqu'à présent, le squelette complet de l'homme triple physique, intellectuel et spirituel. Les outils fossiles de l'homme qu'on a découverts, sont d'autant plus mal dégrossis et plus grossiers que la géologie pénètre plus avant dans les entrailles de la terre : d'où la science conclut que plus on approche de l'origine des hommes, plus ils ont dû être sauvages et proches de la brute. Etrange logique ? Les restes trouvés dans les grottes de Devon prouvent-ils qu'il n'existait point de races contemporaines qui fussent éminemment civilisées ? Lorsque la population actuelle de la terre aura disparu, si quelque archéologue de la "race future" creuse le sol et y découvre des instruments  ayant  appartenu  à  l'une  de  nos  tribus  de  l'Inde ou de l'île d'Andaman, pourra-t-il légitimement conclure que les hommes du XIXème siècle "sortaient à peine de l'âge de pierre"

C'était, récemment, la mode de souligner "les insoutenables conceptions d'un passé inculte". Comme s'il était possible de masquer sous une épigramme les emprunts intellectuels grâce auxquels les réputations de tant de philosophes modernes se sont établies ! Tyndall est toujours prêt à dénigrer les philosophes de l'antiquité – dont pourtant plus d'un savant distingué a retiré honneur et crédit en se bornant à vêtir leurs idées à sa façon ; ainsi les géologues semblent de plus en plus enclins à tenir pour établi que toutes les races archaïques étaient simultanément dans la plus grossière barbarie. Mais ce n'est pas l'opinion de tous les gens faisant autorité. Quelques-uns des plus éminents soutiennent même le contraire. Max Muller, par exemple, dit : "Bien des choses nous sont encore inintelligibles : le langage hiéroglyphique de l'antiquité ne nous révèle que la moitié des intentions inconscientes de l'esprit. Cependant, quel que soit le climat où nous la trouvions, plus l'image de l'homme se dresse devant nous, plus elle nous paraît noble et pure dès le commencement. Peu à peu, nous apprenons à comprendre même ses erreurs, et nous commençons même à interpréter ses rêves. Aussi loin que nous puissions [61] remonter d'après les traces que l'homme a laissées, dans les couches les plus profondes de l'histoire, nous constatons le don divin  d'une intelligence saine et sobre dont il fut doté dès le début. Aussi l'idée d'une humanité émergeant lentement des bas-fonds de la bestialité ne peut plus être soutenue" 55.

55 Chips from a german Work Shop. Vol.II, p.7, Comparative Mythology.

 

Comme l'on prétend qu'il n'est point philosophique de rechercher les causes premières, les savants ne s'occupent aujourd'hui que d'examiner leurs effets physiques. Le champ d'investigation se trouve alors limité par la nature physique. Lorsqu'une fois ses limites seront atteintes, les recherches devront s'arrêter et il faudra recommencer le travail. Avec tout le respect qu'on leur doit, nos savants ressemblent à des écureuils dans leurs cages ; ils sont, eux, condamnés à tourner et à retourner sans cesse leur "matière". La science est une grande puissance et ce n'est point à nous, pygmées, qu'il appartient de la discuter. Mais les "savants"eux-mêmes ne sont pas plus la science personnifiée que les hommes de notre planète ne sont  la  planète  elle-même,  Nous  n'avons  pas  le  droit  de  demander au "philosophe de nos jours" d'accepter sans discussion une description géographique du côté obscur de la lune, nous n'avons pas davantage le pouvoir de le contraindre à cet égard. Mais si, par suite de quelque cataclysme lunaire, un sélénite était transporté dans la sphère d'attraction de notre atmosphère, et s'il débarquait sain et sauf à la porte du Dr Carpenter, ce dernier pourrait être justement accusé de manquer à son devoir professionnel s'il laissait échapper cette occasion de résoudre un problème physique.

Pour un homme de science c'est toujours blâmable de se refuser à des recherches au sujet d'un phénomène nouveau ; que ce phénomène se manifeste à lui sous la forme d'un homme tombé de la lune,  ou qu'il s'agisse d'un fantôme apparu dans la ferme Eddy.

Que ce soit par la méthode d'Aristote ou celle de Platon, nous n'avons pas besoin de nous attarder à la rechercher ; Mais c'est un fait, qu'on prétend que les deux natures – interne et externe – de l'homme, étaient parfaitement connues des anciens andrologues. Malgré les hypothèses superficielles des géologues, nous commençons à recueillir  presque chaque jour des preuves qui corroborent les assertions de ces philosophes.

Ils divisaient en cycles les interminables périodes de l'existence humaine sur cette planète. Dans chaque cycle, le genre humain atteignait, graduellement, le point culminant de la plus haute civilisation pour retomber ensuite, graduellement, dans la barbarie la plus abjecte. La hauteur à laquelle la race, dans sa montée, est plusieurs fois parvenue ne peut être que vaguement [62] soupçonnée, grâce aux monuments antiques et merveilleux qui survivent, et en lisant les descriptions qu'Hérodote a laissées d'autres œuvres extraordinaires dont il ne reste plus de traces aujourd'hui. Même à son époque, les structures gigantesques de maintes pyramides et de bien des temples renommés n'étaient déjà plus que des monceaux de ruines. Dispersés par la main impitoyable du Temps, ces monuments sont décrits par le Père de l'Histoire comme "les témoins vénérables de la gloire depuis longtemps abolie de nos ancêtres". Il "évite de parler des choses divines" et il ne donne à la postérité que l'imparfaite description, d'après ouï-dire, de quelques merveilleuses chambres souterraines du Labyrinthe où gisaient – et gisent encore – cachés, les restes sacrés des Rois Initiés.

 Nous pouvons encore nous faire une idée du haut degré de civilisation atteint à certaines périodes de l'antiquité par les descriptions historiques de l'âge des Ptolémées. Cependant, à cette époque déjà, les arts et les sciences étaient considérés comme en décadence et bien des secrets en étaient perdus. Dans les récentes fouilles de Mariette Bey, au pied des Pyramides, on a exhumé des statues en bois et d'autres reliques qui montrent que, longtemps avant la période des premières dynasties de l'Egypte, on était parvenu à une perfection et à un raffinement artistique capable d'exciter l'admiration des plus ardents panégyristes de l'art grec. Bayard Taylor décrit ces statues dans une de ses conférences et nous dit que la beauté des têtes aux yeux de pierres précieuses et aux paupières de cuivre ne peut point être surpassée. Bien au-dessous de la couche de sable dans laquelle ont été trouvés les restes qui figurent dans les collections de Lepsius, d'Abbott et du British Museum, on a trouvé enfouies des preuves tangibles de la doctrine Hermétique des Cycles que nous avons exposées déjà.

Le Dr Schlieman, l'Helléniste enthousiaste, a découvert récemment, au cours de fouilles pratiquées en Troade, des preuves nombreuses du changement graduel de la barbarie à la civilisation et de la civilisation à la barbarie. Si les hommes antédiluviens ont donc été nos maîtres en certaines sciences, s'ils ont connu et merveilleusement pratiqué des arts que nous tenons maintenant pour perdus, ils peuvent également avoir excellé dans les sciences psychologiques. Une pareille hypothèse peut être tenue pour aussi raisonnable que toute autre jusqu'à ce que quelque preuve du contraire vienne l'infirmer.

Tout vrai savant admet qu'à bien des égards le savoir humain est encore dans l'enfance. Est-ce parce que notre Cycle a commencé à une époque relativement récente ? Ces Cycles, suivant la philosophie chaldéenne, n'embrassent pas tout le genre humain en même temps. Le professeur Draper confirme partiellement cette [63] théorie : il dit que les périodes que la géologie "a trouvées commodes pour diviser la marche de l'homme dans la civilisation, ne sont pas des époques infranchissables, qu'elles ne valent pas simultanément pour toute la race humaine". Il donne comme exemples les Indiens nomades de l'Amérique qui, en ce moment, sortent à peine de l'âge de pierre. Ainsi, plus d'une fois, par mégarde, les savants ont confirmé le témoignage des anciens.

Tout cabaliste, bien au courant du système des nombres de Pythagore et de sa géométrie, peut démontrer que les idées métaphysiques de Platon étaient fondées sur les principes mathématiques les plus stricts. "Les vraies mathématiques, dit le Magicon, sont cette chose avec laquelle toutes les sciences supérieures ont une étroite connexion ; les mathématiques ordinaires ne sont qu'une trompeuse fantasmagorie. Leur infaillibilité, tant vantée, vient uniquement de ce qu'elles ont pour bases des matériaux, des conditions et des références dont elles se réclament". Les savants qui croient avoir adopté la méthode d'Aristote tout simplement parce qu'ils se traînent, à moins qu'ils ne courent ou remontent, des particuliers démontrés aux universaux, glorifient cette méthode de philosophie inductive et repoussent celle de Platon qu'ils accusent de n'être pas substantielle. Le professeur Draper déplore que des mystiques spéculatifs,  tels qu'Ammonius Saccas et Plotin, aient pris la, place des "sévères géomètres de d'ancien museum" 56. Il oublie que, de toutes les sciences, la géométrie est la seule qui procède des universaux aux particuliers, or c'est précisément la méthode adoptée par Platon dans sa philosophie. Tant que la science exacte limitera ses observations aux choses physiques, et progressera à l'instar d'Aristote, elle ne pourra certainement pas échouer. Mais, quoique le monde matériel n'ait pas de bornes pour nous, il n'en est pas moins limité et, par conséquent, le matérialisme tournera, éternellement, dans ce cercle vicieux, impuissant à s'élever plus haut que la circonférence ne le lui permettra. La théorie cosmologique des nombres que Pythagore avait apprise des hiérophantes égyptiens est seule capable de réconcilier les deux unités : la matière et l'esprit, et permet à chacune d'elles de démontrer l'autre, mathématiquement.

 56 Conflit entre la Religion et la Science, ch. I.

 

Les nombres sacrés de l'Univers, dans leur combinaison ésotérique, résolvent le grand problème, expliquent la théorie du rayonnement et le cycle des émanations. Les ordres inférieurs, avant de se développer en ordres supérieurs, doivent émaner des ordres spirituels plus élevés et, arrivés au point tournant, être réabsorbés de nouveau dans l'infini. [64]

La physiologie, comme tout le reste, en ce monde de constante évolution, est sujette à la révolution cyclique. Comme elle paraît maintenant émerger à peine des ombres de l'arc inférieur, il pourra être démontré un jour qu'elle avait atteint le plus haut point de la circonférence longtemps avant l'époque de Pythagore.

 Mochus le Sidonien, physiologiste qui professait la science de l'anatomie, florissait longtemps avant le Sage de Samos et ce dernier reçut les instructions sacrées des disciples et des descendants de Mochus. Pythagore, le pur philosophe profondément versé dans les phénomènes les plus élevés de la nature, noble héritier de la science antique, eut l'ambition grandiose de délivrer l'âme de l'entrave des sens et de la contraindre à se rendre compte de sa puissance : aussi doit-il vivre éternellement dans la mémoire des hommes.

Le voile impénétrable du secret absolu était jeté sur les sciences enseignées dans le sanctuaire. Telle est la cause du dénigrement des philosophies antiques. Platon et Philon le juif ont même été accusés, par plusieurs commentateurs, d'absurdes inconséquences : alors que le sens caché dans le dédale des contradictions métaphysiques si embarrassantes pour le lecteur du Timée, n'est que trop évident. Mais Platon a-t-il jamais été lu avec compréhension par ceux qui se sont donné la mission d'expliquer les classiques ? C'est la question qui s'impose en raison des critiques que l'on trouve dans des auteurs tels que Stalbaüm, Schleirmacher, Ficinus (Traduction latine), Heindorf, Sydenham, Buttmann, Taylor et Burges. Pour ne rien dire des autres dont l'autorité est moindre. Les allusions voilées, faites par le philosophe grec, aux choses ésotériques ont, évidemment, dérouté au dernier point ces commentateurs. Non seulement ils suggèrent avec un sang-froid éhonté que, dans certains passages difficiles, c'était une autre phraséologie qu'on voulait certainement employer ; mais encore, dans certains cas, ils font des changements audacieux. Le vers d'Orphée : Son chant clôt l'ordre de la sixième race… Qui ne peut être interprété que comme une allusion à la sixième race développée dans les évolutions consécutives des sphères 57 fait dire à Burges que ce vers "était, évidemment, tiré d'une cosmogonie dans laquelle l'homme est censé avoir été créé le dernier 58. Lorsqu'on entreprend d'éditer les ouvrages d'un autre, ne devrait-on pas, au moins, comprendre ce que veut dire l'auteur ?

57 Dans un autre passage, nous expliquons avec quelque minutie la philosophie Hermétique de l'évolution des sphères et de leurs diverses races.

58 Burges. Œuvres de Platon, p. 207, note.

 

En vérité, les anciens philosophes paraissent être, généralement, considérés par nos critiques modernes, mêmes les plus affranchis de préjugés, comme dépourvus de cette profondeur et de cette [65] parfaite connaissance des sciences exactes dont notre siècle se vante tant. On va même jusqu'à mettre en doute qu'ils aient compris le principe scientifique fondamental : Ex nihilo nihil fit. S'ils ont soupçonné l'indestructibilité de la matière – disent ces commentateurs – c'est moins en vertu d'une formulé solidement établie que d'un raisonnement intuitif et par analogie.

Nous soutenons l'opinion contraire. Les spéculations de ces philosophes sur la matière étaient ouvertes à la critique publique, mais leur enseignement, touchant les choses de l'esprit, étaient profondément ésotérique. Liés par serment au secret et au religieux silence sur les questions abstraites relatives aux rapports entre l'esprit et la matière, ils rivalisaient d'ingéniosité pour dissimuler leurs véritables opinions.

La doctrine de la métempsycose a été amplement ridiculisée par les savants et rejetée par les théologiens. Pourtant, si elle avait été comprise, correctement dans son application à l'indestructibilité de la matière et l'immortalité de l'esprit, on aurait reconnu que c'était une conception sublime. Ne devrions-nous pas étudier la question en nous plaçant au point de vue des anciens avant de nous hasarder à jeter le discrédit sur ceux qui l'enseignaient ? La solution du grand problème de l'éternité n'appartient ni à la superstition religieuse ni au grossier matérialisme. L'harmonie et l'équiformité mathématique de la double évolution – spirituelle et physique – ne sont élucidées que dans les nombres universaux de Pythagore : son système fut complètement bâti sur ce qu'on appelle "le Discours métrique" des Védas Hindous. C'est tout récemment  à peine qu'un des plus érudits des sanscritistes, Martin Haug, entreprit la traduction de l'Aitareya Brahmana du Rig-Véda, jusqu'alors tout à fait inconnu : ses explications établissent, sans conteste, l'identité des systèmes Pythagoricien et Brahmanique. Dans l'un comme l'autre, la signification ésotérique est tirée du nombre : dans le premier, de la relation mystique de chaque nombre avec tout ce qui est intelligible pour l'esprit de l'homme ; et, dans  le second, du nombre des syllabes dont chaque vers des Mantras est formé. Platon, l'ardent disciple de Pythagore, avait adopté si complètement ce système, qu'il soutenait que le dodécaèdre était la figure géométrique employée par le Demiurge pour édifier l'univers. Quelques-uns de ces chiffres avaient une signification particulièrement solennelle. Par exemple, quatre, dont le dodécaèdre est le triple, était tenu pour sacré par les Pythagoriciens. C'est le carré parfait et aucune des lignes qui le limitent ne dépasse l'autre d'un seul point. C'est l'emblème de la justice morale et de l'équité divine géométriquement exprimée. Tous les pouvoirs, toutes les grandes symphonies de la nature physique et spirituelle se trouvent inscrites dans le carré parfait : le nom ineffable [66] de Celui qui, autrement, n'aurait pas de nom susceptible d'être prononcé, était remplacé chez les anciens mystiques par ce nombre sacré QUATRE et constituait pour eux le plus impérieux et le plus solennel des serments : la Tétractys.

Si la métempsycose de Pythagore pouvait être complètement expliquée et comparée, avec la théorie moderne, de l'évolution, on verrait qu'elle lui restitue tous les chaînons manquant à sa chaîne. Mais qui parmi nos savants voudrait perdre ses moments précieux à étudier les divagations des anciens ? Malgré les preuves, non seulement ils contestent aux peuples des temps archaïques, mais encore aux philosophes des temps anciens, toute connaissance positive du système Héliocentrique. Les "Vénérable Bede", les Augustin, les Lactance semblent avoir étouffé sous leur ignorance dogmatique toute foi dans les théologiens plus anciens des siècles pré-chrétiens. Mais, aujourd'hui, la philologie et une connaissance plus approfondie de la littérature sanscrite nous ont, en partie, mis à même de laver les anciens de ces imputations imméritées. Dans les Védas, par exemple, nous trouvons la preuve positive que depuis plus de 2.000 ans avant J.-C. les sages et les érudits Hindous ont connu la sphéricité de notre globe et le système Héliocentrique. Il s'ensuit que Pythagore et Platon connaissaient bien ces vérités astronomiques, car Pythagore avait acquis la science en Inde, ou de gens qui y étaient allés et Platon répétait fidèlement ses enseignements. Nous citerons deux passages de l'Aitareya Brahmana.

Dans le. "Mantra du Serpent" 59, le Brahmana déclare : Ce Mantra est celui qui a été vu par la Reine des Serpents, Sarparajni ; parce que la terre (iyam) est la Reine des Serpents, car elle est la mère et la reine de tout ce qui se meut (sarpat). Au commencement, elle n'était qu'une tête (ronde) sans cheveux, c'est-à-dire sans végétation. Elle perçut alors ce Mantra qui confère à ceux qui le connaissent le pouvoir de prendre toutes les formes qu'ils peuvent désirer. Elle "prononça le Mantra", c'est-à-dire : elle fit le sacrifice aux dieux et, en conséquence, elle put immédiatement revêtir une apparence tachetée, elle devint bariolée et put reproduire toutes les formes à sa convenance, changeant une forme en une autre. Ce Mantra commence par les mots : Ayam gaûh pris'nir akramit (X, 189)".

 59 Texte sanscrit de l'Aitareya Brahmana, Rig-Véda, V, ch. II, vers 23.

 

Cette description de la terre sous la forme d'une tête ronde et chauve, molle au début, durcissant ensuite après avoir reçu le souffle du dieu Vâyou, le seigneur de l'air, suggère forcément l'idée que les auteurs des livres sacrés Védiques savaient que la terre était ronde ou sphérique, qu'elle avait été en outre une masse [67] gélatineuse au début, qu'elle se refroidit peu à peu, sous l'influence de l'air et du temps. Voilà pour leur connaissance de la sphéricité de notre globe. Nous allons maintenant offrir le témoignage sur lequel nous basons notre assertion que les Hindous étaient parfaitement au courant du système Héliocentrique, deux mille ans, au moins, avant J.-C.

Dans le même traité, le Hotar (prêtre) est instruit de la manière dont les Shastras doivent être répétés et comment les phénomènes du lever et du coucher du soleil doivent être expliqués. Il y est dit : "L'agnishtoma est celui (ce dieu) qui brûle. Le soleil ne se couche ni ne se lève jamais ; lorsqu'on croit que le soleil est couché, il ne l'est pas ; on se trompe, car, étant arrivé au bout de la journée, il produit deux effets opposés : la nuit pour ce qui est dessous et le jour de l'autre côté. Lorsqu'on se figure, le matin, que le soleil se lève, voici ce qu'il fait : ayant atteint l'extrémité  de la nuit, il se met à produire deux effets opposés : le jour pour ce qui est dessous et la nuit de l'autre côté. De fait, le soleil ne se couche jamais et il ne se couche pas pour celui qui a cette connaissance." 60.

Cette phrase est tellement concluante que le traducteur du Rig-Véda, le Dr Haug, lui-même, est forcé de le faire remarquer et il dit que ce passage contient "la négation de l'existence d'un lever et d'un coucher du soleil", et que l'auteur suppose donc que le soleil "reste toujours dans sa même haute position" 61.

Dans un des plus anciens Nivids, Rishi Routsa, un sage hindou de l'antiquité la plus reculée, explique l'allégorie des premières lois imposées aux corps célestes. Pour avoir fait ce qu'elle n'aurait pas dû faire, Anâhit (Anaïtis ou Nana, la Vénus Perse), représentant la terre dans la légende, est condamnée à tourner en rond autour du soleil. Les Sattras ou sessions des sacrifices 62 prouvent d'une façon incontestable que, dès le XVIIIème ou le XXème siècle avant J.-C., les Hindous avaient fait des progrès considérables en astronomie. Les Sattras duraient un an "et n'étaient pas autre chose qu'une imitation de la course annuelle du soleil. Ils étaient divisés en deux parties distinctes, dit Haug, et chacune d'elles était composée de six mois de trente jours l'un. Entre les deux, se trouvait le Vishouvan (équateur ou jour central) coupant le Sattras entier en deux moitiés 63. Ce savant, quoiqu'il assigne la composition de l'ensemble des Brahmanas à la période qui va de 1400 à 1200 avant J.-C., est d'avis que le plus ancien de ces hymnes peut être placé tout au commencement de la littérature védique, [68] entre 2400 et 2000 avant J.-C. Il ne voit point de raison pour considérer les Védas comme moins anciens que les livres sacrés des Chinois. Or, comme le Shu King, ou Livre d'Histoire et les chants de sacrifice du Shi King, ou Livre des Odes, ont une antiquité démontrée remontant à 2200 avant J.-C. nos philologues pourraient encore être obligés, avant longtemps, d'avouer qu'en matière de connaissances astronomiques les Hindous antédiluviens étaient leurs maîtres.

60 Aitareya Brahmana, livre III, c. v., 44.

61 Aitareya Brahm., vol. II, p. 242.

62 Ait. Brahm., livre IV.

63 Septenary Institutions ; Stone him to Death, p. 20.

 

De toutes façons, des faits prouvent que certains  calculs astronomiques étaient aussi corrects chez les Chaldéens du temps de Jules César, qu'ils le sont aujourd'hui. Lorsque le calendrier fut réformé par le conquérant, on trouva que l'année civile correspondait si peu avec les saisons que l'été se confondait avec les mois d'automne et les mois d'automne avec le plein hiver. C'est Sosigène, l'astronome chaldéen, qui rétablit l'ordre dans ce chaos en reculant le 25 mars de quatre-vingt-dix- jours et en le faisant ainsi correspondre avec l'équinoxe vernale, et ce fut encore Sosigène qui fixa la longueur des mois telle qu'elle subsiste aujourd'hui.

En Amérique, l'armée de Montézuma trouva que 1e calendrier des Aztèques donnait un nombre égal de jours et de semaines à chaque mois. L'extrême correction de leurs calculs astronomiques ne permit aux vérifications ultérieures de relever aucune erreur, tandis que les Européens qui débarquèrent au Mexique en 1519 étaient, grâce au calendrier Julien, en avance de onze jours à peu près sur le temps exact.

C'est aux traductions scrupuleuses et inestimables des Livres Védiques et aux recherches personnelles du Dr Haug, que nous devons les renseignements qui corroborent les prétentions des philosophes Hermétiques. On peut facilement prouver que la période de Zarathustra Spitama (Zoroastre) est d'une antiquité inimaginable. Les Brahmanas, auxquels Haug attribue une existence de 4.000 ans, racontent les guerres religieuses entre les anciens Hindous qui vivaient dans les temps prévédiques et les Iraniens. Les combats entre les Devas et les Asouras, les premiers représentant les Hindous et les seconds les Iraniens, sont narrés tout au long dans les livres sacrés. Comme le prophète Iranien fut le premier à s'insurger contre ce qu'il appelait "l'idolâtrie" des Brahmanes, le premier qui les qualifia de devas (diables), à quelle époque remontait donc cette crise religieuse ?

 "Cette lutte, répond le Dr Haug, doit avoir paru aux auteurs des Brahmanas remonter aussi loin que les exploits du roi Arthur aux écrivains anglais du XIXème siècle".

Tous les philosophes de quelque notoriété ont admis et soutenu la doctrine de la métempsycose l'exprimant plus ou moins intelligiblement, dans son sens ésotérique, telle qu'elle était [69] enseignée par les Brahmanes, les Bouddhistes et plus tard par les Pythagoriciens. Origène et Clément d'Alexandrie, Synésius et Chalcidius y croyaient tous et les gnostiques, reconnus incontestablement par l'histoire comme les hommes les plus raffinés, les plus érudits et les plus éclairés 64, croyaient également tous à la métempsycose. Socrate professait des doctrines identiques  à celles de Pythagore : tous deux, pour expier leur philosophie divine, périrent de mort violente. La populace à toujours été la même dans tous les temps. Le matérialisme était et sera toujours aveugle aux vérités spirituelles. Ces philosophes soutenaient, d'accord avec les Hindous, que Dieu avait infusé dans la matière une parcelle de Son Divin Esprit qui anime et meut chaque particule. Ils enseignaient que les hommes ont deux âmes, de nature diverse et différant tout à fait : l'une est périssable, c'est l'Ame Astrale ou le corps interne fluidique ; l'autre est incorruptible et immortelle, c'est l'Augoeidès ou parcelle de l'Esprit Divin. L'Ame Astrale, mortelle, périt à chaque changement graduel, au seuil de chaque nouvelle sphère, et se transforme, en se purifiant, à chaque nouvelle incarnation. L'homme astral, tout intangible et invisible qu'il puisse être pour nos sens mortels et terrestres, est encore composé de matière, quoiqu'elle soit sublimée.

 64 Voir Gibbon. "Decline and Fall of the Roman Empire".

 

Pour des raisons politiques à lui personnelles, Aristote gardait un silence prudent sur certaines doctrines ésotériques, cependant il exprimait très clairement son opinion à ce sujet. Pour lui, les âmes humaines étaient des émanations de Dieu finalement résorbées dans la Divinité. Zénon, fondateur des Stoïciens, enseignait qu'il y a dans la nature deux qualités éternelles : l'une active ou masculine, l'autre passive ou féminine. La première est de l'éther pur, subtil, c'est l'Esprit Divin,  l'autre est absolument inerte par elle-même jusqu'à son union avec le principe actif. L'Esprit Divin, agissant sur la matière, produit le feu, l'eau, la terre et l'air : il est le seul principe efficient moteur de toute la nature.

Les Stoïciens, de même que les sages Hindous, croyaient à la résorption finale. Saint Justin croyait que ces âmes émanent de la Divinité et Tatien l'Assyrien, son disciple, déclare que "l'homme est aussi immortel que Dieu lui-même" 65.

Le verset si profondément significatif de la Genèse : "Et à toutes les bêtes de la terre, à tous les oiseaux de l'air, à tout ce qui se meut sur la terre, j'ai donné une âme vivante" devrait arrêter l'attention des lettrés Hébreux capables de lire les Ecritures dans le texte original et les dispenser de suivre la traduction erronée dans laquelle on lit : "où il y a de la vie" 66. [70]

Depuis le premier chapitre jusqu'au dernier, les traducteurs des livres sacrés des Juifs ont faussement interprété le sens des textes. Ils ont même changé l'orthographe du nom de Dieu, comme le prouve Sir W. Drummond. Ainsi El, correctement écrit, devrait se prononcer Al car dans l'original il y a Al. Or, d'après Higgins, ce mot signifie le dieu Mithra, le soleil, le conservateur, le sauveur. Sir W. Drummond montre que Beth-El signifie la maison du Soleil, en traduction littérale, et non de Dieu. "El, dans la composition de ces noms Chananéens, ne signifie pas Deus mais Sol" 67. C'est ainsi que la Théologie a défiguré la Théosophie antique et la Science l'ancienne Philosophie 68.

 65 Voir Turner et aussi les Anacalypsis de G. Higgins

66 Genèse, 1, 30.

67 Voir William Drummond : Œdipus judicus, p. 250.

68 Les premiers Pères de l'Eglise et les théologiens qui les ont suivis se sont trouvés dans l'absolue nécessité de commettre ces pieuses fraudes. C'est évidemment parce que, s'ils avaient laissé subsister le mot al tel que le donne l'original, il devenait trop clair, sauf pour les initiés, que le Jéhovah de Moïse et le Soleil étaient identiques. Les multitudes ignorant que les anciens hiérophantes ne considéraient le soleil visible que comme un emblème du soleil central invisible et spirituel, auraient alors accusé Moïse, comme l'ont fait d'ailleurs beaucoup de commentateurs, d'adorer les corps planétaires et, en un mot, de s'être rendu coupable de Sabianisme.

69 Exode, XXV, 40.

 

Faute d'avoir compris ce grand principe philosophique, les méthodes de la science moderne, quoique exactes, n'aboutiront qu'au néant. Il n'est point une de ses branches qui puisse démontrer l'origine et la fin des choses. Au lieu de chercher la trace des effets en partant de la source première, la science procède inversement. Les types les plus élevés, dit- elle, résultent tous de l'évolution de types inférieurs. Elle part du bas du cycle, n'ayant pour se guider dans le grand labyrinthe de la nature, qu'un fil de matière. Aussitôt ce fil rompu et la direction perdue, elle recule, effrayée, devant l'Incompréhensible et s'avoue impuissante. Ce n'est point ainsi que procédaient Platon et ses disciples. D'après lui, les types inférieurs sont simplement les images concrètes des types abstraits les plus élevés. L'âme qui est immortelle a un commencement arithmétique, de même que le corps en a un géométrique. Ce commencement, en sa qualité de reflet du grand ARCHÆUS universel, est doué d'un mouvement propre et, du centre se diffuse sur tout le corps du microcosme.

C'est la triste compréhension de cette vérité qui fait avouer à Tyndall l'impuissance de la science, même sur le monde matériel. "L'assemblage primitif des atomes, dont dépend toute l'action ultérieure, déjoue une puissance supérieure à celle du microscope". "En présence de l'excessive complexité de telles études, longtemps avant que l'observation puisse élever la voix, l'intelligence la mieux préparée, l'imagination si raffinée et si bien réglée qu'elle soit se détournent stupéfaites et n'osent pas envisager le problème. Nous restons muets d'étonnement, sous l'influence d'une stupeur que le [71] microscope ne peut dissiper. Non seulement nous doutons de la puissance de l'instrument, mais encore nous nous demandons si nous possédons les éléments intellectuels aptes à nous faire saisir et comprendre les ultimes énergies structurales de la nature".

La figure géométrique fondamentale de la Cabale, cette figure que la tradition et les doctrines ésotériques nous disent avoir été donnée par Dieu lui-même à Moïse sur le mont Sinaï 69 contient, dans sa combinaison grandiose parce qu'elle est simple, la clé du problème universel. Cette figure contient en elle-même toutes les autres. Pour ceux qui savent la maîtriser, il n'y a nul besoin d'exercer l'imagination. Il n'y a pas de microscope terrestre qui puisse être comparé à la perception spirituelle.

Et même pour ceux qui ne sont point versés dans la GRANDE SCIENCE, la description de la genèse d'une graine, d'un fragment de cristal, de tout autre objet, donnée par un psychomètre-enfant bien préparé, vaut tous les télescopes et tous les microscopes de la "science exacte".

Il peut y avoir plus de vérité dans la pangenèse aventureuse de Darwin que Tyndall appelle "un spéculateur prenant son essor" que dans les hypothèses timides et bornées de ce dernier. Comme beaucoup de penseurs de son genre, Tyndall enferme son imagination "dans les limites précises de la raison". La théorie du germe microscopique contenant en lui "un monde de germes moindres", s'étend jusqu'à l'infini, dans un sens, au moins. Elle dépasse le monde de la matière et commence inconsciemment, à s'aventurer dans le monde de l'Esprit.

Si nous acceptons la théorie du développement des espèces  de Darwin, nous trouvons que son point de départ est placé devant une porte ouverte. Nous sommes libres avec lui de rester à l'intérieur ou de franchir le seuil au-delà duquel commence l'illimité et l'incompréhensible ou plutôt l'Indicible. Si notre langage moral est inadéquat pour exprimer ce que notre esprit entrevoit vaguement dans le grand "au-delà" – pendant notre séjour sur cette terre – il faut qu'il y parvienne, jusqu'à un certain point, dans l'Eternité hors du temps.

Il n'en va pas de même de la théorie du professeur Huxley sur "la Base Physique de la Vie". Sans égard pour la formidable quantité des négations venant de ses confrères allemands, il crée un protoplasme universel et en voue désormais les cellules à devenir les fontaines sacrées du principe de toute vie. En représentant ce principe comme identique dans l'homme vivant et dans le mouton mort, dans une ortie ou dans un homard ; en enfermant dans la cellule moléculaire du protoplasme le principe de vie et en [72] l'isolant de l'influx divin qui s'exerce à chacune des évolutions consécutives – il se ferme toute issue possible. Comme un habile tacticien, il convertit ses "lois et ses faits" en sentinelles auxquelles il a le soin de confier la garde à chaque porte. Le drapeau sous lequel il rallie ses conceptions porte comme inscription le mot "nécessité". Mais, à peine l'a- t-il déployé, qu'il en raille l'inscription : il l'appelle "une vaine ombre de ma propre imagination".

 Les doctrines fondamentales du spiritualisme, dit-il "sont en dehors des limites de l'investigation philosophique". Nous aurons l'audace de contredire cette assertion et nous soutiendrons qu'elles sont beaucoup plus en dedans de ces limites que le protoplasma de M. Huxley, d'autant plus qu'elles offrent des faits palpables, évidents de l'existence de l'esprit, tandis que les cellules protoplasmiques, une fois mortes, n'en présentent aucun qui indiquerait quelles sont les sources ou les bases de la vie comme voudrait nous le faire croire cet auteur, "un des penseurs les plus en vue de notre époque" 70.

70 Huxley. Physical Basis of life.

 

Les anciens Cabalistes ne s'arrêtaient pas sur une hypothèse  tant qu'elle n'avait point sa base établie sur le ferme rocher de l'expérience enregistrée.

Mais trop dépendre des faits physique entraîne une recrudescence du matérialisme, une décadence de la spiritualité et de la foi. Au temps d'Aristote, telle était la tendance dominante de la pensée. Le conseil inscrit à Delphes n'avait pas été entièrement éliminé de la pensée grecque ; et quelques philosophes pensaient encore que "pour savoir ce que l'homme est, il faut savoir ce que l'homme a été" néanmoins le matérialisme, commençait déjà à s'attaquer aux racines de la foi. Les Mystères eux- mêmes avaient considérablement dégénéré : en spéculations  sacerdotales et fraudes religieuses. Peu nombreux étaient les vrais adeptes et les initiés, héritiers et descendants de ceux que le glaive du conquérant des divers envahisseurs de la vieille Egypte avait dispersés.

Le temps prédit par le grand Hermès dans son dialogue avec Esculape était arrivé, le moment était venu où des étrangers impies allaient accuser l'Egypte d'adorer des monstres, où rien n'allait survivre que les inscriptions gravées sur ses monuments, énigmes incroyables pour la postérité. Ses scribes sacrés et ses hiérophantes erraient maintenant sur la surface du globe, obligés par la crainte de voir profaner les mystères saints à se réfugier au sein des confréries hermétiques connues plus tard sous le nom d'Esséniens : leur savoir ésotérique fut alors plus que jamais, enseveli. La torche victorieuse de l'élève d'Aristote avait écarté de sa voie [73] conquérante tout vestige d'une religion pure autrefois. Aristote lui-même, fils de ce siècle dont il est le type, quoique instruit dans la science secrète des Egyptiens, ne savait que peu de chose du résultat qui couronnait des milliers d'années d'études ésotériques.

Comme ceux qui vécurent du temps des Psammétiques, nos philosophes d'à présent tâchent de "soulever le voile d'Isis", car Isis n'est que le symbole de la nature. Mais ils ne voient que ses formes physiques. L'âme qu'elles cachent se dérobe à leurs regards et la divine Mère ne leur répond pas. Certains anatomistes, incapables de voir l'esprit derrière les muscles, les nerfs et la matière terrestre qu'ils soulèvent de la pointe de leur scalpel, affirment que l'homme n'a point d'âme. Ceux-là sont aveugles comme le chercheur qui s'en tient purement et simplement à la lettre morte de la Cabale et se permet de dire qu'elle ne renferme point d'esprit vivifiant. Pour voir l'homme véritable qui jadis animait le sujet qu'il a devant lui sur la table de dissection, il faut que le chirurgien regarde avec d'autres yeux que ceux du corps. Il en va de même pour les vérités glorieuses cachées sous les écritures hiératiques des anciens papyrus : seul peut soulever le voile celui qui possède la faculté de l'intuition. Si nous estimons que la raison est l'œil du mental, on pourrait définir l'intuition : 1'œi1 de l'âme.

Notre science moderne reconnaît une Puissance Suprême, un Principe Invisible mais nie l'existence d'un Etre Suprême, d'un Dieu Personnel 71. Au point de vue de la logique on peut contester qu'il y ait une différence entre les deux car, dans le cas actuel, Le Pouvoir et l'Etre sont identiques. La raison humaine comprend difficilement une Puissance Suprême intelligente sans l'associer à l'idée d'un Etre Intelligent. N'espérons pas que les masses ignorantes puissent avoir une claire conception de l'omnipotence et de l'omniprésence d'un Dieu Suprême, sans investir de ces attributs quelque gigantesque projection de leur propre personnalité. Mais les Cabalistes n'ont jamais considéré l'invisible En Soph autrement que comme une Puissance.

71  Prof. J. W. Draper. Conflit entre la Religion et la Science.

 

A ce point de vue, nos positivistes modernes et leur prudente philosophie ont été devancés depuis des milliers d'années. L'adepte hermétique prétend simplement démontrer que le simple bon sens refuse d'admettre la possibilité que l'univers soit le résultat du hasard. II trouverait moins absurde d'admettre que les problèmes d'Euclide furent formés inconsciemment par un singe jouant avec des figures de géométrie.

 Très peu de Chrétiens comprennent la Théologie judaïque, si tant est qu'ils en sachent quelque chose. Le Talmud est une énigme des plus obscures, même pour la plupart des juifs, et leurs [74] savants qui en comprennent le sens ne font point étalage de leurs  connaissances. Les livres cabalistiques des Juifs sont encore moins compris par eux car, de nos jours, il y a plus de Chrétiens que de Juifs cherchant à dégager les grandes vérités contenues dans ces livres. Combien moins encore est connue la Cabale d'Orient, la Cabale universelle ! Les adeptes sont peu nombreux. Héritiers choisis des Sages qui découvrirent "les premiers les vérités astrales brillant sur le grand Shemaia de la science chaldéenne 72, ces adeptes ont résolu l'absolu" et se reposent maintenant de leurs gigantesques labeurs. Ils ne peuvent aller au-delà de ce qu'il est permis aux mortels de savoir sur cette terre et nul, pas même ces élus ne peut franchir la ligne tracée par le doigt de la Divinité même. Des voyageurs ont rencontré ces adeptes sur les bords sacrés du Gange, ils les ont frôlés dans les ruines muettes de Thèbes et dans les mystérieuses chambres désertes de Louxor. Dans ces salles, où sur les voûtes d'or et d'azur des signes bizarres attirent l'attention sans que jamais leur sens secret ait été pénétré par les visiteurs désœuvrés, dans ces salles on a vu les adeptes, mais on les a rarement reconnus ! Des mémoires historiques ont constaté leur présence dans les salons brillamment illuminés de l'aristocratie européenne. On en a rencontré encore dans les plaines arides et désolées du grand Sahara comme dans les cavernes d'Elephanta. On peut en trouver partout, mais ils ne se font connaître qu'à ceux qui ont consacré leur existence à l'étude désintéressée de la vérité, à ceux qui ne retourneront probablement pas en arrière.

72 Zanoni de Bulwer-Litton.

 

Maimonides, le grand théologien et historien Juif qui, à une certaine époque, fut presque déifié par ses concitoyens – et plus tard traité comme un hérétique – remarque que plus le texte du Talmud paraît absurde et vide de sens et plus sa signification secrète est sublime. Ce savant a victorieusement démontré que la magie chaldéene, la science de Moïse et des autres thaumaturges érudits étaient, toutes fondées sur une connaissance étendue de diverses branches, maintenant oubliées, de la science naturelle. Parfaitement au fait des ressources des règnes végétal, animal et minéral, experts en chimie et en physique occultes, psychologues aussi bien que physiologistes, pourquoi s'étonner si les diplômés et les adeptes, instruits dans les sanctuaires mystérieux de temple, pouvaient opérer des merveilles qui, même de nos jours, paraîtraient surnaturelles ? C'est une insulte à la nature humaine que de flétrir la magie et les sciences occultes du nom d'impostures. Croire que pendant tant de milliers d'années une moitié du genre humain a pratiqué le mensonge et la fraude sur l'autre moitié [75] équivaut à dire que la race humaine est presque exclusivement composée de filous et d'idiots incurables. Or, quel est le pays où la magie n'ait pas été pratiquée ? A quelle époque fut-elle entièrement oubliée ?

Dans les documents les plus anciens que nous possédons aujourd'hui, les Védas, et les lois de Manou plus anciennes encore, nous trouvons beaucoup de rites magiques pratiqués et autorisés par les Brahmanes 73. Le Tibet, le Japon et la Chine enseignent aujourd'hui ce qu'enseignaient les Chaldéens dès la plus haute antiquité. Le clergé de ces contrées donne en outre la preuve de ce qu'il enseigne, c'est-à-dire que la pratique de la pureté morale et physique, celle de certaines austérités développent la puissance vitale de l'âme pour sa propre illumination. En permettant à l'homme de se rendre maître de son esprit immortel, cela lui donne les vrais pouvoirs magiques sur les esprits élémentaires qui lui sont inférieurs. En Occident, nous voyons que la magie remonte à une antiquité aussi reculée qu'en Orient. Les Druides de la Grande-Bretagne la pratiquaient dans les cryptes silencieuses de leurs grottes profondes : Pline consacre plusieurs chapitres à la "sagesse" des chefs Celtes" 74. Les Druides des Gaules exposaient les sciences spirituelles comme les sciences physiques. Ils enseignaient les secrets de l'univers, la marche harmonieuse des corps célestes, la formation de la terre et, surtout, l'immortalité de l'âme 75. Dans leurs retraites sacrées, académies naturelles, construites par la main de l'Architecte Invisible, les initiés s'assemblaient, à l'heure tranquille de minuit, pour apprendre ce que l'homme fut et ce qu'il deviendra 76. Ils n'avaient nul besoin d'illumination artificielle, de gaz malsain, pour éclairer leurs temples, car la chaste déesse de la nuit projetait ses rayons les plus argentés sur leurs têtes couronnées de feuilles de chêne et les bardes, vêtus de blanc, savaient comment converser avec la reine solitaire de la voûte étoilée 77.

 73 Voyez le Code publié par Sir William Jones, chap. IX, p. 11.

74 Pline. Histoire naturelle, XXX, : Id. XVI, 14 ; XXV, 9, etc…

75 Pomponius leur attribue la connaissance des sciences les plus élevées.

76 Jules César, III, 14.

77 Pline, XXX.

 

Sur le sol déshérité de ce long passé évanoui, leurs chênes sacrés aujourd'hui desséchés, dépouillés de leur signification par le souffle empoisonné du matérialisme. Mais, pour le chercheur des sciences occultes, leur végétation peut encore être aussi verdoyante, aussi luxuriante, aussi pleine de vérités profondes et sacrées qu'au temps où l'archi-druide opérait des cures magiques et, saisissant la branche du gui symbolique, la séparait du chêne, avec sa faucille d'or. La Magie est aussi ancienne que l'homme. [76]

Il est aussi impossible d'indiquer l'époque de ses débuts que de fixer le jour où le premier homme lui-même vint au monde. Chaque fois qu'un écrivain a voulu rattacher son apparition dans un pays à quelque personnage historique, les recherches ultérieures sont venues le contredire. Odin, le prêtre et monarque scandinave a passé, auprès de beaucoup, pour avoir inauguré les pratiques de la magie, soixante-dix ans environ avant  J-C. Mais on a aisément démontré que les rites mystérieux des prêtresses nommées Voïlers, Valas, étaient de beaucoup antérieures à cette époque 78.

Quelques auteurs modernes se sont attachés à prouver que Zoroastre fut le fondateur de la magie parce qu'il fut le fondateur de la religion des Mages. Ammien Marcellin, Arnobe, Pline et d'autres historiens anciens démontrent péremptoirement qu'il ne fut qu'un réformateur de la magie pratiquée par les Chaldéens et les Egyptiens 79.

78 Munter, sur la plus ancienne religion des nations septentrionales avant l'époque d'Odin. Mémoire de la société des antiquaires de France, tome II, p. 230.

79 Ammien Marcellin, XXVI, 6.

 

Les plus grands professeurs de théologie s'accordent pour reconnaître que tous les livres anciens furent écrits symboliquement et dans un langage intelligible aux seuls initiés. L'esquisse biographique d'Appolonius de Tyane nous en fournit un exemple. Comme tout cabaliste le sait, elle embrasse l'ensemble de la philosophie hermétique et forme, à bien des points de vue, la contrepartie des traditions que nous a laissées le roi Salomon. On dirait un conte de fées. C'est ainsi que, parfois, les faits et les événements historiques sont présentés au monde sous les vives couleurs d'une fiction comme c'est aussi le cas pour Salomon. Le voyage dans l'Inde représente allégoriquement les épreuves d'un néophyte. Ses  longs entretiens avec les Brahmanes, leurs sages conseils et les dialogues avec le Corinthien Ménippe, interprétés comme il convient, reproduiraient le catéchisme ésotérique. Sa visite à l'empire des sages, son entrevue avec le roi Hiarchas, l'oracle d'Amphyaraüs, expliquent d'une manière symbolique beaucoup des dogmes secrets d'Hermès. Bien compris, ils nous ouvriraient, quelques-uns des secrets les plus importants de la nature. Epiphas Levi signale la grande ressemblance existant entre le roi Hiarchas et le fabuleux Hiram de qui Salomon obtint les cèdres du Liban et l'or d'Ophir. Nous voudrions bien savoir si les francs-maçons modernes, même "les Grands Conférenciers" et les plus intelligents artisans des loges importantes, comprennent qui était cet Hiram dont ils complotent entre eux de venger la mort ?

Si nous mettons de côté les enseignements purement métaphysiques de la Cabale, si on veut s'occuper seulement de l'occultisme [77] physique et se consacrer à la branche, dite thérapeutique, les résultats d'une telle étude pourraient être profitables à quelques-unes de nos  sciences modernes, entre autres, à la chimie et à la médecine. Le professeur Draper dit : "Parfois, non sans surprise, nous nous trouvons en présence d'idées que nous nous flattons d'avoir vu naître à notre époque". Cette remarque, faite à propos d'écrits scientifiques des Sarrasins, s'appliquerait encore mieux aux Traités plus secrets des Anciens. La médecine moderne, tout en gagnant beaucoup du côté de l'anatomie, de la physiologie, de la pathologie – et même de la thérapeutique – a immensément perdu par son étroitesse d'esprit, son rigide matérialisme et son dogmatisme sectaire. Une école, dans sa myopie obstinée, ignore absolument ce qui  est enseigné dans d'autres et toutes sont d'accord pour ne pas connaître les grandes conceptions sur l'homme ou sur la nature issues du Mesmérisme et les expériences faites sur le cerveau en Amérique, tout principe qui ne cadre pas avec le matérialisme le plus grossier. Il faudrait convoquer les médecins rivaux des diverses écoles pour réunir les notions actuellement acquises par la Science médicale. Encore, arrive-t-il trop souvent que, lorsque les meilleurs praticiens ont épuisé leur science et leurs talents sur un malade, survienne un magnétiseur ou un "médium guérisseur" qui opère la cure ! Ceux qui étudient les anciens livres de médecine, depuis, Hippocrate jusqu'à Paracelse et Van Helmont, trouveront une grande quantité  de  faits  physiologiques  et  psychologiques  parfaitement établis, des moyens curatifs et des remèdes que les médecins modernes méprisent et refusent 80.

80 A certains égards, nos philosophes modernes qui croient avoir fait de nouvelles découvertes peuvent être comparées au citoyen très adroit, très instruit et très poli qu'Hippocrate, un jour, rencontra dans Samos et dont il parle assez gaiement.

 

Même pour ce qui regarde la chirurgie, les praticiens contemporains ont dû confesser humblement en public qu'ils ne pouvaient, même de loin, rivaliser avec l'adresse merveilleuse des anciens Egyptiens dans l'art de placer des bandages. Des centaines de mètres de bandelettes enveloppant une momie des oreilles aux orteils séparés ont été examinés par les principaux chirurgiens de Paris. Avec le modèle sous les yeux, ils n'ont pu rien faire d'approchant. [78]

On peut voir dans la Collection Egyptologique d'Abbott, à New-York, des exemples nombreux de l'adresse dont les anciens faisaient preuve dans divers artisanats. Nous citerons, entre autres, l'art de la dentelle ; comme on ne peut guère s'attendre à trouver voisinant avec ces indices de la vanité féminine, ceux de la force de l'homme, nous avons là des cheveux postiches et des ornements en or de diverses espèces. La  New-York Tribune rend compte du papyrus d'Ebers et dit : "Il n'y a, certes, rien de nouveau sous le soleil… Les chapitres 65, 66, 79 et 89 montrent que les lotions pour faire pousser les cheveux, les teintures, les cosmétiques et les poudres insecticides étaient en vogue il y a 3.400 ans".

Combien peu de prétendues découvertes récentes sont réellement neuves, et combien, parmi elles, appartiennent à l'antiquité, c'est ce qu'établit avec une franche éloquence, quoique partiellement, le célèbre auteur philosophe, le professeur John W. Draper. Son livre intitulé : Conflit entre la Religion et la Science – ouvrage excellent avec un bien mauvais titre – fourmille de faits analogues. Page 13, il mentionne quelques exploits des philosophes antiques qui suscitèrent l'admiration de la Grèce. A Babylone, une série d'observations astronomiques dues aux Chaldéens remontait à dix-neuf cent trois ans ; Collisthènes les envoya à "Il m'informa, dit le Père de la Médecine, qu'il avait, tout récemment, découvert une plante jusqu'alors inconnue en Europe comme en Asie ; pas une maladie, si maligne ou si chronique fût- elle, ne pouvait résister à ses merveilleuses propriétés curatives. Désirant me montrer courtois à mon tour, je me laissai décider à l'accompagner jusqu'au lieu discret où il avait transplanté ce spécifique merveilleux. J'y vis une des plantes les plus communes en Grèce, l'ail, qui, de toutes les plantes, a le moins de prétentions aux vertus curatives". Hippocrate : De optima prœdicaudi ratione item judicii operum magni, I.

 Aristote. Ptolémée, le roi-astronome d'Egypte, avait en sa possession un ouvrage babylonien sur les éclipses, ouvrage datant de 747 ans avant notre ère. Comme le fait raisonnablement observer M. Draper, "il a fallu des observations longues et minutieuses avant qu'on ait pu vérifier quelques- uns de ces calculs astronomiques qui sont parvenus jusqu'à nous. Ainsi, les Babyloniens avaient déterminé, à vingt-cinq secondes prés, l'année tropicale et leur estimation de l'année sidérale accuse à peine deux minutes de trop. Ils avaient trouvé la précession des équinoxes ; ils connaissaient les causes des éclipses et, à l'aide de leur cycle appelé Saros, ils pouvaient les prédire. Leur estimation de la valeur de ce cycle comprenant plus de 6.585 jours ne s'éloignait de la vérité que dix-neuf minutes et demie".

"De tels faits fournissent la preuve indiscutable de la patience et de l'habileté avec lesquelles l'astronomie avait été cultivée en Mésopotamie ; malgré l'insuffisance d'instruments imparfaits, l'astronomie avait atteint une perfection non méprisable. Ces antiques observateurs avaient dressé un catalogue des étoiles, divisé le Zodiaque en douze signes, équilibré par douze heures le jour et la nuit. Suivant Aristote, depuis longtemps ils observaient attentivement l'occultation des astres par la lune. Leurs idées sur la structure du système solaire étaient correctes, ils  connaissaient l'ordre et l'emplacement des planètes. Enfin ils fabriquaient des horloges solaires, des clepsydres, des astrobales et des gnomons." [79]

Au sujet du monde d'éternelles vérités qui réside dans le monde des illusions transitoires et des non-réalités, le professeur Draper dit : "Ce monde ne sera pas découvert grâce aux vaines traditions qui nous ont transmis l'opinion des hommes vivants à l'aurore de la civilisation, ni dans les rêves des mystiques qui se croyaient inspirés. Il ne sera découvert qu'à l'aide des recherches de la géométrie et en interrogeant la nature d'une manière pratique."

Précisément. Le but ne pouvait être mieux fixé. Cet éloquent écrivain énonce une vérité profonde. Cependant, il ne nous dit pas toute la vérité parce qu'il l'ignore lui-même. Il n'a point décrit la nature et l'étendue des connaissances enseignées dans les Mystères. Aucun peuple postérieur n'était aussi versé en géométrie que les constructeurs des Pyramides et d'autres monuments titanesques, anté- ou post-diluviens. D'autre part, nul ne les a égalés dans l'art d'interroger la nature d'une manière pratique.

 Une preuve indéniable de ce fait, c'est la signification de leurs innombrables symboles. Chacun est une idée ayant pris corps, chacun combine la conception du Divin Invisible avec le terrestre et visible. L'un dérive de l'autre strictement, par analogie, selon la formule hermétique : "En haut comme en bas". Leurs symboles prouvent une connaissance profonde des sciences naturelles, une étude pratique de la puissance cosmique.

Quant aux résultats pratiques à tirer "des recherches de géométrie", fort heureusement pour les étudiants qui veulent passer à l'action, nous ne somme plus tenus à nous contenter de simples conjectures. De nos jours, un Américain, M. Georges Felt, de New-York, s'il continue comme il a commencé, pourrait être, plus tard, considéré comme le plus grand géomètre de notre siècle. A l'aide des seules prémisses posées par les anciens Egyptiens, il a réussi et obtenu des résultats que nous le laisserons lui-même exposer : "Il faut d'abord, dit M. Felt, le diagramme fondamental auquel on peut rapporter toute géométrie élémentaire, plane ou solide ; puis produire des systèmes arithmétiques de proportions d'une manière géométrique. II faut ensuite identifier cette figure avec tous les restes d'architecture et de sculpture dans lesquels cette figure a été suivie d'une manière merveilleusement exacte ; établir que les Egyptiens l'avaient adoptée pour base dans tous leurs calculs astronomiques sur lesquels leur symbolisme était presque entièrement fondé ; retrouver ses traces  au milieu des vestiges de l'art et de l'architecture des Grecs ; découvrir sa marque dans les annales sacrées des Juifs, jusqu'à prouver péremptoirement que tout leur système en dépendait ; Reconnaître que la découverte revient aux Egyptiens, après des recherches vieilles de dizaines de milliers d'années sur l'étude de la nature, [80] et que ce système peut être vraiment appelé la Science de l'Univers." En outre, il a pu "déterminer et préciser des problèmes de physiologie seulement soupçonnés jusqu'ici, développer pour la première fois une philosophie Maçonnique s'imposant, comme la première science et la première religion, tout comme elle en sera la dernière". Nous pouvons enfin ajouter que M. Felt a pu prouver par des démonstrations visibles que les sculpteurs et les architectes Egyptiens avaient pris les modèles des curieuses figures ornant les façades et les vestibules de leurs temples, non pas dans les fantaisistes élucubrations de leur cerveau mais dans "les races invisibles de l'air" et des autres règnes de la nature. Comme les Egyptiens, il prétend pouvoir rendre ces races visibles grâce aux procédés chimiques et cabalistiques qu'ils employaient.

 Schweigger prouve que les symboles de toutes les mythologies ont une base et une substance rigoureusement scientifiques 81. C'est seulement par les récentes découvertes des forces physiques électro-magnétiques de la nature que des experts en mesmérisme comme Schweigger, Ennemoser et Bart en Allemagne, le Baron du Potet et Regazzoni en France et en Italie, ont pu établir, avec une précision impeccable, la  véritable corrélation qui existe entre chaque Theomythos et l'une de ces forces. Le doigt Idœique qui a une si grande importance dans l'art magique de guérir, a la signification d'un doigt de fer qui est attiré et repoussé, tour à tour, par des forces magnétiques naturelles. Il produisait, en Samothrace, des prodiges de guérison, en restaurant dans leur condition normale  les organes affectés.

Bart va plus profondément que Schweigger dans l'interprétation des anciens mythes : il étudie la question sous ses deux aspects : spirituel et physique. Il parle longuement des Dactyles Phrygiens, ces "magiciens exorcistes des maladies", et des Théurgistes Cabires. Il dit : "Lorsque nous traitons de l'union intime des Dactyles avec les forces magnétiques, nous ne sommes pas nécessairement restreints à la pierre d'aimant et  nos aperçus sur la nature ne font que jeter un coup d'œil sur le magnétisme dans son ensemble. Il est clair, dès lors, que les initiés qui se donnaient le nom de Dactyles, plongeaient le peuple dans l'étonnement en opérant, comme ils le faisaient, de vrais miracles de guérison par leur art magique. A cela, ils joignaient d'autres connaissances que le clergé de l'antiquité avait l'habitude de cultiver : l'agriculture, la morale, les progrès des arts et des sciences, les mystères et les consécrations secrètes. Tout cela était fait par les prêtres Cabires : pourquoi n'auraient-ils pas été aidés et guidés par les esprits mystérieux de la nature 82 ? Schweigger est [81] du même  avis. Il démontre que les phénomènes de l'ancienne Théurgie étaient produits par la puissance magnétique, "sous la conduite des esprits".

81 Introduction to the Mythology through Natural History

82 Ennemoser. History of Magie, I, 3.

 

En dépit de leur apparent polythéisme, les anciens, et, dans tous les cas, ceux des classes éclairées, étaient complètement monothéistes ; et cela, des siècles et des siècles avant l'époque de Moïse. Dans le papyrus d'Ebers, ce fait est démontré positivement. Voici un texte traduit  des quatre premières lignes de la planche I : "Je vins d'Héliopolis avec les grands Etres de Het-aat, les seigneurs de Protection, les maîtres de l'éternité et du salut. Je vins de Sais avec les mères-déesses qui me protégeaient. Le Seigneur de l'Univers m'apprit comment on délivre les dieux de toutes les maladies meurtrières". Les hommes éminents étaient appelés dieux par les anciens. La déification des hommes mortels et les dieux imaginés n'est pas plus un argument contre le monothéisme que l'érection, par les chrétiens modernes, de monuments et de statues à leurs héros n'est une preuve de leur polythéisme. Les Américains de notre siècle trouveraient absurde leur postérité si, dans trois mille ans, elle les classait parmi les idolâtres pour avoir dressé des statues à leur dieu Washington. La Philosophie Hermétique était si entourée de mystère, que Volney affirme que les anciens adoraient leurs grossiers symboles matériels, comme divins eux-mêmes, tandis qu'ils étaient simplement considérés comme une représentation de principes ésotériques. Dupuis également, après avoir consacré plusieurs années à l'étude du problème, s'est mépris sur le cercle symbolique et il attribua leur religion à la seule astronomie. Eberhart et plusieurs autres écrivains allemands du dernier siècle et du nôtre traitent fort irrévérencieusement la magie et la croient issue du mythe Platonicien du Timée. (Berliner monatschrift.) Mais comment, sans la connaissance des mystères, aurait-il été possible à ces hommes ou à toute autre personne de découvrir la moitié ésotérique de ce qui se cache derrière le voile d'Isis et n'est visible qu'aux seuls adeptes ? Il leur aurait fallu le don subtil d'intuition d'un Champollion.

Nul ne conteste le mérite de Champollion comme Egyptologue. D'après lui, tout démontre que les anciens Egyptiens étaient profondément monothéistes. Il confirme dans ses moindres détails l'exactitude des ouvrages du mystérieux Hermès Trismégiste dont l'antiquité remonte dans la nuit des temps. Ennemoser dit aussi : "Hérodote, Thalès, Parménide, Empédocle, Orphée et Pythagore sont allés en Egypte et en Orient pour s'instruire dans la Philosophie Naturelle et la Théologie". Ce fut aussi là que Moïse acquit ses connaissances. Jésus y passa les premières années de sa vie. [82]

C'est là que se réunissaient les étudiants de tous les pays avant la fondation d'Alexandrie. "Comment se fait-il", ajoute Ennemoser, "que l'on connaisse si peu de chose touchant ces mystères ? Cependant, au cours de tant de siècles, à des époques différentes, tant de peuples y ont participé. La réponse est que partout les initiés ont gardé un silence strict. On peut aussi en trouver l'explication dans la destruction, la perte totale de tous  les documents concernant le savoir secret de l'antiquité la plus reculée". Les livres de Numa, décrits par Tite Live, consistaient en traités sur la philosophie naturelle. Ils ont été trouvés dans son tombeau mais leur divulgation fut interdite : on craignit qu'ils révélassent les mystères les plus sacrés de la religion d'Etat. Le Sénat et ses tribuns du peuple décidèrent que ces livres seraient brûlés et cette décision fut publiquement exécutée 83.

La magie était considérée comme une science divine qui permettait de participer aux attributs de la divinité elle-même. "Elle dévoile les opérations de la nature", dit Philon le Juif, "et conduit à la contemplation des puissances célestes" 84. Plus tard, elle dégénéra en sorcellerie par l'abus qu'on en fit et devint alors un objet d'exécréation universelle. C'est pourquoi il nous faut l'envisager telle qu'elle existait dans les temps reculés où toute vraie religion était fondée sur la connaissance des forces occultes de la nature. Ce n'est point la classe sacerdotale, dans la Perse ancienne, qui institua la magie, comme on le croit communément : mais ce furent les mages qui en tirèrent leur nom. Les Mobeds, prêtres des Parsis – les anciens Guèbres – sont qualifiés encore aujourd'hui de Magoï dans le dialecte des Pehlvis 85. La Magie apparut dans le monde avec  les premières races d'hommes. Classian fait mention d'un traité bien connu aux IV° et V° siècles, traité attribué à Cham, fils de Noé, qui, lui-même, l'aurait reçu de Jared c'est-à-dire de la quatrième génération après Seth, le fils d'Adam 86.

Moïse devait son savoir à la mère de la princesse Egyptienne Thermutis qui le sauva des eaux du Nil. La femme de Pharaon 87, Batria, était elle-même une initiée et les Juifs lui doivent la possession de leur prophète "instruit dans toute la sagesse de l'Egypte, puissant en œuvres et en paroles 88". Justin Martyr, se basant sur l'autorité de Trogue Pompée, nous présente Joseph comme ayant acquis de grandes connaissances dans les arts magiques près des grands prêtres de l'Egypte 89. [83]

 83 Hist. of Magie, vol. I, p. 9.

84 Philo Jud. De specialibus legibus.

85 Zend avesta, vol. II, p. 506.

86 Cassian. Conférence, I, 21.

87 Actes des Apôtres, VII, 22.

88 Justin, XXXVI, 2.

89 De vita e morte Mosis, p. 199.

 

Les anciens en savaient davantage sur certaines sciences que n'en ont encore découvert nos savants modernes. Si beaucoup de ces derniers répugnent à le reconnaître, plus d'un, du moins, en a fait l'aveu. "Le niveau des connaissances scientifiques existant à une époque de la société primitive était beaucoup plus élevé que les modernes ne sont disposés à l'admettre", a dit le Dr Todd Thomson, éditeur des Sciences occultes de Salverte ; "mais", ajoute-t-il, "cette science était confinée dans les temples, soigneusement cachée aux yeux du peuple et communiquée seulement au clergé". Parlant de la Cabale, l'érudit Franz Von Baader fait observer que "non seulement notre salut et notre sagesse, mais encore notre science elle- même nous viennent des Juifs". Mais pourquoi l'auteur ne complète-t-il pas la phrase en nous disant de qui les Juifs eux-mêmes tenaient leur sagesse ?

Origène, qui avait appartenu à l'Ecole Platonicienne d'Alexandrie, déclare que Moïse, outre les enseignements de l'alliance, avait communiqué, aux soixante-dix anciens, des secrets extrêmement importants "tirés des profondeurs les plus cachées de la loi". Il leur enjoignait de les transmettre à ceux-là seuls qu'ils jugeraient dignes.

Saint Jérôme parle des Juifs de Tibériade et de Lydda comme des seuls maîtres de la méthode mystique d'interprétation. Enfin, Ennemoser exprime la ferme opinion que les écrits de Denis l'Aréopagite sont visiblement fondés sur la Cabale juive. Si maintenant nous considérons que les Gnostiques ou Chrétiens primitifs étaient les disciples des vieux Esséniens, sous un nom nouveau, cela n'a rien de surprenant. Le professeur Molitor rend justice à la Cabale en disant : "Le temps des inconséquences et des légèretés est passé, en théologie comme en sciences, depuis que le rationalisme n'a rien laissé derrière lui que son  propre néant révolutionnaire après avoir détruit tout ce qui est positif ; il semble aujourd'hui qu'il soit temps d'étudier attentivement de nouveau la mystérieuse révélation qui est la source vivifiante d'où le salut nous doit venir,… les mystères de l'ancien Israël contiennent tous les secrets de l'Israël moderne et sont particulièrement calculés pour… fournir des bases à la théologie sur ses principes théosophiques les plus profonds et pour asseoir solidement toutes les sciences idéales. Ils ouvriraient une nouvelle route d'accès... au labyrinthe obscur des mythes, des mystères et éclaireraient la constitution des nations primitives. Uniquement dans ces traditions se trouve le système des écoles des prophètes : elles ne furent pas fondées, mais seulement restaurées par le prophète Samuel. Son but était d'amener les érudits à la sagesse et au haut savoir dès qu'ils auraient été jugés dignes d'accéder à des mystères plus profonds. Parmi  ces mystères figurait la magie dont la [84] nature était double : la magie divine et la magie mauvaise ou art noir. Chacune de ces branches est, à son tour, divisée en deux classes : la magie active et la magie visuelle. Dans la première, l'homme cherche à se mettre en rapport avec la nature, pour apprendre les choses cachées ; dans la seconde, il s'efforce d'acquérir la puissance sur les esprits. Dans l'une il a en vue de faire le bien et dans l'autre d'accomplir toutes sortes d'actes diaboliques et contre nature" 90.

90 Molitor. Philosophie de l'Histoire et des Traditions.

91 Conflit entre la Religion et la Science, p. 329.

 

Dans les trois plus importantes églises chrétiennes, les clergés Grec, Catholique Romain et Protestant désapprouvent tous les phénomènes manifestés par l'entremise des "médiums". Et, de fait, il y a fort peu de temps encore, les Catholiques et les Protestants brûlaient, pendaient et assassinaient de mille autres manières toutes les  impuissantes victimes dont l'organisme servait à la manifestation des esprits et, quelquefois, des forces aveugles encore inexpliquées de la nature.

En tête de ces trois Eglises, Rome est au premier plan. Ses mains sont rouges du sang innocent de victimes innombrables, sang versé au nom de cette divinité qu'elle fit à l'image de Moloch et dont elle couronna sa croyance. Elle est prête à recommencer et le désire.

Si ses pieds et ses mains sont liés aujourd'hui, c'est grâce à l'esprit de progrès et de liberté religieuse professée par le XIXème siècle, à cet esprit que, sans cesse, l'Eglise condamne et maudit. L'Eglise Gréco-Russe est la plus douce et la plus chrétienne dans sa foi primitive et simple quoique aveugle.  Il  n'y  a  jamais  eu  d'union  pratique  entre  les  Eglises  latine et grecque qui se sont séparées il y a bien des siècles, mais les Pontifes Romains ont toujours affecté de l'ignorer. Ils se sont impudemment arrogé une juridiction, non seulement sur les contrées de communion grecque, mais encore sur tous les Prostestants. "L'Eglise persiste dans sa prétention", dit le professeur Draper, "que l'Etat n'aurait aucun droit sur ce qu'elle déclare être de son domaine ; Comme le Protestantisme, d'après elle, n'est qu'une rébellion, il n'a pas le moindre droit ; que, même dans les communautés protestantes, l'évêque catholique est le seul pasteur spirituel légitime 91". Ses décrets auxquels nul ne prend garde, ses lettres encycliques que l'on dédaigne, ses invitations qu'on néglige pour les conciles œcuméniques, ses excommunications dont on se rit, rien ne semble troubler Rome dont la persistance égale l'effronterie. En 1864, le Pape Pie IX atteignit le comble de l'absurdité. Il excommunia et foudroya de son anathème l'Empereur de Russie en tant que [85] "schismatique retranché du sein de Sainte mère l'Eglise 92". L'Empereur, ni ses  ancêtres, ni la Russie depuis qu'elle fut christianisée, il y a un millier d'années, n'ont jamais consenti à se joindre aux Catholiques Romains. Pourquoi ne pas réclamer aussi la juridiction sur les Bouddhistes du Tibet et sur les ombres des anciens Hyksos ?

92 Voir Gazette du Midi et Le Monde, du 3 mai 1864.

 

Les phénomènes médiumniques se sont produits de tout temps en Russie, comme dans d'autres pays. Cette force ignore les différences religieuses, se rit des nationalités, envahit sans avoir été sollicitée toute individualité, des rois aux mendiants.

Le Vice-Dieu actuel, Pie IX, lui-même, n'a pu éviter la présence de cet hôte indésiré. Pendant le dernier demi-siècle, Sa Sainteté a été notoirement sujette à des accès fort extraordinaires. A l'intérieur du Vatican, on les appelle des visions divines ; au dehors, le médecin les nomme des attaques d'épilepsie et la rumeur populaire les attribue à l'obsession des fantômes de Peruggia, Castelfidarlo et Mentana !

"Les lumières bleuissent, voici minuit ; des gouttes froides et livides perlent sur ma chair tremblante. J'ai cru que les âmes de tous ceux dont j'ai causé la mort venaient."

 (Shakespeare, Richard III.)

 Le prince de Hohenlohe, si célèbre, pendant le premier quart de ce siècle, pour ses pouvoirs de guérisseur, était lui-même un grand médium. Vraiment, ces phénomènes et cette puissance n'appartiennent spécialement à aucun âge ni à aucun pays : Ils font partie des attributs psychologiques de l'homme, le Microcosme.

Pendant des siècles, les Klikouchy, les Yourodevoy (déments et idiots), d'autres misérables créatures ont été affligées de désordres étranges que  le clergé et la populace russe attribuaient à la possession démoniaque. Ils encombrent l'entrée des cathédrales sans oser pénétrer à l'intérieur, de peur que les démons qui s'emparent d'eux ne les jettent violemment à terre. Voroneg, Kiev, Kazan et toutes les villes qui possèdent les reliques thaumaturgiques de saints canonisés sont pleines de ces sortes de médiums inconscients. On peut toujours les voir réunis en groupes hideux, désœuvrés autour des portiques et des vestibules des églises.

A certains moments de la célébration de la messe par le clergé officiant, par exemple, à l'apparition des sacrements, au commencement de la prière et du chœur : Eyey Cherouvim, ces [86] semi-déments semi- médiums se mettent à chanter comme des coqs, à aboyer, à mugir ou à braire et finissent par tomber en d'effroyables convulsions. L'impur ne peut supporter d'entendre la prière sacrée. Telle est la pieuse explication. Mues de pitié, quelques âmes charitables administrent des cordiaux et distribuent des aumônes à ces "pauvres affligés". De temps en temps, un prêtre est invité à les exorciser et, dans ce cas, il accomplit la cérémonie soit par amour et charité, soit tenté par quelques pièces d'argent, selon sa disposition chrétienne. Mais ces infortunées créatures – qui sont des médiums car quelquefois elles prophétisent et ont des visions, lorsque l'accès est réel 93 ne sont jamais molestées en raison de leur infirmité. Pourquoi le clergé les persécuterait-il ou le peuple les haïrait-il, les dénonçant comme sorciers et magiciens odieux ? Le sens commun et l'équité indiquent que les victimes n'y peuvent rien et que c'est le démon qu'il faudrait punir, lui qui, dit-on, agit par elles. Le pire qui puisse arriver à l'infortuné, c'est que le prêtre l'inonde de son eau bénite et lui occasionne de la sorte un refroidissement. Si ce remède est inefficace, le Klikoucha est laissé à la grâce de Dieu et l'on se contente de prendre soin de lui, par amour et par charité. Si superstitieuse et aveugle qu'elle soit, la foi qui obéit à de tels principes mérite quelque respect et ne peut jamais offenser l'homme ni le vrai Dieu. Il n'en est pas de même avec les catholiques. C'est pour cela qu'ils seront, eux d'abord et le clergé protestant ensuite, pris à partie dans cet ouvrage. Nous excepterons néanmoins quelques esprits élevés appartenant à ces deux confessions. Nous voulons savoir sur quoi ils fondent leur droit de traiter comme ils le font les Hindous et les Chinois, spirites et cabalistes ; pourquoi les dénoncer en bloc avec les infidèles qu'ils ont eux-mêmes inventés, et les condamner aux  feux éternels de l'enfer ?

93 Mais ce n'est pas toujours le cas, car quelques-uns de ces mendiants en font un trafic profitable et régulier.

 

Loin de notre pensée le plus léger manque de respect, encore moins un blasphème à l'égard de la Divine Puissance qui a appelé à la vie toutes choses visibles et invisibles. Nous n'osons pas même penser à Sa  majesté et Sa perfection infinies : Il nous suffit de savoir qu'Elle existe et qu'Elle est toute Sagesse. II nous suffit de posséder en commun avec toutes les autres créatures une étincelle de Son essence. La puissance suprême, que nous révérons sans limite et sans fin, le grand "SOLEIL SPIRITUEL CENTRAL" dont les merveilleux effets nous environnent, le "Dieu"des voyants anciens et modernes. Sa nature ne peut être étudiée que dans les mondes évoqués par son FIAT Tout Puissant. Sa révélation est tracée de sa propre main dans les impérissables formes [87] de l'harmonie universelle, sur le visage majestueux du Cosmos. Tel est le seul évangile INFAILLIBLE que nous reconnaissons.

Parlant des anciens géographes, Plutarque remarque, dans Thésée, qu'ils entassent sur les bords de leurs cartes les parties du monde qu'ils ne connaissaient pas. Ils ajoutent en marge des notes pour dire qu'au-delà de ces points existent seulement des déserts de sable remplis de bêtes sauvages et de marais impénétrables. Est-ce que nos théologiens et nos savants n'agissent pas de même ? Tandis que les premiers peuplent le monde invisible d'anges et de démons, nos philosophes cherchent à persuader leurs disciples qu'il n'y a rien là où il n'existe pas de matière.

Combien de nos sceptiques les plus invétérés appartiennent, malgré leur matérialisme, à des loges maçonniques ? Les Frères Rose-Croix, praticiens mystérieux du moyen âge, existent encore, mais de nom seulement. Ils peuvent "verser des larmes sur la tombe de leur respectable Maître Hiram Abiff", mais ils chercheront en vain la véritable place "où la branche d'acacia fut placée". La lettre morte demeure seule, l'esprit a fui. Ils sont comme les chœurs anglais ou allemands de l'Opéra Italien qui descendent au quatrième acte d'Hernani, dans la crypte de Charlemagne et chantent leur conspiration dans une langue qui leur est parfaitement inconnue. De même nos modernes chevaliers de l'Arche Sainte peuvent descendre s'ils le veulent, chaque nuit, "par les neuf arches, dans les entrailles de la terre", ils "ne découvriront jamais le Delta sacré d'Enoch". "Les Seigneurs chevaliers de la vallée du Sud" et ceux de "la vallée du Nord"  peuvent essayer de s'assurer que  "l'Illumination pointe en leur esprit", et qu'à mesure qu'ils avancent dans la maçonnerie, le voile de la superstition, du despotisme, de la Tyrannie, etc., n'obscurcit plus les visions de leur esprit. Mais ce ne sont que de vains mots tant qu'ils négligent leur mère, la Magie, et qu'ils tournent le dos à son frère jumeau, le Spiritualisme. En vérité, "Seigneurs Chevaliers de l'Orient" vous pouvez "quitter vos sièges et vous asseoir sur le sol en des attitudes de douleur, vos têtes reposant dans vos mains", car vous avez d'amples raisons de déplorer votre destinée. Depuis que Philippe le Bel a chassé les Templiers, personne n'a surgi, malgré toutes prétentions contraires, pour dissiper vos doutes. En vérité, vous êtes "errants loin de Jérusalem, cherchant le trésor perdu du saint lieu". L'avez-vous trouvé ? Hélas, non ; car le lieu saint a été profané, les colonnes de sagesse, de force et de beauté sont détruites. Désormais, "vous errerez dans les ténèbres" et "vous voyagerez dans l'humilité", par les forêts et les montagnes, à la recherche du "Mot perdu". "Passez", vous ne le trouverez jamais tant que vous limiterez vos pérégrinations [88] aux sept ou même aux sept fois sept, parce que "vous marchez dans les ténèbres" et qu'il faut pour dissiper cette obscurité l'éclatant flambeau de la vérité que seuls, les légitimes descendants d'Ormazd portent. Ils peuvent seuls vous apprendre la véritable prononciation du nom révélé à Enoch, à Jacob et à Moïse. "Passez !" Jusqu'à ce que votre V. R. S. ait appris à multiplier 333 et à frapper, à sa place, 666 le nombre de la Bête de l'Apocalypse, vous ferez bien d'observer la prudence et d'agir "sub rosa".

Pour prouver que les notions des anciens, en divisant l'histoire de l'humanité par cycles, ne manquaient pas de base philosophique, nous terminerons ce chapitre par la présentation au lecteur d'une des traditions les plus anciennes de l'antiquité, relative à l'évolution de notre planète.

A la fin de chaque "grande année" que, suivant Censorinus, Aristote nommait la plus grande et qui se composait de six sars 94, notre planète est soumise à une révolution physique complète. Les climats polaires et équatoriaux changent graduellement de place. Les premiers s'avancent lentement  vers  la  ligne  équatoriale,  et  la  zone  équatoriale  (avec sa végétation exubérante et son débordement de vie animale) prend la place des déserts glacés des pôles. Ce changement de climat est nécessairement accompagné de cataclysmes, de tremblements de terre et d'autres convulsions cosmiques 95, à la suite du déplacement des océans à la fin de chaque décamillenium plus un neros environ, un déluge semi-universel a lieu comme le déluge légendaire de Noé. Les Grecs donnaient le nom d'Héliocale à cette année, mais personne, hors du sanctuaire, n'avait une idée exacte de sa durée et de ses détails. L'hiver de cette  année était nommé le cataclysme ou le déluge, l'été s'appelait l'Ecpyrosis. Les traditions populaires enseignaient, que pendant ces saisons, le monde était alternativement brûlé puis inondé. C'est, du moins ce que nous apprennent les Fragments d'astronomie de Censorinus et de Sénèque. L'incertitude [89] des commentateurs au sujet de la durée de cette année était telle qu'aucun d'eux ne s'approche de la vérité. Sauf Hérodote et Linus qui lui attribuent, le premier 10.800 ans, et l'autre 13.984 ans 96. Suivant les dires des prêtres Babyloniens, corroborés par Eupolemus 97 la "cité de Babylone fut fondée par ceux qui furent sauvés de la catastrophe du déluge : c'étaient des géants, ils érigèrent la tour dont il est parlé dans l'histoire" 98. Ces géants, grands astrologues, qui, de plus, avaient reçu de leurs ancêtres, "les fils de Dieu", une instruction complète des choses secrètes, instruisirent les prêtres à leur tour et laissèrent dans les temples tous les récits du cataclysme périodique dont ils avaient été témoins. C'est ainsi que les grands prêtres eurent connaissance des grandes années. Si nous réfléchissons, en outre, que Platon dans le Timœus parle d'un vieux prête Egyptien qui tança Solon parce qu'il ignorait qu'il y eût eu déjà plusieurs déluges, comme le grand déluge d'Ogygès, nous pouvons aisément comprendre que cette croyance en le Héliakos était doctrine admise par les prêtres initiés du monde entier.

94 Webster déclare, à tort, que les Chaldéens nommaient Saros, le cycle des éclipses, période d'environ 6.586 ans, "le temps de révolution du nœud de la lune". Bérose, astrologue Chaldéen lui- même, dans le Temple de Bélus, à Babylone, fixe la durée du Sar, ou Sarus, à 3.600 ans ; un neros durait 600 et un sossus, 60 ans. (Voyez Bérose, d'après Abydenus. Des Rois Chaldéens et du Déluge. Voyez encore Eusèbe et le manuscrit Cary. Ex. Cod. reg. Gall. gr., n° 2360, fol. 154).

 95 Avant de rejeter cette théorie, si traditionnelle soit-elle, les savants devraient expliquer  pourquoi, à la fin de chaque période tertiaire, l'hémisphère nord a subi une réduction de température telle que la zone torride s'est transformée en climat sibérien. Ne perdons pas que vue que le système Héliocentrique nous vient de la haute Inde et que tous les germes des connaissances astronomiques nous en furent apportés par Pythagore. Une hypothèse en vaut une autre tant que nous n'avons pas de preuves mathématiques absolues.

96 Censorinus. De Natal die. Seneca. Nat. quœst., III, 29.

97 Eusèbe. Prœp. Evan. De la Tour de Babel et d'Abraham.

98 Cela est en contradiction flagrante avec le récit de la Bible qui nous déclare que le déluge a été envoyé spécialement pour la destruction de ces géants. Les prêtres babyloniens n'avaient aucune raison pour inventer des mensonges.

 

Les Neros, les Vrihaspati ou les périodes nommées Yougas ou Kalpas, sont des problèmes vitaux à résoudre. Le Satyayoug et les cycles bouddhistes de la chronologie se traduisent par des chiffres qui couperaient le souffle à un mathématicien. Le Maha-Kalpa embrasse un nombre infini de périodes remontant bien loin dans les époques antédiluviennes. Leur système comprend un Kalpa ou grande période de 4.320.000.000 d'années qu'ils divisent en quatre yougas plus courts qui se suivent ainsi :

 

1. Satya-youg

1.728.000

années

2. Trêtya-youg

1.296.000

3. Dvâpa-youg

864.000

4. Kali-youg

432.000

Total

4.320.000

 

Ces quatre subdivisions sont celles d'un âge divin ou Maha-Youg ; soixante et onze Maha-Youg font 306.720.000 années, auxquelles vient s'ajouter un sandhi (ou le temps pendant lequel le jour et la nuit se confondent,  l'aube  et  le  crépuscule)  qui  équivaut  à  un  Satya-Youg ou 1.728.000. Le tout forme un manvantara de [90] 308.448.000 années 99. Quatorze manvantaras font 4.318.272.000 années, auxquelles il  faut ajouter un sandhi pour commencer le Kalpa, soit 1.728.000 années ce qui fait que le Kalpa, ou grande période, est composé de  4.320.000.000 années. Comme nous ne sommes encore maintenant que dans le Kali- Youg du vingt-huitième âge du septième manvantara de 308.448.000 années, nous avons encore une longue attente avant même d'arriver à la moitié du temps assigné à l'existence du monde.

99 Coleman, qui a établi ce calcul, laissa échapper une erreur sérieuse à son correcteur d'épreuves. La  longueur  du  Manvantara  est  donnée  comme  étant  de  368.448.000  années.  C'est, juste, 60.000.000 d'années en trop.

100 S. Davis. Essay on the Asiatic Researches et Anacalypsis de Higgins. Voir encore : Mythology of the Hindus de Coleman, Préface, p. XIII.

 

Ces chiffres ne sont pas fantaisistes, mais fondés sur des calculs astronomiques, ainsi que l'a démontré S. Davis 100. Beaucoup de savants, Higgins entre autres, malgré leurs investigations, ont été perplexes pour décider lequel de tous ceux-ci était le cycle secret. Bunsen a établi la preuve que les prêtres Egyptiens qui firent des annotations cycliques, les tenaient toujours cachées dans le plus profond mystère 101. Qui sait ? La difficulté que les savants ont rencontrée venait probablement du fait que les calculs des anciens s'appliquent également au progrès spirituel et au progrès physique de l'humanité. On comprendra sans difficulté l'étroite correspondance établie par les anciens entre les cycles de la nature et ceux de l'humanité, si nous ne perdons pas de vue leur foi dans les influences constantes et toutes puissantes des planètes sur les destins de l'humanité. Higgins pense avec raison que le cycle du système Hindou de 432.000 ans est la clé du cycle secret. Mais son insuccès à le déchiffrer est évident : comme il appartient au mystère de la création, ce cycle est le plus inviolable de tous. Il fut reproduit en chiffres symboliques seulement dans le Livre Chaldéen des Nombres dont l'original, s'il existe aujourd'hui, ne se trouve certainement pas dans les bibliothèques. Il faisait, en effet, partie d'un des plus anciens livres d'Hermès, dont la désignation ordinale n'a pas été déterminée jusqu'ici 102. [91]

101 Bunsen. Egypte, vol. I.

102 Les quarante-deux livres sacrés des Egyptiens que Clément d'Alexandrie affirma avoir existé de son temps n'étaient qu'une partie des livres d'Hermès. Jamblique sur l'autorité du prêtre Egyptien Abammon attribue 1.200 de ces livres à Hermès et 36.000 à Manetho. Mais l'affirmation de Jamblique, Théurge et Néo-Platonicien, est naturellement récusée par les critiques modernes. Manetho (que Bunsen eut en très grande estime en tant que "personnage purement historique" auquel "aucun des historiens indigènes ultérieurs ne peut être comparé")... (voir Egypte, 1, p. 97) ; devient subitement un pseudo Manetho dès que les idées émises par lui heurtent les préjugés scientifiques contre la magie et la science occulte dont se réclamaient les anciens prêtres. Toutefois, aucun archéologue ne doute un seul instant de l'antiquité presque incroyable des livres Hermétiques. Champollion a la plus grande estime pour leur authenticité et leur véracité puisqu'elles sont corroborées par beaucoup des plus anciens monuments. Bunsen donne également des preuves irréfutables de leur antiquité. Nous voyons, par exemple, grâce à ses recherches, qu'il y eut une lignée de soixante et un Rois avant l'époque de Moïse. La période Mosaïque fut précédée par une civilisation dont la trace se suit aisément au cours de plusieurs milliers d'années. Nous sommes, par conséquent, autorisés à croire que les ouvrages d'Hermès Trismégiste, existaient des siècles avant la naissance du législateur juif. "On voit des styles et des encriers représentés sur des monuments de la quatrième dynastie, la plus ancienne du monde", selon Bunsen. Si l'éminent égyptologue rejette la période 48.863 ans avant Alexandre, à laquelle Diogène Laertius ramène les récits des prêtres, il est certainement plus embarrassé des 10.000 années de leurs observations astronomiques. Il dit d'elles que, "a si ce sont vraiment des observations, elles doivent s'étendre sur une période de plus de 10.000 années" (p. 14). Il ajoute encore : "Nous apprenons, toutefois, dans un de leurs plus anciens ouvrages chronologiques…, que les traditions Egyptiennes authentiques, concernant la période mythologique, se rapportaient à des myriades d'années". (Egypte, I, p. 15).

 

En employant le calcul de la période secrète des Grands Neros et des Kalpas Hindous, quelques cabalistes, mathématiciens et archéologues qui ne savaient rien des calculs secrets, échangèrent le nombre ci-dessus mentionné de 21.000 ans en 24.000 pour la durée de la grande année, parce qu'ils supposaient que la dernière période de 6.000 années s'appliquait seulement au renouvellement de notre globe. Higgins donne cette raison : on supposait autrefois que la précession des équinoxes ne se faisait que tous les 2.000 ans, au lieu de 2.160 ans dans un signe. Ce qui donnerait pour la durée de la grande année, quatre fois 6.000, soit 24.000 ans en tout. "Par conséquent", dit-il, cela expliquerait la longueur prolongée de leurs cycles ; car, avec cette grande année, se produirait le même fait qu'avec l'année commune, jusqu'au moment où, ayant tourné autour d'un cercle immense, elle reviendrait à son point de départ". Aussi, explique-t-il le chiffre de 24.000 ans de la manière suivante : "Si l'angle que le plan de l'écliptique fait avec celui de l'équateur diminuait graduellement et régulièrement comme on supposait que c'était le cas, jusqu'à une époque toute récente, les deux plans auraient coïncidé au bout d'environ dix âges (6.000 ans). Dix âges, 6.000 ans plus tard, le soleil aurait été placé, par rapport à l'hémisphère sud, comme il l'est aujourd'hui par rapport à l'hémisphère nord. Dix âges plus tard, il serait placé comme il l'est aujourd'hui après une période de vingt-quatre à vingt-cinq mille ans, environ. Lorsque le soleil serait parvenu à l'équateur, les dix âges (ou 6.000 ans) seraient résolus et le monde détruit par le feu. Arrivé au point sud, il serait détruit par l'eau. C'est ainsi qu'il serait détruit tous les 6.000 ans ou tous les dix neros" 103.

103 Higgins. Anacalypsis.

 

Cette méthode de calculer par neros, sans tenir compte du secret dans lequel les anciens philosophes qui appartenaient tous à l'ordre sacerdotal, tenaient leur savoir, a donné lieu aux plus graves erreurs. Elle fit que les Juifs, ainsi que certains Platoniciens [92] chrétiens, affirmèrent la destruction inévitable du monde à la fin de 6.000 ans. Gale prouve à quel point cette croyance était enracinée chez les Juifs. Elle a conduit les savants modernes à rejeter entièrement les hypothèses des  anciens. De cette croyance naquirent plusieurs sectes religieuses qui, comme les Adventistes contemporains, vivent dans l'attente de la destruction prochaine du monde.

Comme notre planète tourne tous les ans une fois autour du soleil et, aussi, une fois par vingt-quatre heures sur elle-même, traversant ainsi des cycles mineurs à l'intérieur de cycles plus grands, l'œuvre des périodes cycliques mineures est accomplie et recommencée dans les limites du Grand Saros.

La révolution du monde physique, suivant la doctrine ancienne, est accompagnée d'une révolution analogue dans le monde de l'intellect ; le monde spirituel évoluant par cycles ainsi que le monde physique.

Nous constatons, par conséquent, dans l'histoire, une succession alternée de flux et de reflux pour la marée du progrès humain. Les grands empires du monde, après avoir atteint le point culminant de leur puissance, retombent en obéissant à la même loi qui les avait portés au faîte. Puis, lorsqu'ils ont atteint le point le plus bas, l'humanité se ressaisit et monte de nouveau et le sommet qu'elle touche alors, suivant la loi de progression ascendante par cycles, est un peu plus élevé que le dernier sommet atteint avant la dernière période descendante.

La division de l'histoire de l'humanité en âges d'Or, d'Argent, de Cuivre et de Fer n'est pas une fiction. Nous voyons le même phénomène dans la littérature des peuples. Un âge de grande inspiration et de production inconsciente est, invariablement, suivi d'un âge de critique et de conscience. Le premier fournit les matériaux destinés à l'intellect analytique et critique du second.

C'est ainsi que tous les grands Etres, ces géants qui dominent l'histoire de l'humanité, le Bouddha-Siddârtha et Jésus, dans le domaine spirituel ; Alexandre de Macédoine et Napoléon le Grand dans celui des conquêtes physiques, sont uniquement des images reflétées de types humains ayant existé déjà dix milliers d'années auparavant, dans le déca-millénium antérieur et qui sont reproduits par les pouvoirs mystérieux qui président à la destinée de notre monde. Aucun personnage saillant n'existe dans les annales de l'histoire profane ou sacrée dont le prototype ne puisse être retrouvé dans les traditions semi-fictives et semi-réelles des religions et des mythologies d'autrefois. Comme l'étoile qui brille à une distance incommensurable au-dessus de nos têtes se reflète dans les eaux limpides d'un lac, de même l'imagerie des hommes antédiluviens se réfléchit dans les périodes dont nous pouvons embrasser l'histoire en rétrospective. [93]

En bas, comme en haut. Ce qui a été, sera de nouveau. Sur la terre comme dans le ciel.

 Le monde est toujours ingrat envers les grands hommes. Florence a élevé une statue à Galilée mais à peine cite-t-elle Pythagore. Le premier avait un guide tout prêt. Copernic qui, dans ses traités, fut obligé de lutter contre le système universellement admis de Ptolémée. Mais ni Galilée, ni l'astronomie moderne n'ont découvert l'emplacement des corps planétaires. Des milliers d'années avant eux, toutes ces connaissances étaient enseignées par les sages de l'Asie moyenne d'où Pythagore les apporta, non comme des hypothèses mais comme une science démontrée. "Les nombres de Pythagore, dit Porphyre, étaient des symboles hiéroglyphiques au moyen desquels il expliquait toutes les idées concernant la nature de toutes choses" 104.

C'est donc en vérité à l'antiquité seule que nous devons nous adresser pour connaître l'origine de toutes choses. Combien est juste l'opinion de Hargrave Jennings quand il parle des Pyramides et combien vraies sont ses paroles quand il demande : "Est-il seulement raisonnable de conclure qu'à l'époque où les connaissances les plus étendues, où les pouvoirs humains étaient surprenants, comparés à ceux que nous possédons aujourd'hui, que tous ces effets physiques insurpassables et à peine croyables – que des ouvrages comme ceux des Egyptiens –– étaient consacrés à une erreur ? Est-il raisonnable de croire que ces myriades d'hommes des bords du Nil étaient des fous travaillant dans les ténèbres, que toute la magie de leurs grands hommes était une tromperie et, enfin, que nous, en méprisant ce que nous appelons leur superstition et leur puissance gaspillée, nous seuls soyons sages ? Non, il y a probablement bien plus dans ces vieilles religions que – dans l'audace de nos dénégations modernes, dans la confiance de notre époque vaine de sa science spirituelle, et dans la raillerie de nos jours sans foi – il y a plus, beaucoup plus qu'on ne le suppose. Nous ne comprenons pas l'antiquité. Ainsi nous voyons comment se concilient la pratique classique et les enseignements du paganisme, comment même le Gentil et le Juif, la doctrine mythologique et la doctrine chrétienne tombent d'accord dans la foi générale basée sur la Magie. Certes, la magie est possible : telle est la morale de ce livre" 105. [94]

104 De vit. Pythog.

105 The Rosicrucians, etc., par Hargrave Jennings.

 

C'est possible. II y a trente ans, lorsque les premiers coups frappés de Rochester,   éveillèrent  l'attention sur la réalité d'un monde invisible, lorsque la petite averse de coups frappés devint graduellement un torrent qui inonda tout le globe, les spirites n'eurent à lutter que contre deux puissances : la Théologie et la Science. Mais les Théosophes ont en face d'eux, outre ces deux ennemies, le monde en général et les spirites tout les premiers.

"Il y a un Dieu personnel et un Diable personnel", dit, de sa voix tonnante, le prédicateur chrétien, "Anathème à celui qui oserait dire non".

– "Il n'y a pas d'autre Dieu personnel que la matière grise enfermée dans notre cerveau", lui répond avec mépris le matérialiste. "Et il n'y a point de Diable. Que celui qui l'affirme soit considéré comme un triple idiot". Pendant ce temps, les occultistes et les vrais philosophes ne font attention ni à l'un ni à l'autre des deux combattants. Ils persévèrent dans leur œuvre. Aucun d'eux ne croit à l'absurde Dieu passionné et instable de la superstition, mais tous croient au bien et au mal. Notre raison humaine, émanation de notre mental fini, est certainement incapable de comprendre une intelligence divine, une entité infinie et éternelle. Aussi, selon la stricte logique, ce qui transcende notre intelligence, ce qui resterait absolument incompréhensible pour nos sens, ne peut pas exister pour nous. Donc cela n'existe pas. Ce raisonnement borné est d'accord avec celui de la science et dit : "Il n'y a pas de Dieu". Mais, d'un autre côté, notre Ego, ce qui vit, pense et sent indépendamment de nous, dans notre enveloppe mortelle, notre moi fait plus que croire. Il sait qu'il existe un Dieu dans la nature car le seul et invincible Artisan, vit en nous, comme nous vivons en Lui. Il n'est point de foi dogmatique ni de science exacte qui puisse déraciner ce sentiment intuitif inhérent à l'homme lorsqu'une fois il l'a pleinement perçu en lui.

La nature humaine est comme la nature universelle dans son horreur du vide. Elle éprouve une aspiration intuitive vers une Puissance Suprême. Faute d'un Dieu, le cosmos lui apparaîtrait comme un corps sans âme. Empêché de Le chercher là où seulement Sa trace pouvait être trouvée, l'homme a rempli ce vide pénible avec le Dieu personnel que ses maîtres spirituels ont façonné exprès pour lui avec des ruines éparses des mythes païens incompris et des philosophies surannées de l'antiquité. Comment expliquer autrement la croissance en champignon de nouvelles sectes dont quelques-unes dépassent le comble de l'absurde ? Le genre humain a un besoin irrépressible, inné ; il lui faut le satisfaire dans une religion quelconque qui supplanterait la théologie dogmatique, indémontrée et indémontrable de nos siècles chrétiens. Ce besoin c'est le désir ardent de preuves de l'immortalité. [95] Sir Thomas Browne l'exprime très bien : "... le plus lourd pavé que la mélancolie puisse lancer à un homme, c'est de lui déclarer qu'il est au bout de sa nature, ou que pour lui il n'est point d'état futur vers lequel il irait progressivement et qu'alors tout serait vain". Qu'une religion quelconque, capable d'offrir ces preuves de notre immortalité, sous la forme de faits scientifiques, vienne à être proposée : le système actuel se trouvera placé dans l'alternative de renforcer ses dogmes par ces faits mêmes ou de perdre tout droit au respect et à l'affection de la chrétienté. Un ministre du culte chrétien a été forcé de reconnaître qu'il n'y a point de source authentique où l'assurance d'une existence future ait pu être puisée par l'homme. Comment cette croyance se serait-elle donc maintenue pendant des siècles sans nombre si ce n'est parce que parmi toutes les nations, civilisées ou non on a accordé à l'homme cette preuve démonstrative ?

Est-ce que l'existence de cette croyance ne prouve pas, elle-même, que le penseur philosophe et le sauvage irrationnel ont, tous deux, été forcés d'admettre le témoignage de leur sens ? Si dans des cas déterminés, une illusion spectrale peut être résultée de causes physiques, d'autre part, dans des milliers de cas, il y a eu des apparitions de personnes conversant avec plusieurs individus à la fois : ensemble, ces témoins ont vu et entendu car, certainement tous n'avaient point l'esprit en désordre.

Les plus grands penseurs de la Grèce et de Rome considéraient ces apparitions comme des faits démontrés. Ils distinguaient les apparitions par les noms de manés, anima, umbra : les manès descendaient, après la mort de l'individu, dans le monde inférieur, l'anima, esprit pur, remontait au ciel ; enfin l'umbra, inquiète l'âme liée à la terre errait autour de sa tombe parce que l'attraction de la matière et l'affection pour son corps mortel l'emportaient en elle et empêchaient son essor vers les hautes régions.

"Terra legit carnem tumulum circumvolet umbra,

Orcus habet manes, spiritus astra petit".

Dit Ovide au sujet des triples constituants de l'âme.

Mais toutes ces définitions doivent être soumises à la soigneuse analyse de la philosophie. Trop de nos penseurs ne voient guère que les nombreux changements de langage, la phraséologie allégorique. Le désir évident  de  secret  chez  les  écrivains  Mystiques,  car, le secret était obligatoire en ce qui concernait les mystères du sanctuaire, a pu causer de grossières méprises aux traducteurs et aux commentateurs. [96]

Les expressions des alchimistes du moyen âge ont été traduites littéralement. Le symbolisme voilé de Platon même, est généralement mal interprété par le lettré moderne. Un jour viendra sans doute où on fera mieux. Alors, on se convaincra que la méthode de l'extrême nécessité fut pratiquée dans l'ancienne philosophie aussi bien que dans la moderne. Dès les premières époques de l'humanité, les vérités fondamentales de tout ce qu'il nous est donné de connaître sur la terre, furent  soigneusement confiées à la garde des adeptes du sanctuaire. La différence des croyances et des pratiques religieuses était purement extérieure. Ces gardiens de la révélation divine primitive qui avait résolu tous les problèmes  accessibles à l'intelligence humaine, étaient liés entre eux par une franc-maçonnerie universelle de science et de philosophie : ils formaient une chaîne ininterrompue autour du globe. C'est à la philologie et à la physiologie de trouver l'extrémité du fil. Alors, on verra que l'écheveau du mystère peut être débrouillé si l'on dégage une seule boucle des systèmes religieux antiques.

Faute d'avoir connu ces preuves ou, pour avoir refusé de les connaître, des hommes comme Hare et Wallace, avec d'autres penseurs de talent, ont été acculés dans l'impasse du spiritisme moderne. Les mêmes raisons ont réduit d'autres esprits, entièrement dépourvus d'intuition spirituelle, à se plonger dans un matérialisme grossier décoré de noms divers.

Mais nous ne voyons pas l'utilité de pousser plus loin cette étude. Selon la plupart de nos contemporains, il n'y eut qu'un jour de savoir ; à son aurore assistaient les philosophes anciens, et son midi radieux est à nous. Le témoignage de centaines de penseurs antiques et médiévaux est aussi inutile à nos expérimentateurs modernes que si le monde datait seulement de la première année de notre ère, que tout savoir était de date récente. Cependant, nous ne perdons ni espoir ni courage. Le moment est plus opportun que jamais pour passer en revue les philosophies antiques. Les archéologues, les philologues, les astronomes, les chimistes et les physiciens s'approchent de plus en plus de ce point où ils seront forcés de s'en occuper. La science physique a déjà atteint ses limites d'exploration, la théologie dogmatique voit tarir les sources de son inspiration. A moins que les signes précurseurs ne nous trompent, le jour est proche où le monde accueillera  les  preuves  que  les  religions  anciennes  seules  étaient en harmonie avec la nature et que la science antique embrassait tout ce qui peut être connu. Des secrets longtemps gardés pourraient être révélés, des livres longtemps oubliés, et des arts depuis longtemps perdus, pourraient être remis en lumière ; des papyrus et des parchemins d'une importance inestimable se retrouveront entre les mains d'hommes qui déclareront les avoir déroulés autour des momies [97] ou trouvés dans les ténèbres des cryptes : Tablettes et piliers pourraient être exhumés, interprétés et leurs révélations sculptées surprendre les théologiens et confondre les savants. Qui connaît les possibilités de l'avenir ? Une ère de désillusion et de reconstruction va commencer. Que dis-je ? Elle est commencée déjà. Le cycle a presque accompli sa course. Un cycle nouveau est sur le point de naître. Les pages futures de l'histoire mettront en pleine évidence et prouveront absolument que :

S'il faut en croire nos ancêtres, Des esprits sont descendus converser avec l'homme Et lui ont révélé les secrets du monde inconnu.